Le Vent de la Chine Numéro 20 (XX)

du 23 au 29 mai 2015

Editorial : Le « new deal » Chine-Cône Sud

Cette semaine, le tandem Xi Jinping/Li Keqiang lance les 4 politiques qui doivent forger l’héritage de cette première législature. Au sommaire de ce numéro : les réformes des consortia publics , du marché des capitaux , du tissu industriel (plan « made in china 2025 » ), et du redéploiement industriel (1ère « Route de la soie » en Amérique Latine, annoncée lors de la visite de Li Keqiang, 18-26 mai). C’est un moment clé : après deux ans de campagne anti-corruption et de frappes contre toute opposition, le pouvoir estime le terrain mûr pour ses réformes.

Au Brésil, Li Keqiang est arrivé en position de force. Après 10 ans d’achats de soja, pétrole et minerai de fer (79% des importationss), toujours plus volumineux et plus chers, la Chine passant au « nouveau normal » en 2014, a coupé le robinet, faisant chuter les cours et mettant le Brésil –et tout le Cône Sud– en difficulté : 78% des firmes exportatrices y ont vu leurs affaires reculer. Aussi quand Li arrive avec un nouveau deal en poche, offrant au Brésil du crédit et des infrastructures, il est accueilli en sauveur : pour la première fois, le Brésil commence même à accepter l’idée de compagnies chinoises participant à des chantiers d’équipement sur son sol. Avec la Présidente Dilma Rousseff, Li a signé 53 milliards de $ de crédit pour 35 projets. La part du lion revient à Petrobras, monopole notoirement corrompu et mal géré, venant de perdre 15 milliards de $. Le groupe touchera 10 milliards d’argent frais dont il a bien besoin de la CDB, de l’ICBC et de l’Eximbank. Mais rien sans rien : les conditions (secrètes) devraient être des livraisons de pétrole, voire une entrée chinoise au capital. State Grid construit la ligne à super haut-voltage Belo-Monte (futur 3ème barrage mondial, 1GW) / São Paulo, à 1,5 milliards de $ dont 51% à sa charge—il devrait aussi emporter en juin la ligne Belo Monte / Rio, à 2,5 milliards de $ .
Les deux gouvernements conviennent aussi de lancer l’étude de faisabilité pour une voie ferrée « 2 Océans » de Porto do Açu (Brésil) à Puerto Ilo (Pérou), 5300 km via l’Amazonie et les Andes, pour 10 milliards de $. Ensemble, ces deux projets de titans (ligne à haute tension et ligne transocéanique) sont dans l’esprit d’une 1ère « route de la soie » chinoise au Brésil.
D’autres contrats concernent des commandes de 30 jets E-190 d’Embraer ; le feu vert pour un export de viande (bœuf et volaille) de 500 millions de $ ; et de l’argent frais (4 à 5 milliards de $) pour le minéralier Vale.
Frappant est le nombre de nouveaux fonds d’investissement spécialisés pour l’Amérique Latine : un fonds public chinois de 30 milliards de $ pour des « JV à l’étranger » ; un fonds de 40 milliards de la CIC ; un fonds mixte, CECIC (Chine) et Serasa Experian (Brésil)…Dans son opération séduction, Li Keqiang n’a pas oublié ce détail important pour un continent auprès duquel la littérature joue un grand rôle : il a amené plusieurs écrivains, dont le prix Nobel Mo Yan. 
Après le Brésil, le 1er ministre se rend en Colombie, au Chili et Pérou, et dépose à chaque étape son lot de largesses : moins par « générosité » ou « humanisme » que comme investissement éclairé. En passant par l’étape des « chèques bruts » pour l’achat de matières premières, à celle de l’équipement et des partenariats, Pékin répond à une demande et crée une interdépendance, ce que d’autres ne peuvent pas (ou plus) faire. Ainsi, la Chine redessine la carte géostratégique d’un Cône Sud qui était jusqu’alors l’« Hinterland » des Etats-Unis. Une ère s’ouvre sur une nouvelle influence : on ne sait rien d’elle, mais elle apparaît plutôt rassurante…


Société : Linshui (Sichuan) – Sous les pavés, la gare

Les 16-17 mai, Linshui (près de 2 millions d’habitants à 70km de Chongqing) fut le théâtre d’une brève mais violente manifestation, pour un motif inhabituel. En général, ce sont les projets d’usines chimiques ou de retraitement qui sont visés. Cette fois-ci, la rue s’indigna d’être privée d’une ligne de chemins de fer. En effet, pour le tracé de la liaison Chongqing-Dazhou (Sichuan), l’administration avait choisi le tracé via Guang’an, ville-sœur plus à l’Ouest. Or Guang’an avait déjà deux voies ferrées, et Linshui aucune (ni voie fluviale, ni aéroport). Elle restait donc privée de chance de développement

Il n’en fallait pas plus, 7 jours après, pour que 30.000 citadins de Linshui se mettent à manifester avec calicots et mégaphones. Pour les habitants, la raison du favoritisme ne faisait pas de doute : Guang’ an était la ville natale de Deng Xiaoping, et les cadres votèrent pour ce tracé « politiquement correct », leur assurant les meilleures chances d’avancement.
Mais dans un Sichuan encore régi (comme la Chine de l’intérieur) par un autoritarisme étroit, la « rébellion » était inadmissible : la patience des autorités fut vite épuisée. Selon les rares témoignages, la marche aurait débuté dans le calme, sous des slogans tels « nous voulons la croissance… un chemin de fer pour Linshui »… Mais dans la nuit, la situation dérapa, des voitures de police brûlèrent, et les forces de l’ordre, lapidées de pierres, réagirent furieusement. Les manifestants dénombrent 4 morts et 100 blessés, ce que les autorités nient.
Dès le 18 mai, des centaines de policiers furent acheminés en renfort, l’histoire censurée sur internet, et ce dernier même coupé localement. Une quarantaine de protestataires furent arrêtés. Dans les heures qui suivirent, Pékin réagit en démentant que toute décision fût arrêtée— « l’enquête sur le tracé restait ouverte ». 

Selon les apparences, ce conflit proviendrait d’une série d’erreurs des autorités locales, notamment du maire de Guang’an, qui mit le feu aux poudres en annonçant la victoire de sa ville. Il se trouve qu’à même époque, suite à une bavure policière, l’Etat central déplorait (au Quotidien du Peuple du 15 mai), sa propre incapacité à dialoguer avec l’opinion. Nul doute que l’incident de Linshui relancera la réflexion interne.
Vu sous cet angle, le cas de Linshui est doublement instructif : il révèle la naissance d’une conscience de la rue, d’un « droit » au développement, que l’on ose affirmer, à mesure que les populations prennent conscience de l’inégalité devant la croissance. D’autre part, apparaît sous une lumière crue le décalage entre des pouvoirs locaux dépassés par des enjeux qu’ils ne comprennent pas, et le souci du pouvoir central, bien conscient des risques de dérapage.


Technologies & Internet : « Made in China 2025 », un plan pavé de bonnes intentions

Dévoilé le 19 mai par le ministre de l’Industrie & des Technologies de l’Information, Miao Wei, le plan « Made in China 2025 » reflète le programme décennal allemand « Industry 4.0 », qui se réfère à une « 4ème Révolution industrielle », celle de la connectique (après celles de la vapeur, de l’électricité et de l’information). Non sans courage, le plan chinois veut quitter la formule qui a fait 30 ans la fortune de son industrie, les primes à l’export de produits bas de gamme. La Chine ne veut plus se contenter d’être l’assembleur (chez Foxconn, au Guangdong) des iPhones d’une valeur à l’export de 180$, dont 7$ seulement pour l’assembleur (sa valeur « ajoutée »), revendus ensuite 500 $ pièce partout dans le monde. 

<p>La priorité ira à l’innovation, aux produits à faible empreinte-carbone, et à la qualité. 10 secteurs sont visés : spatial, robotique, véhicules à énergies nouvelles, bio ingénierie, nouveaux matériaux, bio agronomie… Si les choses vont selon le plan, les subventions iront donc dans la R&D plutôt que dans la guerre des prix entre provinces. Exemple : 182 milliards de $ seront investis sous 3 ans pour améliorer la vitesse de l’internet chinois, aujourd’hui de 4,25 megabits/sec, en moyenne, face aux 25,3 Mbps atteints par la Corée du Sud, leader mondial. Ceci, pour renforcer l’industrie des services connectés. En 2014, un fonds de 19 milliards de $ a été créé pour soutenir le microprocesseur local, pour s’éviter l’importation à prix d’or, pour une note de 210 milliards de $ l’an dernier-plus chère que celle de pétrole. Un point intéressant du plan, est que le gouvernement prétend tracer la politique, mais en laisser l’application au marché, privé ou public, en créant l’égalité d’accès aux technologies et aux crédits. 

Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, et l’Etat partir de bas : aux universités comme dans les centres publics de R&D, fleurissent mandarinat et plagiat. Le plan pourra-t-il réussir sans changer en même temps les mentalités ailleurs : sans déréguler presse, universités, justice ? À voir !


Finance : Marché des capitaux : une réforme colossale

Comment alléger la dette colossale des provinces (2900 milliards de $ en juin 2013, et peut-être le double aujourd’hui), et fournir à l’économie les moyens de sa croissance verte de l’avenir ? Tout en palliant à la fuite du capital (80 milliards de $ sortis en trois mois) et au tarissement de l’investissement étranger ? 

Par sa directive du 18 mai de réforme du marché des capitaux, le Conseil d’Etat tente de résoudre tous ces problèmes. De ce fait, le document ressemble un peu à une recette de pharmacopée chinoise, avec une pincée d’herbes différentes pour chacun de ces maux, allant du remède à court terme, au soin de longue durée :
– Pour alléger la charge de sa dette, le Jiangsu amasse (18/05) 52 milliards de ¥, sur la vente de ses obligations à bas taux (2,9% à 3,4%). Cependant le 21 avril, lors d’une première vente, les banques s’étaient refusé à acquérir ces titres car ils devaient servir, par swap, à remplacer leurs créances existantes, à 7 à 8% d’intérêt.
Cette fois-ci, elles ont obtempéré et acheté les titres car la Banque Centrale venait d’adoucir la potion amère : en proportion de leurs achats des nouveaux bons, les banques pourraient puiser chez elle, auprès de trois fonds spécialisés, du crédit neuf.
Suite à ce succès, l’autorité financière bat le fer tant qu’il est encore chaud : la Banque Centrale ordonne au Xinjiang de réitérer l’opération le 21 mai.
D’ici le 31 août, 36 régions et villes devront avoir dégraissé les intérêts d’un trillion de ¥, spoliant les banques de 35 milliards de ¥. Mais chacun y trouve son compte : moins étranglées, les provinces ont un ou deux ans pour remettre leurs budgets sur les rails. Les banques ont de l’argent frais, et l’Etat peut prétendre n’avoir pas « directement » dépanné tout ce monde à coup de planche à billets. Cet influx de cash sera complété dans les mois qui suivent par une série de coupes par la Banque Centrale dans leurs réserves obligatoires, libérant des fonds jusqu’alors gelés. Aussi Forbes ne s’y est pas trompé, donnant en tête des ténors du capital mondial, les 4 principales banques chinoises, ICBC en tête. 

– Pour regarnir sa sécurité sociale, au déficit croissant, le Shandong lui cède 30% des parts de 3 consortia locaux (électricité, aéroport et salins), valant 532 millions de $, et précise qu’il va poursuivre avec ses 471 autres firmes publiques. Ainsi les nouveaux actionnaires s’apprêtent à donner un coup de fouet aux Conseils d’administration, réclamant moins de « politiquement correct » et plus de rendement. Signe des temps : cela faisait 11 ans que la SASAC, leur tutelle, résistait à cette proposition de recapitalisation de la sécurité sociale…
– Pour relancer la réforme de la santé, l’Etat avertit ses 6800 hôpitaux urbains de se préparer à une privatisation partielle. Cette vente de parts viendra compenser une imminente coupe sombre dans leurs recettes. Ils devront réduire à 30% la part de revenus des ventes de médicaments : démarche essentielle pour démocratiser le coût des soins.
– Une autre série d’émission d’obligations se profile : 160 milliards de $, pour financer les centaines de centrales d’épuration et autres systèmes de nettoyage de l’air et de l’eau que l’Etat veut bâtir sous 5 ans. Banques et bons d’Etat assureront 70% de ces fonds, le reste provenant de PPPs (« partenariats privés-publics »). Les juristes s’ébranlent pour publier à étapes forcées des règlements garantissant propriété et rentabilité—pour créer la confiance des investisseurs.
– Dans le même souci, un « filet régulateur » doit être approuvé en 2015 au Conseil d’Etat, pour limiter les risques chez les 8922 agences de micro-crédit du pays. Aux encours de 154,7 milliards de $ et aux taux élevés (18%- 20%), ces maisons sont vulnérables au 1er « coup de noroît » s’abattant sur elles.
– Pour soutenir la croissance, la dernière tranche de chantiers publics est approuvée le 19 mai, 250 milliards de ¥ pour le métro de Chengdu et diverses liaisons ferrées entre Shandong, Mongolie et Dongbei.
– Par ses diverses mesures, la directive du 18 mai a redynamisé la bourse, y compris à l’étranger : elle annonce le couplage de la place de Shenzhen (après celle de Shanghai) avec le HKSE.
– Dernière facette de cette réforme aux 1000 tentacules, la Banque Centrale permet aux banques de gonfler l’intérêt de leurs prêts jusqu’à 50% au dessus de son propre taux, au lieu des 30% précédents. Mais en même temps, verbalement, elle les avertit de se limiter « volontairement » aux taux-planchers, sous peine de sanction.

Que signifie ce curieux double langage ? Selon les analystes, la Chine espère voir cet été le FMI classer son yuan parmi les monnaies-réserves des DTS (droits de tirage spéciaux), privilège des devises du commerce international. Pour réussir, il lui faut rendre, au moins sur le papier, son yuan le plus convertible possible, et ses taux les plus dérégulés. Mais en même temps, l’endettement intérieur le force à brider les banques, pour éviter la faillite des provinces et des consortia, à ce moment d’affaiblissement de la croissance. Le résultat est donc ce compromis créatif, qui à défaut d’être à coup sûr acceptable au FMI, confirme à la fois les intentions du régime (la dérégulation) et les difficultés du moment. Il est également le fruit de la capacité de la finance chinoise à jongler entre différents paramètres, et d’apporter une réponse inédite.


Politique : La saga de la réforme des conglomérats d’Etat (1ère partie)

Depuis janvier, aucune semaine ne passe sans rumeurs sur la réforme des groupes d’Etat. Un dossier qui écartèle le régime, entre le concept martelé par Li Keqiang depuis 2012 (partager équitablement et plus efficacement le fruit de la croissance avec le privé, les PME, les migrants), l’union sacrée des conglomérats arc-boutés dans la défense de leurs privilèges, et leur endettement extrême (70% de la dette nationale et 150% d’un PIB selon le FMI ) qu’il faut d’urgence résorber… 

En février, Pékin lançait la fusion de CNR et CSR en China Rail, mammouth mondial des chemins de fer à 26 milliards de $ d’actifs. L’opération est imminente, après la suspension des cotations en bourse des deux groupes ferroviaires (10 mai).
Entretemps se dessinent les mariages de China Power International et State Nuclear Power Technology (100 milliards de $ d’actifs), China Railway Corp et China Railway Construction Corp, Bright et Liangyou, groupes agroalimentaires. Dongfeng et FAW, les n°2 et n°3 de l’automobile chinoise sont aussi l’objet de bruits de fusion, qu’ils démentent.
Au total, la Chine compte 112 super-groupes publics, aux 277 filiales, au capital de 1600 milliards de dollars. Début mai, la NDRC (l’arbitre de l’économie nationale) annonce leur restructuration en 40 conglomérats, dont seuls 10 resteraient sous tutelle de la SASAC, leur lobby qui s’oppose de tout son poids à cette réforme. 

Bizarrement, tout en essuyant des pertes colossales (-94% à la CNPC en un an), les conglomérats d’Etat se portent comme des charmes en bourse : depuis la rumeur de leur fusion, CNR et CSR voient leurs cours exploser de +400% en trois mois, et CNPC prendre 30% dans le mois. Or, selon plusieurs experts, cette montée a deux causes inavouables :
le délit d’initié (par les cadres des firmes et les fonctionnaires préparant les fusions, qui rachètent les parts), et la libération par l’Etat, le 16 avril, de 160 milliards de $ gelés dans les banques (réserves obligatoires), crédit à 100% réinvesti en bourse. Il s’agit donc d’un stimulus sciemment voté au Comité Permanent et qui vient d’être à nouveau renforcé par une 3ème coupe des taux d’intérêt en 6 mois.
Un des objectifs de l’Etat est d’alléger le passif de ces groupes publics, dont la dette a augmenté de 30% en 12 mois. Il s’agit donc, selon la CASS, de rembourser fournisseurs et créanciers, et financer les cotisations des employés à la sécurité sociale. Par suite, les groupes fusionnés devront se séparer des usines et personnel redondants, et de passer à un type de gouvernance plus internationale, tournée vers le profit – par exemple en intéressant davantage leurs CEOs aux résultats.
Dernière étape, ces groupes mondiaux riches en cash (3400 milliards de $ de devises détenues par la Banque centrale) et en technologies (centrales nucléaires, TGV, éoliennes, avions gros porteurs), à moindre prix (par économies d’échelle en s’appuyant sur la fourniture de leur marché intérieur), ne se cachent pas de prétendre racheter la concurrence étrangère, viser la reprise, en ferroviaire, des branches « TGV » de Bombardier, voire d’Alstom et Siemens , et en nucléaire, celle d’Areva via ses partenaires chinois CGNPC et CNNC. De la sorte, Pékin vise le contrôle du marché mondial, mais aussi l’export massif de capital, permettant de rééquilibrer des flux financiers déséquilibrés vers l’Amérique du Nord et l’Europe. 

Enfin, « cerise sur le gâteau » de ce plan, ces conglomérats assainis dans le cadre du plan « made in China 2025 », formeront le socle indispensable au nouvel outil, en plein déploiement, d’exportation de capital et de technologie chinoise à travers les cinq continents, dans le cadre du plan à long terme « une ceinture, une route » (一带一路), d’équipements en axes de communication et en zones industrielles des nouvelles « routes de la soie ».
Ce grand concept pourrait plonger le monde industriel occidental dans l’inquiétude. Et pourtant, de notre point de vue, il n’y a pas de quoi, en raison de plusieurs faiblesses intrinsèques du concept :
agrandir des groupes déjà géants, n’est pas le meilleur choix pour combattre les mauvaises habitudes de vie sur les monopoles et le crédit gratuit. De même, le système n’encourage pas la concurrence, mais la détruit, et décourage l’innovation et la quête d’excellence.
– Dans ses principes fondateurs, on détecte le souci politique d’assurer l’avenir du Parti, ce qui n’a rien à voir avec l’intérêt de l’entreprise. Par exemple, la potentielle fusion FAW-Dongfeng ne ferait rien pour rentabiliser ces groupes qui tirent l’essentiel de leurs profits de leur JV avec l’étranger. Même des groupes chinois privés comme Geely ou Chery réclament la levée de l’obligation de JV, qu’ils décrivent comme une source néfaste de distorsion de concurrence, au détriment des privés, mais aussi des groupes d’Etat (qui ne ressentent jamais le besoin de se battre pour combler leur retard face à l’étranger).
– Enfin, il est improbable que les gouvernements euro-américains ou nippons acceptent de transférer leurs bijoux technologiques à la Chine.
La question ultime, est celle de la finalité de cette réforme des conglomérats.
Elle a deux buts possibles, soit affranchir les grandes entreprises publiques du contrôle de l’Etat, soit renforcer celles-ci en un n°1 mondial par secteur, avec subventions et protections à la clé. Mais dans ce dernier cas, la Chine subira une perte d’image, peu compatible avec sa prétention d’être partenaire. Son risque, dès lors, sera de voir naître une coalition économique pour sauver l’indépendance industrielle de l’Ouest, et la « contenir ». Tout prête à penser qu’entre ces deux options, le pouvoir n’a pas encore tranché. 

Eclairage spécial sur le secteur pétrolier la semaine prochaine !


Petit Peuple : Qilang (Chongqing) – La bergère mélomane (2ème partie)

Résumé de la 1ère partie : Qin Feng, 26 ans, quitte Chongqing pour la montagne, et troque son métier de pianiste pour celui de bergère. 

En 2012 à Qilang, sur les hauteurs de Yongquan, Qin Feng décidait de rentrer au berceau familial. Née en 1990 dans ce village, elle y avait passé son enfance dans des conditions spartiates. Faute de pouvoir manier la charrue, son père manchot gagnait sa vie en élevant son troupeau de chèvres.
Ce qui n’avait empêché la petite, à l’école, de manifester un goût pour les études, surtout pour la musique. La maitresse l’avait prise sous son aile, la mettant au piano et au solfège. A 16 ans, elle entrait à l’Université des Arts et des Sciences de Chongqing. Cette année-là (2006), sa mère, se mourant d’un mal trop longtemps négligé, faisait jurer à son mari de tout sacrifier pour la carrière de Qin Feng. Ainsi, se saignant aux 4 veines, le père régla les 6000¥ d’écolage par an, durant les 4 années du cursus.
Diplômée professeur en 2010, plutôt que de briguer une place en collège, Qin Feng décida de se mettre à son compte et d’enseigner le piano à une bourgeoisie anxieuse d’offrir à ses rejetons un vernis musical, preuve ultime d’appartenance au gratin social. 

Pour séduire cette clientèle, Qin dut faire des frais : 1000¥ par mois, un petit pactole pour la région, pour le loyer d’une petite salle de classe qui présentait bien.
Au bout de 3 mois toutefois, elle pouvait se rassurer : 12 élèves occupaient tout son temps, l’assurant d’un revenu décent, de quelques loisirs même, le soir ou le week-end. 

Deux ans passèrent, jusqu’au jour où en visite à Qilang, Qin Feng découvrit aux traits émaciés de son père, ce qu’il cachait depuis longtemps : le départ de sa fille, le trépas de sa femme l’avaient traumatisé, « seul face à ses peines et ses misères » (líng dīng gū kǔ, 伶仃孤苦), il s’était mis à boire. Chaque soir, il allait à l’épicerie, dont il rapportait en guise de dîner deux (parfois trois) flasques d’« erguotou », tord-boyaux national. 

Douleurs abdominales, suées et pertes de poids avaient débuté dès 2011, symptômes qu’il avait décidé d’ignorer. Et quand 30 jours plus tôt il s’était enfin décidé à aller consulter à l’hôpital, les médecins, après une série dense d’examens, n’avaient pu que lui donner « trois à six mois » à vivre, lui conseillant de mettre ses affaires en ordre avant l’issue fatale.
Suite à ces révélations, le père tendit à Qin Feng une enveloppe épaisse de billets roses, 30.000¥ – l’argent du troupeau, qu’il venait de vendre. Il venait aussi d’arranger son mariage avec Li Zhenqiao, fils d’une vieille connaissance, sous les drapeaux. L’argent servirait à leur mise en ménage.

Qin Feng ne l’entendit pas de cette oreille. Pour la noce, d’accord- à la rigueur : en ce type d’affaire patrimoniale, en Chine rurale, les enfants n’ ont rien à dire. Mais son cancer, qui allait le soigner ? Et de quoi vivrait-il à présent ? Sans perdre un instant, sans vouloir l’écouter, elle repartit par le prochain bus. Le lendemain soir, elle était de retour à Qilang avec ses économies et tout son barda : elle lâchait tout pour s’occuper de lui. Elle commença par faire annuler la vente et récupéra les biquettes, puis entoura son père d’un tel dévouement qu’il survécut le double du temps prédit par les docteurs, ne rendant son dernier souffle qu’en février 2013. 

La suite, on a pu la lire au précédent numéro : son initiation naïve et volontaire aux arcanes de l’élevage des capridés, son bras de fer vainqueur avec l’épizootie.

Pourquoi avait-elle pris cette décision si lourde—d’aucuns diraient cruelle – de ne pas revenir, après les funérailles, à sa carrière artistique qu’elle aimait le plus au monde ? A ce jour, Qin Feng a encore du mal à répondre. Bien des facteurs concourent, tels la conscience d’appartenir à un clan, le rejet des lumières de la ville, après en avoir goûté paillettes et clinquant. Mais joue surtout l’harmonie avec la nature, l’exultation de maîtriser son destin et celui des bêtes confiées entre ses mains : de tout cela, Qin tirait une vie spirituelle autrement plus riche que la précédente entre asphalte et béton… 

Et puis il y eut la surprise des voisins. D’abord condescendants envers la fille de la ville, puis jaloux de sa réussite, ils avaient fini par l’adopter. Puisque ses chèvres étaient plus belles, plus fécondes et plus en chair (résultat de sa quête quotidienne vers l’excellence), ils étaient venus l’un après l’autre, à la nuit tombée, quémander le secret de sa réussite. 

Loin de leur fermer la porte, Qin Feng a partagé avec eux son savoir-faire : elle créa une coopérative, y mettant 100.000 ¥ de ses gains. Le bureau local de l’agronomie a ajouté 30.000¥, peu de chose, mais qui implique un brevet de qualité, et a desserré les bourses, créant un effet boule de neige… 

Enfin dans ce concert de nouvelles positives, la musique vient tout naturellement prendre sa place : sur demande de parents du village de Qilang, Qin Feng vient de rouvrir une classe de piano, une heure par semaines, pour trois enfants pour l’instant—manière de dire que prospérité et beaux arts peuvent remonter jusqu’au plus petit village.


Chiffres de la semaine : 15 cigarettes, 23% des Pékinois, 140 terrains de foot, Wuhan…

23% des Pékinois (4,19 millions) fument environ 14,6 cigarettes par jour et dépensent en moyenne 160 yuans par mois pour leur tabac. 

Ces 61 millions de cigarettes journalières, mises bout à bout, représentent la distance de Pékin à Jakarta (Indonésie !) soit 5,200 kilomètres ! 

Par ailleurs, le nombre de fumeurs passifs dans la capitale est estimé à 10 millions.

Un chiffre qui diminuera peut-être après le 1er juin 2015 et l’interdiction totale de fumer à l’intérieur des lieux publics, bars, clubs, restaurants, karaokés… (Etude réalisée auprès de 8500 Pékinois par la Beijing Municipal Commission of Health and Family Planning)

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L’équivalent de 140 terrains de foot, c’est la surface qu’occupaient les nouveaux centres commerciaux à Wuhan l’an dernier, soit exactement 993 000 m2. Wuhan prend ainsi la tête du classement conduit par le groupe immobilier américain CBRE sur 171 villes à travers le monde. 

A la seconde place, on trouve Chengdu et ses 980 000m2. Plus étonnant, Pékin et sa médaille de bronze avec 927 000m2. Chongqing échoue au pied du podium avec 776 000m2, puis Moscoun°5. Six autres villes chinoises squattent le top 20 : Shenzhen, Tianjin, Hangzhou, Nankin, Canton et Shanghai (par ordre)

Au total, ces 10 villes cumulent 44% du total mondial des nouvelles surfaces commerciales avec 2.5 millions de m2.


Rendez-vous : Semaine du 25 au 31 mai 2015
Semaine du 25 au 31 mai 2015

25-27 mai, Shanghai : CES Asia – Consumer Electronics Show Asia – Salon international de l’électronique

25-28 mai, Shanghai : DIE & Mould China, DMC, Salons des technologies pour la fonderie et les moules

25-27 mai, Xiamen : Salon Asie-Pacifique de l’aquaculture

26-28 mai, Shenzhen : Motor & Magnetic Expo

27-29 mai, Chengdu : Fastener Trade Show, Salon international de la fixation

27-29 mai, Shanghai : International Modern Agricultural Fair, Agriequip, AgriChem, AgriAviation

27-30 mai, Chongqing : CWMTE, Salon des machines de production

Biofach China

28-30 mai, Shanghai : Biofach, Salon mondial des produits Bio

29-31 mai, Nankin : CMT, Salon du tourisme et des loisirs de plein air

1-3 juin, Canton : IFLE, Shoes & Leather Guanzhou, Salon des chaussures et des produits du cuir

1-4 juin, Shanghai : ILTM, Asia Luxury Travel Market, Salon asiatique des voyages de luxe 

2-5 juin, Shanghai : IBCTF, Salon international du bâtiment et de la construction

3-7 juin, Pékin – Taikoo-Li : Roland Garros in Beijing