Le Vent de la Chine Numéro 13 (XX)
Pour la 3ème fois dans son histoire, une inspection du Comité Olympique était à Pékin, du 24 au 28 mars. La 1ère était venue en 1993 pour la candidature pékinoise aux JO d’été de 2000 – à une voix, la capitale chinoise avait échoué contre Sydney. La 2nde arrivait en 1999 pour les Jeux de 2008—que la Chine allait obtenir. A présent, l’équipe du CIO dirigée par le russe A. Zhukov, passait en revue les sites de Beijing et de Zhangjiakou (Hebei), en lice pour les Jeux d’hiver de 2022. L’appel à chaque nouveaux JO suscite la convoitise de multiples villes, du fait des retombées commerciales. Mais cette fois, la récession—l’investissement imposé en milliards d’euros—a tari le torrent des candidatures à deux seules : Pékin et Almaty, l’ex-capitale du Kazakhstan.Or entre ces deux villes, la partie n’est pas égale, avec l’infrastructure déjà en place, la puissance d’organisation sans faille de Pékin, 15 fois plus grande que sa rivale d’1,5 million d’âmes. Campagne anti-corruption oblige, son maire Wang Anshun, promet des jeux frugaux, mais le plan de financement s’envole déjà en milliards de dollars pour deux lignes de métro vers les sites excentrés et un TGV vers Zhangjiakou (190km en 50 minutes) et les pistes de ski à 160 km de là (à la frontière de la Mongolie Intérieure). En ville, quatre sites (vestiges des Jeux de 2008) seront réutilisés, dont le fameux « Cube d’eau » du complexe aquatique qui accueillerait divers sports de glace. Un autre atout est le soutien d’une population fière d’accueillir le monde, exhibant sa modernité désormais indiscutée. A Pékin, seuls 9% des habitants sont contre les Jeux, et 0,1% à Zhangjiakou – la cité y voit la chance de rattraper son retard en sept ans d’investissements accélérés.
A cette candidature, une objection sérieuse est la pollution aérienne de la capitale, avec 84 PM2.5/m3 en 2014 –un air vicié qui tue chaque jour des dizaines de citadins. La mairie veut d’ici 2017 dépenser 4,7 milliards de dollars pour ramener le chiffre à 60 PM2.5/m3. Le plan prévoit la fermeture des dernières usines polluantes (deux fermetures le 20/03), la multiplication des voitures électriques et l’achèvement du chauffage au gaz.
Autre obstacle dressé sur le chemin : les droits de l’Homme, qui figurent sur la charge du CIO et que les défenseurs estiment maltraités en Chine. Ils ont de bons arguments en main, telle la détention depuis le 8 mars, journée mondiale des femmes, de 5 militantes arrêtées pour avoir voulu sensibiliser le public au harcèlement sexiste. Selon S. Richardson, présidente de l’organisation Human Rights Watch, « la société civile endure aujourd’hui un assaut extraordinaire ».
Face à cette ligne d’arguments, le CIO déclarait vouloir consacrer une partie de son inspection à la manière dont la Chine s’apprêtait à traiter la liberté de parole durant d’éventuels Jeux d’hiver pékinois en 2022. Fait notoire ici, Almaty et son Président à vie N. Nazarbayev, ne passe pas plus pour un parangon de vertus démocratiques.
Les villes rivales seront départagées le 31 juillet à Kuala Lumpur par un vote du CIO. Mais sans attendre, deux groupes immobiliers, Wanda et Vanke créent ou réhabilitent des stations de ski dans le Dongbei, pour des montants défiant toute imagination comme les 6,4 milliards de dollars pour une station au lac Songhua (Vanke).
Pékin note qu’en cas de succès à sa candidature, les sports d’hiver attireront 300 millions skieurs néophytes (contre seulement 10 millions actuellement, 1% de sa population), qu’il faudra équiper, loger, transporter. Une aubaine de flocons blancs qui fait saliver les rouges capitalistes !
En Sibérie, Yamal est un grand projet gazier, de Novatek à 60% (Russie), Total et CNPC à 20% chacun. Ses réserves (900 milliards de m3) sont premières mondiales, promettant 16,5 millions de tonnes par an. Dès 2018-2019, il permettrait de charger 15 à 20 méthaniers par mois au port de Sabetta, libre de glace 10 à 11 mois par an. Aux mois de gel, la Russie prépare un brise-glace chauffe-eau, réchauffant (au gaz) 13.500 tonnes de banquise par jour, jusqu’à 150cm d’épaisseur. Le GNL ira en Europe et en Asie, via deux ports de transbordement et deux routes vers l’Asie, une (courte) d’été, une (longue) d’hiver (cf carte).
Mais deux embuches viennent compliquer les choses, comme futile tentative de préserver la nature de cet arctique vierge. Le cours mondial des hydrocarbures s’est effondré de moitié en 12 mois, ponctionnant les finances des groupes pétroliers. L’Etat russe a affranchi Yamal de TVA, mais les partenaires peinent à rassembler les 27 milliards de $ nécessaires au chantier. La Russie est sous sanctions occidentales, suite à son annexion de la Crimée et son soutien aux séparatistes russes d’Ukraine. Sous ce « mur d’argent » inspiré par Washington, Total ne peut plus emprunter en dollars pour ce projet…
Cependant Total maintient sa stratégie russe qui lui a jusqu’alors si bien réussi. Instaurée par son ex-PDG, C. de Margerie (décédé en 2014), elle s’oppose à la « guerre froide » avec Moscou et surtout au blocus, qui profite aux Etats-Unis mais qui se fait aux dépends des pays européens.
Son PDG, P. Pouyanné, annonce (23/03) un emprunt de « 10 à 15 milliards de $ » en Chine, devant être signé sous « 2 à 3 mois ». Auprès de quelle banque, à quelles conditions ? Mystère. Mais le deal est donné comme accepté par Pékin, qui tient à ses plus de 50% de livraisons prévues de gaz de Yamal, à prix préférentiel, en position de force car premier bailleur de fonds.
Sur le gâteau, viendront pour la Chine s’ajouter deux voire trois cerises : le prêt à Total permettra de battre en brèche l’embargo occidental ; il battra le dernier record chinois sur un projet corporate occidental (12 milliards de $ à Daimler en 2013) ; et il permettra (peut-être) un libellé du prêt en yuan.
Un programme est très suivi depuis novembre autour de Shangluo (Shaanxi), une des préfectures officiellement pauvres. Dans le cadre d’un Plan d’Action d’Education Rurale (PAER), 69 cadres du planning familial suivent 229 foyers comptant un enfant de 1 à 3 ans.
Tout a commencé avec un constat des chercheurs du PAER : 33% des enfants de la préfecture étaient en retard physiologique, 21% en retard cognitif sur ceux des villes. Puis une étude de l’Université Normale du Shaanxi, soutenue par Standford (USA), lançait l’alerte fracassante : 30% des élèves du pays, en milieu rural, étaient en échec scolaire ; seuls 8% atteindraient l’université, contre 70% en ville.
Aussi, sur les 16,87 millions d’enfants nés en 2014, 3,6 millions rateraient la chance d’une ascension par les études.
La raison primordiale de ces déficiences tenait à la qualité de l’éducation des parents, surtout de celle des grands-parents (qui gardent les enfants au village, en l’absence des parents partis travailler à la ville). Les 奶奶 (nainai, grand-mères) croient qu’une fois l’enfant nourri et tenu au chaud, leur tâche s’arrête là.
A Shangluo donc, a été lancé ce mini-plan, financé par 100.000¥ de l’université du Shaanxi, de l’Académie des Sciences et de la Commission du Planning. Et comme première conséquence, l’accueil de ces cadres du planning fut instantanément bouleversé.
Traditionnellement, ces « policiers du berceau » sont très mal reçus dans les fermes, où ils viennent imposer des stérilisations, des amendes d’enfant sans permis, et jusqu’à 2013, forcer des avortements. Mais à Shangluo, l’ambiance a vite changé de tonalité, virant au cordial.
Une heure par semaine, les 69 agents enseignent aux parents la puériculture et le jeu aux enfants. Ils apportent ballons, cubes, livres d’images, et un mémento simple des devoirs à la maison pour la famille. Ils apprennent à encourager l’enfant lors des exercices, même en cas d’échec. Ils apportent 144 activités pour favoriser l’éveil, l’expression des idées et émotions, la motricité, le langage. Les progrès de l’enfant sont enregistrés – impressionnants de rapidité.
Tout ce programme tient à une vaste collaboration, à vrai dire improbable, entre agents du planning et universitaires. En 2014, l’Etat avait commencé à tolérer plus de naissances et surtout, avait aboli de facto les avortements sous la contrainte.
Dès lors se posait la question de l’avenir des « policiers des berceaux », qui sont un million à travers le pays. Dans ce cas, suggéraient les pédagogues, pourquoi ne pas leur faire changer d’image et de métier en même temps ?
Pour ce plan–pilote, l’heure du bilan approche : les tests d’évaluation commenceront en avril.
Au PAER, on sait que le succès est là, plaidant pour l’extension du plan-pilote à d’autres régions puis au pays, permettant ainsi de rattraper le retard scolaire des campagnes – bien nécessaire pour assurer une vie meilleure et la poursuite de la croissance.
Mais le problème sera le coût financier, et ce qui est plus grave, idéologique. Au lieu de financer à prix insoutenable le maintien d’un contrôle autoritaire des naissances, l’Etat devrait former une armée de puériculteurs. Les 50 millions d’enfants de un à 3 ans pourraient, disent les experts, nécessiter 8 millions d’éducateurs.
Ici, se pose la question des jardins d’enfants. En 2011, le 1er ministre Wen Jiabao promettait de créer assez de crèches pour que les 30% d’enfants de la campagne, alors déjà accueillis en de tels centres, passent à 60% d’ici 2020 –le problème ne se pose pas dans les villes, déjà équipées.
Mais le 19/03, Lu Mai, secrétaire général de la Fondation Nationale de Recherche au Développement (FNRD, proche de l’Etat) avertissait qu’au stade actuel d’engagement, le but ne serait pas atteint. D’ici 2020, il faudrait avoir ouvert 100.000 nouveaux jardins d’enfants, pour desservir 600.000 villages. Mais entre niveau central et local, les projets d’ouverture d’ici là ne dépassent pas quelques milliers.
La FNRD propose une école des tout-petits à base de volontariat, fonctionnant à 30 000¥/an, repas compris. Sur ses fonds propres début 2015, elle gérait 771 maternelles et accueillait 17.000 tout-petits. De manière remarquable, une firme nippone (le constructeur automobiles Infiniti) devient son mécène en lui remettant (19/03) un chèque de 3 millions de yuans, assez pour 200 de plus.
Un relais est donc disponible dans la société civile, capable d’ouvrir de nombreuses maternelles nécessaires, mais au-delà des moyens financiers publics. À condition qu’elles puissent compter sur le soutien de l’Etat, ce qui, pour l’instant, n’est pas le cas.
Enfin, l’affaire de Shangluo traduit l’éveil d’une politique de natalité surgelée depuis 35 ans. Le nouveau paysage n’est pas sans rappeler le slogan national en vogue, le « Nouveau Normal ». Sous ce concept, en matière de natalité, l’Etat s’apprêterait à renoncer au contrôle des naissances (sous 4 à 5 ans, dit-on) et cherche désormais à améliorer la « qualité »… de sa population de demain.
À ce jour, les investisseurs chinois n’avaient jamais tenté de prendre d’assaut une multinationale
italienne. Depuis 2010, ils avaient versé des milliards d’euros chez Fiat Chrysler, à l’ENI (pétrole), dans Terna, le réseau de distribution électrique – mais toujours en parts minoritaires. Cela vient de changer : le 22 mars à Milan, le Conseil d’administration de Pirelli approuve une reprise majoritaire par ChemChina. Après 143 ans, le n°5 mondial du pneumatique devient filiale de ce consortium sous contrôle de la SASAC. <p>Le russe Rosneft qui tenait 13% de Pirelli, recevra 900 millions d’€, et réinvestira 400 millions dans la nouvelle entité, gardant 5% des parts. ChemChina rachètera pour 7,3 milliards d’€ d’actifs, à 15,5€ l’action, apportant près de 2 milliards d’€ à M. Tronchetti Provera, principal actionnaire et CEO, ainsi qu’à Camfin, la holding du groupe. Gardant « le beurre et l’argent du beurre », le CEO et son état-major conservent la direction quotidienne du groupe, dont le siège social restera aussi sur place. Autre atout au groupe transalpin, il y renforcera son nom et son réseau de distribution, lui donnant les moyens de se mesurer à Michelin ou Continental sur les marchés d’Asie, l’avenir du marché ces 20 prochaines années.À ChemChina, ce rachat permet de sécuriser ses réserves financières, tout en les mettant à l’abri du fisc chinois. Riche en cash et avec un yuan fort, ChemChina a beau jeu d’investir dans la botte italienne, fragilisée par la récession. Pirelli lui donne accès à une technologie qui lui faisait défaut, et à une visibilité mondiale. La branche pneus camions et engins de chantier de Pirelli, qui végétait, sera refondue à Aeolus, filiale de ChemChina.
A l’inverse des dirigeants et actionnaires de Pirelli, le deal passe mal auprès des italiens, qui voient passer l’un de leurs fleurons industriels à l’étranger. Pirelli à l’avenir, n’aura plus un mot à dire sur ses choix stratégiques : ils seront faits à 9000km, par des gens sans sensibilité pour l’emploi dans la plaine du Pô…
Enfin, remarque une source chinoise, avec 20 millions de pneus vendus par an dans l’Empire du Milieu, ChinaChem n’avait nul « besoin » de cet achat. Une de ses raisons, un rien dilettante, serait de « se familiariser à l’Europe ». Autant dire qu’à l’avenir, les achats chinois d’actifs du vieux continent, ne feront que croître.
Les enquêteurs anticorruption de la CCID (Commission Centrale d’Inspection de la Discipline) visitent une à une, les entreprises d’Etat. Ils ont dévoilé des centaines de fraudes, suspendu des dizaines de CEO dans les firmes publiques et administrations. 180.000 procès d’accusés se suivent à travers le pays.
Derniers épinglés : Xu Jianyi, président de FAW (le partenaire de VW) et Liao Yongyuan, patron de la CNPC (Compagnie Nationale du Pétrole).
Après les comptes locaux des groupes, la CCID veut aussi éplucher ceux hors frontières. Surtout les actifs exportés par les 112 super-poids lourds de la SASAC (estimés à 700 milliards de $ fin 2013). De tels investissements requièrent les permis de diverses instances, mais une fois dehors, aucune ne peut vérifier leur usage réel. Or les contrôles actuels laissent déjà présager d’inquiétantes dérives. Aussi un appel d’offres est en cours pour choisir une société d’audit indépendante, enregistrée en Chine, sans liens avec ces géants.
Quoique finançant à bout de bras ses méga groupes, comme « piliers stratégiques de l’économie nationale », l’Etat s’inquiète sérieusement de leur qualité et compétitivité.
Selon l’économiste Zhu Chaoping, ces consortia, dopés au super-stimulus de 2008 (600 milliards de $ offerts sans conditions, contre la récession mondiale), ont vu leurs actifs prospérer de 90% de 2008 à 2012. Mais leur profit reste faible, 11,6% en 2013, contre les 25,7% des groupes privés.
Ainsi, d’ici fin mars, le Conseil d’État doit publier son plan Made in China 2025 (中国制造2025), de refonte de ces consortia. Inspiré du modèle national allemand, ce chantier envisage des investissements massifs vers le virtuel (internet) et la R&D. Il veut fusionner les firmes par clusters de compétences complémentaires, et y introduire un mode de gestion de type « compagnie d’investissements », visant la chasse aux gaspillages et une maximisation des profits.
Les capitaux privés sont appelés. Les grilles de salaires des cadres ne favoriseront plus l’ancienneté mais la performance. La fusion d’anciens rivaux doit permettre d’enterrer la hache de la guerre des prix. Pour boucler les budgets, il faudra oublier les aides publiques, et chercher l’argent en bourse, quitte à séduire l’actionnaire par des profits réguliers. Ainsi dynamisés, ces groupes devraient dès 2020, pouvoir reverser à l’Etat en impôts 30% de leurs profits, et non 15% (ou moins) actuellement.
Ce plan poursuit la vieille idée de Li Keqiang, de dégager des fonds pour l’ambitieux plan d’urbanisation (245 millions de migrants à intégrer), et les caisses de retraite (en déficit de 86 trillions de yuans en 2012), afin d’assurer toute une population en voie de vieillissement rapide.
En 2014, plusieurs fusions ont été ébauchées, telles celle de CNR/CSR (matériel ferroviaire) ou de China Power Investment Corporation avec State Nuclear Power Technology – ensemble, ils devraient peser 113 milliards de dollars.
Cependant, aux réactions des groupes concernés, le plan est loin de faire l’unanimité. Interrogé le 3 mars, sur les chances de succès d’une fusion avec la CNPC, Fu Chengyu, CEO de Sinopec répondait d’un laconique : « je ne sais pas ». Si l’idée d’une gestion plus dynamique en « compagnie d’investissements » peut séduire, celle de créer un conglomérat encore plus grand (700.000 à 800.000 employés), aux centaines d’usines redondantes, semble ingérable et être une pure fuite en avant des fonctionnaires du ministère.
Autres faiblesses problématiques du plan :
1. Certaines options majeures de Li Keqiang en 2012 semblent remisées aux calendes grecques, telle la privatisation d’actifs et « moins d’Etat ». Aujourd’hui, la fusion massive et les contrôles stratégiques annoncés, vont dans le sens opposé.
2. Les actions en bourse des groupes ont doublé à l’annonce de la fusion, sous l’effet de la spéculation voire du délit d’initiés.
3. La chasse aux gaspillages va tuer les avantages du personnel (électricité ou logement gratuits) – d’où des protestations à attendre.
4. Au Xinjiang, une vente d’actifs de la CNPC n’octroie au privé que 49% du total des parts : pour les particuliers, miser dans ces conditions reste sans garantie. C’est quand même l’Etat qui mène la danse.
5. Enfin le réflexe de dépanner les groupes (publics ou privés) « too big to fail », reste viscéral : Evergrande, groupe foncier en difficulté, vient d’ obtenir de plusieurs banques un « dépannage » de 16 milliards de $.
Pourtant, le succès de ce plan reste absolument nécessaire : pour refinancer les programmes sociaux de l’Etat, mais aussi pour le sursaut à l’export programmé par Pékin depuis 10 ans, maintenant supposé commencer à monter en vapeur. Ce sont ces consortia de l’énergie, des mines et métaux, des télécoms, de l’électronique ou du BTP qui, d’ici quelques mois doivent supporter les diverses « routes de la soie », équiper le tiers-monde et supplanter les groupes mondiaux ténors de ces spécialités.
Il y a donc là un hiatus, entre ambitions affichées et moyens pour l’instant déployés. Mais l’observateur ne doit pas trop s’inquiéter : d’une part, il faut attendre la publication du plan proprement dit—et d’autre part, ce « made in China 2025 » n’est qu’une phase des trois attendues d’ici 2045. et est la seule a être présentée. Pour la suite, il y a encore de la marge.
En 1985, Wu Taizhang, Secrétaire du Parti à Jianyang (Sichuan) avait orienté sur une fausse piste Zhang Mingfa, en quête de son fils. Sous prétexte d’infraction à la règle d’un enfant parcouple, Wu avait fait confisquer le bébé à 6 mois, et l’avait fait placer dans une famille sans enfant. Zhang se présentait régulièrement à la mairie pour qu’on lui avoue la cachette de son fils. Pour s’en débarrasser, Wu avait fini par lâcher qu’il se trouvait dans le bourg de Jinyu, quoique en réalité, l’enfant se trouvât à Jia, 40 km plus loin.
Pour ce gros mensonge, le Secrétaire avait ses raisons, liées aux mœurs de l’époque. Parmi ces nourrissons arrachés à leurs parents – à Jianyang, comme partout à travers le pays – tous ne partaient pas à des familles d’accueil, comme prétendaient les cadres. En grand secret, la plupart étaient vendus (de 450 à 1250$) aux orphelinats, qui les écoulaient en adoption vers l’Europe et l’Amérique, à prix jusqu’à 60 fois plus cher. Voilà pourquoi, avec tous ses complices, Wu avait fort intérêt à « shēn cáng ruò xū » (深藏若虚), « cacher son trésor, que nul ne le soupçonne » – sur son petit trafic, mieux valait ne laisser aucune trace…
Mais face au destin, qui est têtu, les machinations des hommes s’avèrent bien futiles, même les plus diaboliques. Nul ne pouvait prévoir que l’affaire exploserait, de la volonté du fils volé, ou plutôt de l’indiscrétion de sa mère adoptive.
Etait-elle une bavarde congénitale, ou avait-elle besoin d’alléger sa conscience ? Toujours est-il qu’en 1989, alors que Yuanying (c’était le nom du petit) fêtait ses 4 ans, elle lui avait dévoilé les circonstances cruelles dans lesquelles il avait été arraché à ses parents biologiques, par le planning familial de Jianyang.
Dès lors, le secret ne cessa de hanter le bambin. A l’âge où ses copains étaient chevaliers ou bandits d’honneur, Yuanying rêvait de retrouver ses vrais parents. Ado, il en fit le but de sa vie. Il étudia, devint représentant d’une société provinciale qui l’envoyait en mission par tout le pays. Mais jamais il n’oublia cette mission suprême et obsessive, retrouver ceux à qui il devait la vie.
Sa première démarche, il la fit en mars 2014, faisant poser des centaines d’affichettes à travers Jianyang.
Bizarrement, dans sa tâche, il avait le soutien logistique des auteurs (indirects) de son kidnapping, 31 ans plus tôt : celui du bureau du planning. Vaguement honteux, les cadres s’étaient laissés convaincre de faire un geste. Leur générosité était facilitée par la marche du temps : le vrai coupable étant depuis belle lurette parti rejoindre ses ancêtres, il y avait prescription, c’était une autre époque.
Peu après l’émission des flyers, une famille s’était présentée enthousiaste, prétendant lui sauter dans les bras. « Mais non, Madame, avait objecté l’homme du planning, professionnel jusqu’au bout. D’abord la preuve par l’ADN, les retrouvailles ensuite ! »
À l’hôpital de Chengdu, père et fils putatifs avaient fait un test sanguin –c’était Yuanying qui avait allongé les 7000 yuans de la note. Mais quand étaient tombés les résultats, sous 21 jours, ils déchantèrent : ni ADN commun, ni père, ni fils. Et quand la pauvre femme insista pour refaire le test, cette fois avec son sang et ses sous à elle, Yuanying n’avait pas eu le cœur à lui refuser ce second essai, quoiqu’il le sût inutile. Trois semaines plus tard, ils se séparèrent, les yeux humides…
Au moins, se dit Yuanying, le bilan était bon, presque encourageant. L’action venait de prouver que même 31 ans après, les gens restaient mobilisés, n’ayant rien oublié. Et même au planning, on jouait franc jeu, au lieu de tenter de continuer à maquiller les traces de sa faute.
Aussi trois mois plus tard, le jeune homme revint à la charge, passant tous les jours durant une semaine sur un plateau de la TV locale pour faire appel à témoignages. Une fois de plus, il fit chou blanc.
Puis en novembre, il repartit pour un autre round d’affiches (cf photo). 50.000 au total furent distribuées dans les commerces du district. Enfin, après 5 jours, ce fut « banco ». Le 28/11, un flyer en main, un voisin vint voir Zhang Mingfa et Zou, les vieux-vrais parents : « ce ne serait pas votre fils, c’taffaire là ? »
Comme on se doute, les retrouvailles ne furent pas immédiates, Yuanying s’interdisant tout espoir inopiné. Sa démarche cette fois, avait dégelé des glaciers de témoignages, de faux espoirs émis par des centaines de parents qui trois décennies en arrière, s’étaient eux aussi fait voler leur enfant par l’Etat.
La plupart de ces pauvres gens, au premier appel en mars, n’avaient pas osé réagir. Mais à présent n’y tenant plus, ils sentaient l’appel leur vriller le cœur : « pourquoi pas moi ? », se disaient-ils. Voilà comment et pourquoi chaque jour, une semaine durant, le portable de Yuanying sonna 50 fois.
Avec trois couples espérant qu’il soit leur garçon sauvé des eaux, Yuanying se rendit à l’hôpital pour une série de tests ADN.
Après les trois semaines fatidiques, le 16/12, les résultats tombèrent pile pour le couple de Zhang et de Zou, dont il était bien « la chair de leur chair » . Après trois décennies, les membres de cette famille vibraient enfin à l’unisson. Le fils et les parents voyaient leur destin accompli.
30 mars – 2 avril, Shanghai : Salon du thé, du café et du cacao
30 mars – 2 avril, Shanghai : Expo light, Salon de l’éclairage
30 mars – 2 avril, Shanghai : Hotel Furniture China, Hotelex + Design & Deco, Salons internationaux des équipements, fournitures et services pour l’hôtellerie
30 mars – 2 avril, Shenzhen : SICT, SICW, SIDS, SIMM, Salons international pour les machines de fabrication industrielle
31 mars – 2 avril, Pékin : INTERTRAFFIC China, Salon international des routes et des transports
31 mars – 3 avril, Shanghai : M+M, Metal + Metallurgy China, Salons de l’industrie métallurgique
1er – 3 avril, Pékin : Clean Energy Expo Salon et Conférence sur les énergies renouvelables
1er – 3 avril, Pékin : INTERSOLAR Asia, Salon international des énergies solaires
5-8 avril, Canton : Prolight + Sound Guangzhou, Salon des technologies professionnelles du son et de la lumière
8 – 10 avril, Shanghai : METRO China Expo, Salon et Conférence sur le rail urbain et régional