Le Vent de la Chine Numéro 12 (XX)

du 22 au 28 mars 2015

Editorial : La diplomatie chinoise, tous azimuts

A travers l’Asie, la diplomatie chinoise ne s’endort jamais. Cette semaine, un regard sur quatre pays et quatre débats, parfois tendus ! 
Japon et Corée du Sud : A Séoul (21-23 mars), les ministres des Affaires étrangères des trois pays se retrouvaient en « trilatérale ». L’importance de ce meeting tenait à sa rareté : depuis 2011, les diplomates de ces plus influents pays d’Asie ne se voyaient plus, à trois. La Chine était la plus demandeuse, notamment pour discuter des différents projets de zones de libre échange, entre eux, avec l’ ASEAN, avec les pays riverains de l’Océan Pacifique… Un sujet urgent était l’ AIIB (cf p3), le projet dernier né chinois, de banque régionale d’investissement. Au nom du « bon voisinage commercial », la Corée du Sud était quasi-prête à y adhérer– se désolidarisant ainsi des Etats-Unis qui demandaient de boycotter. Restait pour Pékin à convaincre Tokyo – moyennant quelques gestes de confiance, tel par exemple une invitation du Japon à sa fête le 3 septembre, de commémoration de la Seconde guerre mondiale. Mais l’affaire est compliquée : le Japon est l’héritier du régime fasciste du Mikado d’avant-guerre, qui a lancé et perdu la guerre à travers l’Asie, jamais oubliée en Chine (ni en Corée). Pourtant cette parade, bien préparée, pourrait être une occasion de réconciliation…Dès le 19/03, des ministres chinois et japonais s’étaient rencontrés pour convenir ensemble de mesures préventives de conflits autour de l’archipel Diaoyu/Senkaku. Après plus d’un an de silence, le dialogue était rouvert ! 

Birmanie : le 13 mars, une bombe larguée par un bombardier birman tua 5 civils chinois au Yunnan.
Suite à cela, la Chine réagit par plusieurs protestations (Général Fan Changlong, vice-ministre des Affaires étrangères Liu Zhenmin), et dépêcha sur place ses patrouilles aériennes.
Mais Pékin chercha surtout à étouffer l’affaire. La bombe birmane, évidente erreur de pilotage, explosait au milieu d’une guerre civile où la junte birmane reprend le contrôle de son territoire, face à une minorité Kokang-chinoise, longtemps armée par l’APL, par solidarité ethnique.
Or, parmi les 14 généraux de l’APL actuellement accusés de corruption, l’un d’eux l’est, pour avoir armé les Kokang en 2009. 1er pays investisseur étranger en Birmanie, la Chine fait face à une désaffection face à la population et à la classe politique. Aussi, face à cet incident, elle doit « marcher sur des œufs ».

Sri Lanka : en février, le nouveau gouvernement de l’île a gelé les chantiers chinois du port et de l’aéroport de Colombo, visant des investissements lourds (1,4 milliard de $).
Ces derniers jours, un débat surgit au sein de l’opinion sri-lankaise autour d’une question sans doute absurde, mais dangereuse : après les travaux, du fait de la prise de participation de l’investisseur chinois, l’espace aérien demeurera-t-il sous contrôle national ? Le nouveau leader M. Sirisena promet de vérifier ce point.
A ce qui semble, par cette objection, le nouveau pouvoir pourrait bien tenter d’annuler la session temporaire ou définitive à la Chine, de 108ha de terrain de la capitale, à regagner sur la mer. D’autre part, la marine chinoise paie sans doute le fait d’avoir fait mouiller deux sous-marins en 2014 à Colombo, suscitant une tension inutile en Inde voisine, et la méfiance au sein du nouveau gouvernement…


Energie : La barre au soleil, toute

Comme excitées par le printemps, ces semaines voient la Chine s’éveiller à l’énergie solaire. En témoignent le film écologique « Sous le dôme » de Chai Jing (vu 200 millions de fois sur internet avant d’être censuré), et la visite en Chine, de l’avion suisse à 17.000 cellules solaires Solar Impulse 2, attendu à Chongqing, au plus tôt le 24/03, puis le 25/03 à Nankin. 

Une autre nouvelle confirme le sérieux de l’Etat dans son pari de terrasser l’hydre de la pollution.
Le 17/03, l’Agence Nationale de l’Energie (ANE) révise son objectif d’installations de panneaux solaires.
À travers le pays, elle veut voir installer 200.000 panneaux solaires par jour (cf photo) et 17,8GW dans l’année. C’est 19% de plus que le but cité en janvier (15GW), et 2,5 fois le score des Etats-Unis en 2014. Aussi un tel pari (37% de plus que le pronostic de Deutsche Bank qui s’attendait à 13GW) interpelle les experts : comment le réussir, quand l’an passé, l’objectif a été raté – les provinces n’ont installé que 12GW de capacité, 2GW de moins que fixé ? 

C’est qu’entretemps, le coût du pétrole a chuté, permettant aux énergies renouvelables de prendre de l’avance, sous l’angle des investissements.
C’est aussi que l’ANE a affiné sa politique. L’agence laisse désormais aux provinces le choix entre les installations « sur les toits » et les fermes solaires.
En revanche, elle leur fixe un agenda serré : d’ici fin avril, elles devront déjà avoir sélectionné leurs développeurs, en privilégiant ceux assurant les meilleurs rendements. Les provinces ayant réalisé les meilleurs résultats « pourront espérer » de plus gros quotas l’année suivante. 

L’objectif visé ici, est d’obtenir 10% de baisse du prix de l’électricité solaire sur le réseau d’ici 2016. Par contre, les provinces n’ayant pas réussi à installer 50% de leur quota avant fin octobre, verront ce volume réduit l’année suivante – car elles devront d’abord achever en début d’année 2016 leur tâche de 2015… Sur ces bases, l’ANE escompte des investissements solaires de 3,4 milliards de $ en 2015.

NB : cet hiver, les Pékinois ont noté une meilleure transparence du ciel. Ce que confirme la baisse officielle de l’usage de charbon-vapeur (-1,6%), quoique le PIB lui, ait crû de 7,4%.
Ceci semble prouver dès maintenant la possibilité d’une croissance décarbonisée du PIB. Pour le sommet mondial COP 21 de Paris fin novembre, qui vise une baisse concertée des émissions de CO2, la tendance est de bon augure.


Banque : AIIB – une nouvelle banque est née

Après 10 ans d’efforts, la Chine entre par la grande porte au club des nations banquières. 

En projet depuis 2014, sa Banque Asiatique d’Investissements en Infrastructures (AIIB) vient de franchir le cap des 30 nations signataires, suite à la candidature de la Grande-Bretagne (12/03), suivie de celles de la France, de l’Allemagne et de l’Italie, voire du Luxembourg

Tout a débuté en août 2014 quand Pékin lança le projet, conjointement avec New-Delhi, au capital de 50 milliards de dollars.
Destiné à l’équipement de l’Asie, l’organe avait a priori vocation similaire au Fonds Monétaire International (737 milliards de dollars), à l’Asian Development Bank (163 milliards$) et à la Banque Mondiale (352 milliards$), toutes pesant donc bien plus lourd. Les bonnes fées au dessus du berceau de l’AIIB promettaient qu’elle « apprendrait des bonnes pratiques » de ses consœurs, mais qu’elle allait s’efforcer de « suivre un autre chemin, pour réduire les coûts et renforcer l’efficacité ». 

En novembre, 21 nations asiatiques, toutes bénéficiaires potentielles, se présentaient comme cofondatrices. L’obstacle toutefois allait être le même que celui qui avait inspiré à la Chine l’initiative de l’AIIB : les Etats-Unis qui, depuis des années, bloquaient la réforme – pourtant modeste et raisonnable – du FMI. Cette réforme convenue par les nations dès 2010, aurait donné quelques voix de plus aux 5 pays « BRICS » dont la Chine, et aurait doublé le capital de l’organisation de Christine Lagarde. 

Mais le Congrès américain s’y refusait, tant par intérêts matériels (le FMI d’obédience européenne aurait grappillé des parts de marché à l’américaine Banque Mondiale) que par sensibilité politique : la Chine n’a pas bonne presse à Washington. Aussi Pékin avait lancé son AIIB, par exaspération après ces années de sur-place. 

C’est sans doute pour cette raison que la Maison Blanche, sûre de ne pas obtenir le feu vert du Congrès pour adhérer à l’AIIB, avait recommandé à ses alliés de la bouder, alléguant le risque de mauvaise gestion.
Sur ces nations disséminées entre les cinq continents, la discipline américaine a tenu six mois, jusqu’au moment où le ministre britannique des Finances, G. Osborne, annonça le ralliement de son pays.
Pourquoi ce retournement ? Parce que le cabinet de David Cameron avait besoin de préserver le statut de Londres de premier centre financier offshore en yuans, sur l’Europe et les USA. 

Mais cette décision britannique avait deux lourdes conséquences : 

– c’était la première fois qu’un coin était enfoncé entre la Grande Bretagne et les Etats-Unis en matière de solidarité financière, et le marteleur était la Chine.

– et le ralliement britannique allait provoquer, par effet de dominos, celui d’un bon nombre d’Etats décisifs. Aucune des autres places financières d’Europe, France, Allemagne et Italie voire le Grand Duché du Luxembourg ne pouvaient laisser Londres quitter seule la solidarité Atlantique. De ce fait, le capital de l’AIIB devrait bientôt doubler à 100 milliards de dollars. 

Presque simultanément, la Suisse préparait sa demande, suivie par Australie et Corée du Sud qui se ravisaient du « non » qu’elles avaient déjà annoncé. Pour la Chine, c’était un triomphe (qu’elle sut garder modeste), tandis que le grand perdant étaient les Etats-Unis -plus exactement le Congrès, subissant une perte d’image. 

La nouvelle banque devrait être opérationnelle et son premier prêt intervenir avant décembre. 

La question sur toutes les lèvres, est de savoir si l’AIIB sera rivale ou complémentaire de l’ADB ou de la Banque Mondiale. 

Selon R. Kahn, du Council on Foreign Relations (USA), dans un premier temps au moins, elle devrait coopérer avec ses consœurs, et multiplier les cofinancements. Ceci, pour limiter le risque des mauvais projets et de gaspillage de ressources, préjudiciable durant les années initiales où se forge l’image de la banque. Il faudra partir de rien, créer des équipes de terrain, et inventer une forte gouvernance permettant à la banque de résister aux lobbies, tant chez les bailleurs de fonds que chez les pays bénéficiaires. 

Parallèlement à l’AIIB, on trouve d’autres instituts financiers internationaux créés par la Chine, telle la banque des « BRICS » et le Fonds des « Routes de la soie » doté de 40 milliards de $. Une de ses finalités consistera à financer l’exportation de produits de base chinois en surcapacité (acier, électronique, matériaux de construction) pour construire ces routes, lignes ferrées ou barrages visés. 

Manquent encore les règles de gouvernance, les accords de protection des investissements, voire la libre convertibilité du yuan. Mais comme on le constate en ces colonnes semaine après semaine, toutes ces choses se mettent en place, à une vitesse finalement plutôt hallucinante.


Monde de l'entreprise : Nescafé en panne
Nescafé en panne

Après près de 30 ans en Chine, le bon vieux Nescafé prend des rides. A Dongguan (Canton) depuis janvier, Nestlé détruit son café instantané, pour des dizaines de millions de ¥, faute de marché. Ses filiales, comme Yinlu (aliments et boissons, en canettes ou en bouteilles) ou Hsu Fu Chi (bonbons), voient aussi leurs ventes se tasser.
Paul Bulcke, le PDG de Nestlé, l’admet sans fard mi-février : « nous avons perdu le contact (avec le client chinois), nous travaillons à des plans pour rétablir la connexion »… Pourquoi ce recul ? 

Des experts en marketing tels Xia Chuqing ou Jiang Jun évoquent plusieurs raisons : un changement rapide des goûts, modes et perceptions de l’alimentation dans la société. Ils plaident pour une révision du packaging, des arômes, de la texture et du concept, et pour l’innovation dans la chaîne de production, afin de mieux répondre aux attentes d’un consommateur plus averti qu’hier, et moins fidèle aux marques. 

Le scandale du lait à la mélamine en 2008 a été un électrochoc pour la Chine entière, éveillant une exigence pour des produits plus naturels, plus diététiques, moins sucrés.
La hausse des revenus joue aussi son rôle en renforçant les exigences de qualité. La campagne anticorruption a également impacté les ventes des bonbons Hsu Fu Chi (qui s’offraient en cadeaux). Enfin, la concurrence s’est multipliée, diversifiée, avec plus de produits importés notamment.
En rachetant des firmes telle Yinlu en 2011, Nestlé semble avoir fait le choix de vouloir réviser le moins possible des produits locaux bien adaptés à leur marché, par crainte de les influencer négativement. Mais ce faisant, il s’est privé de la chance de prévenir leur obsolescence.
Résultat, les ventes Nestlé, entre Asie, Océanie et Afrique, n’ont augmenté en 2014 que de 2,6% en 2014, et le profit, tout en atteignant 18,7%, a baissé de 20 points de base. 

Cela dit, la riposte est en route. Dès 2012, prenant note du changement d’image du café (devenant un « moment social »), Nescafé modifiait sa formule.
Aujourd’hui, le groupe révise sa stratégie digitale et invite la star Angelababy à devenir l’égérie de son café instantané (cf photo). Chez Yinlu, on retoque une boisson aux arachides, en retirant des additifs et renforçant les arômes naturels.
En fin de compte, ce qui arrive aujourd’hui à Nestlé, ressemble beaucoup à ce qui arrive à la Chine entière : après la croissance effrénée et le volume, on passe à la phase de consolidation, avec qualité revisitée, et écoute réactualisée de la demande du consommateur.


Politique : La « nouvelle Bande des Quatre »

BozhoulingUne surprise lors du 12ème Plenum de l’Assemblée Nationale Populaire, ce mois de mars, aura été la diffusion du concept de la « nouvelle Bande des Quatre » (新四人帮), présentée comme la dernière menace contre la stabilité du Parti et des « Quatre priorités fondamentales» (四个 全面) du Président Xi Jinping, résumant la stratégie supposée la défaire. 

<p>La presse avait en fait évoqué dès décembre 2014 cette « nouvelle Bande des Quatre » lors de l’inculpation le 24 décembre de Ling Jihua, premier lieutenant de Hu Jintao. C’était, pour Ling (qui rejoint ainsi Bo Xilai, Zhou Yongkang et Xu Caihou), l’avant-dernière étape d’une descente en enfer, dont la dernière sera un procès, inévitablement suivi d’une lourde peine de prison. 

Démantelée en le 6 octobre 1976, l’historique Bande des Quatre, constituée de Jiang Qing et de trois cadres gauchistes, suivait un programme de fidélité à Mao et de résistance à toute réforme, telle que proposée par Deng Xiaoping.

Or en 2015, le concept de « nouvelle Bande des Quatre » se réfère lui aussi à un programme. 

En effet, en 2011, Xi Jinping, futur Président, Li Keqiang, futur Premier ministre, préparent un programme de réformes sociétales de grande envergure, basé sur une « répartition plus équitable de la ressource publique ». A cette perspective, l’opposition monte, de la part de ceux qui paieront et perdront leurs privilèges. C’est à ce moment que Bo Xilai, populaire Secrétaire du Parti à Chongqing, lance dans sa ville un contre-programme ambitieux et « rouge » « en éprouvette ». Admiré par la société, et prenant à contrepied ses adversaires politiques, Bo l’appliquerait à la Chine entière, s’il devenait maître du pays.

La collusion entre ces « Quatre » s’apparente à une tentation de remplacer à la tête de l’Etat Xi Jinping par Bo. Ce qui est insolite dans ce concept de « nouvelle Bande des Quatre » est qu’elle inclut des politiciens de bords opposés : Ling Jihua (Ligue de la Jeunesse), avec Zhou Yongkang, Bo Xilai (Club de Shanghai) et Xu Caihou (lobby militaire). 

L’élément remarquable de cette nouvelle, lors du Plenum de mars 2015, est l’évocation indirecte d’une faute politique non précisée mais dont les protagonistes eux, sont mis en lien et en accusation.
Le 18 mars, une note au rapport annuel de la Cour Suprême, notifie officieusement l’existence de cette collusion, accusant Bo et Zhou, d’avoir « sapé la solidarité du Parti » et de s’être livré à des « activités politiques non approuvées ». On a donc, pour Zhou Yongkang, une base légale pour un procès politique et non de simple corruption.

Encore très discrète, l’évocation de cette « nouvelle Bande des Quatre » peut intervenir, dès lors que ses acteurs sont tous hors d’état de nuire : condamné (Bo Xilai), sous investigation (Zhou Yongkang, Ling Jihua), ou décédé (Xu Caihou, mort d’un cancer de la prostate, annoncée le 16 mars).

La tentative de subversion n’a pas été loin. Si l’Etat légal a pu parer le coup assez rapidement, c’est d’abord dû à l’excellence des services de renseignements, très tôt alertés. C’est aussi dû, fondamentalement, au fait que tous ces hommes sont du même sérail et que donc, la notion de clan auquel on devrait jurer fidélité, est assez floue : la survie du PCC et celle de la famille priment sur tout.

L’aventure gauchiste a fait long feu mais elle n’a pas tout perdu : certains aspects de gouvernance de Bo Xilai, en raison de leur popularité, ont été repris par Xi Jinping, à commencer par le culte de la personnalité et l’inflexibilité dans la lutte contre la corruption. On pense ici à la loi en préparation contre les ONG, destinée à ralentir ou décourager la création d’une société civile.

La dureté de la gouvernance de Xi, démobilise et décourage ses partisans. D. Shambaugh, professeur en sciences politiques chinoises (George Washington University), note que cette vague de durcissement néo-maoïste aurait en réalité débuté en 2009. L’histoire même du socialisme chinois se composant d’alternance entre ces phases de repli identitaire dur (dite 守« shou »), et de phases ouvertes et d’expériences de gouvernance inclusive (放« fang »).

Pourquoi ce tournant, après une décennie d’ouverture ? Un nombre de raisons complémentaires se présentent. Parmi celles-ci, le passage de la corruption à un rythme exponentiel intenable ; les émeutes sanglantes de Lhassa et d’Urumqi en 2008 et 2009 ; l’atrophie (ou la sclérose) de l’idéologie, qui cause aux leaders des angoisses, renforcées par le souvenir de Gorbatchev, « tueur  de l’URSS » ; les intérêts cachés du « carré d’acier » ; et la crise mondiale.

Finalement, on pourrait résumer tout cela dans le fait d’un délai imprescriptible, entre la perception par une classe privilégiée du droit à ses privilèges, et l’incapacité du pays à « tenir la route » sous ces mêmes privilèges. La tentative de révolte de la « nouvelle Bande des Quatre », appuyée par toute une classe dite « hong’erdai » (红二代, les « enfants de la deuxième génération rouge »), reflète parfaitement ce phénomène et ce temps de latence, au milieu duquel nous sommes à présent : le passage de la fin des privilèges monopolistiques au règne de l’Etat de droit, ce qui est le mode de fonctionnement incontournable pour toute société sophistiquée et moderne.


Petit Peuple : Sichuan – L’éternelle quête du fils (1ère Partie)
Sichuan – L’éternelle quête du fils (1ère Partie)

En avril 1983, Zou Yuhua, commerçante en engrais dans le village de Wolong (commune de Laojunjing—Sichuan), et Zhang Mingfa, son mari, fêtaient la naissance de leur second enfant

Un enfant illégal, au vu du planning familial qui n’en permettait qu’un. Or, le chef du village de Laojunjing, Wu Taizhang, n’était pas homme à plaisanter avec le règlement : quoique Zhang Mingfa fut son adjoint, il leur imposa des conditions draconiennes, une amende de 1601 ¥, qui les força à s’endetter lourdement. Il confisqua aussi une parcelle d’un « mu (亩 ) et demi » qui leur avait été allouée, et se crurent alors à l’abri. Le 6 octobre 1983, le greffier vint chez eux établir le « hukou » (permis de résidence) du nourrisson. 

Or, 72h plus tard, Wu débarqua en visite très peu courtoise, flanqué du directeur du planning familial et de 50 sbires. C’était pour confisquer le bébé, sans rien vouloir savoir. La bande repartit, laissant au couple dévasté, en dérisoire compensation, 1000 yuans de l’amende– le reste restait au trésor de la commune, tout comme le lopin – « pour l’exemple ».

Ce que Zou et Zhang n’avaient jamais compris, était la surpopulation de leur Sichuan, avec 120 millions de bouches à nourrir. Pire, Deng Xiaoping, le leader national, natif du coin, était très à cheval sur le planning familial, et le Sichuan était dans le collimateur pour toute infraction au contrôle des naissances. 

Aussi Wu, organisa la semaine suivante, une grande session de critique du couple, qui fut contraint à s’humilier publiquement, avant d’être invité à déguerpir—ils trouvèrent refuge 40km plus loin, à Jia.

EnfantuniqueDe désespoir, Zou pensa mourir et délaissa des mois le magasin, se consacrant jalousement à son fils aîné de peur qu’on ne revienne le lui prendre. Zhang lui, retournait chaque semaine à la mairie de Jianyang, dans l’espoir d’obtenir un indice sur la famille ayant accueilli leur enfant. Mais ses suppliques et ses petits cadeaux aux fonctionnaires n’y faisaient rien: chaque fois, il devait bǎoshān kōnghuí (宝山空回),« rentrer les mains vides du mont du trésor ».

Un jour de printemps 1985, Zhang reçut enfin une confidence : le bébé se trouvait à Jinyu, chez un certain Wang, sans enfant. Le cœur plein d’espoir, il fonça sur sa pétrolette jusque-là bas, sur ces routes de montagne. Il trouva la ferme, se présenta, vit trottiner le bambin de deux ans, fier dans sa culotte fendue. 

Mais quand il se déclara le père légitime, il se passa une chose qui lui fit soupçonner que sa visite avait été dénoncée : en cinq minutes à peine, un attroupement de villageois débarquait, vociférant, le prenant à partie, le touchant à la poitrine de tapes de moins en moins douces. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il devait quitter bredouille, accompagné des lazzis et menaces d’y laisser sa peau, s’il lui prenait l’envie de revenir. 

Après cet échec, le couple se résigna : la vie était inique, mais sans recours. Que faire d’autre que remiser leur peine et tenter de poursuivre leur existence ? Et puis, il leur restait l’aîné, un joli garçonnet de 5 ans. 

Mais voilà, 12 ans plus tard en 1997, stupéfiant rebondissement. Un bel après-midi, ce Wang de triste mémoire arriva avec un jeune maigre de 14 ans, et ce beau discours : « c’est vot’ fils, vous vous souv’nez, j’crois. J’vous l’ai gardé jusqu’à présent, c’était gratuit. Mais maintenant, j’ai plus les moyens. Alors j’vous l’ramène, le r’voilà ! ». Sur quoi il fit pétarader son tricycle et les planta là, les laissant avec Lifa, l’ado malingre. Bouleversés, les deux nouveaux parents le prirent dans leurs bras, lui donnèrent une chambre, une école, une garde-robe. 

Durant quatre ans, ils payèrent des mille et des cents pour l’éduquer. Quand Lifa partit pour l’armée, ils l’équipèrent. A son retour, ils lui payèrent une auto-école, une fourgonnette d’occasion, son gagne-pain. Avec ce jeune pourtant, en dépit de tous leurs efforts, le courant passait mal – plutôt muet, il fuyait leur regard. 

Les choses dérapèrent en 2006. On ne sait qui vendit la mèche à Lifa, mais il apprit de source sûre que Zou et Zhang, qui depuis 9 ans l’éduquaient et le protégeaient, n’étaient en fait pas ses parents biologiques. Presque immédiatement, après une scène orageuse avec eux, il se sauva dans son camion, prenant ses cliques et ses claques. L’idée là-derrière était aussi simple que sèche : en plaquant ces gens, il allait éviter de devoir s’occuper d’eux plus tard, comme c’était le devoir de tout enfant envers ses parents. Mais justement, parents, ils ne l’étaient pas : il ne leur devait donc rien.
Après cet incroyable coup du sort, c’était pour notre couple la fin d’une illusion. Ainsi du moins le croyaient-ils… 

Mais c’était compter sans la force du destin, capable de tous les rebondissements, même les plus improbables – comme on le verra au prochain numéro…!


Chiffres de la semaine : 26.000 seulement, 80% en yuans, 99,93%…

Une première dans le monde du luxe

Pour faire face à la baisse de l’euro, Chanel va égaliser ses prix à travers le monde, en commençant par ses 3 meilleures ventes en maroquinerie.
Ainsi, à Paris, les prix des sacs augmenteront d’environ 20% (de 3100€ à 3720€ pour le sac « Boy« ) mais en Chine, baisseront d’environ 20% (de 32.000 à 26.000 yuans). En effet, les consommateurs chinois, en raison de droits de douanes très élevés, préféraient de plus en plus faire leurs achats de luxe, moins chers, à l’étranger, ou passer par un agent (daigou) via internet. 
Ce réajustement a pour but de doper les ventes dans l’Empire du Milieu et de casser ce marché parallèle sur internet. D’autres marques de luxe suivront-elles?

99,93%, c’est le taux de condamnation en 2014, dévoilé par la Cour Suprême lors de la session de l’ANP (12/03).
Plus clairement, cela signifie que la chance d’être acquitté lors d’un procès en Chine est quasi nulle, avec seulement 825 acquittements contre 1,184 millions de condamnés.

80% des bitcoins, monnaie virtuelle, sont échangés en yuans (source Goldman Sachs), dépassant ainsi le U.S.dollar, le yen et l’euro ! Malgré l’interdiction de la Banque Centrale chinoise en décembre 2013 aux banques et détaillants d’utiliser la crypto-monnaie, suivie d’une chute brutale de sa valeur, le volume de bitcoins échangés en Chine a encore augmenté. Fin décembre 2013, « seulement » la moitié des bitcoins en circulation étaient échangés en yuans.


Rendez-vous : Semaine du 22 au 28 mars 2015
Semaine du 22 au 28 mars 2015

Solar Impulse 2, l’avion suisse à cellules solaires, est attendu sur sol chinois, pour sa 5eme étape de son tour du monde, à Chongqing, le 31/03, puis à Nankin probablement à partir du 16/04

10-30 mars, Chine : Fête de la Francophonie

24-31 mars, Pékin : China Fashion Week

Boao Forum26-29 mars, Boao (Hainan) : Conférence annuelle – Forum for Asia. 

Thème : « Asia’s New Future : Towards a Community of Common Destiny »

26-28 mars, Pékin : China Maritime, Salon international des technologies et équipements maritimes

26-28 mars, Pékin : China Med, Salon international des équipements et instruments médicaux

26-28 mars, Pékin : CIOOE CIPE/ CIPPE, Salons internationaux du pétrole, gaz, gaz offshore, et les technologies pétrochimiques

26-28 mars, Pékin : CISGE, Salon international des équipements liés à l’exploitation du gaz de schiste 

26-28 mars, Pékin : EXPEC, Salon international des technologies et équipements contre les risques d’explosion

26-29 mars, Dongguan : DFM, Salon international des matériaux et machines pour l’industrie de la chaussure

26-29 mars, Dongguan : DTC, Salon international des tissus et de l’habillement

27-30 mars, Shanghai : Design Shanghai, Salon international de la décoration et de l’architecture intérieure