Le Vent de la Chine Numéro 36

du 10 au 16 novembre 2013

Editorial : Plenum : le pari d’un nouveau départ
Plenum : le pari d’un nouveau départ

Xi JinpingLe 06/11 à l’aube, sept bombes artisanales explosèrent à Taiyuan (Shanxi) devant le siège du Parti. Bilan : 1 mort, 8 blessés. Neuf jours après l’attentat de Tiananmen ( a rticle suivant) et 72h avant le 3ème Plenum du 18ème Congrès du PCC (09-12/11), ces frappes trahissent une forte tension et l’incapacité des forces de l’ordre à neutraliser de telles actions à la source. 

Sous l’angle de la gouvernance de l’Etat, le problème que doit affronter le Plenum, est le mécanisme légué par Deng Xiaoping pour prévenir une dérive dynastique, style Corée du Nord. 

Durant 30 ans, le système a fonctionné – le pays fut dirigé collégialement. Mais il fallut payer le prix fort : à de rares exceptions, nulle grande décision ne fut prise. Faute de consensus, le pouvoir n’a jamais pu remettre en cause une gestion sociale, même si celle-ci est génératrice d’instabilité, comme le suggère l’attentat de Tiananmen, commis par des Ouighours du Xinjiang.

Or, divine surprise, face à toutes ces tendances et lobbies, Xi Jinping (photo) a su s’imposer à une vitesse étonnante, via sa campagne anti-corruption

La semaine passée, 10 équipes de limiers étaient lancées sur diverses cibles : agences (Xinhua), ministères (Commerce), provinces (Canton), compagnies publiques («3 Gorges») – pour débusquer des fraudes et surtout, morceler le glacis de la résistance au changement. Un autre outil est l’action de Xi, d’« éducation des cadres », en de longues réunions, au style froid, vertueux et jacobin. 

A l’agenda du Plenum figure d’abord la réforme foncière.
– Evitant la privatisation totale des terres (elle serait pour 2020), Xi veut offrir au paysan un titre de propriété sur terres constructibles.
– En réforme du crédit, il s’agit de libérer les taux d’intérêts puis la convertibilité du yuan, d’ici 10 ans.
– En réforme bancaire, de permettre l’ouverture de banques privées et le dépôt de bilan des banques – après création d’un fonds de garantie pour les déposants. 
– Provinces et villes auraient 10 ans pour renoncer aux expropriations comme source de revenus. En retour, elles pourraient lever des obligations et recevoir une quote-part de la taxe foncière qui, d’expérimentale deviendra universelle.
NB : la recapitalisation des provinces est légitime et urgente. Avec 2300 milliards $ de dettes, elles supportent 80% des charges pu-bliques en ne recevant que 50% des recettes. 

Parmi plusieurs projets explosifs de réformes, comptent : Œ
1. l’élimination des tampons, choux gras des administrations qui étouffaient l’industrie. Déjà 334 licences abolies en 2013, permettent la création de 25% de nouvelles entreprises.
2. La hausse d’impôts des consortia d’Etat qui, sous prétexte de leur statut « stratégique », protégés par leur tutelle de la SASAC, ne reversent que 5 à 10% de leurs profits au trésor public. Ž
3.Terrible outil discriminatoire des paysans, le hukou (permis de résidence) disparaîtra. 
4. La sécurité sociale sera fusionnée – quittant sa province, le migrant gardera ses droits cotisés.
5. Le quota d’un enfant par couple serait aboli. ‘
6. 36 millions de logements sociaux seront bâtis d’ici 2020, avec leurs hôpitaux, écoles, maisons du 3ème âge… ’
7. La réforme juridique fleurira (comme test) dans les nouvelles zones franches. Si Xi Jinping a gain de cause, ces zones seront placées sous juridiction internationale, avec tribunaux indépendants. 

Quoique sorties des sphères du pouvoir, ces mesures semblent improbables, à contre-courant de la tradition : nombre de témoins avertissent de désillusions inévitables. 

Nonobstant depuis l’été, de petits pas suggèrent que le pays s’y prépare. Par dizaines, d’ex-gardes rouges viennent soulager leur conscience et demandent publiquement pardon à ceux qu’ils torturaient 40 ans plus tôt –parfois, ils l’obtiennent. 

De même Jung Chang, l’auteure des « Cygnes sauvages » (dénonciation de la révolution culturelle) publie un ouvrage qui fait grand bruit, réhabilitant Cixi (1836-1908), qualifiée depuis un siècle de « dragon en jupon et d’être diabolique », l’impératrice douairière est décrite ici comme intelligente et nationaliste, précurseur de Deng, championne du libéralisme et de la collaboration avec l’Occident. Autant de signes d’une Chine qui affronte les démons du passé, prête à tourner la page pour aller de l’avant. 


Photo de la semaine : La Chine de demain

Voici le futur pont du Lac Meixi à Changsha (Hunan) de 150 mètres de long, - c’est le contrat que vient de remporter le cabinet d’architecture NEXT (Pays-Bas).

Ci-dessous, le futur hôtel Shimao Wonderland Intercontinental, dans une carrière abandonnée du district de Songjiang (à environ 50 kilomètres de Shanghai) – par le cabinet Atkins (UK). 

En construction depuis mars 2012, l’ouverture de hôtel est prévue début 2015.

Intercontinental Shimao Shanghai Wonderland Songjiang District


Sport : La mésaventure du nageur Sun Yang

A 21 ans, Sun Yang aurait vraiment dû passer son permis de conduire, après avoir reçu à Hangzhou en décembre 2012, le rôle d’ambassadeur du 4X4 Hyundai Santa Fe. Il faut dire qu’après 15 ans d’entraînement intensif, il venait de remporter deux médailles d’or aux JO de Londres en 2012 (en 400 mètres et 1500 mètres nage libre). 

Mais voilà que le 03/11, par un manque total de chance, la Porsche Cayenne d’un blanc étincelant qu’il conduisait, se fit emboutir par un bus. Or le policier, consultant le fichier national, dut se rendre à l’évidence : de permis, il n’en a jamais eu. Sun Yang bredouillant, avoua qu’il aurait « emprunté le véhicule » et le « rapporterait à sa propriétaire »… 

Pour dissuader quiconque tenté de prendre un volant sans permis, les forces de l’ordre ont frappé fort : Sun est jeté en prison (cellule séparée et menu spécial afin d’éviter un dopage involontaire). Sur internet, l’opinion jubile mais approuve : la jeunesse dorée doit être irréprochable 

Ses « chefs » eux, le privèrent sine die d’entraînement, de compétition et de spots publicitaires – le nerf de la guerre, pour ces jeunes sportifs dont la seule fortune est leur bonne mine et leur célébrité…

En effet, à l’équipe nationale, on veut freiner l’émancipation de ces jeunes qui courent et gagnent pour le Parti et la nation. Quant à Sun, honteux et confus, il jura sur son blog, mais un peu tard, que l’on ne l’y reprendrait plus. 


Environnement : Environnement : chargé de CO2, le vent chinois tourne

Shanghai PollutionAvec l’arrivée du chauffage, l’air hivernal risque encore d’atteindre des records de pollution

L’Etat prend des mesures : le gaz urbain est mis sous quota, tout comme le nombre de nouvelles plaques de voitures dans Pékin : de 600.000 en 2010, elle sont 150.000 en 2013, pour atteindre 90.000 en 2017.
 De plus, d’ici 2017, l’usage national du charbon devra avoir baissé d’un quart, pour ne représenter que 65% du mix énergétique. 

Xie Zhenhua, le négociateur climatique, fait (06/11) une déclaration choc : plus question désormais de tergiverser, le pays souffre de « pollution sévère, affectant la santé physique et mentale de tous ». La faute est à « un modèle de croissance dépassé », des émissions « très lourdes » d’effluents, et une « structure énergétique et industrielle déraisonnable » (allusion aux surcapacités massives, dues à la rivalité anarchique entre provinces). 

Xie Zhenhua se rend à Varsovie au Sommet climatique à 190 pays (11-22/11) qui espère adopter en 2015 une discipline contraignante des émissions de carbone.
Xie a déclaré son pays « flexible », prêt à avancer, pour peu que les pays riches versent aux pauvres les 100 milliards de $ promis en 2009, en contribution à leur passage vers une économie à bas carbone. Par rapport aux blocages qui étaient le lot des sessions précédentes, sous la pression des Etats-Unis et de la Chine, le changement a de quoi frapper.
En effet, avec 9,2 milliards de tonnes de CO² rejeté en 2012, la Chine truste 7% des émissions mondiales. Pire, sous l’effet de la récession, l’augmentation des émissions mondiales de CO² a ralenti de 50% en 2012 – mais l’Empire du Milieu lui, a vu les siennes monter de 3% ! 

Entre Dongbei et le Centre de la Chine, les villes ont désormais 25 à 100 jours de smog par an, et pour la première fois, au Jiangsu, une fillette de huit ans est diagnostiquée d’un cancer du poumon… Comme la société urbaine, aujourd’hui de 700 millions d’âmes, approchera 1 milliard en 2025, la situation ne pourra qu’empirer, sauf si la Chine change de modèle de développement : elle s’y prépare. 

En juin, elle ouvrait sa première bourse carbone à Shenzhen, entre 800 entités (usines, administrations) dotées de 100 millions de tonnes de certificats d’émissions, 40% de la pollution de la ville. 

Depuis, en trois mois, 185 achats ou ventes ont eu lieu, à 60 à 80¥ par tonne. Jusqu’à présent, ces entités restent plutôt passives, faute de savoir si après 12 mois, elles auront utilisé ou non leur quota, et devront par conséquent acheter des crédits à l’extérieur, ou au contraire vendre à profit leur reliquat. Mais elles apprennent, et leur expérience sera utilisée par les bourses de Pékin, Shanghai et Canton, qui ouvrent d’ici la fin de l’année. Le réseau national, reliant tous les acheteurs et vendeurs du pays, est pour 2016. Dès lors, toute la Chine urbaine aura un incitatif puissant à investir pour polluer moins, ce qui est le but de la manœuvre. 

Dernière nouvelle, récemment, quoiqu’en mauvais terme avec le Japon, pour cause de litige sur les îles Diaoyu-Senkaku, la Chine a invité des experts nippons à venir l’aider à juguler son dragon de CO2. Japon et Corée ont intérêt à le faire, car les effluents portés par les vents traversent la mer, souillent leur atmosphère et alimentent la tension. 

A Séoul, les media évoquent ces gaz venus du continent comme des « raids aériens ». Or au Japon, le media Yiomiuri, quoique ardent nationaliste, appelle les deux pays à remiser leurs différends pour se concentrer sur ce seul problème central, celui qui compte ! Comme quoi l’environnement, en se détériorant, bouleverse toutes les perspectives, et les priorités en tous pays.


Société : Attentat Ouighour à Tiananmen – plusieurs versions

Douze jours après l’attentat aux portes de la Cité Interdite, le 28 octobre, causant cinq morts et 38 blessés, le flou règne encore sur les détails de l’acte terroriste, mis à part l’identité des trois kamikazes Ouighours, Usmen Hesen (33 ans), son épouse et sa mère, natifs d’Yengi Aymaq dans le district d’Akto, à l’Ouest du Xinjiang.  

Pour les autorités, le forfait est venu du MITO (Mouvement Islamique du Turkestan Oriental),groupuscule séparatiste qui milite pour un Turkestan Oriental. Sept conjurés (dont les trois Hesen) auraient convoyé le véhicule 4×4 explosé place Tiananmen. Ensemble, ils auraient fait trois visites de repérage. La police affirme qu’ils préparaient une guerre d’Intifada : les 5 complices encore en vie seraient sous les verrous. 

D’autres sources cependant, ouvrent d’autres pistes : des voix proches du pouvoir, et des Ouighours sur Voice of America, croient qu’il s’agirait d’une vengeance familiale. Un fils cadet de Hesen serait décédé en 2009 en des circonstances troubles, dans un accident de moto avec un véhicule conduit par des Hans. Quatre ans durant, la famille aurait réclamé une enquête, en vain. Hesen et les siens auraient choisi la mort, sur ce site traditionnel, fort en symbole, pour forcer l’Etat à intervenir. 

Une troisième version est donnée par Radio Free Asia (média financé par le congrès américain) : dans la mosquée de Yengi Aymaq, la police aurait démoli une partie qui venait d’être illégalement construite. Hesen avait payé l’essentiel de ce projet, avec 200.000¥. Selon RFA, le jour de la démolition, il aurait juré de se venger. 

En tout état de cause, à quelques jours du Plenum, cette affaire aggravée peu après par l’autre attentat mortel à Taiyuan (cf édito), ne peut que plonger le régime dans l’embarras, exacerbé par l’attention visible des Etats-Unis sur cet incident. Pas par hasard, les deux versions « dissidentes » de l’attentat ont été recueillies et diffusées par VOA et RFA, radios financées par le gouvernement américain (voire la CIA), et quand Wall Street Journal envisage, comme source de l’attentat, l’inégalité des chances entre Hans et Ouighours, la presse chinoise perd son calme et l’accuse de « mentir ». Cette tension est le signe de la dualité du sentiment de la Chine face au géant américain, le voyant tantôt en allié stratégique, tantôt en rival. 

Cinq jours après le drame de Tiananmen, Peng Yong, le général commandant la région militaire du Xinjiang, a été relevé de ses fonctions (02/11) : geste sanction, implicitement, mais aussi, pour les observateurs les mieux informés, l’expression d’un désir de changement. Depuis quelques mois, le bruit courait que Xi Jinping souhaitait confier la direction du Groupe central du Xinjiang (en charge de cette politique ethnique) au Président de la CCPPC, afin d’élargir et apaiser le débat sur le Xinjiang. 

Hélas, l’attentat a tout changé : le fait que le régime l’attribue au MITO, est le signe d’un refus de réfléchir sur les limites de cette « tolérance zéro » pratiquée au Xinjiang depuis 20 ans.

Pourtant, un détail frappe : patron d’une petite chaîne de rôtisserie d’agneau, Hesen était un homme qui avait réussi. Il aurait pu devenir un allié du régime et modèle de succès d’intégration à la nation. Qu’il se retrouve à présent terroriste, ayant sacrifié sa vie et celle des siens, suggère un problème lourd. D’autant que quelques années plus tôt, Rebiya Kadeer, figure majeure de l’ethnie ouighoure, édile à la CCPPC et millionnaire, s’était de la même manière retrouvée dans l’opposition et en exil. Voici une évolution systémique, qui ne peut qu’interpeller une élite gouvernementale connue pour son pragmatisme.


Economie : Conjoncture – Le calme, avant la bataille

En octobre 2013, l’économie a multiplié les signes de reprise, et en fait, de stabilisation. Bonne nouvelle pour l’équipe dirigeante, après 9 trimestres sur 10 de recul de la croissance. Au 3ème Plenum, elle sera en position de force pour téléguider un changement de paradigme, vers une économie durable.

Octobre a vu la fin d’une période de fortes importations en pétrole, cuivre et minerai, et une légère reprise (+3,2%) de l’exportation – le malade de l’année. De janvier à septembre, il manque les 8% d’objectif (7,7%, avec 3006 milliards de $). Au plan national, le surplus commercial s’est toutefois embelli, passant à 23,9 milliards $ contre 15 milliards $ en septembre. Achevée le 04/11, la Foire d’automne de Canton a vu l’effritement de son chiffre d’affaires à –10,9% par rapport à celle du printemps (31,7 milliards $).

Symptomatiquement, Li Keqiang ET la Banque Centrale avertissent ensemble contre un excès de liquidités et de prêts bancaires. Au 1er trimestre, dit-il, le crédit atteignait déjà 16,4 milliards de $, soit deux fois le PIB national. 

Aussi fin octobre, le Conseil d’Etat se risquait à augmenter les taux à court terme, tout en refusant opiniâtrement de réinjecter davantage. Avant de relâcher la pression après quelques jours, afin d’éviter l’affolement des marchés connu en juin. De même, sous peine de répercussions sévères sur leurs carrières, il interdisait deux fois en 15 jours, aux banquiers et cadres provinciaux, tout crédit aux secteurs en surcapacité (acier, verre plat, aluminium, ciment et chantiers navals). Ceci permet de toucher du doigt la contradiction d’intérêt entre provinces et niveau central. 

L’énorme crédit est consenti par et pour les provinces, qui vendent du terrain de plus belle et maintiennent un prix élevé du foncier et de l’immobilier, leur principale source de financement. De même, pour l’emploi local, celles-ci maintiennent la tête hors de l’eau leurs verreries et fonderies de métaux qui stockent leurs marchandises, vendues ensuite à bas prix et polluant à tout va. De l’aveu même du Quotidien du Peuple, 40 à 60% de la production mondiale d’acier, d’aluminium ou de verre plat est made in China, dont près du tiers ne trouve pas preneur. Le diagnostic, ici, est trop d’investissement lourd et pas assez de transformation, de design ou de R&D… 

On voit le courage qu’il faudra au Conseil d’Etat pour imposer les sombres coupes nécessaires dans ces outils excédentaires, afin de permettre aux meilleurs de travailler à profit, tout en créant enfin un marché uni dépassant l’actuelle collection de marchés provinciaux, petits rivaux en concurrence délétère. C’est là le but premier du 3ème Plenum et de sa réforme du crédit : faire faire le douloureux nettoyage par le jeu du marché. 

Pour le reste, Li Keqiang a confiance d’atteindre les 7,5% de croissance de PIB nécessaires afin de créer 10 millions d’emplois pour l’année. En attendant, il s’agit de composer, maintenir le crédit juste assez ouvert, pour éviter la faillite aux provinces les plus endettées, et juste assez fermé, pour limiter l’inflation (+3,1%, plus forte hausse depuis avril) voire un crash immobilier. 

Heureusement, une reprise plus saine se fait aussi sentir, comme celle des services, dont l’indice des directeurs d’achat (PMI) augmente légèrement à 52,6 contre 52,4 en septembre. C’est peut-être à mettre en lien avec les +25% d’entreprises créées dans l’année, et les 334 licences éradiquées par Li Keqiang depuis janvier – résultat encourageant pour l’avenir ! 

Légende photo : Une croissance encore basée sur l’investissement – le futur terminal 3 de l’aéroport Bao’an de Shenzhen


Diplomatie : Iran – les deux fidélités chinoises

Surprise : M. Baqer Nobakht, le vice-Président iranien note (05/11) que la Chine lui doit 22 milliards de $ en pétrole. 

<p>Tout en protégeant depuis des années cet allié contre des sanctions de l’ONU (pour sa course à la bombe atomique), la Chine a omis de lui payer l’or noir qu’elle lui achetait : lui aurait-elle fait payer sa protection au prix fort ? 

La clé de l’énigme pourrait se trouver, côté chinois, dans un cocktail de vertus et d’intérêts bien compris. En effet, quand l’Union Européenne et les Etats-Unis ont mis unilatéralement fin à leurs achats d’or noir iranien, la Chine n’en a pas profité pour renforcer ses commandes. Et, à ce que l’on découvre, elle n’a pas non plus payé ses livraisons – conformément à un embargo international plus ancien, elle a gelé les fonds. De la sorte, elle s’est comportée comme solidaire des deux parties. 

A présent, tout bascule. De janvier à septembre 2013, le pays a importé d’Iran, 428.000 barils par jour d’une valeur de 12,3 milliards de $ (+17,5%). Le 01/11, Ali Larijani, Président du Parlement iranien, discutait à Pékin du dégel des fonds et du renfort de la relation avec son 1er acheteur d’énergie et partenaire commercial. A Genève, l’Iran et six puissances négociaient la normalisation de son programme nucléaire, et J. Kerry s’y rendait (08/11) pour valider les résultats. 

Et c’est ainsi que, quand le pays des Ayatollahs se dégèle au monde, l’empire du Milieu ne perd pas de temps pour normaliser et – sauvegarder son influence. 


Architecture - Urbanisme : Un tout nouveau terminal futuriste pour l’aéroport de Shenzhen
Un tout nouveau terminal futuriste pour l’aéroport de Shenzhen

Depuis 2008, l’aéroport Bao’an de Shenzen construit son Terminal  3, pour dépasser Chengdu et devenir le 4ème aéroport de Chine (Pékin, 81 millions, Shanghai Pudong, 44 millions & Shanghai Hongqiao, 33 millions, et Canton, 48 millions, & Chengdu, 31 millions) en terme de traffic avec une capacité d’accueil de 45 millions de passagers (30 millions en 2012).

Conçu par le cabinet italien Studio Fuksas , le terminal fait 1 km de long pour 459,000 m2 de surface et fait penser à une raie manta. A l’intérieur, les climatiseurs et panneaux d’information ressemblent à des troncs d’arbres, et la structure du toit en niz d’abeille permet de laisser passer la lumière de jour..

Shenzen Aéroport Futur Terminal 3C’est Arup  qui été chargé du design « développement durable »et a l’ambition de le faire devenir le premier terminal en Chine à obtenir la certification « green building » – grâce (entre autres) à une double couche de verre et d’acier qui isolerait la structure de la chaleur estivale et du froid, économisant 25% d’énergie.

Coté duty-free, c’est Dufry (basé en Suisse) qui remporte le contrat (son second en Chine, après l’aéroport de Pékin).

Shenzen Futur Terminal 3

Le terminal devrait être inauguré fin novembre/début du mois prochain.


Monde de l'entreprise : Félicitations à deux de nos abonnés : Plastic Omnium et Beaumanoir
Félicitations à deux de nos abonnés : Plastic Omnium et Beaumanoir

Mardi 5 novembre à Paris, Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI Paris Ile-de-France, a remis deux Trophées des Entreprises françaises en Chine,  à deux de nos abonnés : Plastic Omnium (transformation de matières plastiques) remporte le  Trophée de la « Croissance », et le Groupe Beaumanoir (prêt-à-porter), celui de « l’Audace ». Félicitations !

Lors de la première édition de ces Trophées des Entreprises en 2012, les lauréats étaient Air Liquide (Trophée de la Croissance), SEB (Trophée de l’audace) et Legrand (Trophée de l’alliance) – également des abonnés du Vent de la Chine.

Deux autres trophées, ceux de l’Alliance et de l’Entrepreneuriat (nouvelle catégorie créée en 2013) n’ont pas été remis lors de cette cérémonie du 5 novembre. Ils le seront le 23 novembre à Pékin, lors du Gala CCIFC.

Restent en lice pour le Trophée de l’Alliance 2013 : Air France-KLM, Bureau Veritas, Biomérieux, Carrefour, CGGVeritas, Essilor & Valeo.

Les 6 nominés pour le Trophée de l’Entrepreneuriat sont : Depack, Imaze, Myrra, ODC Marine, Splio, & Trendy Trade Group

Bonne chance à tous !

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Pour plus d’informations sur ces Trophées France/Chine, cliquez ici


Petit Peuple : Jiangbei, un mariage voulu par le ciel

Scene De Mariage En ChineEn 1987, au lycée de Jiangbei ( Chongqing), Melle Bin Chen, comme toute sa classe, avait deux ans de retard – faute à la Révolution culturelle, qui avait fermé tous les établissements 10 ans jusqu’en 1976. 

En février, arriva un nouveau venu, que professeur et élèves se mirent à appeler Da Bin (grand Bin). Bin Chen n’y prêta d’abord pas attention, jusqu’au jour où une lettre arriva pour elle. A l’époque, on préférait se faire envoyer du courrier à l’école plutôt qu’à la maison, vus les risques élevés qu’il se perde en route. Mais alors que Bin Chen prenait sa lettre, le nouveau s’écria : « mais elle est à moi ! ».
Un silence s’ensuivit, puis ils réalisèrent en même temps qu’ils portaient les mêmes noms et prénoms. Le prof n’avait surnommé le nouveau, « Da », que dans l’espoir (qui s’avérait vain) d’éviter la confusion.

Cet incident n’est en fait pas si rare. Le titre de cette rubrique, lǎobǎixìng (老百姓, « petit peuple ») signifie mot à mot « les 100 vieux noms », pour rappeler que ces 1,3 milliard d’âmes (23% de l’humanité) n’ont pour se distinguer les uns des autres, que quelques dizaines de patronymes. 
Cela suggère des clans monstrueux en taille. Vers l’an 2000, la famille Li (), avec plus de 80 millions de membres, se revendiquait la plus grande au monde, sans objection possible.

Cette petitesse de l’éventail patronymique reflète un projet moral multimillénaire : l’exigence de voir les familles chinoises toujours plus fortes et larges, et soudées par des règles d’harmonie clanique. La plupart des Chinois se reconnaissent dans cette opinion inculquée dès l’enfance : même en tant que nation, ils ne seraient qu’une grande famille, unie en son sang comme en ses valeurs, face au reste du monde qui serait atomisé en poussière de peuples, incohérent barbares ! 

Dès cette découverte de leur nom partagé, les copains des deux Bin n’eurent cesse de leur jouer des tours, leur adressant des cartes postales sans préciser auquel des deux, et les agaçant par des invitations à des fêtes, rien que pour rire.

Fâché, « Da Bin » tenta d’interdire qu’on l’appelle ainsi : il n’allait pas souffrir ce sobriquet ridicule, parce qu’une fille s’était avisée de porter le même – « et qu’elle soit arrivée avant lui dans la classe, ne changeait rien à l’affaire ». Mais ce fut en vain – le surnom lui resta.

Et pas que le surnom… Le souvenir de la fille aussi lui colla à la peau. Se mit alors à jouer un autre trait de la pensée chinoise : la foi en la puissance des verdicts du ciel sur les vies humaines. En donnant à ces deux-là les mêmes noms, puis en faisant se croiser leurs trajectoires, les Dieux avaient parlé : qui sur Terre aurait l’audace d’ignorer le signal ? 

Au gaokao (Bac) en juin, ils avaient tous deux moyennement réussi, elle plutôt mieux que lui : elle intégra l’école normale, et lui, l’usine, d’où après quelques mois, il ne tarda pas à lui écrire, sur un ton d’abord légèrement supérieur et macho, en une tentative puérile de masquer son attirance pour elle… « à toi qui portes mon nom ». Ils se revirent donc. De fil en aiguille, ils explorèrent ensemble les voies de la carte du tendre, et leurs étapes immémoriales sous toutes les latitudes – copains, amis, amoureux. 

Les parents craignaient la consanguinité. Nos tourtereaux durent donc se plier à une enquête généalogique, qui conclut heureusement par la négative. Dès 1992, ils purent convoler en justes noces, sans que nul ne puisse trouver à y redire. 

La suite est un long fleuve tranquille. Dans les deux clans, pour dissiper l’équivoque, on les a affublés d’autres surnoms peu délicats mais efficaces : « Gong Bin » (Bin mâle) « Mu Bin » (Bin femelle). 
Ils ont tous deux depuis longtemps abandonné l’idée de changer de nom. Au contraire, ils trouvent dans cette fusion de leurs identités quel-que chose de rassurant et mê-me de « romantique ». Comme s’ils cristallisaient entre eux ce proverbe sur l’amour conjugal, 相敬如宾 (xiāng jìng rú bīn), comportant un caractère homophone de leur nom, qui signifie « s’appliquer mutuellement le respect dû à l’invité ». 

L’idée, à tout prendre, n’est pas si sotte : les disputes conjugales sont inévitables, mais elles s’éteignent, où sont empêchées de naitre par la présence d’une tierce personne : en Chine comme ailleurs, on ne lave son linge sale qu’en famille. Mais nos époux, à cause de leurs noms, se retrouvent l’un pour l’autre dans le statut de ce « corps étranger »: en cadeau de mariage (ou par céleste plaisanterie), les dieux leur ont offert une assurance contre les scènes de ménage !