Le Vent de la Chine Numéro 24
– Pékin vient d’abroger son éphémère permis aux provinces d’émettre des obligations. Il le fait, pour la même raison qui l’avait poussé à essayer : les provinces croulent sous les dettes (1700MM$, 27% du PIB). Depuis janvier 2012, elles en ont profité pour émettre 52milliards $ d’obligations (autant qu’en 2011) et l’endettement s’emballe. Aussi, Pékin retire ce droit, mais le problème reste entier…
– Pour compenser ce manque à gagner, Pékin laisse les provinces alléger le coût du crédit hypothécaire. Pour un premier bien, le Henan permet l’emprunt à 4,76% sur 20 ans au lieu de 6,8%. Il espère ainsi permettre aux provinces de recommencer à se financer par la vente de terrains.
– Mauvaise nouvelle pour les expatriés : partant en guerre contre les « visas gris », il s’apprête à rabaisser le permis de travail minima de 180 jours à 90j. De plus, les compagnies locales les ayant invités « illégalement » seront taxés de 10.000¥, et risquent de devoir payer le rapatriement. Cette crispation reflète la conjoncture médiocre, et la tension politique, à quatre mois du Congrès.
– Dans les chemins de fer, les constructeurs poursuivent leur sortie de l’enfer, suite aux scandales de 2011. CCCC (China Communications Construction Co) empoche (25/06) son 3ème contrat éthiopien, 1,5milliards de $ pour 360km de ligne vers Djibouti, et les géants CNR/CNS préparent leur entrée au Salon InnoTrans 2012 (Berlin). Concernant la réforme du ministère des Chemins de fer, Etat dans l’Etat, aux millions d’employés, elle reste introuvable. Le 17/06, l’Economic Observer croyait pouvoir annoncer son éclatement en 3 groupes en charge du financement, de la construction et du management, dotés d’une autonomie relative. Mais cette semaine, l’audacieux scoop est démenti.
Pourtant, la réforme est urgente : fin mars 2012, la dette du ministère atteint 385MM$ (61% des actifs) et l’investissement (janvier à avril) a reculé de 41% par rapport à 2011. L’Etat cherche bien à attirer le capital privé, mais faute de garanties et de dérégulation, les candidats ne se bousculent pas.
– Dans le maelström permanent des visites des leaders chinois à travers les cinq continents, celle du 1er ministre Wen Jiabao en Amérique Latine occupe une place spéciale (20-26/06).
En 2011, le Cône Sud est le 1er destinataire d’investissements chinois. Les échanges sont stratégiques et mutuellement bénéfiques : ressources minérales et agricoles pour la Chine, technologies low-cost pour le Cône Sud, et aussi important, allégement de la dépendance envers les USA .
Aussi, face aux 4 pays visités (Brésil, Uruguay, Argentine, Chili), Wen joue un rôle qu’il adore, celui d’un « oncle d’Asie » aux bras chargés de cadeaux, distribuant crédits et projets presque sans conditions. À tous, il offre un fonds de coopération de 5milliards de $, un fonds d’infrastructures de 10milliards de $, propose une « réserve d’urgence » de 500.000t de grains.
Au Brésil, State Grid, son distributeur électrique, va investir dans le 3ème barrage mondial de Belo Monte (Amazone – 11M kW de capacité), et dans sa ligne à super-haut voltage de 2000 km. Wen cède à Embraer la licence de montage (refusée depuis 10 ans) et offre à la banque centrale 30milliards de $ de swap monétaire.
En Argentine, ses banques saupoudreront 10 milliards $ sur la ligne ferroviaire Belgrano-Cargas, colonne vertébrale de l’export céréalier (Buenos Aires exporte déjà 80% de son soja en Chine, et s’apprête à y déverser une part de son maïs).
Au Chili, 1er producteur de cuivre, il offre une ferme solaire à 900 millions de $, financée par la China Development Bank et montée par Sky Solar.
Avec Mercosur, l’organisation d’Amérique Latine, la Chine veut doubler les échanges sous trois ans, à 400 milliards de $/an, et propose un accord de libre échange. Mais le Cône Sud exprime ses doutes, car les USA leur proposent eux aussi un deal de libre échange, le « TPP » qui intègre tous les pays du Pacifique sauf la Chine. Le Cône Sud sait au fond de lui que ce bras de fer sino-américain n’a pas d’avenir, qu’il ne peut ni ne doit faire un tel choix !
En mer de Chine, deux mois de tension (avril-mai) entre Chine et Philippines débouchent sur une étrange accalmie.
La tension vient de la vieille revendication chinoise, héritée du Kuo Min Tang, d’une souveraineté totale ne laissant qu’une bande côtière de 20 milles aux voisins (Vietnam, Taiwan, Philippines, Brunei, Malaisie) – lesquels s’appuient sur les 200 milles marins reconnus aux Etats par la Convention de l’ONU du Droit de la mer.
Au 15/06, les flottilles sino-philippines au large de l’atoll de Scarborough se sont retirées « d’un commun accord », selon Manille, et « sans accord », selon la presse chinoise qui ne promet rien pour l’avenir. Au passage, un bateau philippin a été coulé (5 disparus). Puis le conflit s’est déplacé sur le plan du droit.
Le 21/06, le Parlement vietnamien intègre à son territoire les Paracelses (sous contrôle chinois) et Spratleys (dont des îlots sont occupés par divers camps). La Chine proteste et dès le 26/06, riposte en inventant dans les îles la ville de Sansha, leur chef-lieu. Prête dès 2007, l’initiative avait été reportée afin d’éviter de provoquer le Vietnam. La presse chinoise parle de matérialiser la ville par migration patriote – menace tout à fait plausible, mais au risque de déclencher des hostilités.
Autre rétorsion sans doute (23/06), Cnooc offre à l’étranger 9 blocs marins à explorer. Hanoï crie que ces 160.000 km² sont chez elle et avertit les candidats de ne pas léser sa souveraineté – ce qui barre la voie à toute Joint venture pour les multinationales (opération trop risquée).
Le 26/06, quatre garde-côtes non armés partent à plus de 2000 km au sud, semble-t-il en mission de protection de deux bâtiments de la Cnooc, le « OO-981 » (plateforme semi-submersible) et le « OO-201 » (navire de forage).
Plus au nord, d’autres pays aussi se livrent à des provocations. Autour de l’archipel Sankaku-Diaoyu, revendiqué par Chine et Japon, Shintaro Ishihara, le bouillant gouverneur de Tokyo, prétend racheter une partie des îles (à leur propriétaire japonais privé), puis Terry Gou, le taïwanais propriétaire du groupe Foxconn, offre de cofinancer l’achat, pour les « co développer ». Propositions qui ne font pas rire Pékin !
Signes rassurants : Pékin veille à n’envoyer en zones de tension que des garde-côtes désarmés, non sa marine de guer-re (histoire de se montrer, sans risquer de dérapage). D’autre part, en sous-main, avec Manille et Tokyo, Pékin discute.
Selon la presse nippone, qui reflète l’avis de Tokyo, la partie chinoise dispose à présent d’une chance d’embellie… suite à la chute de Bo Xilai, et surtout à celle de Zhou Yongkang, l’ex-tzar des polices chinoises. En effet, la Chine compte pas moins de cinq flottes paramilitaires (40.000 marins), aux ordres des ministères de la Sécurité publique, des Transports, de l’Agriculture, de l’Administration océanique et des Douanes. Une situation anarchique héritée de décennies d’ absence de la marine nationale, que ces autres administrations auraient cherché à combler. Aujourd’hui, aucun de ces organes rivaux ne veut sacrifier son atout maritime, promesse de richesses d’avenir. Mais la chute de Zhou ouvrirait la voie à la rédaction d’une loi maritime intégrale et à la fusion d’un corps de garde-côtes uni.
Ce qui serait la 1ère condition nécessaire (mais non suffisante) au partage pacifique entre pays riverains de la mer de Chine. La Chine pouvant alors reconsidérer ses revendications, d’une manière moins étriquée et plus acceptable au reste de l’Asie.
Pour certains, l’heure des vacances approche : le moment est bon, au Vent de la Chine, pour offrir deux numéros spéciaux sur le tourisme (VldC n°24 et 25).
Cette semaine, nous vous proposons de nous mettre dans la peau du touriste étranger découvrant la Chine. La semaine prochaine, nous esquisserons le portrait du voyageur chinois à l’étranger.
Ceux de nos lecteurs qui restent en Chine cet été (par amour ou par devoir), pourront partager deux de nos « Coup de cœur » : cette semaine, l’île de Kinmen, et (allez, nous l’avouons sans vous faire attendre 8 jours), Shangri-La, «annexe du paradis» !
La Chine ne se contentera pas longtemps de sa 3ème place au classement des pays les plus visités : selon l’Organisation Mondiale du Touriste, avec 56 millions de touristes internationaux en 2010, elle détrônerait la France dès 2015 (laquelle recevait 76,8M en 2010).
Sachant que la France comptait 5,71 millions de lits en 2011, on peut se demander si la Chine, avec ses 3,06 millions de lits, hébergera en 2015 le flux attendu. En tout cas, elle s’en donne les moyens. Chaque année, sa capacité d’hébergement augmente : en 2009, elle avait augmenté de 4,4% par rapport à 2008 (+6,6% en 2007 avant la crise). D’autre part, l’Empire du Ciel peut compter sur une des spécificités de son tourisme local : selon The Economist, près d’1 touriste sur 3, chinois d’origine, serait en « retour au berceau familial ». Déclinée de la sorte, l’industrie chinoise du voyage semble donc bien en mesure d’absorber la nouvelle demande.
Quittant les grands centres (en surcapacité), son parc hôtelier se déploie désormais en villes secondaires, sur les villégiatures naturelles (Huangshan), historiques (Muraille de Badaling) ou balnéaires (Hainan). L’offre est surtout chinoise. Longtemps focalisés sur le haut de gamme (où elles tiennent 20% du marché), des chaînes étrangères telles Accor (hôtels Ibis), ou Marriott (Courtyard) cherchent à développer leurs marques moyenne ou d’entrée de gamme (en franchisant notamment) afin de gagner en parts de marché : environ 5% des hôtels de Chine sont sous propriété étrangère, y compris Hong Kong, Macao, Taïwan. Plus « techniques » que les locaux, et capables de se doter d’une stratégie commerciale, ces hôtels ciblent plutôt les 20% de touristes en voyage d’affaires.
Finalement, le touriste venu en Chine apprécier son patrimoine et ses paysages est majoritairement asiatique (Corée, Japon, Taïwan, HK). Suivent la Russie et les USA. Côté Europe, alors que l’Allemagne y vient plutôt pour le business que pour les loisirs, Royaume-Uni et France font le choix inverse.
En majorité, les circuits organisés tiennent le haut du pavé, de 10 à 20 jours sur 3 à 5 villes, par des clients aisés et âgés (retraités). Le circuit individuel est un segment émergent, suivi par un client plus jeune (30 à 50 ans), ou en MICE – formule mixte de voyage découverte, en marge d’un programme professionnel de conférences et de salons : une formule facilitée dans les métropoles par la présence d’infrastructures de transports, et de grands hôtels de qualité.
Chevauchée haletante donc pour ce tourisme, mais la crise guette. Démystifiée, la Chine des grandes villes a perdu de son charme d’antan, et aurait à apprendre de certains pays d’Asie du Sud-Est qui gardent une authenticité en soignant leur environnement, et en entretenant leur patrimoine.
Proche de la saturation en Chine, en concurrence toujours plus âpre avec d’autres opérateurs locaux, China Telecom s’élance vers les marchés du mobile européen et américain. Au Royaume-Uni, il s’associe à Everything-Everywhere (JV Orange – Deutsche Telekom) pour offrir sur son réseau 3G un service non abonné, à destination des touristes chinois, vers l’Europe et la Chine.
Service que l’Europe aurait du mal à fournir directement, faute d’interface graphique sinophone, dont dispose China Telecom.
Dès mi-2013, China Telecom annonce son arrivée en France, malgré la présence de près de cinquante acteurs. Comme en Outre-manche, China Telecom sera hébergé chez Orange. Il compte sur la diaspora chinoise, qui représente 3,8 millions de membres aux USA, 1,3 million au Canada, 700.000 en France, pour pénétrer un marché plus vaste. Dès 2014, l’opérateur s’implantera également en Italie, Allemagne et Espagne.
On constate par ailleurs une ruée chinoise en Europe, prête à investir en des temps très favorables à la Chine, profitant du taux bas de l’Euro. Une large gamme de structures d’accompagnement voit le jour, telle Aigo Entrepreneurs Alliance, avec des bureaux à Greenwich et Bruxelles. Fondée il y a 12 mois pour satisfaire les besoins de 100 firmes membres (chiffre en hausse rapide), elle sert d’écloserie à PME émergentes et promeut l’apparition de marques chinoises. Nul doute qu’elle contribuera aussi à l’expansion du service mobile de China Telecom à travers l’Europe.
L’affaire Patrick Devillers, arrêté le 13 juin à Phnom-Penh, sur demande de Pékin, fait de sérieuses vagues : soupçonné d’être porteur de fonds, clandestinement exportés pour Bo Xilai/Gu Kailai, il serait interrogé depuis le 26/06 par des enquêteurs chinois et serait« disposé à venir s’expliquer à Pékin ».
Le gouvernement chinois serait en négociation directe sur cette affaire avec le Quai d’Orsay, alors que se prépare une visite du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius (date inconnue).
Le cas de Feng Jianmei remet en cause le planning familial.
À Ankang (Shaanxi) le 03/06, la mère de 23 ans avait été avortée de force, faute de pouvoir payer les 40.000¥ d’amende de 2ème enfant (cf VdlC 22). Il en est ressorti un vif débat national sur Weibo, et un scandale. Assez vite, la mairie est venue s’excuser auprès de la mère et offrir de l’argent (refusé). Au niveau du district, deux cadres sont limogés, cinq autres blâmés. Mais quand, le 22/06, Deng Jiyuan, son mari, partit pour Pékin voir des avocats et paraître à la TV, il disparaissait après avoir été agressé par des individus non identifiés.
Puis à Ankang (24/06), la mairie tient une marche contre le couple de « traitres nationaux ». Le 27/06, invoquant un risque pour l’image du Parti, Pékin avertit les cadres d’éviter toute application « cruelle » du planning, tandis que le même jour, Deng réapparaissait dans la capitale, prêt à intenter un procès. A tous niveaux, l’administration se montre bouleversée et divisée !
Le démographe He Yafu croit que ce battage d’opinion a le potentiel de causer un « tournant » dans cette politique. Pas prêt à dénoncer l’avortement forcé (dont il cause 7 millions de cas par an depuis 2000), le pouvoir pourrait le remettre en cause par crainte d’opposition à la pratique, haïe et de moins en moins comprise. Elle est pourtant nécessaire, moins pour comprimer la natalité (qui s’essouffle) que pour financer par les amendes une agence de contrôle des masses !
Un voyage à Xiamen (Fujian) vous emmènera sur l’île de Gulangyu, aux rues étroites bordées de villas coloniales ou d’écoles de musique. Mais peu de touristes s’aventurent sur la curiosité géopolitique de l’autre côté de la baie, l’île de Kinmen (en réalité un archipel) : à 2 km du continent, Kinmen est sous pavillon taïwanais, au terme d’une histoire agitée entre les (ex-) frères ennemis de la Chine.
La RPC une fois proclamée en 1949, l’Armée populaire de Libération se mit à réduire les dernières poches de résistance Nationaliste – lesquelles, dans la région, se replièrent sur Kinmen : à portée des canons communistes, mais pouvant compter sur l’aide logistique des USA. Ce fut une guerre de tranchée, version asiatique. En 20 ans, années ‘50 et ‘60, l’artillerie de Mao tira plus de 400.000 obus. En face, au plus fort du conflit, 100.000 soldats nationalistes, protégés dans leurs bunkers, « attendaient l’ennemi », déjouant toute tentative de débarquement. Puis après 30 ans de statu quo, au milieu des années ‘90, la majorité a plié paquetage, rendue à la vie civile à Taiwan, ouvrant la voie à un – modeste – tourisme local.
Aujourd’hui, paix oblige, on accède à Da-Kinmen («la Grande») en 40 minutes depuis Xiamen. Pas de visa pour les ressortissants de l’Union Européenne. Depuis le pont du ferry, on observe la guéguerre bon-enfant des slogans placardés géants sur chaque falaise, «un pays, deux systèmes» côté continental, «les trois principes du peuple » (la formule historique de Sun Yat-sen, fondateur de la République) côté Kinmen. Ambiance.
Débarqué sur l’île, c’est dans une Chine miniature et hors du temps que l’on découvre: fermettes basses, hameaux endormis, aux murs parfois renforcés contre les balles. Un écomusée vivant d’une Chine qui n’aurait pas été touchée par le boom économique. Kincheng, la capitale est la bonne occasion d’une flânerie dans ses ruelles nonchalantes. Une fois en appétit, on peut se sustenter dans un boui-boui, d’un bol de vermicelles aux huîtres (蚵仔面线 ézi miàn xiàn) ou un plat de gros raviolis frits (锅贴, guōtiē). En taxi ou en scooter, le reste de l’île vous attend : lignes Maginot de béton fatigué, ex-miradors, musées militaires, mais aussi de jolies plages désertes – certaines encore en déminage.
Le kaoliang (高粱酒 gāoliáng jiǔ), gnôle de sorgho, est à coup sûr à rapporter dans vos bagages. Mais vous trouverez à Kinmen un souvenir plus rare. Depuis les années ‘50, les insulaires, habitués à ne rien laisser perdre récupèrent les obus. Rebattu, aiguisé, le fer donne les lames des couteaux célèbres à Taiwan, de «qualité supérieure» ! Un seul éclat de 30 kg donne 60 hachoirs. Cet artisanat a généré boutiques et forges (qui se visitent). M. Zhao, coutelier, sourit avec malice : « Nous avons pleine gratitude envers l’APL qui, par ses artificiers, nous a permis de développer notre économie ! ».
On pense au Timonier dans les années ‘40, et à sa vantardise, du fait des désertions massives des troupes de Chiang Kaichek, d’armer ses soldats avec les fusils de Roosevelt : Mao se disait « actionnaire des usines de Detroit », intéressé à leur croissance : 70 ans plus tard, la boutade de M. Zhao s’écoute comme une réponse du berger à la bergère !
Ce jour d’été 1989 à Huanglou (Ouest de Pékin), plantée face au panneau du bac et à son propre médiocre palmarès, Haiyun se le jura : jamais plus elle ne laisserait son père décider pour elle. En 1986, ce cadre banlieusard avait fracassé ses rêves de lycée pékinois, auquel ses notes lui permettaient d’aspirer. Le proviseur avait adjuré le père qu’il l’empêche de partir. Le lycée de Huanglou la préparerait au bac aussi bien qu’ailleurs. En brillant ici plutôt qu’à Pékin, elle contribuerait à sa promotion à lui : entre vieux copains du même coin, son père lui devait bien ça ! L’homme s’était laissé faire, la mère veule n’avait pipé mot pour la défendre. Ils avaient eu tort : ce bahut n’était qu’un nid à cancres et ce bac raté, à 19 ans, lui fermait la porte des études.
Après l’échec injuste, Haiyun s’était trouvée déchirée entre révolte amère, volonté de remonter la pente, mais aussi peur de l’inconnu et dépendance : elle habitait toujours chez ses parents. Grâce à l’anglais qu’elle bredouillait, elle trouva un job de réceptionniste dans un grand hôtel, s’ennuyant copieusement le jour et étudiant le soir. En 1993 à 23 ans, un CAP de secrétariat en poche, elle enchaîna d’autres petits jobs, qui ne la satisfirent pas plus.
Alors, ses vieux lui susurrèrent que tout irait mieux si elle se mariait, comme tout le monde. Elle avait un copain, une relation clopin-clopant : plus pour soulager le père que par conviction, elle finit par accepter ce mariage en 1994. La cérémonie une fois pliée, ils partirent s’installer vivre dans un deux-pièces à une heure de la ville, près du Palais d’Eté.
Presque de suite, ce fut la panique. Celui qui l’accompagnait dans la vie ne partageait nul de ses rêves, mais attendait une maison nickel, un repas prêt à heures fixes : boulot non payé, en plus de ses heures de bureau et de bus. Des disputes suivirent, jours entiers sans s’adresser la parole. Elle s’étiola. À 26 ans, elle croyait sa vie finie.
En 2000 enfin, la rébellion gagna. Au 36ème dessous, elle exigea de rentrer à Pékin coûte que coûte, au nom du couple à sauver d’urgence. Mais lui, rétorqua par son ultimatum : si elle l’osait, qu’elle aille poursuivre ailleurs sa vie de cinglée, privée de « Lui », son lion superbe et généreux. Suite à quoi, sa stupéfaction ne connut plus de bornes : le prenant au mot, elle se mit à plier ses affaires pour partir refaire sa vie.
En sa chambrette en ville, les 1ers soirs, Haiyun pleura son échec conjugal, prenant sur elle tous les torts. Mais pas longtemps. Bientôt, une douceur inconnue posa sur elle ses rayons de miel : finies les disputes, la tambouille vespérale obligée, les corvées dont la pire était le « repos d’un guerrier » pour qui depuis si longtemps, son cœur ne battait plus.
En 2001, divorcée, elle avait retrouvé stabilité, joie de vivre et liberté.
Un jour dans un Starbucks, un « long nez » lui demanda son chemin. Quoiqu’il fût quinqua bien sonné, et pas un Apollon, elle n’eût pu mieux tomber : Walter était artiste new-yorkais, cinéaste de passage. Ignorant tout de la Chine, il avait besoin de bien plus qu’une simple adresse, mais bien d’une compagne. Elle lui indiqua sa route. Il l’emmena sur son tournage. Elle lui montra la Cité Interdite. Il l’emmena à New York, et l’épousa, en 2002.
Le père de Haiyun découvrit l’existence de l’homme de sa vie en fouillant ses affaires. N’écoutant que son vieux fond anti-étranger (fruit logique d’une école socialiste et d’une carrière d’apparatchik qui l’avait sans cesse contraint à faire montre de sa fidélité à la patrie), il se brouilla avec elle pendant deux ans, jusqu’à la venue d’une petite héritière permettant d’arrondir les angles.
Haiyun ne se fait pas trop d’illusions sur ce 2nd mari, plus âgé, qui se prend un peu pour son sauveur, et qui a tendance à la prendre pour sa secrétaire. Mais pour ses libertés neuves, ses droits de la femme, la quadragénaire se félicite chaque jour davantage de n’avoir pas tergiversé en 2001 pour changer le cours de sa vie, ni « rebouché le mur de l’étable, une fois les moutons enfuis » (亡羊补牢, wángyáng bǔláo).
8-10 juillet, Shenzhen : Intertextile Pavillon – Salon du Textile
8-11 juillet, Canton : CBD, Salon du bâtiment et de la décoration
10-12 juillet, Wenzhou : WOF, Optics, Salons de l’optique et lunetterie
11-13 juillet, Pékin : Construmat China
11-14 juillet, Shanghai : Salon des équipements et technologies de publicité
11-14 juillet, Shanghai : Print, Pack & Paper, Salons de l’imprimerie, emballage et papier