Le Vent de la Chine Numéro 18

du 20 au 26 mai 2012

Editorial : XVIII. Congrès — Écrans de fumée

La semaine dernière avait vu se suivre le scandale de la fuite du dissident Chen Guangcheng et ses avatars, prenant fin avec son arrivée sur sol américain le 19/05, pour études à la NY University, et diverses rumeurs (sur les circonstances et limites du jugement du Parti du cas Bo Xilai, sur un report du XVIII. Congrès, et autres).

Soucieux de calmer le jeu et de restaurer son image d’unité, le régime lance un éditorial au Quotidien du Peuple (édition « étrangère ») du 14/05, pour démentir le report et suggérer que ce Congrès sera dédié à la réforme politique.

Ceci suppose une inflexion démocratique. Une telle poussée de l’aile libérale au sein du Parti communiste chinois, si elle se confirme, n’a plus été vue au PCC depuis mai 1989. L’édito promet de « limiter les pouvoirs (des leaders) et garantir les droits des citoyens ».

En filigrane transpire le bruit du limogeage secret de Zhou Yongkang,  soupçonné d’avoir comploté avec Bo Xilai pour prendre le pouvoir. Ce chef de toutes les polices aurait fait son autocritique et remis ses pouvoirs à Meng Jianzhu, fidèle du Président Hu Jintao, pour se limiter à des fonctions de prestige, avant d’être pensionné à l’automne comme prévu. Mais la nouvelle est sujette à caution : du 13 au 16/05, Zhou était en tournée au Xinjiang, temps de se faire « unanimement » élire membre de la délégation territoriale au XVIII. Congrès. De plus, l’Etat contrôle de main de fer les critiques et fait taire 16 vieux communistes du Yunnan qui réclamaient (par lettre ouverte du 16/05) la démission de cette « éminence grise » compromise dans la tempête autour de Bo Xilai.

Pour régler l’affaire Bo, le leadership central doit lui trouver un successeur comme secrétaire du Parti à Chongqing, et afin qu’il préside le Congrès municipal (qui élira ses hommes au XVIII. Congrès). Deux candidats sont en lice : Jiang Yikang, patron du Shandong, et Zhou Qiang, du Hunan. Quoique Zhou ait l’avantage de l’âge (52 ans) et soit proche de Hu Jintao, Jiang (59 ans) est en tête, grâce à ses contacts, ayant été n°2 à Chongqing de 2002 à 2009.

La presse multiplie depuis les détails  vagues sur les préparatifs du Congrès: un tiers des provinces auraient nommé leurs délégués. Les autres, 2270 au total seraient désignés fin juin. Ils feraient plus de place aux ouvriers et paysans (de 4 à 10% à Canton), aux femmes (+16% au Jiangsu). Des rappels à l’ordre jaillissent, exhortant les cadres à la moralité et les militaires à la fidélité- ces derniers sont accusés de déréliction du devoir, d’indiscipline face à d’obscurs « complots occidentaux ». Le Parti communiste chinois leur reproche de couvrir le lieutenant général Gu Junshan, n°2 à la logistique nationale, convaincu de détournements massifs dans la construction de casernes. 

A la chute de Bo, suit sans surprise la percée du rival Wang Yang, Secrétaire du Parti à Canton. Dans la presse, Wang incite les internautes à s’exprimer, promettant de respecter leurs avis. Wang Yang est un libéral, des plus avancés en matière d’expérimentation démocratique, et un homme d’avenir.

Le compte à rebours du Congrès est engagé. En août se tiendra le conclave balnéaire de Beidaihe (Hebei), où 60 dignitaires rédigeront le script. Suivra à l’automne un plenum du Comité Central, puis le Congrès lui-même.

A ce jour, les positions de Xi Jinping et Li Keqiang semblent acquises, comme Président-1er Secrétaire, et 1er ministre. 

Le Comité Permanent devrait garder 9 sièges. Mais sur les 7 postes vacants à pourvoir, il n’y a que rumeurs et conjectures. Comment modifier le système pour l’avenir ? Quels modèles social, économique, politique ? Quel contrôle démocratique, vu que le pouvoir ne voudra pas d’un « système à l’occidentale » ? Selon un journaliste chinois, « le problème n‘est pas celui d’un homme, mais d’un système où une telle caste est au-dessus des lois ». 

  NB : Au 15/05, débutent 100 jours de contrôles renforcés des 120.000 étrangers de Pékin. C’est un préparatif de routine au XVIII. Congrès – que la presse justifie par l’agression (08/05) apparemment perpétrée par un Britannique sur une jeune Chinoise, sous l’emprise de l’alcool…


Société : La femme chinoise abandonne sa moitié du ciel

Liu Yandong

Les premières décennies de la République de 49 avaient beaucoup donné aux femmes : les plus récentes leur ont en partie repris.

Mao avait milité pour plus de femmes aux mannettes, mais 60 ans plus tard, elles n’occupent que 17% des postes de leadership. Et si, au Parlement, elles tiennent 21% des sièges, au Comité Central, elles ne sont que 7,6%, et une sur 25 au Bureau politique, avec Liu Yandong (notre photo). 

Pourtant, la femme est très présente dans l’économie, avec 46% de la population active (taux proche de la France), permettant de faire passer sa part des salaires dans le couple, de 20% en 1950 à  40% en 2004. Dans la fonction publique, les femmes assurent officiellement 42,5% des effectifs. Mais les chiffres trompent, car elles sont peu présentes au sommet.

Quoique moins nombreuses à l’école, suite à l’avortement sélectif, elles y réussissent mieux que les garçons, se retrouvant à l’université 1,07 pour 1 garçon en 2007. Elles le font, en surcompensant un favoritisme machiste universel – le fameux « petit empereur » passant le plus souvent devant la fille dans les priorités de la famille.

Le paradoxe est là. Selon un rapport sur le « leadership féminin en Asie » par la Lee Kuan Yew School (Singapour) et la Asia Society (New York), 53% de ces actives ne s’élèvent jamais, et elles ne le doivent en fait qu’à elles-mêmes, en renonçant aux avancements qui leur sont proposés.

La compétence n’est pas en cause : seuls 24% des employeurs rapportent un problème de ce type contre 80% au Japon. Simplement, dit la doctorante à Tsinghua, L.H. Fincher, elles estiment devoir tenir profil bas pour garder leurs chances de fonder une famille, et d’éviter le divorce d’un mari jaloux de leurs succès, ou mécontent d’une maison sans femme pour la tenir. De même, il n’est pas rare en Chine de voir des femmes puiser dans leurs épargnes pour aider le compagnon à acquérir un bien, enregistré sous son nom à lui. En 2005, 86% des propriétés étaient détenues par des hommes. De la sorte, durant la course à la « plus grande accumulation de richesse immobilière dans l’histoire humaine », en cours en Chine, la femme s’est départie d’un atout décisif.

Voilà pourquoi, selon I. Natividad, actuelle Présidente du Sommet mondial de la femme, les Chinoises possèdent 20% des entreprises contre une moyenne mondiale de 30% – et encore, des PME plutôt que des groupes. Avec malgré tout de belles exceptions, telles ces 7 chinoises milliardaires en US$ identifiées par Forbes, sur les 14 que compte la planète.

Reste le noyau du problème chez la jeunesse chinoise, comparée à celle de l’Ouest : une immaturité, généralement attribuée à la pédagogie (l’absence de) dans l’école chinoise. Visible chez les filles, elle peut être à la base de cette difficulté à accepter les promotions auxquelles elle aurait droit. ‘    Par chance en ce pays en ébullition, les mentalités changent vite. Les années 80 ont vu naître les 1ères générations plus libres. Aujourd’hui trentenaires, ce sont elles qui, dans les années à venir, vont devoir casser le carcan des traditions. Un bon présage existe dans la classe politique, avec Liu Yandong, pressentie pour entrer en octobre à l’organe suprême du Comité permanent, 1ère femme à le faire – sous réserve d’inventaire !


Joint-venture : Publicis tisse sa toile

Le géant français de la publicité Publicis se renforce en Chine en reprenant le 14/05 Longtuo, agence pékinoise de marketing numérique, son 4ème achat local en quatre mois.

Publicis n’est pas le seul, le Britannique WPP ayant racheté CIC (médias sociaux) et Wisereach (marketing mobile), tout en lançant en octobre 2011 une école de publicité à Shanghai. 

Publicis compte faire de la Chine son 2ème marché d’ici 2015.

La pub y a crû de 15% en un an, à 54,6milliards de US$, dont 25% vont aux groupes mondiaux. Mais depuis octobre 2011 , pour enrayer une épidémie d’émissions TV de divertissement, la tutelle SARFT ( State Administration of Radio, Film and Television) a réduit ces programmes de 17 à 9 par soir, sur 34 chaînes. Ainsi, l’espace de pub-TV se trouve restreint.

Ceci accélère un redéploiement de la pub sur internet en Chine, qui y enregistrait déjà une hausse de +26% en 2011. D’autant que le e-commerce explose en ce pays, devant réaliser 94,6MM$ en 2012 (selon Forrester), et une progression de 92% au cours des trois prochaines années (eMarketer).

Dans cette perspective, Longtuo, avec ses 200 employés, est un bon achat-comptant parmi sa clientèle des galeries virtuelles majeures telles Taobao et 360buy.com. Longtuo sera intégré à Razorfish, la branche internet de Publicis, sous la direction de J.Y Naouri, Président Chine du groupe.

Détail étrange : la Télévision végète, par excès de censure et manque de créativité. Les crédits se reportent sur internet, « forêt vierge » que l’Etat échoue à discipliner, ce qui entraine son succès en attirant les foules avides d’air frais.


Diplomatie : Avec l’Asie – la Chine en quête d’un vent nouveau

De grands efforts de dialogue ont lieu entre Pékin, Tokyo et Séoul. La Chine semble être l’acteur n°1  :  par besoin de  contrer les USA et leur nouvelle politique en Asie du Sud-Est, avec la base de Marines tout juste ouverte à Darwin (Australie).

Les 15-16/05, Hangzhou (Zhejiang) recevait le 1er sommet  maritime Chine-Japon, entre diplomates, stratèges militaires et experts des transports pour débattre du différend territorial sur les îles Diaoyu/Senkaku. Proposée par la Chine en décembre, la rencontre avait la sagesse de ne pas viser d’accord, mais un dialogue franc, préventif de dérapages futurs.

Deux jours avant, à Pékin, la 5ème trilatérale entre les 1ers ministres Wen et Noda (Chine, Japon), et le Président sud-coréen Lee Myung-bak fixait pour 2012 le début des négociations vers un accord de libre échange (ALE). Ce lien entre géants industriels, pesant 690MM$ en 2011, 70% du PIB régional et 19,7% du mondial, est la réponse  pékinoise au « partenariat transpacifique » (PTP) visé par Washington, qui exclurait Pékin et Séoul. Tokyo est inclus mais s’inquiète d’un traité qui forcerait l’ouverture de son marché agricole ou  de son assurance santé. Xinhua voit Séoul profiter le plus de cet ALE, avec un gain de PIB de 3,1% contre 2,9% à la Chine et seulement 0,5% au Japon.

Etape obligée vers l’ALE, les trois pays ont signé un accord de protection des investissements, même en cas de conflit – la confiance règne ! En ce projet, la Chine a l’avantage du poids, 1er partenaire du Japon et de la Corée, quand eux n’arrivent qu’en  4ème et 6ème positions chez elle. Wen a proposé d’ouvrir une zone pour des expériences préparatoires au Shandong.

Mais face à ces espoirs, restent les méfiances. Les débats « pré-ALE » traînent depuis 2007, sans percée malgré 13 rencontres. Corée et Japon craignent pour leur pêche et leur agriculture, et la Chine pour ses industries high-tech.

Fâché que Tokyo reçoive le Congrès mondial ouïghour, Hu Jintao n’a pas eu le temps de voir Noda, mais bien celui de voir Lee. Tandis que les Sud-Coréens tentent sans cesse d’aider leurs frères nordistes réfugiés en Chine, qui les renvoie chez eux. Or, fait notable, les trois pays ont « oublié » dans leur communiqué final de placer un point sur la Corée du Nord…  En somme, cet ALE, quoique probablement plus utile que le Partenariat transpacifique (PTP), a moins de chance de voir le jour – à court terme du moins.

NB : Aux Philippines, Pékin souffle le chaud et le froid. Il restreint les liaisons aériennes avec Manille et détruit une partie de ses importations de bananes (pour cause d’« insectes »). Les industriels philippins (souvent de la diaspora chinoise) préviennent : « les Philippines ont plus à perdre que la Chine ». Ainsi, les deux pays réduisent leur rhétorique belliqueuse et s’engagent secrètement à retenir leurs flottes. Au fond, comme Tokyo et Séoul, Manille réalise qu’elle ne peut se passer de son géant voisin, pour son bien-être, mais que celui-ci joue là-dessus pour faire pression sur elle, dans sa course à l’expansion maritime.


Industrie : Chantiers navals, à marée basse

Les 1600 chantiers navals prennent l’eau, dit Zhang Shouguo, de l’Association des armateurs.

En fait, cela aurait dû arriver en 2008, quand démarra la crise (cyclique) mondiale. Sauf que les chantiers furent alors dépannés par leurs provinces, et par le plan de restructuration/revitalisation du MIIT (Ministère des Industries et des technologies de l’Information) qui visait injection de crédits et expansion des capacités à 50 millions de tonnes jauge brute (tjb), sous trois ans.

Trois ans plus tard, le succès dépassait toutes les espérances : objectif doublé, (100M tjb), et à prix de dumping, la Chine avait lessivé 50% du marché mondial. Mais en 2012, les gros clients (aciérie, équipement, électroménager) toussent tous : les commandes ont diminué de 52% sur 2011 (qui était déjà de vache maigre), à 36 millions de tjb, et les subventions ont chuté de 87% par rapport à 2008.

 Pour passer l’hiver de la crise au chaud, quatre stratégies sont suivies : [1] l’hibernation (80% des cales sèches du Zhejiang sont à l’arrêt ou presque) ; [2] la reconversion en démolition navale ; [3] la recherche de niches, telles la construction de dragueurs de Daodai (Jiangsu) ; et [4]  le bon vieux « chapeau rouge » : le rachat par une corpo «stratégique» (nucléaire, Barrage 3 Gorges, etc.), dont l’accès au crédit reste illimité.

Tous ces « trucs » n’empêcheront pas, sous quatre ans, 30% à 50% de ces chantiers de fermer. Cette concentration permettra d’ici 2015 aux 10 plus gros de détenir 70% du marché (contre 50% en 2010), volant thermique de financement en R&D pour rendre vraquiers, pétroliers et porte-conteneurs plus sûrs et économes en énergie.


Politique : Lai Changxing, condamné à la perpétuité !

Dernières minutes :

Samedi 19/05, Chen Guangcheng, le dissident dénonciateur des avortements forcés au Shandong en 2006, a pu se rendre à NY pour études, accompagné de son épouse et de ses 2 enfants. Tout cela après une évasion, un refuge à l’ambassade américaine à Pékin et un mois de négociations tendues mais positives entre les deux capitales.

Seul souci de Chen : que Pékin honore sa promesse de le laisser revenir, une fois diplômé de la NY-University.

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Lai Changxing, l’importateur véreux  de Xiamen reçoit la prison à vie (18/05) pour contrebande (6 à 10 MM$) et corruption durant les années ’90. Il évite la peine capitale, conformément à la promesse de la Chine faite au Canada, afin d’obtenir son extradition, après 12 ans de cavale, en juillet 2011


Economie : Croissance – l’hiver au printemps

La Chine escomptait redémarrer au printemps. Mais l’hiver qui s’éternise, sous une Europe à marée basse, a frustré ses espoirs : avril en fait, a connu des chiffres désastreux. Ainsi, l’électricité, « locomotive » de l’économie, n’a progressé que de 0,7%/an, contre jusqu’à +16%  depuis avril 2011. L’export a dérapé à +4,9%, et l’import à +0,3% , annonciateur d’un objectif non tenu de +10% à l’export pour 2012. Les usines ont ralenti à +9,3%, « plancher » depuis mai 2009. Avril toujours, les prêts bancaires chutent de 32,6% et les IDE (Investissement Direct Etranger) de 0,7%, 6ème mois de déclin (-27,9% sur janvier-avril, par rapport à 2011).

Du coup, les prévisions de croissance annuelle s’effritent à 8% selon Bank of America, 8,1% selon Citigroup. Sonnés, les analystes cherchent la raison de la dégringolade. Peut-être, dit Ting Lu (BoA) à cause d’un règlement obligeant les 700.000 principales firmes (90% du PIB) à rendre leurs chiffres directement à Pékin, sans passer par le cadre provincial qui les enjolivait au passage pour sécuriser son avancement.

Face au « coup de noroît », la Banque centrale (12/05) baisse de 0,5% la réserve obligatoire des banques, libérant 63,5MM$ pour les prêts. Mais ce n’est guère plus que rétablir la capacité de crédit des banques, érodée par les retraits des clients qui, pour se protéger d’une rémunération inférieure à l’inflation, ont replacé à court terme, plus rémunérateur. Les banques, petites et moyennes, ont déjà épuisé leur quota, bien que leurs prêts (20% du total) aient chuté de moitié en un an. Pire, la demande en crédit elle-même a disparu !

Faute d’être sûres de travailler à profit, les firmes n’empruntent plus. Mais attention : si fin 2012, la croissance  passe sous la barre des 7,5%, ce sera le signal d’un « atterrissage dur ». Pour l’éviter, il faudrait que les banques prêtent 850MM¥ en mai et juin, ce qui ne s’est vu que huit fois depuis 2004, et semble inaccessible aujourd’hui. 

Aussi, face à cela, le marché réclame un nouvel effort fiscal de l’Etat, en subventions et bonif’ d’impôts. Encore faut-il absolument éviter les investissements à fonds perdus. L’Etat ne peut plus se permettre l’orgie et le ratage de changement de modèle, qui présida aux 400 milliards de « stimulus »  de 2008-2009.

Le XII. Plan prévoit en 2012, pour 10,7MM kW/h de capacité nucléaire nouvelle (+12%), de lourds investissements dans la maîtrise de l’eau, la poursuite du programme HLM, et à moyen terme, 250MM$ dans l’aviation/aéronautique. L’investissement étranger va aussi être stimulé, tant en « QDII » (Qualified Domestic Institutional Investors, soit des investissements boursiers en fonds bloqués) qu’en d’autres formes, tels fonds de pension. 

Un maître-mot est l’équipement à haute technologie, où le Plan vise 6.000 milliards de ¥ (995 milliards de $) de ventes en 2015, et 15% de sa production dans ces marchés de l’énergie (bas carbone), du transport… manière de réduire la dépendance envers les leaders en la matière, Japon et Allemagne, moyennant une forte modernisation du parc productif. Il s’agit aussi d’accompagner le redéploiement de l’industrie vers l’Ouest (source d’énergie et d’emploi).

Toutes ces mesures n’auront d’effets qu’à long terme. Elles devront être prises dans la douleur par les acteurs économiques, avec l’aide de l’Etat. Lequel, pour l’instant encore, se tait. Il se concentre sur le débat sur l’avenir du pays et ses divisions, dans l’attente de la passation du pouvoir. Mais dépendante des flux et reflux planétaires, l’industrie chinoise peut-elle attendre ?


Petit Peuple : Jinghua – la vedette est en prison

Le 07/12/2011 à Jinghua (Zhejiang), trois policiers sonnent à la porte de Zhang Guofeng, 39 ans : « Vous êtes bien Ji Siguang, de Qiqihar ? » demandent-ils, courtois mais sur le qui-vive. Suit un grand silence. Au visage de l’homme se succèdent rapidement plusieurs émotions intenses, stupéfaction, désespoir, résignation, tandis qu’il confirme en un murmure. Quelques instants après, il les suit, pieds et mains menottés ! En effet, sa capture marquait la fin d’une vie de gloire pour cet homme célèbre et ses 13 ans de cavale. Le 06/12/1998, à Qiqihar (Heilongjiang), avec trois complices, il avait agressé un policier en goguette avec son épouse, pour lui dérober son arme de service, son argent et son téléphone. Depuis, Ji en fuite était recherché par la grande maison qui venait de retrouver sa trace.

Ji n’avait jamais eu de chance dans la vie. Dans les années ’80, il vivait dans la terreur d’un père analphabète et alcoolique, obsédé d’en faire un homme d’affaires. Par contradiction comme par sensibilité propre, Ji ne rêvait que de cape et d’épées, de « fleuves et lacs » (江湖 jianghu), l’environnement littéraire des bandits d’honneur.    

 Un jour, il remporta le second prix municipal de théâtre, ce qui n’était pas rien en cette ville de plus de 5 millions d’âmes. Mais à sa grande désolation, apprenant sa distinction, son père s’était répandu en injures grossières, l’accusant de perdre son temps. Ainsi avec son fils, il avait rompu le dialogue à jamais – il porte une part de responsabilité dans sa chute, en l’ayant privé de son soutien moral quand il dut se lancer dans la vie.    Une fois l’école finie, pour gagner sa vie, Ji avait trouvé un petit job d’animateur dans un bar. Un soir aux bains publics, il avait rencontré des gangsters qui l’avaient ébloui par leur langage codé, leur hâblerie de buter un ennemi, et d’aller aux filles.  Cherchant leur faveur, il leur donnait du « grand frère », payait leurs restaurants. Une fois sans le sou, il se retrouva pris au piège, forcé de travailler pour eux. Le résultat avait été cette attaque, subie plus que voulue, qui en quelques secondes, le fit passer du clan des honnêtes gens à celui des bandits – un aller simple, sans retour possible.

La nouvelle de sa chute fit  l’effet d’une bombe auprès de centaines de millions de téléspectateurs. Car exilé au Zhejiang, 2.500km plus au sud, avec nom d’emprunt, il avait refait sa vie loin du banditisme et s’était fait acteur de séries TV. Doué, il était devenu vedette, tournant en quelques années, 30 séries parmi les plus populaires. Le pays découvrait que c’était lui, Yan Hui l’espion dans « l’Orient est rouge » (2009), Cui Ran l’eunuque dans « Shen Yi Dadaogong » et surtout Sheng Xang le commissaire, dans « le fugitif », feuilleton de 2008. La somme de ces rôles aboutissait à l’image d’un homme talentueux et honorable, en contradiction avec son arrestation et inculpation. Le public se sentait floué sans trop savoir par qui : l’acteur ou les policiers ?

Dans la presse, une énigme est escamotée par la censure. Après avoir joué les fils de l’air depuis si  longtemps, l’affaire finalement plutôt bénigne étant oubliée, son arrestation devenait de moins en moins probable. La police l’a attrapé grâce à un tuyau anonyme depuis Qiqihar. Peut-être quelqu’un l’a reconnu dans ses films mais pourquoi le dénoncer ? Souvent, la délation provient d’un rival jaloux ou d’une femme abandonnée, l’un comme l’autre décidés à « venger le mal par le mal » (以仇报仇, yǐ chóu bào chóu). Ji peut aussi s’être laissé aller à lâcher cet aveu capital sur son passé, par souhait inconscient de payer sa dette, après tant d’années à fuir et à trembler.

Quelle que soit la raison, sa capture lui coûtera le prix le plus lourd, la prison sans doute à vie. Car le policier, à l’époque, fut sérieusement blessé – ici, on ne plaisante pas avec ces choses-là. Enfin, la Chine oubliera vite ce génie dévoyé qui, pour protéger sa liberté, avait fait le pari d’apparaître sur le petit écran, jouant son propre rôle de bandit en cavale !


Rendez-vous : A Shanghai, les Salons de l’énergie éolienne offshore

22-24 mai Pékin : Hotel China

22 – 26 mai, Shanghai : Int’l Building & Construction Trade Fair

28-30 mai, Canton : Salon international des accessoires automobiles

30 mai – 1er juin, Canton : China Lab, Conférence sur les appareils d’analyse

30 mai – 1er juin, Shanghai : Offshore Wind China, Salon de l’énergie éolienne

30 mai – 1er juin, Shanghai : Tunnel China

4-6 juin, Canton : Metro Expo

4-7 juin, Shanghai : ALTM, Asia Luxury Travel Market, Salon asiatique des voyages de luxe

5-7 juin, Shanghai : Transport Logistic China + Air Cargo China