Le Vent de la Chine Numéro 1

du 10 au 16 janvier 2011

Editorial : Xi Jinping et Bo Xilai — plus rouges que rouge

Au tournant de l’année, deux cadres du niveau suprême se retrouvent sous les feux de la rampe : Xi Jinping malgré lui par les fuites de Wikileaks, Bo Xilai le patron de Chongqing, délibérément. L’un et l’autre sont en course pour le pouvoir suprême en 2012, le 1er désigné, l’autre outsider. La différence de style entre ces deux apparatchiks saute aux yeux, Xi cultivant l’ombre et Bo, les campagnes spectaculaires.

Sa dernière (3/01) consiste à faire de Chongqing TV, un bastion de culture maoïste, avec le matin, chants révolutionnaires et lectures du Timonier, l’après-midi, des films de «valeurs sociales», genre Longue Marche ou Guerre de Corée, et de 19 à 23h, des séries rouges, prenant la place des variétés et des feuilletons traditionnels.

La démarche n’est pas si insensée. S’appuyant sur la riche vidéothèque de propagande qui pétrit l’âme du pays depuis 2 générations, cette TV à thème est peu coûteuse. Les programmateurs savent que les jeunes, de toute manière, boudent la TV pour l’Internet moins censuré, au contraire du 3ème âge qui plébiscite cette «nostalgia». Certes, dès son entrée en vigueur, les annonceurs fuient la nouvelle grille, et l’audimat chute. Mais la «télé rouge» de Bo Xilai guigne un autre public, 2500km plus loin : Pékin. Par son «politiquement correct », Bo vise sa place au Bureau politique et mise sur un problème central de la Chine de 2011, le vide moral lié à l’abandon du communisme. Vide qu’il tente de combler en un anachronique retour aux sources.

Depuis sa nomination en 2007, son action sur Chongqing n’a d’ailleurs jamais dérivé – peut-être aussi dédiée à son père Bo Yibo, compagnon de Deng Xiaoping. En 2009, il nettoyait la mafia (2000 inculpations). Puis il envoyait les 750.000 étudiants locaux «au moins un mois/an» chez les ouvriers, paysans et soldats, comme au bon vieux temps de la « Révo’Cul »…

Sa «TV rouge» arrive à temps pour le 90. anniversaire du PCC, le 1er juillet 2011, et à un an de l’intronisation du nouvel appareil «de la VI. Génération». Pour le professeur Joseph Cheng (City University/HK), Bo, plutôt fringant et mode, se fait médiatique pour assurer sa place, tandis que Xi déjà désigné, «attend au chaud» sans prendre de risques.

Et voici que dévoilé par les indiscrétions de Julian Assange, apparaît le précieux portrait de Xi, tracé par un de ses amis de jeunesse ayant commis l’imprudence de se confier à l’ambassade américaine. L’homme serait «suprêmement pragmatique», consacrant toute son énergie depuis le plus jeune âge à monter vers le pouvoir suprême, sans faire de faute. Il serait pourtant d’intelligence «moyenne», et passerait pour «terne» auprès des femmes.

Malgré leur différence de glamour et de pouvoir, Bo et Xi ont beaucoup plus en commun qu’il n’y paraît. L’un et l’autre s’estiment impartis, de par leur naissance«princière», d’un droit «légitime» à diriger la Chine. Tous deux ont axé leur carrière sur un cap «plus rouge que rouge», et soignent leur image d’incorruptibles.

Surtout, ces 2 hommes sont déterminés à préserver le monopole du Parti, garant de la stabilité et de la montée en puissance du pays dans le monde : il ne faudra pas compter sur eux pour une réforme politique vers plus de démocratie. Mais cette conviction conservatrice commune, pourrait former entre eux la base d’une alliance. Xi vient d’ailleurs de faire une tournée d’inspection de trois jours à Chongqing, où il a frappé en approuvant chaleureusement l’oeuvre de son rival (ce qui est une preuve de sa force tranquille): la décapitation des triades et sa tentative de réinsuffler une ferveur révolutionnaire chez ses administrés.

De tous ces leaders, le moins anti-réforme pourrait être Li Keqiang, le véritable rival de Xi Jinping, et son partenaire obligé dans le prochain binôme au pouvoir. Li semble plus engagé dans le populisme et la défense du bien-être social, par des programmes de logements et de sécurité sociale. Quoique protégé par Hu Jintao, Li apparaît ici, dans le futur appareil, le fils spirituel et la prolongation de Wen Jiabao.

 

 


A la loupe : « Chicha » chinoise sur l’Egypte

A la terrasse de cet hôtel d’Assouan (Haute Egypte), un « touriste » déambule et discute sur son portable en mandarin : livraison, assurance crédit, SAV… Autour de lui, les autres clients du lieu sont également tous Chinois, et tous en train de surfer sur leurs ordinateurs portables ou iPhones… Les affaires n’attendent pas !

La Chine débarque en Égypte. Le commerce a doublé depuis 2006 à 6,24MM$ (2008). 1079 firmes célestes y ont investi 0,5MM$ et les résidents seraient plus de 100.000. Les derniers arrivants sont les démarcheurs, offrant au porte-à-porte la camelote made in China moitié moins cher que celle des souks, ce qui menace de mort l’artisanat local. Chemises, chaussures, voire les téléphones portables du sud chinois dont G’Five Int’l exporte 1,5 million par mois, entre Inde et Proche Orient, Égypte en tête.

Méthodique, la Chine occupe progressivement les sites stratégiques. La TEDA de Tianjin installe 23 usines dans une zone industrielle aux portes de Suez (200M$ d’investissement), et garde ainsi un oeil sur le trafic du Canal. Au Caire, en reprenant pour une bouchée de pain le Parc des Expos & Conférences, elle obtient une vitrine pour ses exports, rayonnant sur la façade nord de l’Afrique.

D’autres projets plus ambitieux suivent, telle la centrale nucléaire de Al-Dabaa, 1000Mw, qui doit être suivie de 3 autres d’ici 2025. Areva serait le mieux placé, mais la Corée (qui vient de lui souffler un contrat crucial au Brésil) et la chinoise CNNC (China National Nuclear Corporation) sont sur les rangs, avec pour atout un prix cassé, une technologie vieillotte mais fiable, et surtout le financement (garantie d’Etat), auquel commencent à peiner les groupes européens. Vinci et Bouygues achèvent en JV avec 2 groupes égyptiens, 2 phases de la ligne 3 du métro du Caire, mais se résignent à voir «sous 10 ans» l’arrivée sur ce marché de rivaux chinois auréolés par leurs réalisations ultrarapides des métros de Pékin (cf p.2) et de Shanghai, capables de financer ces projets, quitte à se rembourser sur 30 à 50 ans par les ventes de billets.

L’avenir en Égypte réserve bien des surprises, avec des projets « pharaoniques » en vue, tel un TGV Le Caire-Assouan le long du Nil, cordon ombilical du pays, qui prendrait le relais d’un équipement depuis longtemps périmé. Le Caire annonce aussi une autoroute Ouest-Est vers la Mer Rouge et un canal à grand gabarit dit « second Nil » du lac Nasser au Delta, de transport et d’irrigation, base d’une chaîne de villes à bâtir, de renouveau de l’Égypte : sur ces appels d’offres futurs, la Chine sera compétitive !

La rue égyptienne n’est pas ravie de cette ruée chinoise qui pour l’instant lui brise plus d’emplois qu’elle ne lui en crée.

Sur les routes, la Peugeot 504 conserve la préférence du taxi collectif, quoique délabrée après 40 ans de bons et loyaux services. Mais faute de pouvoir acheter ce modèle abandonné depuis 28 ans, les chauffeurs se rabattent sur la concurrence (Toyota, Nissan, Geely, Cherry, BYD): la mort dans l’âme, les nouveaux modèles étant plus exigus et trop bas, mal adaptés aux routes locales. Mais ceci suggère que la relève chinoise en Égypte est moins guidée par la fatalité, que par des choix à courte vue, effectués 30 ans plus tôt de l’autre côté de la Méditerranée.

 

 


Joint-venture : Double mine d’or chinoise à Bangkok

Qui n’a entendu parler de Yiwu (Zhejiang), le plus grand marché low cost, visité par des centaines de milliers d’acheteurs notamment d’Afrique et du Proche-Orient ? Avec son partenaire thaï, le groupe chinois Ashima Cultural, va dupliquer l’énorme outil à Bangkok: sur 700.000m² pour un investissement de 1,15MM$. A l’ouverture prévue pour 2013, China City Complex sera alimenté par la fine fleur de l’industrie chinoise -70.000 PME- en produits alimentaires, textiles, machines-outils, matériels sportifs, de jardinage etc. Il fournira tout le Sud-Est asiatique, du Vietnam à la Birmanie, avançant les prix les plus bas du monde comme moyen de contrebalancer la récession.

Plus fort : ouvertement, Yang Fangshu, Président d’une association de promotion commerciale Chine-ASEAN affiche l’intention de réexporter ces mêmes produits vers Europe et USA, profitant des quotas commerciaux élevés octroyés à la Thaïlande par ces continents et de la taxation très basse (ou à droit « Zéro »), dans le cadre de l’accord de libre échange de janvier 2010 entre Chine et pays membres de l’ASEAN. Une des finalités de China City Complex apparaît donc de contourner les barrières non tarifaires de l’Union Européenne et des Etats-Unis et les 127 plaintes anti-dumping déposées contre la Chine en 2009. Ce sont de tels outils qui permettront au commerce Chine-ASEAN de passer de 161MM$ en 2010 (janvier-juillet, +50%) à 500MM$ sous cinq ans.

 

 


A la loupe : Li Keqiang en Europe—chance de retrouvailles ?

En 8 jours (4-12/01), Li Keqiang visite Espagne, Allemagne et Royaume-Uni : mission à deux vitesses, entre une Europe du Sud à fort taux de chômage et hyper endettée et celle du Nord qui espère encore négocier d’égal à égal.

A Madrid, Li a été accueilli comme le messie, offrant pour 7,5MM$ de contrats dont 7,1 payés par le pétrolier Sinopec qui finance son homologue Repsol pour accélérer ses explorations au Brésil. Li aurait aussi promis l’achat de 6MM$ de bons de l’Etat ibérique. Tout comme, en novembre, Hu Jintao promettait à Lisbonne des achats de bons du trésor (4 à 5MM²), en octobre Wen Jiabao le faisait à Athènes, qui vient (8/01) de vendre un volume (inconnu) de sa dette à un acheteur (anonyme).

Ce qui pose un problème, soulevé par la Tribune en France. Pékin détiendrait déjà 630MM² de dettes des 27 États Membres, soit 7% de la dette publique de la zone euro (28% de celle détenue hors de l’Union), presque autant que ses 907MMUSD de bons du trésor américain.

En échange, elle pose des exigences discrètes, mais exorbitantes. De tous ses débiteurs, Pékin réclame l’abandon de toute pression à la revalorisation du yuan, et l’«ouverture de leurs marchés», notamment au rachat de places technologiques -sans réciproque. Or, Pékin, depuis 2 ans, multiplie ce genre d’emplettes de bijoux industriels en MM$ : le port du Pirée par Cosco, Volvo par Geely, 500M² d’investissement industriel chinois autour de l’aéroport de Châteauroux, l’aéroport de Parchim en Allemagne (par un investisseur privé, puis Xiamen Airport)…

A Bruxelles, le Commissaire A. Tajani tente de créer un instrument communautaire de supervision, pour la cession d’actifs nationaux majeurs. Mais l’actuelle Europe atomisée en 27 nations, assistée par la Chine, ne peut dire non. Les Européens risquent de découvrir amèrement, un peu tard, le véritable prix pour ce financement chinois d’un mode de vie non viable !

A Berlin, les choses vont autrement. Comme à Paris en novembre, pas question de cession de dette nationale (la Chine avait offert à l’allié français pour 16MM² de contrats commerciaux). L’Allemagne est le poids lourd des échanges sino-européens, avec 94MM² de commerce dont 40% à l’export en 2009. A Berlin, Li a signé pour 8,7MM² de contrats, dont près de 50% en import de Mercedes et de VW. W.Bruederle (ministre économie et finances) lui a aussi réitéré la demande pressante de ne pas étrangler l’export chinois de terres rares, soumis ce trimestre à un quota de – 33%.

L’essentiel de cette visite est peut-être finalement ailleurs. Pour Li, c’est l’occasion de se faire en Europe des alliés précieux—de rattraper son retard diplomatique sur Xi Jinping, son futur patron. En parlant directement avec JL. Zapatero, A. Merkel et D. Cameron, il a aussi la chance de dissiper un climat tendu ces derniers mois avec l’Europe, notamment lors du désastreux Sommet Sino-Union Européenne d’octobre, où les partenaires ne s’étaient entendus sur rien. L’arrivée à Pékin d’un nouvel ambassadeur européen, Markus Ederer, pourrait aider à débloquer les palabres pour le prochain accord de partenariat, supposé encadrer toutes coopérations pour 20 ans, mais qui achoppe depuis deux ans à des difficultés redoutables…

 

 


Argent : Pékin : la croissance automobile achevée

2010 vit vendre en Chine 18M d’autos, (+20 à 40% selon marque) -mais çà ne durera pas. Conscient de l’aspect intenable de cette croissance échevelée, l’Etat a supprimé les primes à la casse et aux paysans, et rétabli à 10% la taxe aux petites cylindrées. Pékin va plus loin, instaurant (1/01) une loterie des immatriculations. Il était temps. Avec Mexico, elle était élue «pire trafic mondial», et avec 4,76M de 4-roues. Le système octroie 20.000 plaques par mois, deux tiers en moins qu’avant. Shanghai-elle pratique depuis 1984 la «plaque aux enchères»: 45.300¥ par véhicule en moyenne, soit 50% d’une bas de gamme.

Le 30/12, la capitale ouvrait aussi cinq lignes de métro, portant leur nombre à 14, leur longueur à 336km (+33%), avec un investissement plutôt bas de 9.2MM$ mais pour revers un niveau de bruit et de vibration rude pour les riverains.

Le pari est de remplacer l’auto. Pour cela, le réseau, même élargi, reste insuffisant, gérant 5,3 millions de passagers/jour, soit peut-être 2millions de clients sur les 19 millions d’habitants de la ville—beaucoup trop peu ! Aussi le maire Guo Jinlong annonce-t-il un triplement de la longueur d’ici 2020, et même un Maglev (train à sustentation magnétique) de conception locale dès 2013, sur 10km de Mentougou à Shijingshan. Il promet aussi plus de couloirs de bus, et d’écarter les véhicules polluants. Vaste programme: les bulldozers ont encore de beaux jours devant eux!

 

 


Temps fort : L’Etat meilleur en finance, qu’en communication

En 2011, la finance chinoise donne des signes contradictoires.

Le 31/12 à Xilingol, par -25°C «Grand père-Wen » (Wen Jiabao le populaire 1er ministre) brave les blizzards mongols pour promettre un «halte à la vie chère», à la flambée du panier de la ménagère. Pour les économistes cependant, loin d’être une calamité, cette inflation née des aléas climatiques, est un bienfait: un transfert de ressources des villes aux paysans, chance de faire d’eux des consommateurs, raffermissant le PIB.

Prenant le pouls des prix, les experts croient d’ailleurs que l’inflation vient de franchir le pic. Et pour cause : des mesures énergiques sur les prix portent leurs fruits, comme seule peut en déployer une administration chinoise, dans son économie mutante mi-marché mi-Etat. Très surveillés, les camelots sont punis s’ils dépassent les prix. L’État déstocke et approvisionne directement les marchés, court-circuitant les intermédiaires. D’ici le «chunjie», 8Mt de blé et d’huile seront ainsi écoulés à prix coûtant. De même, début décembre, l’amende pour spéculation était quintuplée à 5M¥ l’infraction, décourageant la fraude.

En même temps, l’État augmente les salaires des résidents de 7% minimum/an d’ici 2015 (21% à Pékin pour le salaire minimum), les pensions de 10%, et révise la loi des monopoles pour mieux interdire les ententes sur les prix. Auprès des banques, il vient de rehausser les taux d’intérêts, de réduire les prêts et d’inciter l’argent chinois à s’ex-porter. Tout ceci pour éponger les masses de crédit dormant, résultat de ses 2 ans de stimulus offert aux firmes publiques. Il s’agit aussi de ralentir la croissance des réserves publiques, déjà à 2650MM$, et de brider la progression du yuan, à 6,6/1USD l’an passé—les analystes prédisent une hausse de 4,6 % à 6,3USD en 2011. Il s’agit de la seconde phase du plan des autorités, bien conscientes que l’intervention musclée sur les marchés n’aura qu’un temps.

Le problème : sourds et aveugles aux injonctions publiques, crédit et immobilier poursuivent la bulle et fuite en avant. Les contrôles publics n’empêchent pas les banques d’engranger des profits sans précédent, jusqu’à 1000MM¥ en 2010 (contre 668.4 en 2009). Dopés par cette capacité de crédit, ventes et prix de l’immobilier poursuivent leur chevauchée fantastique, atteignant à Shanghai 21.699¥/m² (moyenne). Etant le « nerf de la guerre »des cadres intermédiaires, c’est logiquement que banque et foncier résistent aux consignes centrales d’austérité. Du fait de disputes entre ministères, Pékin serait même sur le point de repousser l’adoption d’une taxe à la propriété. Le trou noir de l’économie chinoise est bien là: selon Yu Yongding, ex-conseiller à la Banque de Chine, « le modèle de croissance de la Chine est quasi épuisé», et sans ajustement structurel «douloureux», la croissance nationale pourrait subitement s’affaisser…

Au niveau social, de multiples incidents relaient ce sentiment d’alarme. A Pékin le 29/12, le Président Hu Jintao rendait une visite télévisée à une femme sans ressources, logée par l’Etat dans 45m², pour 77¥: les internautes crient au scandale, soupçonnant l’histoire d’avoir été «bidonnée». A tort, apparemment, mais la méfiance règne.

Idem à Yueqing dans le Zhejiang, un chef de village est mort (25/12) sous un camion, « accident » dit la police, « assassinat » dit la rumeur, d’un homme qui irritait des profiteurs, en tentant inlassablement de protéger ses administrés des expropriations abusives de leurs champs… Tout ceci révèle un climat social de plomb, que l’Etat se montre incapable de gérer de façon convaincante…

 

 


Petit Peuple : Quzhou, de taulard à thésard

La faim est mauvaise conseillère, dit-on. Sans doute vrai, mais plus encore l’est le regard jaloux du potache miséreux sur l’Ipad du voisin, son blouson en daim, son jeans élimé mode, face au sien dont les trous ne sont que trop réels, comme sa crasse accumulée faute de pouvoir se payer le lavage. Quand à s’offrir un verre ou un dîner avec une copine, en pareille dèche, cela relève du fantasme pur et simple !

Tel était le sort de Lin Dan, fils de paysans à Longquan (Zhejiang). A l’automne 1993, la joie d’entrer en fac à Hangzhou, suite à 9 ans d’indicibles sacrifices, avait été vite effacée par le retour de la misère, vieille compagne. Sur le campus, loin des parents et de leurs sages conseils, Lin avait succombé à la tentation anarchiste de la «réappropriation populaire» -excuse pour le vol. Au copain pas sur ses gardes, il piquait un ticket-repas, puis de fil en aiguille, la bourse…

Au fil des ans la drogue du chapardage le dévora. Après tout, ces vélos, tél. portables ou PC de tous ces fils à papa, avaient d’abord été pris au peuple, qui les avait payés à la sueur de son front. Les leur reprendre n’était que justice, non ? Et c’est ainsi qu’en 1996, les vigiles, en chasse d’un pickpocket aussi audacieux qu’insaisissable, finirent par le pincer la main dans le sac.

La justice chinoise n’a jamais été tendre pour ce genre d’enfant perdu. On lui colla sur le dos 30 cas de vols qualifiés : radié de l’université, il se retrouva un beau soir, avec un verdict de perpétuité !

Derrière les hauts et sombres murs du pénitencier provincial n°1, à Quzhou, à 240 km de Hangzhou, et de ses lumières perdues à jamais, Lin Dan s’abandonna tout d’abord au désespoir de sa vie gâchée, tout en rabâchant « et je m’en vais au vent mauvais qui m’emporte /de çà de là/pareil à la feuille morte».

C’est seulement alors qu’il recommença à entendre sa conscience venant l’aiguillonner vers le droit chemin. Aux petites heures, il réalisa sa mauvaise foi passée, ce maudit aveuglement qui lui avait fait préférer «se cacher le mal par peur du remède» (讳疾忌医 huì jí jì yī)…

Il fut sauvé, dit le Journal du Soir de Qianjiang, par l’éducation nationale qui ouvrit alors aux taulards l’accès aux examens, tout en assortissant tout diplôme d’une remise de peine.

En pleine convalescence morale, perdu et incertain, Lin Dan mit deux ans à sauter le pas. En 1998, il s’inscrivit, une fois décidé, il mit autant de ferveur à reprendre ses études, qu’il avait eu de rage à dépouiller les autres, puis à s’autodétruire. Il était temps de leur montrer à tous qu’il n’était plus le vaurien qu’ils croyaient.

De la sorte, après quatre semestres, il avait acquis 5 unités de valeur, dont un fabuleux 97 sur 100 en techniques publicitaires, 2d score provincial. Jour et nuit, il dévora ses polycopiés, insensible aux lazzis des détenus qui, par dérision, ne l’appelaient plus que sous le vocable de «vieux Confucius». Les rares sous qu’il gagnait dans les ateliers de la prison, il les plaçait dans des livres, dédaignant le tabac que grillaient les autres.

Faut-il le préciser? Depuis son retour aux études, Lin Lan respectait à 100% la discipline carcérale. Cela, plus ses diplômes à la file, lui valurent dès 2007 une formidable remise de peine, de la perpète à 14 ans. Ainsi, à une aube d’avril 2010, il se retrouva seul sur le terre-plein à la porte du pénitencier avec, dans sa valisette, ses 102 crédits, ses 4 diplômes complets en marketing, pub, littérature et psychologie et son contrat offert par une boite de Hangzhou convaincue par son excellence, de lui redonner sa chance.

Lin Dan a changé de nom. A part la police, le seul au courant de son état-civil tout neuf est Lao Wang, le maton devenu son copain, par qui le journal cherche à le retrouver. Mais en vain : après ces années d’épreuves et ce combat si âprement mené, pour rien au monde, Lao Wang ne voudrait trahir son ami, une fois sa dette payée, et lancé son nouveau départ !

 

 


Rendez-vous : A Shanghai, Salon des accessoires de mode en Asie

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