Le Vent de la Chine Numéro 30
Au sommet de Davos d’été (Tianjin, 14/09), le premier ministre Wen Jiabao s’est félicité de la bonne santé d’une économie en pleine restructuration, bourgeonnante d’emplois neufs. La croissance folle du 1er trimestre (11,9%) a été ramenée à 10,3% au 2d trimestre, moyennant la fermeture (en cours) de 2087 vieilles usines, et le resserrement du crédit immobilier.
Mais dès que l’on observe le bilan conjoncturel d’août, la vision s’embrouille.
Le commerce de détail a gagné 18,4%: ceci reflète certes un bien-être croissant pour une partie de la société, mais aussi une inflation galopante, +3,5%, 0,2% de plus qu’en juillet. De plus, ce commerce a été facilité par un subit relâchement du crédit (80MM$, 10% de plus qu’attendu), signe d’une volonté de relancer l’import, +35,2% en août (+22,7% en juillet) : minerais et pétrole pour les usines, équipements et biens de consommation.
Le même mois, l’export a été ramené de 38 à 34,4 MM$. Ainsi, fut raboté de 8MM$ l’excédent commercial, à 20MM$ au lieu des 30 escomptés : au bon moment pour calmer les ardeurs protectionnistes américaines. Ce résultat exprime la capacité de l’État à « faire la pluie et le beau temps » sur l’économie, avec une maîtrise de ses outils macro-économiques supérieure à celle des pays occidentaux.
Mais sur la conclusion à tirer de ce bilan, la vision optimiste de Wen Jiabao est loin d’être partagée. L’inflation par exemple, dépasse de 1,25% le taux d’intérêt du placement à 1 an. Pour éviter de rétrécir en peau de chagrin, l’épargne n’a d’autre refuge que l’immobilier- paradis des blanchisseurs d’argent sale… Justement ce que l’État veut décourager. Ayant refermé le robinet des crédits au secteur, puis l’ayant rouvert en août, le résultat a été la poursuite de la cavalcade du foncier +9,3%, triple de l’inflation moyenne. Ce qui incite d’aucuns à affirmer: «nous avons déjà fait 80% du chemin vers l’éclatement de la bulle». D. Choyleva (Lombard Street Research) va jusqu’à dire que la Chine a atteint «le stade le plus vulnérable du cycle actuel», combinant deux soucis normalement opposés : surchauffe ET inflation, fruit inévitable des 593MM$ déversés en 18 mois sur les provinces et grandes entreprises d’Etat. Non moins inéluctable, devrait s’ensuivre « une croissance d’avenir nettement moins haute ».
Aussi, consciente de cette «gueule de bois de stimulus», la Banque populaire de Chine devrait augmenter son taux d’intérêt pour enrayer l’inflation, surtout alimentaire. D’autres actions inédites sont au four : au 1/10, le Zhejiang, Shanghai et d’autres vont bloquer les arrhes sur tout chantier inachevé, tout en imposant, au déblocage, l’utilisation exclusive à la construction. L’idée est de barrer au promoteur la latitude de jouer en bourse, et d’acheter de la terre fraîche. Et pour prévenir cette barrière coupe-feu, on voit aujourd’hui les promoteurs courir à l’achat de parcelles, pour 10MM¥ en deux jours entre Pékin et Shanghai (9-10/09) : faire un dernier plein, avant la date limite…
Notre conclusion rejoint celle de l’Etat, qui en dépit de la méthode Coué de Wen Jiabao, n’est pas dupe. Au Davos d’été, Jia Kang, directeur au ministère des finances, admet que l’abandon ou non du stimulus n’est pas décidé, et qu’il ne le sera qu’après publication du bilan du 3e trimestre, se laissant ainsi le temps de voir si oui ou non, la Chine est hors de la crise.
Un stimulus au moins demeurera: les 200MM¥/an en droits de tirage (obligations) des provinces, au service de leurs inavouables dettes cachées, les salaires et les projets politiquement trop lourds pour pouvoir être abandonnés. Ainsi, pour des années encore, la Chine devra travailler dur au refroidissement du volcan qu’elle a déclenché: les 593MM$ offerts aux provinces et entreprises publiques en 2008, investissements aveugles.
Cette semaine, le ministère de la santé conduit une campagne exceptionnelle de vaccination anti-rougeole, cause de cécité, pneumonie et encéphalite. En 10 jours, 100M d’enfants (8mois-14 ans) seront immunisés. Quasi disparue d’Europe et d’Amérique, la rougeole a contaminé 52.000 petits l’an passé, avec 39 décès : l’Etat ne pouvant atteindre son objectif d’éradication d’ici 2012, cela a motivé sa réaction énergique. Dans les familles cependant, les infirmières ont rencontré un problème classique: la méfiance. Certains parents évoquant des troubles après le vaccin, d’autres doutant de sa qualité. Soutenu par l’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé, Hao Yang le directeur national de l’épidémiologie, demeure ferme : pour terrasser le mal, il faut un «mur d’immunité» chez tous les enfants. Par contre, et c’est nouveau, le ministère s’interdit la contrainte : les enfants ne seront vaccinés qu’après accord signé des parents.
Un fléau nouveau fait parler de lui : l’anaplasmose HGA, frappant les femmes et adultes (40-70 ans) en milieu rural. Transmise par les tiques voire moustiques, mouches et autres arthropodes, elle cause démangeaisons, fièvre hémorragique voire méningite, parfois mortelle. Découverte en 2006, elle est aujourd’hui détectée dans 12 provinces, avec au moins 31 morts -et sans doute bien plus, ces cas ne concernant que Henan et Shandong. Dans les provinces, des voix dénoncent l’apathie des services épidémiologiques, n’ayant lancé l’alarme auprès des médecins de base que cet été. Le ministère admet ignorer le nombre de cas de cette pathologie encore mal connue, dont même le virus exact reste à isoler.
A Canton, une maladie plus familière se manifeste : la fièvre Dengue. La ville s’en inquiète à deux mois de ses Jeux Asiatiques. Transmise par un moustique, cette infection parfois mortelle a son pic de diffusion en septembre-octobre, et 11 cas sont déjà repérés à Dongguan…
Sur un autre front, la réforme de la santé va de l’avant, dotée, depuis 2009, de 125MM$ avec lesquels elle élargit le champ de son assurance médicale, construit ou équipe des centaines d’hôpitaux nouveaux, et teste son mode de gestion (re) nationalisée des soins de santé.
Or, ce système révèle ses lacunes. A Zichang (Shaanxi), l’Hôpital du peuple a vu la mairie effacer son ardoise de 15M¥, prendre en charge les salaires tandis que l’hôpital renonçait à sa surtaxe de 15% et à sa facturation libre des médicaments, passant aux remèdes conventionnés deux fois moins chers. Le problème : le médecin a perdu son « revenu gris », et sa motivation avec : « on retourne à l’époque de Mao », dit l’un d’eux…
Un autre hôpital fait parler de lui : celui de l’étranger, avec médecins expatriés offrant des services (bilingues) de qualité, à prix exorbitant. Jusqu’à présent, ils étaient limités à des JV à 70% d’investissement extérieur. Désormais, ils auraient obtenu le droit à 100% : ce qui leur garantit 30% de profit supplémentaire, pour devenir «la coqueluche» des milieux expats et de la haute société urbaine !
Alibaba, n°1 chinois du commerce en ligne se détourne de Yahoo, son actionnaire à 39% depuis 2005. Dès 2009, alors que Yahoo méditait sa fusion avec Google, Alibaba menaçait, si l’accord se faisait, de récupérer ses parts, et il supprimait de son réseau les annonces Yahoo. Puis en janvier, quand Google dénonça une vague de hacking d’origine chinoise et que Yahoo fut solidaire de cette accusation, Alibaba respectueux de la propagande officielle fustigea l’ «affabulation» de l’actionnaire.
A présent, le groupe de Jack Ma (Alibaba) déclare vouloir racheter ses 39% de parts chez Yahoo lequel, par la voix de sa CEO Carol Bartz, refuse catégoriquement. Jack Ma allègue que Yahoo, exploitant à présent le logiciel Bing de Microsoft, n’a plus de technologie propre. Autres raisons : la mésentente entre lui et Bartz est notoire, et Yahoo ne marche bien nulle part en Asie, perdant régulièrement des parts de marché.
En même temps la semaine dernière, Alibaba présente sa prochaine alliance : avec Ebay, l’ex-grand rival américain. Préférant désormais la synergie à la confrontation, le Chinois pense pouvoir aider les petits clients d’Ebay à faire sourcer leurs produits en Chine, tandis que l’Américain retournerait la politesse à ceux d’Alibaba, pour vendre aux USA…
Que s’est-il passé à 190km au large de Taiwan, aux îles Senkaku-Diaoyu le 7/09?
Enregistré à Xiamen, le chalutier Mintinyu a été arrêté dans ces eaux après avoir heurté deux garde-côtes nippons. Or, si ces îles sont sous contrôle japonais, les riverains y ont des droits de pêche reconnus dans la zone. On ignore donc la raison du contrôle, et de la fuite.
Depuis, tandis que Tokyo tente de dégonfler l’affaire, Pékin fait monter la tension. Au 1er degré, la crise porte sur le sort du capitaine Zhan Qixiong, qui encourt 3 ans de prison. Mais au second degré, la Chine nie la souveraineté du Japon sur ces îles -quoiqu’une carte chinoise les décrive encore en 1969, comme « Senkaku » et nippones…
Cette montée de fièvre pourrait n’être pas due au hasard. La Diète japonaise aurait tenu cet été un vote pour renforcer sa souveraineté sur ces îlots d’une taille totale de 6,3km². Intéressants pour leurs ressources halieutiques et leurs gisements pétroliers, ils ont aussi une valeur stratégique : cette chaîne de terres émergées à l’extrême sud de l’archipel japonais, pourrait ainsi barrer l’accès chinois à l’Océan Pacifique-Nord.
Aussi Pékin multiplie les actions spectaculaires : déclarations musclées du porte-parole ou de hauts personnages («l’action en justice nippone est nulle, absurde et non valide ») ; cinq convocations de Uichiro Niwa l’ambassadeur (l’avant-dernière, le 12/09 par le Vice 1er ministre Dai Bingguo, à 1h du matin) ; et le report d’un sommet ministériel pour négocier le partage de gaz offshore.
Tokyo a averti ses ressortissants expatriés de prendre leurs précautions, tant pour leur sécurité que pour celles de leurs biens (magasins, voitures…). L’avertissement ne vise évidemment pas le gouvernement continental mais la rue, toujours prompte, dans le souvenir du passé, à laisser ressurgir les sentiments anti-nippons.
La libération du capitaine Zhan signerait bien sûr la fin de la tension, mais elle apparaît difficilement admissible pour Tokyo après cette pression intense : pour son opinion, ce serait vécu comme une reculade, et il craindrait aussi que l’opinion chinoise ne le prenne comme l’admission du bien fondé de la revendication par le continent.
D’un autre côté, un conflit prolongé est hors de question, car il léserait l’emploi et la stratégie de croissance—le Japon étant second investisseur étranger en Chine, derrière Taiwan. De plus, Tokyo rappelle que les Senkaku sont protégées par le Japan US Security Pact en cas de conflit armé -auquel la marine chinoise, en dépit de sa modernisation accélérée, n’est pas prête.
Un arrangement est donc inévitable. Il est peut-être annoncé par l’article du professeur Feng Zhaokui, chercheur à la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales) qui dénonce comme «vrai coupable» de toute cette crise à répétition les USA, pour avoir « vicieusement » rendu en 1972 au Japon, avec Okinawa, ces îlots qui ne lui appartenaient pas… Autre signe discret d’accommodement: une petite manif (40 personnes) était fermement tenue en main par les forces de l’ordre, le 18/09 à Pékin devant l’ambassade du Japon…
Li Hongzhong, gouverneur du Hubei offre à l’étranger 150 projets géants, pour 1800MM$ sur 20 ans.
Des usines automobiles électriques pour «Grand China Electric» et Nissan, une ligne TGV, quatre lignes de métro ; l’extension du port de Wuhan à 10M de conteneurs/an et 100Mt de vrac de capacité; 10 nouveaux tunnels sous le Yangtzé; un 3ème terminal et une 2de piste pour l’aéroport de Tianhe. Les infrastructures occupent 30%, le reste allant aux industries nouvelles et aux services.
Problème: ce montant est le décuple du PIB provincial : comment la province pourra-t-elle rembourser? D’autant que les villes de Chine, du Hubei notamment souffrent d’endettement lourd, comme Jinzhou qui sonnait cet été le tocsin auprès du gouvernement, incapable de rembourser sa dette étrangère…
Au moins, ce plan nous confirme l’extraordinaire dynamisme du développement de la province centrale, carrefour de tout le pays. Dynamisme confirmé par Foxconn, le constructeur électronique à façon (0,94M d’emplois, pour Apple, Acer et autres) : fuyant Shenzhen où il vient de connaître 12 suicides, le géant Taiwanais va créer 100.000 emplois à Wuhan (4 usines), 300.000 à Zhengzhou (Henan). Il paiera 600¥ de moins qu’à Shenzhen—mais le salaire, de 1600 à 2800¥, restera très attractif : la moitié de Wuhan ne pense qu’à démissionner pour rentrer chez Foxconn !
Mère nourricière du monde, avec ses plantations de soja arrachées à la forêt amazonienne, le Brésil intéresse la Chine. Tout comme ses minerais de fer, son bois, bientôt son pétrole… Quoiqu’aux antipodes, les deux pays forment déjà un bi pôle, potentiellement capable de surpasser en puissance l’Occident. Dès 2009, rappelle Financial Times, la Chine devenait 1er partenaire commercial du pays du bois rouge. En 2010, elle sera aussi son 1er investisseur, avec pour au moins 20MM$ de projets signés au 1er semestre, contre 89M$ l’an dernier.
Parmi ces projets, le Superporto de Açu, port en eaux profondes dit «l’autoroute de Chine» sera prêt en 2012, moyennant des MM$ d’investissements ; s’ajoutent l’usine auto Lifan ; 7MM$ d’achats d’actifs pétroliers par Sinopec et Cnooc (pour rattraper la CNPC, la compagnie nationale pétrolière, qui a acquis 200.000 bpj par Petrobras durant 10 ans) ; une aciérie sur l’eau pour Wuhan Steel ; une ligne à super-haute tension pour State Grid. Une ligne de TGV São Paulo-Rio est aussi en négociation —rames et systèmes de signalisation. Le cabinet Deloitte prévoit ainsi des investissements chinois de 40MM$ par an, dès cette année, et jusqu’en 2014.
C’est énorme. Après avoir testé la formule en Afrique ces années passées, la Chine l’étend ailleurs, Brésil en tête. Il s’agit d’un cycle financier radicalement nouveau. Dans le système traditionnel, les pays de l’Ouest fournissaient aux pays en voie de développement des infrastructures, à condition qu’ils paient tout d’avance (avec d’éventuels coups de pouce de fonds mondiaux), et que celles-ci ne lèse pas les intérêts des bailleurs (qui par exemple, leurs revendaient le pétrole raffiné, après leur avoir acheté le brut). Quoique pratiqué depuis 50 ans, tel système n’a pas permis aux pays en voie de développement de s’équiper. Or, la Chine arrive avec des technologies de qualité suffisante, à prix très inférieurs aux catalogues de l’Occident, sans condition, et paie tout d’avance.
Telle offre est accessible à tous, même aux riches. Arnold Schwarzenegger, gouverneur de Californie signe à Pékin (13/09) une entente pour une ligne de TGV Los Angeles-San Francisco : la Chine lui offre une «solution intégrée» incluant le financement, 40MM$ en 10 ans.
De ce new deal, la Chine aussi tire des avantages : une source de matières 1ères, un marché pour ses produits, un placement pour son épargne, l’affranchissant de la dépendance commerciale /monétaire envers les USA. Elle pourrait y parvenir, en renforçant son marché intérieur. Mais elle a un moyen plus rapide, en intégrant autour d’elle les économies des pays émergents. Mécanisme solide, qui crée ex nihilo un nouveau bloc commercial : pour le Brésil, cette intégration a nourri au 1er semestre une croissance de 8,6% dont il n’aurait pu rêver autrement.
Cette démarche va de pair avec une marche forcée vers un statut de devise mondiale au Yuan. Même si, à l’évidence, certains dans l’appareil, craignent encore d’ouvrir le marché des capitaux. De janvier à juillet, 10MM$ d’échanges ont été libellés en Yuan. C’est un début.
Enfin, ce choix pourrait avoir des implications stratégiques. En créant un marché planétaire, la Chine réduit sa dépendance envers les bons du Trésor américains, son obligation de soutenir le dollar. Tandis que l’Amérique elle, faute de se restructurer, risque de demeurer elle, dépendante des biens chinois à bas prix. Ce qui modifiera, en faveur de la Chine, l’actuelle interdépendance des deux pays. Ce qui pourrait, à terme, lui assurer une plus grande liberté d’action, par exemple, face à Taiwan, sans être davantage obligée de tenir compte des pressions yankee.
Comme cela arrive souvent dans la vie réelle, l’histoire qui suit, qui fait parler d’elle sur la toile chinoise ces derniers jours, peut se lire avec deux paires de lunettes : l’une héroïque, l’autre moins glorieuse : faites votre choix !
Le 16/10/1993, Zhang Yongjin, en sa 4ième année de détention d’une peine de 7 ans en camp de réforme par le travail, s’est évadé du camp n°4 de Liuzhuang (Henan). Le site était peu gardé, sans miradors ni barbelés. En pure tradition maoïste, les matons comptaient sur la sévérité du châtiment promis, et sur l’obéissance socialiste pour dissuader leurs clients de s’envoler avant expiration de leur peine.
Mais deux mois plus tôt, deux taulards venaient de réussir à quitter Liuzhuang, sans être ramenés ligotés comme bétail en foire. Cela avait donné des idées à Zhang. Pour faire sa belle, il avait choisi la nuit où les geôliers tenaient leur partie de «puke» (poker) hebdomadaire. Il s’était alors retrouvé en forêt à la belle étoile, affamé et assoiffé – mais libre.
S’ensuivit un rude intermède de vagabondage, dormant d’une oreille sous les ponts, sur les bancs des arrêts d’autobus, terrorisé aux aboiements des chiens. Il se nourrissait de croûtons rassis, des fruits blets des camelots dans les marchés…
Après des mois d’errance, il atterrit à la mine de Yuzhou, sa seconde chance. Le patron savait flairer une bonne affaire quand il en voyait: il recruta Zhang à salaire quasi-nul, pour l’expédier à 100m sous terre. Désormais ses jours se suivirent sans lumière, aux longues heures dangereuses. Chaque fois qu’il s’ouvrait une main, se foulait une cheville ou brisait une côte en poussant son wagonnet, le boss ne lui payait même pas l’hôpital (qu’il refusait de toute manière, par peur de se trahir ou d’être dénoncé).
Et puis, voilà qu’un jour de printemps 2010, après 17 années de trime, Zhang sortit au grand jour, proprement habillé et rasé de près. Il empocha son dernier salaire, puis se rendit au tribunal de Liuzhou, pour se constituer prisonnier.
C’est ici que débute la lecture héroïque. En 1993, à l’en croire, c’était pour aider sa femme à élever leurs cinq enfants qu’il s’était sauvé. Il s’était privé de retourner au foyer, à seule fin d’éviter de se faire reprendre, et de gagner un salaire, d’envoyer ses mandats. S’il se rendait à présent, c’était que son aîné marié, installé dans la maison qu’il avait payée, devenait père. Libéré des obligations parentales, Zhang, grand-père, voulait payer sa dette jusqu’au bout.
Belle histoire, mais sa femme en a une autre. Son crime d’abord : c’est pour viol perpétré en 1980, qu’il a plongé. D’ailleurs, tout en allant lui rendre visite au camp les premières années, elle criait qu’elle aurait bien divorcé, si elle n’avait eu les mains liées par tous ces mômes à nourrir. Dédaigneuse, repoussant son sacrifice, elle nie qu’il ait contribué sérieusement au financement de la maison: «qu’il s’occupe de lui-même d’abord… Pour les enfants, on s’en charge, mes frères et moi»…
Autre raison plausible à sa reddition : des mois plus tôt, l’armée venait de rejeter la candidature de son cadet, en raison des antécédents familiaux. La malédiction ne cesserait donc jamais ! Or, il ne pouvait rien faire pour restaurer son image, étant en rupture de ban…
Quoiqu’on en juge de cet homme, son geste rare, lui coûtera. Au prétoire de Liuzhuang, le juge peu ému par son acte de courage indiscutable, l’a condamné à finir ses quatre années restantes, rallongées de quelques autres (le chiffre exact reste à fixer) : histoire de lui faire passer le goût de recommencer.
Au moins Zhang Yongjin peut-il espérer un autre bénéfice : celui de marcher désormais le front haut, face à sa famille qui n’aura plus «honte de son image» (耻与为伍, Chǐ yǔ wēi wǔ).
19-21 septembre, Pékin : Salon de l’industrie nucléaire
19-21 sept. Pékin : Salon de l’industrie éolienne
20-22 sept., Shanghai : AGROCHEMEX, Salon sur la protection de l’agriculture
21-24 sept., Shanghai : Tube China, Salon tubes et tuyaux
21-23 sept., Shanghai : ICIF, Salon de l’industrie chimique