Le Vent de la Chine Numéro 19

du 23 au 29 mai 2010

Editorial : Pékin anti-corruption—la dernière bataille

Le verdict passé contre Huang Guangyu, le 18/04 à Pékin, force la Chine —celle corrompue—à réfléchir.

L’ex-PDG de Gome (国美, Guomei), n°1 de la vente d’électronique sera en prison jusqu’en 2022 (14 ans, moins les 17 mois déjà servis). Il se voit taxé de 110 M$, + 205M$ par la bourse de Hong Kong!

Destin formidable! Démarrant à 20 ans avec 4400 ¥ de capital, ce fils de paysan a monté une chaîne de distribution, entre 200 villes, 1200 succursales, 300.000 emplois. A son arrestation à 39 ans, il était la 1ère fortune du pays (6,3MM$).

Succès étonnant, mais non irréprochable. Pékin lui reproche des délits d’initié sur des titres Sanlian Commercial et Centergate. Surtout, Pékin ne peut lui passer 4,56M¥ de bakchichs, versés de 2006 à 2008 à cinq hauts fonctionnaires pour des passe-droits en faveur de Gome et Pengrun, sa filiale pékinoise d’immobilier. De ce fait tombèrent Zheng Shaodong vice ministre de la sécurité publique, Xu Zongheng maire de Shenzhen, Chen Shaoji n°1 de la Conférence Consultative Politique du Peuple chinois à Canton, Wang Huayuan chef de la brigade anticorruption de la province sudiste. Comme dans l’affaire Lai Changxing, qui en 2000, avait coûté 14 peines capitales à des apparatchiks, l’Etat fait partager au corrupteur la faute des corrompus.

Les frappes anti-corruption ne datent pas d’hier. Mais sous Hu Jintao, la fréquence et la lourdeur de telles frappes s’intensifient. Mou Qizhong, milliardaire, a pris la perpétuité. Zhou Zhenyi, célèbre développeur à Shanghai, purge 16 ans. Li Peiying ex-chef de l’aéroport de Pékin est exécuté en août 2009, comme Xiao Shiqing, patron de Galaxy Securities… La liste est longue.

Sous le tandem Hu Jintao/Wen Jiabao, l’Etat réalise que la corruption s’emballe et met une priorité nouvelle à l’éradication de cette « menace directe à notre maintien au pouvoir » (Wen Jiabao). Avec la pollution, la corruption est la cause première des 90.000 émeutes en 2009. Le 19/05, l’Etat prévient : tout cadre surpris à empocher plus de 5000¥ sera poursuivi. Le 20/05, Guo Qingyi, ex-Mr anti-monopole au Ministère du commerce écope de la prison à vie pour 1,24M$ de cachets, dont 15% de Gome…

De façon très nette, la chasse anti-bakchich brasse beaucoup plus large que la simple interaction entre firmes locales et agents de l’Etat :

[1] Des mesures s’annoncent contre les officiels «nus» ayant envoyé femme, enfants et fortune hors Chine pour mieux frauder et filer le moment venu.

[2] Contre l’expatriation, le filet se resserre, démontré par l’affaire Rio Tinto (4 verdicts de 4 à 14 ans).

[3] Pour la 1ère fois, le régime se penche sur l’armée, reconnue un des foyers les plus virulents de prévarication. 4000 officiers dont 100 supérieurs verront 1000 auditeurs éplucher leurs comptes depuis 2006. Au moins 80% de leurs subordonnés seront entendus. La délation anonyme, même civile est encouragée. Ce que l’on traque, est le détournement de fonds des exercices terrestres, navals et aériens jusqu’alors couverts par le secret militaire. L’audit est sous les ordres du major général Li Qinghe, qui rapporte directement à Hu Jintao. Puissante et inattendue, cette action a pour objet de calmer la colère des hommes du rang, les oubliés de la fortune kakie. Mais elle révèle aussi la puissance du réseau de soutien de Hu Jintao, bien établi après 7 ans aux affaires.

En résumé : le régime fait feu de tous bois : contre les administrateurs du stimulus (3058 poursuivis), contre les chevaliers d’industrie, contre les étrangers, les officiers: découvrant sur le tard que pour tuer l’hydre, il faut couper toutes ses têtes à la fois. Une hydre qui, selon l’économiste Andy Xie, dévore 10% du PNB, force les prix de l’immobilier aux niveaux insupportables qu’il connaît actuellement, et fait peser la menace d’éclatement de la bulle, danger pour la pérennité du régime !

 

 


A la loupe : Du droit de l’Etat sur les corps des citoyens

Moins frivole qu’il n’y paraît, le sujet de cette nouvelle concerne une société chinoise en reconquête du corps, nié durant 30 ans (‘49-’79). L’on y voit le fossé croissant entre elle et un Etat défenseur d’un héritage révolutionnaire frigide (mais non de celui de la dynastie des Tang, par exemple).

Au terme d’une loi de répression de la licence, dont c’est la 1ère application depuis sa passation en 1997, Ma Yaohai, 53 ans, professeur d’informatique à l’Université de technologie de Nankin, comparaissait avec 21 membres de leur club d’échangisme, pratiquant le sexe de groupe à leurs domiciles ou dans des hôtels. Ma était le seul à plaider non-coupable, revendiquant la légalité de son hobby -hors des lieux publics et entre gens consentants. Nonobstant, les juges l’ont condamné à trois ans et six mois de prison. Ses comparses ont subi des peines plus légères, entre trois ans et la mise à l’épreuve, en raison de leur « bonne conduite » puisqu’ils renonçaient à se défendre.

La célèbre sociologue et sexologue Li Yinhe s’est déclarée déçue du verdict, en retard sur l’évolution de la société. Même si cette même justice, 20 ans en arrière, aurait sans doute fait exécuter Ma : ce qui fut le cas dans les années ’80, d’une femme accusée d’avoir participé à des soirées secrètes de danse.

Malheureux en mariage, deux fois divorcé, le professeur Ma avait ouvert son forum sur internet en 2007, puis créé son club de rencontre de 190 adhérents et organisé 35 orgies, tout en assistant à 18 d’entre elles.

Li Yinhe avait organisé sa défense, déclarant sur internet que «violer la convention sociale, n’est pas violer la loi», tout en posant le débat sur son terrain juste, celui du droit à la vie privée: « la plupart des gens n’apprécient pas les agissements de Ma Yaohai, mais estiment qu’il n’aurait pas dû être poursuivi… Les autorités ne devraient pas interférer dans ce domaine».

Et de fait, 70% des 2000 personnes ayant accepté de répondre à l’enquête de Phoenix TV (la station en pointe sur les sujets sociétaux) partageaient cet avis, comme les étudiants de Ma. Contrairement à 2006 où seuls 40% des 6000 participants au sondage de l’Institut national de sexologie et des genres, croyaient que l’échangisme n’était pas un délit. La Chine évolue vite : en 1989, seuls 15% des Chinois n’étaient pas vierges au mariage, mais ils sont aujourd’hui 60 à 70%.

Sur Internet, dans ce débat intense, nombre d’intervenants dénoncent aussi l’hypocrisie des barons du régime souvent nantis d’une collection d’amantes entretenues par la corruption, mais se protégeant derrière une apparence de morale publique.

Encore en résidence surveillée, Ma Yaohai s’apprête à faire appel. Yao Yongan, son avocat, estime que ce procès constitue un progrès objectif, en accélérant le dégel de la société face au débat réel, celui de l’interférence de l’Etat dans les affaires privées des citoyens: « c’est aux gens de décider ce qu’ils font de leurs corps », conclue Yao.

 

 


Joint-venture : Asie de l’Est : Vent de noroît

La torpille nord-coréenne (?) qui coula une frégate sudiste le 25/03, envenime les relations entre Chine, Corées, voire Japon. Il se dit que Kim Jong-il, le «cher leader», aurait écourté sa visite à Pékin, déçu que ce dernier lui ait refusé l’aide qu’il espérait. Mais le Président sud-coréen conservateur Lee Myung-bak lui, ne cache pas sa déception suite à cette visite accordée à l’agresseur présumé. Séoul regrette la tentative par Pékin d’enterrer l’affaire (qu’il qualifie d’«incident malencontreux»), et ses efforts pour se démarquer de l’enquête maritime internationale et de ses conclusions condamnant Pyongyang. Quoique cette prudence ne soit peut-être pas une si mauvaise idée, par exemple pour retenir le Nord d’un irréparable geste de désespoir.

Les 15-16/05, par ailleurs, on constate un dérapage des relations Chine-Japon. A Gyeongju (Corée du Sud), au trilogue des ministres Yang Jiechi (Chine), Katsuya Okada (Japon) et Yu Myung Hwan (Corée), Okada appela la Chine à réduire son arsenal nucléaire, ou «au moins s’efforcer de ne pas l’augmenter». Sur quoi Yang menaça de quitter. Pour finir, le sommet se poursuivit cahin-caha, Yang et Okada s’ignorant ostensiblement. L’éclat intervient après un passage de navires de guerre chinois entre îles nippones, très mal pris à Tokyo. L’affaire est sérieuse, car depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau leader Hatoyama, Tokyo et Pékin espéraient la réconciliation, après tant de décennies de froid ponctuées d’embellies précaires. Restent malgré tout deux chances, ce mois encore, de remettre la relation sur ses rails : le sommet trilatéral à Jeju (Corée) les 28-29, et la visite d’Etat à Tokyo de Wen Jiabao (31/05 et 1/06)…

 

 

 

 

 


A la loupe : Les Nouvelles frontières—Afrique et Monde Arabe

Face à l’Afrique et au Monde Arabe, il n’est pas d’affaires trop risquées pour rebuter la Chine : l’acceptation du risque semblant être toujours plus la règle chinoise dans les échanges avec ces mondes.

Le Nigeria, grand pays (132M habitants en 2006), dort sur un lac de pétrole (36MMbarils prouvé, 6ème réserve mondiale), mais forcé d’importer son carburant (10MM$/an) faute de raffineries fonctionnelles. L’Ouest voit deux raisons à ne pas l’équiper : son insolvabilité, et ses propres profits en raffinant pour lui. Or, voilà que la CSCEC (China State Construction Engineering Corp) discute avec lui (14/05) de trois raffineries d’une capacité de 0,75M b/j, 40% de plus que les besoins (l’excédent sera exporté), et un complexe pétrochimique, le tout pour 23MM$ payés par la Chine. En commerce conventionnel, le deal n’a pas de sens : la Cnooc (China National Off-shore Oil Corp) tente depuis des années de racheter jusqu’à 15% des réserves du pays…

Mais depuis 2008, aucun pays producteur ne vend plus ses puits. En ces temps de fin annoncée du pétrole (d’épuisement sous quelques décennies), les producteurs gardent leur manne, pour l’écouler au cours du jour qui monte sans cesse. Or la Chine, avec ses réserves en devises et ses industries du pétrole, peut se permettre – elle est peut-être la seule – d’offrir au Nigeria d’avancer les frais de son réseau de raffinage, ou du moins, de prétendre le faire. La question se posera, comment rembourser. Les conditions de rêve proposées par la Chine, pourraient lui permettre d’obtenir cette concession exorbitante, anachronique pour tout autre joueur, d’une cession de puits, mettant la Chine à l’abri des hausses vertigineuses sur les hydrocarbures à l’avenir. NB : Abuja envisage de céder à Cnooc une part de son patrimoine propre, et non des concessions étrangères. Se mettre sous la coupe d’un seul exploitant chinois, pouvant apparaître risqué, et maladroit vu les répercussions d’un tel coup de force auprès des nations occidentales, USA en tête, risquant de ne pas se laisser faire.

Le contrat (bien réel, celui-là) que vient de remporter Cnooc en Irak, illustre la nouvelle donne. Avec TPAO (Turquie, 11%) et un groupe d’Etat irakien (25%), Cnooc devient l’opérateur du gisement de Missan, dont il portera en six ans le débit de 100.000 à 450.000b/j. L’Irak propriétaire versera des royalties de 2,3$ par baril extrait..

Enfin, l’appétit de la Chine pour Afrique et monde arabe se vérifie lors du Forum Sino-Arabe de Tianjin (14/05) en présence des chefs d’Etat, doté d’un plan d’actions sur deux ans, et d’une promesse de « partenariat stratégique ».

On voit aussi, cette semaine, la Chine confirmer le don à Alger d’un Opéra construit pour 30M$. Au Congo, le groupe Zijin, n°1 chinois de l’extraction d’or, va racheter conjointement avec le Fonds Sino-Africain de Développement Platmin Congo le groupe de cuivre, pour 284M$. On voit aussi Jia Qinglin, Président de la CCPPC (Conférence Consultative Politique du Peuple chinois) en Afrique du Sud et Yang Jiechi, le Ministre des Affaires étrangères en Tunisie

Décidément, sur ces deux régions du monde, les ambitions de la Chine, et ses moyens semblent sans limites !

 

 

 


Pol : Xinjiang, Tibet – plus riches, pas plus libres

Le 20/05 à Pékin, le Xinjiang reçoit sa 2ème conférence nationale en un mois, présidée par Hu Jintao, sur le dernier plan de relance du territoire autonome. Il s’agit de rehausser en cinq ans le revenu de ce second plus pauvre territoire (après Mongolie Intérieure) de 2989 à 3600 US$/habitant, et d’y éradiquer la pauvreté d’ici 2020.

Les crédits d’Etat (et des 19 provinces marraines) seront doublés, la taxe carburant y sera introduite en 1er, et des grâces d’impôts seront offertes, même aux étrangers, tandis que plus de sol et de libéralisation seront octroyés qu’ailleurs. Dès 2011, le Xinjiang verra son budget de 4MM² augmenter jusqu’à 25%.

Choix politique capital : les violences de l’an passé ont «pour seule origine la pauvreté».

Le renforcement de l’effort solidaire ne remet pas en cause d’autres politiques (culturelle, religieuse), et verra le maintien d’un «haut niveau de stabilité et de sécurité. L’internet qui vient de rouvrir après 10 mois de black-out, reste bloqué, concernant les sites en ouighour, et bien sûr à Youtube, Facebook etc.

La même ligne se vérifie au Tibet, où la photocopie et la frappe de documents en tibétain est découragée. De même, après les émeutes de mars 2008, 30 intellectuels de la nouvelle vague, bilingues et « high tech » ont été embastillés pour avoir tenté d’élargir le débat sur le développement futur du Toit du monde. Signe inquiétant d’un conflit qui perdure.

 

 


Temps fort : L’Euro raboté—le Yuan secoué!

Durant 10 ans, la Chine a rejeté toute pression à la réévaluation, défendant sa parité à 6,83¥/1US$. Mais elle n’a pas pu empêcher, de janvier à mi-mai la hausse du ¥uan sur l’²uro de 14,5%, ce qui porte des nuages noirs dans son ciel.

Le 17/05, la bourse de Shanghai chute de 5%, et de 21% depuis janvier. C’est la 25ème phase de repli depuis la création en 1990 de cette place en mal de stabilité.

Sur la scène de la jeune carte de crédit chinoise, qui comptait 2,17milliards d’unités en mars, la mauvaise dette (à 6 mois de retard) augmente de 14,4% au 1er trimestre (8,8MM¥), signe d’essoufflement de la capacité d’achat.

En avril, les tarifs de l’immobilier ne donnent pas signe de reculer face à l’arsenal de nouvelles mesures dissuasives : à Pékin, ils montent de 14,7%.

Autres nouvelles mitigées : l’explosion du cours des légumes (+44%), suite à l’hiver long et rigoureux. Idem, d’ici l’été, réagissant à un début de reprise, le minerai de fer importé augmentera de 30 à 50%. Les analystes en attendent une inflation de 3% en mai, succédant aux 2,8% d’avril. Mais ces 3% sont le plafond que le Conseil d’Etat avait fixé pour l’année : ils devraient le forcer à réagir, en rehaussant enfin les taux d’intérêt. Il s’en abstient encore, sous le lobbying des pouvoirs locaux (nécessitant l’immobilier pour se financer), de l’exportation (ayant besoin de prêts pour avancer les frais des commandes) et des grandes entreprises d’Etat. Pour compenser à l’avance les provinces pour ce crédit plus cher, Pékin leur alloue 2,45MM$ en aide au logement à bas prix.

L’enchérissement du crédit punira aussi les créations d’emplois, à un mauvais moment, alors qu’arriveront en juin 6,3M de néo-diplômés sur le marché du travail…

Sous toutes ces pressions, le 1er ministre Wen Jiabao ne cache pas son incertitude, évoquant (16/05) « beaucoup de dilemmes, et de conditions internationales extrêmement complexes » : c’est de l’effritement de l’² qu’il parle, lequel devrait repousser au moins jusqu’à l’été, voire pour l’année la réévaluation du Yuan.

En effet, la baisse de l’² favorise « ses » industries par rapport à celles en $ (ex: Airbus coûte en Chine 14,5% de moins, par rapport à Boeing). Elle multiplie aussi les annulations de commandes d’importateurs frappés par la perte de leur marge, et d’exportateurs incapables de trouver les crédits de pré-paiement : dans ces conditions, toute réévaluation se traduirait par des pertes supplémentaires de marché en Europe, et donc d’emplois chinois… Selon Yan Jin, économiste à la Standard Chartered, le surplus commercial sur l’Union Européenne en 2010 atteindrait 100MM$, soit la moitié de 2009 et le tiers de 2008. Or ces échanges, qui atteignaient 134MM$ l’an passé, font 16% du commerce extérieur chinois. …

En résumé: pour la 1ère fois, la Chine est incapable de jouer sur l’avantage-prix, au moment précis où par ailleurs son immobilier ne répond plus aux commandes, et où sa bourse joue au yoyo, un jour globalement déprimée, l’autre jour guillerette sous la rumeur d’une mitigation du plan d’austérité.

Selon Andy Xie, le pouvoir doit ramer pour protéger un marché immobilier souffrant de 10 à 20M d’appartements invendus, dont l’investissement pourrait valoir 10 trillions d’² (3 ans de PIB: énormément surévalué)… Face à un tel risque, ses options semblent limitées —surtout depuis que vient de surgir d’Europe la réévaluation «a contrario » de son ¥ : il doit à présent la subir, faute de l’avoir lui-même programmée au bon moment.

 

 


Petit Peuple : Tianjin —un miracle pour gras-double

Finement distillée par les alambics du Parti, l’histoire de ce jour porte en filigrane le tampon rouge de la propagande. Comme tous nos Petits Peuples, elle est authentique. Par son vernis de morale à l’ancienne, elle reflète des vertus que le régime aime encourager, ancrées dans l’âme chinoise, mais dont la pratique n’est pas toujours universelle.

Au demeurant, à raconter cette chose de la vie, nul ne perd rien, ni le journal qui voit gonfler ses ventes, ni les millions de Chinois friands de tels drames, qui excitent leurs glandes lacrymales : vous êtes prévenu (e).

A Tianjian (Tianjin) naît en 1987 dans la famille Deng, un poupon éclatant de santé, Xuejian. Grande réjouissance, mais trois mois après, même aux plus enthousiastes, sa force apparaît excessive -déjà 15kg : en fait, il est obèse, frappé de dysfonction endocrinienne et faute aux médecins de trouver le remède, le mal ne fera qu’empirer. A 7 ans et 60kg, il est devenu le souffre-douleur de son école, sans amis, réfugié dans ses livres. A 15 ans et 150kg, c’est l’enfer. Le bus n’est plus possible, son vélo ne cesse de casser sous son poids: en retard en classe, en nage, son arrivée déclanche les rires gras, encouragés par les boutades des professeurs. Aussi dès la 5ème, baissant les bras; il quitte les études avec déjà l’impression que la vie n’a plus grand-chose en réserve pour lui.

Ce n’est pas que la famille l’abandonne, loin de là. Chaque matin, le père trottine avec lui un tour du village. Pour ne pas le tenter, durant un an, le foyer se prive de viande à table. Grâce à ces efforts, à 17 ans (en 2004), il est redescendu à 75kg, ce qui lui a permis de tenter un retour au collège. Hélas, ce n’est qu’une fausse promesse de son corps, dont la pompe à graisse redémarre, lui faisant retrouver en 12 mois les kilos de ses 15 ans, et requitter l’école pour sa désespérante solitude à la maison, cuisinant pour les siens à défaut de pouvoir les aider aux champs…

En août 2009, il est au plus bas : à plus de 200kg, il sent son coeur flancher, incapable d’irriguer la masse anarchique de son organisme. C’ est alors que vient le miracle, en deux temps.

[1] Le maire du village passe un soir avec une enveloppe de 4 à 5000¥, fruit d’une collecte « Pour se soigner », dit-il, et lui signale un hôpital à Changchun (Jilin), expert du traitement de son mal. Vite, avec ses parents, il saute dans le train, pour découvrir sur place que ce n’était qu’une fausse piste de plus : un an de soins lui coûterait 72.000¥, vingt fois ce qui lui reste en poche… Faut pas rêver !

[2] C’est alors que lui vient sa réaction géniale, fruit de son désir de revanche sur l’adversité. Sur le journal local, il a lu l’histoire de Song Jianping, lycéen venant d’obtenir une place à l’université, à présent forcé d’y renoncer parce que sa famille ne peut aligner l’argent des droits d’inscription. Séance tenante, Gros-Deng va au journal avec ses parents, et y remet pour ce jeune les 3000¥ qui lui restent.

Par modestie, Deng Xuejian s’est gardé de révéler son identité. Mais le jeune Song veut absolument le retrouver, et les journalistes l’y aident en lui donnant quelques précieux détails -sa corpulence et le train qu’il prendra pour Tianjin le lendemain matin.

A la gare, Deng et Song font connaissance. Et depuis, sous l’effet d’une amitié magique, les jeunes re-montent chacun leur pente, l’étudiant sous la pression de réussir coûte que coûte, et Deng, sous celle de re-maigrir. Durant les huit mois suivants, il parvient à reperdre 50 kg… La magie tient au fait qu’en plus de sa vie propre, chacun vit aussi celle de l’autre par procuration – ce qui en chinois se dit : 感同身受gǎn tóng shēn shòu -« sentiment de l’autre, perçu dans sa chair».

 

 


Rendez-vous : A Xi’an, les salons de l’avionique

26-28 mai, Xian : Salons Avionichina/ Aircraft interiors/ CIAIE

26-28 mai, Shanghai : Intertraffic China, Salon des routes et transports

26-27mai, Pékin: OPTINET China / réseaux optiques

26-28 mai, Hong Kong : Salon Vinexpo

27-29 mai : Shanghai : Salon mondial du voyage