Le Vent de la Chine Numéro 14

du 11 au 17 avril 2010

Editorial : PÂQUES, QINGMING – East meets West

Par un hasard rare, lundi 5 avril a rassemblé deux des plus significatives fêtes confucéennes et chrétiennes : Pâques (复活节, fuhuojie) et le Qingming (清明), jour des ancêtres.

Pour des centaines de millions de Chinois, ce fut l’occasion de pratiques votives, qui au cimetière, qui à l’église. Preuve s’il en fallait que la Chine a rompu doucement avec l’athéisme de Mao pour renouer avec ses dévotions d’antan, et confirmation que la vieille quête de l’identité chinoise ne peut se satisfaire d’une approche seulement matérialiste de la vie. D’ailleurs ce lundi, ce « East meets West » de la foi révélait d’inattendus parallélismes. L’un et l’autre célébraient le cycle immuable de la vie après la mort. Même le temps semblait partager cette vision oecuménique, avec le ciel le plus pur et émollient de l’année—le 1er vrai printemps.

La journée s’offrit même un miracle, immédiatement porté à l’actif du régime par une propagande opportuniste: la remontée de 115 mineurs emmurés depuis huit jours à Wangjialing (Shanxi). Permettant à ces media de glisser sur la cinquantaine d’hommes ayant eu moins de chance, dans les catastrophes minières de la semaine passée.

Tout cela nous permet d’aborder l’autre sujet discret, mais important des dernières semaines : l’état des relations entre l’empire temporel de Chine socialiste et celui spirituel du Vatican, rompues en 1951. Depuis 20 ans, de nombreux efforts ont été déployés (surtout par Rome) pour restaurer ces liens : rencontres secrètes, entente tacite sur la sélection des prêtres et en 2007, une lettre pastorale de Benoît XVI au ton modéré qui saluait la réunification de facto des deux paroisses —l’officielle et celle de l’ombre.

Un point d’achoppement demeurait: Taiwan, qui n’entendait pas être sacrifié dans cette réconciliation et y perdre sa dernière ambassade d’Europe, tandis que le St Siège éprouvait le plus grand mal à lâcher un des seuls pays au monde qui lui soit demeuré fidèle dans l’adversité.

Mais voilà que tout change, depuis la réouverture en 2008 du dialogue entre frères ennemis chinois par la volonté du Président Ma Ying-jeou. Que Ma soit catholique, même «rénégat», facilite les choses. On assiste à la renaissance de liens entre clergés des deux bords, qui se voient désormais comme un «pont» et coopèrent, par exemple en formation des prêtres. De même, Larry Wang Yuyuan, ambassadeur de l’île au Vatican laisse entendre que Taipei ne fera pas obstacle infranchissable au rétablissement des liens.

Dans ces préparatifs discrets, un dossier est intéressant à suivre : celui de l’élection d’un président de l’Association patriotique catholique (l’organe de contrôle de cette église), pour remplacer Michel Fu Tieshan décédé en 2007. La question fut soulevée en mars lors du Plenum de la CCPPC (Conférence Consultative Politique du Peuple chinois) par Liu Bainian, le vice Président. Le candidat le plus plausible est Joseph Ma Yingling, évêque de Kunming, déjà président de la conférence épiscopale chinoise, mais l’homme est inacceptable au Vatican qui l’a excommunié en 2006, pour s’être fait élire à son évêché en se passant de la bénédiction du Pape. Aujourd’hui, dit la rumeur, les deux bords travaillent à une solution, c’est à dire une «pénitence» de Ma Yingling, ou le choix d’un autre berger.

Il est temps, vu la vertigineuse expansion du catholicisme, comme de toutes les confessions en Chine. Les chinois proches de l’église (ou baptisés) seraient 30M, en grand besoin de cadres, de sanctuaires et surtout de statuts modernes. La normalisation ne peut attendre—son absence cause déjà des dégâts, dans la prolifération des sectes et messies autoproclamés. L’histoire moderne est là pour prouver au-delà de tout doute, que seul un clergé autonome, et non le socialisme, est en état de faire sa propre police.

 

 

 


A la loupe : CPS, PME mutante de l’ère nouvelle

C’est une firme née de la crise, en réponse à la grande question du moment : comment réduire ses coûts— et sa pollution en même temps? En novembre à Suzhou, China Power Services voyait le jour, fondée par 18 firmes locales sous l’égide de la NDRC (National Development and Reform Commission), elle permet aux entreprises de suivre à distance leur consommation en électricité, d’en maîtriser les déperditions et courants induits.

Tel que présenté par Mme Cao Ping, sa directrice, le principe consiste en une batterie d’équipements de tests d’un modèle standard reliés par internet au QG de CPS à Suzhou. De ces relevés de données, il résulte une charte de consommation détaillée et en temps réel, accessible au client sur le portail internet de CPS. De la sorte, la PME permet en temps réel de visualiser les pertes sur chaque poste d’exploitation: de la production, à l’évacuation des eaux usées, de l’aération, réfrigération, sécurité etc. CPS envoie aussi un récapitulatif hebdomadaire. Suite à quoi les cinq divisions de la PME proposent diagnostics et solutions aux interférences, courants induits et pertes diverses détectées.

«Le niveau de capacité gestionnaire en Chine est limité», explique Mme Cao. Ce que nous apportons est la visualisation de déperditions qui jusqu’à présent étaient invisibles. Nous mettons le client face à son problème »…

A l’en croire, le profit est immédiat : CPS garantit une réduction sous 12 mois de 5% de la consommation électrique, et les compagnies d’assurances, qui voient dans ce service une chance de prévenir les incendies, commencent depuis quelques semaines à garantir à leur client le remboursement de leur abonnement chez CPS (soit 1% de leur note annuelle d’électricité) au cas où les 5% de baisse promise ne seraient pas atteints.

Mme Cao nous décrit une réussite parmi d’autres : Coca Cola-Suzhou subissait chaque an six arrêts de plusieurs heures, lui faisant perdre chaque fois jusqu’à 200.000¥ de pertes. Suite au travail de CPS, le groupe a vu disparaître les dysfonctions—il lui en a coûté 70.000¥.

Restent dans ce système plusieurs zones d’ombre, telle la nature des services offerts pour rectifier l’intensité énergétique. A l’inverse de grands groupes experts tels Schneider ou Schlumberger, CPS, avec ses six mois de vie et ses 50 employés ne maîtrise pas les techniques de mitigation. Autre contradiction : comment assurer à ses clients la confidentialité de leurs données, tout en étant sous l’égide de la NDRC, ce qui pourrait amener des fuites des données auprès d’administrations intéressées, tel le fisc ou le ministère de l’environnement… Tout ceci donnant l’image d’une firme très jeune—d’un secteur encore dans les langes, promis à un grand avenir.

 

 

 


Joint-venture : L’Argentine ne baigne plus dans l’huile

Péripétie minime, incident limité dans le temps— mais l’affaire permet de jeter un regard sur un domaine peu visible d’ordinaire, celui des relations de la Chine avec un nouveau marché mondial qu’elle crée, et des continents qu’elle arrache à des décennies d’apathie, comme l’Amérique Latine, l’Argentine en l’occurrence.

Le 5/04 Buenos Aires convoque l’ambassadeur chinois, suite à la menace de Pékin de suspendre ses achats d’huile de soja pour traces de solvants trop élevées.

Argument jugé improbable par les experts -les autres clients mondiaux ne relèvent pas cette tare. Mais la Chine ferait rétorsion à des mesures antidumping contre son textile, et le US Department of Agriculture prête à Pékin la tentative de forcer Buenos Aires à casser ses prix, alors qu’elle doit écouler une récolte massive de 53Mt de soja d’automne.

Sur le fond, la Chine déficitaire en oléagineux, est forcée à importer toujours plus. La fermeture administrative va réduire l’importation—jusqu’à 1,2Mt dans l’année, disent les professionnels de China National Grain. Premier exportateur mondial de cette huile, l’Argentine y perdra jusqu’à 2MM$, mais elle ne se laisse pas faire.

Portant l’affaire sur le front diplomatique, elle force la Chine à choisir, entre partenariat d’avenir et « bon coup » à court terme.


A la loupe : Le problème de l’eau, plus brûlant que jamais

La sécheresse frappe l’Asie et la Chine avec une violence inouïe. Selon le ministre Chen Mingzhong, les fleuves sont à 40% du normal, et 600 rivières sont à sec. La crise sans précédent change la donne de l’eau: pour la 1ère fois, l’Etat trouve une opposition frontale à ses projets -d’autant plus fort que ces derniers ont été plus souvent imposés que négociés, sur son sol comme en dehors.

[1] Du 3 au 5/04, la Commission du Mékong réunissait à Hua Hin (Thaïlande) les pays riverains. Pékin s’y efforça de présenter la canicule comme une catastrophe inévitable et universelle. Mais l’idée fut rejetée par quatre pays, dans un manifeste réclamant de la Chine plus de concertation et coopération dans ses projets hydrauliques.

Le 1er min. thaï A. Vejjajiva avertit que le Mékong ne «survivrait pas sans gestion responsable»: allusion à cinq méga barrages chinois projetés sur le fleuve. Ce que la Chine risque de perdre à présent, est son image de géant protecteur et bienveillant, qu’elle a eu tant de mal à mettre en place.

[2] En Chine-même, l’opposition s’élève contre le pharaonique canal Sud-Nord, supposé drainer 50MMm3/an du Yangtzé au Fleuve Jaune.

Entamés depuis 2002, les travaux des deux tracés Est et Centre ont pris 4 ans de retard, désormais annoncés pour 2013-14, et leur budget initial de 62MM² est depuis longtemps dépassé. Or, à présent sept provinces de l’intérieur, où il ne pleut plus depuis août 2009, se rebellent sur l’idée de céder leur eau à Pékin, de plus sans qu’on la leur paie. «Il est temps de réévaluer le projet du tracé Ouest», dit Yang Yong, géologue sichuanais, « la catastrophe du Yunnan nous montre bien que Centre et Sud n’ont pas forcément d’eau excédentaire».

Curieusement, l’argument semble partagé à Pékin-même: l’étude de faisabilité du tracé Ouest a été interrompue en 2009 et Li Keqiang, vice 1er ministre en charge du projet, n’aborde plus le sujet en public…

[3] Un autre marotte hydraulique du socialisme chinois souffre elle-aussi.

Issus du protocole de Kyoto, les «crédits carbone», permettant de faire financer par l’Ouest des barrages ou centrales d’éoliennes subissent une énorme crise de confiance. Pour tenir leurs engagements de coupes d’émissions de Gaz à effet de serre, les firmes d’Europe achètent au tiers monde ces crédits («CERs Certified Emissions Reductions», ou «crédits UE»): ces centrales devant permettre, en principe, de fermer des centrales à charbon polluantes. Très bien organisée pour exploiter ce mécanisme mondial, la Chine est parvenue à accaparer 67% du marché des crédits-carbones.

Or, le lobby «International Rivers» crie à la triche: ces projets chinois auraient été construits de toute façon, ils n’ont pas fait fermer des centrales thermiques. Leurs dossiers ont été falsifiés et pour comble, ils auraient causé des expropriations massives mal compensées.

Conséquence, l’ONU a rejeté 38 barrages chinois en février, puis en mars 14 éoliennes, et la Bourse climatique européenne, qui attribue les crédits Union Européenne, confirme son boycott de tout projet de grand barrage (sous entendu : chinois).

En termes pratiques, le système est si discrédité, que ces crédits carbones, en l’état présent, semblent voués à une disparition à terme. Faut-il le préciser? L’image de la Chine ne ressort pas renforcée.

 

 


Argent : Du rififi chez KFC

Bien préparée, répétée depuis des années aux USA, la promotion de Kentucky Fried Chicken ne pouvait que réussir—en principe. Une fois en possession d’un coupon téléchargé sur le site chinois de KFC, les 100 heureux gagnants pouvaient se présenter le 6/04 aux comptoirs des 2000 enseignes du rôtisseur de Louisville (Kentucky), pour obtenir (selon les heures) 50% de remise sur trois gammes de produits. Et pourtant, dès la seconde session, tout dérapa. Dans plusieurs villes, les responsables reçurent des milliers de coupons que KFC n’avait même pas encore commencé à émettre—des faux, donc.

KFC fit ce que l’on fait en tel cas, en Amérique: éliminer tout le plan.

Mais c’est alors que les acheteurs se firent violents. A Pékin entre Qianmen et le China World, ils renversèrent le mobilier, pour être tardivement dispersé par la police. A Shanghai Wujiang, ils firent un sit-in jusqu’à 11h du soir. D’autres protestations suivirent à Nankin, Canton, Tianjin, Suzhou. A Pékin encore, un avocat irascible et jeune, porta plainte pour rupture de contrat et infraction aux lois de protection du consommateur, réclamant comme pretium doloris son baquet de poulet à prix cassé et ses frais d’avocat.

Suite à quoi Kentucky, pris entre deux feux, promit d’honorer les coupons…« plus tard », après le retour à la normale.

 

 

 


Temps fort : Le choc interstellaire Chine/USA : évité ou retardé?

Le conflit commercial qui couve entre Chine et Etats-Unis vient probablement d’être évité.

Le congrès américain (le député Ch. Schumer) et derrière lui la presse, les vieillissantes industries et les 8 millions de nouveaux chômeurs, accusent Pékin du blocage depuis mi-2008 de sa monnaie à 6,83¥/1$ («25 à 40% sous-évalué»), de subvention des exports et de discrimination des firmes étrangères sur ses marchés publics. Jusqu’à la semaine passée, un compte à rebours tournait : le Secrétaire au Trésor T. Geithner devait le 15/04 conclure une enquête déclarant la Chine «manipulatrice du ¥uan». Puis les USA émettraient des taxes compensatoires sur ses exports.

Or le processus semble avoir été enrayé—d’un commun accord. Pékin, tout en clamant dans sa presse ses droits et sa position de force, cachait mal l’inquiétude d’affronter les conséquences sociales suite à la perte de 20 à 30% de ses exportations. Obama ne pouvait ignorer sa vulnérabilité, alors que le déficit US atteint désormais 1000MM$/an, dette massivement aux mains chinoises.

Aussi début avril, le Président prit trois initiatives :

[1] Le 2/04, il échangeait par tél. une heure avec Hu Jintao (depuis son avion Air Force One) pour briser la spirale des hostilités : l’assurer de la volonté de négocier, confirmer les tête-à-tête futurs (12/04 à Atlanta en marge de la conférence nucléaire, mai à Washington pour le sommet annuel sino-US), et surtout, selon la boutade de l’économiste N. Lardy, « faire retourner la guillotine en coulisses », retarder l’échéance des sanctions.

[2] Le 6/04, Geithner annonçait le report à l’été du fameux rapport sur le Yuan, et sa confiance que cette monnaie allait bientôt renforcer sa présence dans les institutions monétaires (FMI, Banque Mondiale), et faire un pas vers la convertibilité en permettant un change conditionnel avec le Won coréen et le Rouble.

[3] Surtout, le 8/04, Geithner faisait une escale non annoncée à Pékin. Geste rare, Wang Qishan, vice 1er et «pape» de l’économie chinoise, le reçut 75 minutes à l’aéroport de Pékin (Geithner revenait d’une visite en Inde), avec un seul aide de chaque côté. Côté USA, c’était David Dollar, le bien nommé, haut cadre en poste à Pékin pour gérer ce litige. Il faut savoir que sur la question du «peg» du yuan au $, Wang est allié de Zhou Xiaochuan, militant pour un démantèlement rapide de ce mur d’argent puisque la récession « est presque passée ». Son adversaire est logiquement Chen Deming, ministre du commerce qui confirme (8/04) un déficit commercial chinois pour mars et réaffirme la fragilité de la reprise de son pays, justifiant le maintien de la cuirasse protectionniste et de sa thèse immuable: c’est le marché et la politique d’ouverture, non les taux de changes, qui ont permis à l’export chinois de monter de 45,7% en février et 21% en janvier 2010!

La rencontre Geithner-Wang n’a pas donné de résultats officiels. Mais bourse et milieux financiers en tirent leurs prédictions : le MofCom, le ministère du commerce, n’a plus le vent en poupe, et la Chine va vers une réévaluation de 1% à court terme, et une marge de fluctuation amplifiée sous trois mois, de manière à permettre une réévaluation de 3 à 5% dans l’année.

De toute manière, la Chine n’a qu’un sursis, et va devoir agir—vite. La preuve : les droits anti-dumping que les USA viennent d’infliger le 9/04 (33 à 99%, selon firme) aux tubes d’acier chinois…

 

 


Petit Peuple : Shanghai – embrouille et bidouille

Rapportée par un fidèle lecteur, cette histoire authentique nous apprend que les firmes de ce pays recourent toujours, en cas de besoin, à des stratégies directement tirées de la tradition antique (qu’on me pardonne, pour la confidentialité, d’employer des pseudonymes).

Au tournant du siècle, l’industriel Hong, pharmacien réputé partagea son empire entre ses fils : au puîné Zhizheng l’usine de Pékin, à l’aîné Jiyou celle de Shanghai avec son centre de R&D. Chacune cultivait une même plante et en extrayait le même principe anti-cancéreux, base d’une gamme de produits très prisés en cette Chine toujours plus soucieuse de sa santé, à mesure qu’elle s’enrichit.

Pour les héritiers et leurs usines, tout alla au mieux jusqu’au jour où le bureau national des médicaments (où M. Hong avait ses vieux amis) avertit le clan que Viag, leader mondial du même remède venait de déposer sa demande d’entrée sur le marché chinois. Le coup était rude: ce groupe de Chicago disposait de moyens 100 fois supérieurs. Face à lui, Hong ne faisait le poids ni en en efficacité, ni en présentation. Or depuis l’entrée à l’Organisation mondiale du commerce, le bureau des licences ne pouvait plus barrer Viag. Tout au plus, retarder d’un à 2 ans l’inévitable, suite à quoi le groupe familial tomberait sous la puissance de feu de cette concurrence imbattable…

15 jours plus tard, un journal local publia sur les Hong une news sensationnelle : lors d’une affaire imprudente, Jiyou-aurait perdu beaucoup d’argent et en aurait fait perdre à Zhizheng, allumant la zizanie entre frères. Le père avait fait justice en transférant chez le cadet le saint des saints du groupe, son laboratoire, ne laissant à l’aîné que son réseau de vente…

Les Chicago Boys eurent tôt fait de flairer l’aubaine. Peu de semaines après, accompagné de son avocat, le Président de Viag-China se présentait chez Jiyou pour lui proposer le deal de sa vie: une joint-venture de distribution des produits du groupe américain. En jargon d’affaires, c’était du «win-win». Viag profiterait de sa familiarité avec les arcanes de ce marché. Jiyou allait pouvoir s’arracher à sa mauvaise pente…

Furibond, ce dernier accepta tout de suite. Se lier à Viag lui permettrait de démentir les pronostics de faillite du père, mais surtout de tailler des croupières à son traître de frère: ce serait là mêler l’utile à l’agréable !

L’affaire fut signée, au profit immédiat de tous. Quelques mois après, Viag délocalisa l’essentiel de ses usines au Delta du Yangtzé et réduisit ses coûts par une main d’oeuvre, une matière 1ère moins chère, des impôts et des coûts en électricité limés par les guangxi (pistons) du précieux allié. Puis il fit faire le grand saut transpacifique à son centre de R&D: pour le même prix, il put quintupler ses chercheurs et projets de médicaments inédits, assurant ainsi sa mainmise sur l’avenir…

Durant trois ans, Viag vola sur ce genre de nuages roses. En 2005, il avait décuplé ses ventes, chinoises, US, mondiales, tandis que 90% de la production était passée au paradis industriel du delta du Yangtzé. Et puis soudain sans prévenir, tout bascula, brutal et incontrôlé. Alléguant de divers prétextes, chimistes et médecins se mirent à démissionner l’un après l’autre, sans qu’aucun argument ne parvienne à inverser le train. Face à l’hécatombe, les patrons multiplièrent vers l’extérieur des offres d’embauche toujours plus alléchantes. Mais pour la 1ère (et dernière) fois dans l’histoire du groupe, elles se heurtèrent à un mur d’indifférence: comme si tous les pharmaciens et laborantins du pays s’étaient volatilisés, ou donnés le mot… De la sorte, l’inconcevable se produisit. En quelques semaines, la méga-usine fut paralysée, incapable d’honorer ses commandes. Mystérieusement bien informée, la presse moulina cette mauvaise passe, laminant le cours en bourse de Viag, entraîné toujours plus profond dans la faillite. Acculée par ses créanciers, la firme aux abois accepta peu après, pour une bouchée de pain, l’offre de reprise d’un cabinet d’affaires singapourien : tout, pour éviter le dépôt de bilan…

Il faudrait encore attendre quelques mois, pour qu’apparaisse enfin le coup de Jarnac. Car toute l’histoire, on l’aura compris, n’était qu’embrouille et bidouille. La fâcherie n’avait été qu’un leurre. Le cabinet singapourien n’était que l’homme de paille de Zhizheng. Ensemble, l’un depuis Shanghai, l’autre depuis Chicago, les frères tenaient désormais les rênes du 1er groupe mondial, urbi et orbi.

Pour éviter de mourir, comme cela aurait du venir s’ils avaient laissé faire la nature, et pour surprendre un adversaire très supérieur en nombre, ils avaient inventé avec leur père cette adaptation moderne du n°19 (釜底抽薪, fú dí choǔ xǐn) du fameux livre antique des 36 Stratagèmes: « retirer les braises de dessous le chaudron »… à décoction !

 

 


Rendez-vous : La Foire de printemps de Canton

15 avril – 5 mai, Canton : Foire de Canton

16 avril, Pékin : Forum « Travailler ensemble », Rencontres commerciales entre les grands groupes français implantés en Chine et les TPME

13-15 avril, Canton : Metro Expo

15-16 avril, Pékin : VOIP & Next generation Telecom