Le Vent de la Chine Numéro 3

du 26 janvier au 8 février 2009

Editorial : Après le rat casseur, le boeuf réparateur…

Depuis le début des temps (époque Shang, 1766 -1122 avant JC), le zodiaque chinois fait succéder au rat le boeuf, et au signe le plus destructeur, le plus réparateur. Aucun hasard ! Notre époque semble confirmer cette règle de l’alternance cosmogonique entre tumulte déréglé de 2008 (avec son séisme, ses JO, puis son implosion économique), et 2009 où  règne, on l’espère, le calme plat et la convalescence.

Au 26/01, jour du Nouvel An lunaire, lui succède le boeuf, comme pour remettre de l’ordre dans l’étable. Paisible, il incite à l’effort et la patience. Volontiers taciturne, le boeuf de 2009 n’aime pas les risques, et suit obstinément son chemin. Il ignore la fortune, l’argent facile et la politique—seul l’intéressent sa famille et ses amis. Pour Pékin donc, ni fronde ni instabilité à redouter, sauf s’il lésait frontalement ses intérêts !

Associé à l’élément de la Terre, le boeuf offre cette année à l’agriculture le double de chance :

 [1] protégée par le pouvoir qui achète ses récoltes au prix fort, pour soutenir le marché tout en reconstituant ses réserves. Face à tout autre secteur, ce soutien monétaire est pour l’instant son privilège exclusif.

[2] crise ou pas, tout le monde doit manger, marché incompressible. Cette même bonne étoile « bovine » et « terrestre » profitera aussi au textile et même à l’immobilier. Mais elle desservira les services, la finance et les (télé)-communications -on s’en serait douté !

Les maîtres du 风水 fengshui font confiance au boeuf pour tracer le sillon de l’année, avec force tranquille, altruisme, fiabilité, intelligence -au-delà d’une apparence de benêt. Sans oublier pour autant ses défauts: possessif, dogmatique, intolérant voire mesquin et s’il est provoqué, d’une violence hors contrôle !

C’est peut-être ce que redoute le pouvoir, pensant aux 188 millions de migrants qui retournent au foyer dans les pires conditions depuis 30 ans : honteux et confus, chargés de cadeaux de pacotille, incapables de présenter au village une fiancée ou leur contrat d’embauche (pour les étudiants), endettés : n’ayant pas réglé leurs affaires, comme le stipule la tradition.

De plus, le voyage est plus rude. Ils sont 14 millions de plus que l’an passé, avec les nouveaux chômeurs. Les gares sont bondées, les autorités sur les dents. 2000 vendeurs à la tire sont sous les verrous, dont 80% à Canton, et 78.000 tickets confisqués (la plupart faux).

Les vrais défis débuteront après la fête. Comment occuper au village les 10-20 millions qui resteront sur place? Comment éviter que les 600.000 mingong chassés de Canton par le chômage (5% de l’emploi migrant) ne deviennent 5 millions dans l’année (25%), comme le redoute le vice gouverneur ? Extrapolée sur le pays entier, une telle hécatombe d’emplois cantonais se traduirait par 50 millions de sans travail!

Voilà un défi qu’aucun pays n’a assumé avant la Chine : orchestrer un reflux d’exode rural d’une telle amplitude. C’est la démarche inverse de celle de l’humanité depuis deux siècles. C’est une fin de cycle de développement qui engage toute la Terre. Tous les pays sont en quête d’un mode de vie, et d’économie, nouveau et durable. La Chine aussi, et on la regarde !

 

 

 


A la loupe : La CRISE, selon Andy Xie

Les 6,8% de croissance atteints par la Chine au 4. Trimestre 2008, la laissent en état de choc. Sinopec, Chalco, China Railway avouent la perte de « plus de 50% » de leurs profits en 2008. Baosteel passera ce trimestre dans le rouge, pour la 1ère fois dans son histoire. Les temps sont si durs que certains s’aventurent à prédire une dévaluation du yuan, qui lancerait une guerre commerciale immédiate avec les USA (cf p.3).

Mais pour tâter le ressort de cette crise, Andy Xie, l’économiste pékinois apporte une séduisante explication, par la non-durabilité du bi pôle Chine-USA. Comme un accident d’usine, la récession a plusieurs causes mécaniques distinctes :

 [1] L’explosion des subprimes  frappa comme un coup de tonnerre, mais ne fut qu’un coup de semonce, éradiquant (quand même) un an de PIB mondial et causant 1,5% de “contraction permanente”.

  [2] Suivit la disparition du crédit, non du fait d’une grève des banques, selon Xie, mais de l’affaiblissement des emprunteurs, moins riches en valeurs hypothécables et en revenus. Pour Xie, la chute du crédit participe moins du problème, que de la solution – la baisse des taux d’intérêts ne marchera pas.

  [3]  Alors intervient le 3ème étage de la fusée : le cycle des inventaires. La hausse permanente du cours mondial des matières 1ères a favorisé la spéculation et le stockage: le produc-teur ne risquait rien. Mais quand la crise éclate, la firme déstocke à n’importe quel prix, son inventaire… et son personnel, lançant ainsi le second “round” de la contraction.

En novembre, la bourse a atteint son plancher, puis repris (S&P500 = 750 pts, puis +22%, Hangseng = 11.000, +42%), et à présent oscille. “Avant la mi-2009”, l’épuisement des stocks relancera “significativement” l’économie. Le mouvement sera aidé par les plans chinois (600MM$ voire 1300MM$, sur 5 ans non confirmés), et américain (650, voire 850MM$ sur 18 mois). Contraints par les structures de leurs économies respectives, les USA tenteront de relancer l’économie par la consommation, et la Chine par la production. Elle achèvera ses projets en dizaines de MM$, son réseau satellitaire Beitou2, son canal Sud-Nord (Yangtzé-Fleuve Jaune), son réseau de transmission électrique à ultra-haute tension – technique dont elle deviendra n°1 mondial.

Mais Andy Xie avertit : l’embellie ne durera pas. Chacun des pôles Est-Ouest devra trouver son propre équilibre. La preuve : en Europe (sauf Royaume-Uni), la crise frappe moins qu’ailleurs, grâce à la couverture sociale qui sauvegarde mieux la consommation.

 

 


Joint-venture : Wen Jiabao en Europe, pour réconciliation

Wen Jiabao en Europe, pour réconciliation

50 jours de brouille avec l’Union Européenne c’est le maximum que Pékin semble vouloir se permettre (le froid ayant débuté le 6/12 à Poznan, suite au meeting de leaders de l’Union Européenne avec des ‘Nobel’, dont le Dalai Lama). A son collègue portugais L. Amado, Yang Jiechi, le ministre des affaires étrangères confie (22/01) que « Chine et EU devraient s’unir pour combattre la crise », et Wen Jiabao entame le 27/01 une tournée européenne pour restaurer la confiance : Davos (Sommet WEF) Berlin, Madrid, Londres, Bruxelles.

Avec Paris, subsiste un demi-froid, mais qui régresse. Le 27, la France fêtera le 45ème anniversaire des relations, et Pékin se dit désormais prêt à « travailler » au dégel, avec Paris …

Ultime incident (21/01) : 67 avocats chinois prétendent bloquer l’enchère de deux bronzes du butin du sac du Palais d’Eté (1866), vendus au profit d’une fondation de recherche sur le SIDA.  Mais la Chine le démontre souvent : quand le temps de la dispute est terminé, rien ne peut compromettre la réconciliation.

Obama—Chine—ciel déjà couvert

Il n’a pas fallu 24h pour que les 1ers nuages apparaissent, dans le ciel sino-US. Dans son discours d’adoubement (20/01), Obama évoqua «communisme et fascisme»: référence coupée dans le semi-direct de la CCTV. Tout comme la phrase sur ceux qui « s’accrochent au pouvoir, en étouffant leur dissidence ».

Pire, le 21/01, Tim Geithner, prochain Secrétaire au Trésor écrivait au Sénat que la monnaie chinoise était «manipulée», prévenant ainsi, d’une probable offensive contre Pékin, sur le front monétaire. Or la Chine, en cette période catastrophique, a renoncé à réévaluer le ¥, et avec 10M d’emplois à l’export menacés ne risque pas de recommencer. De son côté, le Parti démocrate  désormais au pouvoir a toujours été plus «monétariste» que le parti républicain. Alors qu’Obama prépare 850MM$ de secours à ses industries, il veut éviter qu’ils passent en produits « made in China ». Aussi les experts s’attendent, suite à la remarque du patron de la finance américaine, à de la colère et du souci, côté Pékin.

NB: En réalité, ce type de déclaration intempestive pourrait faire penser, à Pékin, à un parti démocrate plein de fougue et d’inexpérience sur la manière dont fonctionnent les relations de part et d’autre du Pacifique—mais il apprendra !

 

 


A la loupe : L’APL : de la longue marche au porte-avions

L’Armée Populaire de Libération veut sa part de la croissance chinoise, et le dit à travers son dernier Livre blanc. Raison traditionnelle : le maintien de nuisance des forces séparatistes à Taiwan, au Tibet et au Xinjiang, «menace sécuritaire majeure à l’unité de la nation», ainsi que les tentations de l’étranger de «contenir» la Chine. Taiwan vient pourtant d’annoncer pour 2013 un démantèlement unilatéral de 95.000 hommes, portant sa défense à 180.000 hommes. L’an dernier déjà, l’APL déclarait un budget de 41MM² -sans compter les achats étrangers (25MM$ à la Russie depuis ’90) et la R&D.

« Notre nouvelle grande Muraille » comporte 2,3M de soldats, la moitié du chiffre de ’87. 70% sont dans l’infanterie, en 18 corps d’armée de 30 à 65.000 hommes répartis en divisions et brigades, dont 40% au moins mécanisées ou blindées. Si les simples bidasses battent la retraite, ils sont relayés par les techniciens : forces spéciales, divisions d’assaut amphibies (2), brigades anti-missiles (19), régiments héliportés (10). Téléphones de campagne et radio sont remplacés par des réseaux intégrés de terrain qui associent intranet, satellites et systèmes de reconnaissance par drones (télécommandés) aériens et terrestres. 

L’essentiel des crédits de modernisation va aux autres armes, marine et aviation, en achats extérieurs (Russie, Israël), et de plus en plus en recherche propre.

La marine entretient 250.000 hommes à travers ses trois flottes (Nord à Qingdao, Est à Ningbo, Sud à Zhanjiang) – chacune équipée de navires de surface, sous-marins, forces aéroportées et défense côtière. Cette marine se distingue actuellement au large de la Somalie, ayant escorté 16 navires en 3 semaines, dans les eaux infestées de pirates.

Les forces aériennes réparties en 7 régions et 24 divisions, comptent aussi 250.000 hommes et 2300 appareils, dont seulement quelques centaines modernes. L’armée de l’air détient les forces de déploiement rapides, sous la forme de trois divisions aéroportées. Elle comporte un corps à part : le Second corps d’artillerie, responsable des missiles stratégiques, nucléaires ou classiques. Il occupe 90.000 hommes à travers six bases, chacune déployées en 15 à 20 brigades sur tout le territoire.

Bras du régime et ultime défense contre la démocratie, l’APL se donne 40 ans pour dépasser son maître à penser, l’armée US. Dès maintenant, elle a 100.000 soldats étudiants dans diverses écoles, dont l’université professionnelle de l’armée de l’air, ouverte en juillet 2008. Parmi les investissements d’avenir : 2 à 5 porte-avions, et 30 satellites d’ici 2015 pour compléter son réseau propre de GPS, dit Beitou2 ou Compass. A la sortie du Livre blanc, la bourse ne s’y est pas trompée : des groupes tels Spacesat ou Great Wall se sont envolés, en bourse !

 

 

 

 

 

 

 


Argent : Matières premières : l’heure de gloire du Bureau des réserves

Quand vient la récession et ses prix effondrés, c’est le moment pour l’Etat chinois d’acheter à bas prix les matières premières, tant pour regarnir ses réserves, que pour dépanner les producteurs. La technique ressemble à celle d’une centrale hydroélectrique en temps de crue, inversant les turbines pour détourner l’inondation—mais la centrale dépense de l’énergie au lieu d’en produire, quitte à en regagner ensuite, en vidant ses réserves en période sèche. Cependant, la manière dont Pékin le fait permet de constater une intéressante inflexion à sa politique : à présent que les besoins sont à peu près couverts, tous les producteurs ne seront plus sauvés. L’heure est à la concentration. On passe du « produire plus » au « produire mieux », et d’une liberté provinciale, à une rationalité nationale

L’aluminium est en énorme surcapacité. Depuis juin, les prix ont réduit de 52%, et le n°1 Chalco s’estime heureux de rester rentable, après disparition de 90% de ses profits. Chalco applique la consigne du Conseil d’Etat : couper en deux les hauts salaires, écornant les bas de 15%, pour tenir le coup sans licencier personne. Mais les ventes se feront à perte durant tout 2009. Le BRN (Bureau des réserves nationales) aura acheté 150.000t en décembre, 290.000t en janvier, privilégiant ainsi son dinosaure et l’aidant à racheter la concurrence. Même mécanisme pour le zinc, où le BRN achète 59.000t.

Même mur des lamentations dans l’acier: 660Mt produites en 2008, seulement 500Mt vendues (13MM¥ de pertes en déc.). Les grands (Baosteel, Shandong Steel, Hebei Steel et Angang), capables de produire le meilleur au moins cher, gardent leurs objectifs de production de 2008, laissant les petits se répartir les coupes… ou disparaître. Ici, pas question pour l’Etat de stocker. Les aides se limitent à l’export haut de gamme. 

NB: les sidérurgistes chinois tentent d’imposer aux fournisseurs mondiaux de minerai 40% de baisse. Pas pressés de conclure, les mineurs misent sur l’épuisement de la montagne de minerai encore accumulée dans les ports chinois (65Mt au 31/12).

Le cuivre caracole : quoiqu’ayant tout fait pour atteindre la surcapacité, la Chine 1er producteur mondial ne suffit pas à sa demande. Aussi Jiangxi copper, le leader poursuit son plan de croissance de 12% cette année, à 0,8Mt de cuivre raffiné. Et quoique le cours ait chuté de moitié depuis juillet, il parie sur une hausse du cours de 20 à 30% (4000-4400$/t). Et le BRN a acquis, dans l’année, 211.000t de cuivre raffiné, soit +89%.

Enfin, côté céréales, seul secteur où Pékin faire monter les cours (cf Edito), on constate que la Chine a acheté l’an passé 11% de la récolte de grain, soit 41Mt—ce qui s’explique aussi, outre le souci de stabilité sociale, par la sécheresse sans précédent : 7,9Mha sont touchés entre Shandong et Shanxi, avec 70 à 90% de déficit en pluies…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Pol : Le fantôme de la grippe aviaire

Le fantôme de la grippe aviaire

 

Depuis son apparition en 2005, la grippe aviaire, virus des oiseaux, transmissible à l’homme vit un pic de nocivité au Chunjie, là où se croisent les oiseaux migrateurs et les regroupements familiaux en milieu rural. En 15 jours, la Chine vient de connaître quatre cas de contamination humaine, les 1ers en un an, dont 3 fatals. Huang (19 ans) mourut le 5/01 à Pékin. Peng (2 ans) fut atteinte le 7/01 au Hunan -elle survit, et 67 de ses proches sont en isolation. Zhang sa mère (27 ans) contracta aussi le H5N1 -nom scientifique du virus-, décédant le 17/01. Wu, lycéen du Hunan (16 ans) succomba le 20 janvier. Contaminés en zones d’épidémie aviaire, les quatre cas l’ont été par la volaille, dit le ministère de la Santé : le virus n’a donc pas muté, selon le scénario-cauchemar des scientifiques. Mais le ministre Chen Zhu met le réseau hospitalier en alerte rouge et son collègue de l’agriculture dénonce vaccins clandestins, vente de poulet mort de la grippe, et autre pratique irresponsable. Seule note positive: la Chinese University de Hong Kong a mis au point un riz OGM modifié au Rhizoma Polygonati odo-rati, qui inhibe divers virus dont le H5N1. La CUHK recherche en Chine un centre pour le tester, sans risque de dispersion du fléau.

 

Scandale de Sanlu … oeil pour oeil !

 

Le 22/01, après 25 jours tombaient à Shijiazhuang (Hebei), les 12 premiers verdicts du procès Sanlu, du lait contaminé à la mélamine : deux hommes prennent la peine capitale, Zhang Yujun pour avoir produit et écoulé 600t de fausse protéine, Geng Jinping pour avoir vendu le lait contaminé aux laiteries. Neuf autres reçoivent entre 5 ans et la mort, avec sursis. Tian Wenhua, l’ex-patronne de Sanlu, sauve sa tête, et reçoit la perpétuité : « la loi », glose son avocat, « ne prévoyait pas ce verdict pour son délit ». Et (surtout), on ne pouvait accabler l’Etat-major de Sanlu (dont la responsabilité est pourtant écrasante et établie), pour ne pas impliquer les cadres politiques moyens ou hauts, forcément présents dans ce circuit d’importance nationale. Durant le procès, Mme Tian a réclamé leur inculpation — mais leurs noms n’apparaissent même pas.

Aussi, le but semble clairement avoir été de sacrifier quelques boucs émissaires, pour calmer les foules avant le Nouvel an. Pour l’Etat, avec ces condamnations (39 autres à suivre) et 160M$ de primes offertes aux 296.000 familles des victimes, l’affaire est close. Même pour l’heure, de nombreuses familles refusent primes et verdicts : A suivre !

Cinq délits et crimes hors du commun

« En 1998 un bandit Hongkongais, Cheung Tze-keung, dit le flambeur, était arrêté à Canton, et bientôt exécuté pour avoir kidnappé l’homme de trop, Victor Li, fils du tycoon Li Ka-shing. Li avait payé sans sourciller les 1,4MMHK$ de rançon (si!), puis s’était plaint au Président Jiang Zemin, qui avait mis sur l’affaire un « as » de la police. Suite à son succès, le limier, Zhen Shaodong, avait vite gravi les échelons de la carrière, étant aujourd’hui vice-ministre. Mais ainsi passe la gloire du monde : le 12/01, avec son n°2 Xiang Huai-zhu, il est arrêté, soupçonné d’avoir couvert Huang Guangyu, l’ex-patron de Gome.

« Bizarre filière de kidnapping entre Yuncheng (Shanxi) et Maijayang (Birmanie). 19 jeunes étaient attirés par Maijayang, le «Macao birman», à qui on faisait miroiter des jobs à 7000¥. Une fois rendus sur place, ils se faisaient rançonner. 18 familles ont dû payer 1000 à 100.000¥ pour récupérer leur fils amaigri et torturé. Un est toujours détenu. Deux passeurs de Yuncheng ont été arrêtés, et sept sont en fuite.

« Le 30/11, comme chaque année, eut lieu le concours d’entrée dans l’administration, le plus ancien au monde – instauré avant l’ère chrétienne. Un des plus compétitifs aussi : à travers le pays, il rassemblait 775.000 candidats pour 13.500 postes, dont un, à la Fédération des Handicapés, pour 4700 postulants. Cette année, l’examen a dérapé : 1000 tricheurs ont été épinglés. 300 candidats, en salle, portaient un micro-récepteur dans leur oreille interne, technique que l’on retrouve chaque année le jour du 高考 gaokao (baccalauréat). 700 autres, furent éliminés à Pékin et au Liaoning, pour copies identiques —révèle l’administration du service civil. Ce que la nouvelle tait : toutes ces tricheries supposaient une complicité de l’intérieur du système du concours.

« A peine épinglés, les émetteurs des faux billets de 100¥ qui inondaient le pays (vdlc n°2) sont jugés à Zhanjiang (Canton), le 13/01. Li Jiahao, 45 ans et 3 complices en prennent de 2 à 12 ans. Li était l’expert des fausses bandelettes argentées « sécuritaires » serties dans le billet rose—ils en avaient produit pour 25M$. Comme souvent en pareil cas, c’est dans la phase de l’écoulement qu’ils se sont faits prendre.

« Edile de Hengshan, Chen Longbing s’est fait poignarder à Foshan (Canton) la nuit du 18/01. Ayant perdu 11.000¥ dans un hôtel casino clandestin, il aurait accusé de fraude les croupiers-mafieux, qui l’auraient mal pris. A l’aube, la veuve, vêtue de blanc, vient s’agenouiller sur le parvis et faire un esclandre, avec en mains la photo encadrée du défunt. L’hôtel propose 100.000¥ -elle en réclame un million.


Temps fort : 2009—défis et bonnes résolutions

Fruits de saison, les deux projets suivants expriment le désir du pouvoir, traditionnel à cette époque, de faire plaisir au peuple, « en famille » – dans la grande famille qu’est la République populaire de Chine ( 国家 guojia = pays—foyer)

– 12 lieux de culte sont en cours de restauration dans Pékin: l’évêché et les églises catholiques de Changxindian, Zhengfu, Pingfang, les mosquées de Jianfang, Qianmen, des temples protestants, bouddhistes et taoïstes.

– Malgré ses résultats constamment décevants, Guo’an, club de football de Pékin, reçoit 3M$, pour l’aider à remonter la pente d’ici juillet 2009 et se mesurer au Manchester United : mesure  populiste  s’il en est, selon  l’adage romain «du pain et des Jeux».

Par ailleurs, le pouvoir tente de relever quatre défis anciens et pressants:

L’écart croissant entre revenu citadin et paysan, 15.700¥ contre 4.800¥ /an, soit plus du triple. Jusqu’alors, le salaire du migrant, 8000¥/an permettait d’amenuiser l’écart: ses mandats mensuels assuraient 65% du revenu du village. Mais cette source est menacée. D’où les achats publics d’une partie des récoltes d’automne, 6Mt de soja (40%), du riz et du maïs (11% de la récolte de céréales), de forts volumes de betterave et de canne à sucre…

Côté santé, le projet de construction de 2000 hôpitaux cantonaux, 6000 dispensaires de banlieue, trouve le 22/01 sa traduction budgétaire : 124MM$ en trois ans, qui financeront aussi d’autres piliers de la réforme de la santé. Une assurance médicale couvrant 90% des Chinois d’ici 2010, une liste accrue des remèdes courants couverts, et la réforme de la gestion des hôpitaux, pris en charge par l’Etat et renonçant à la course au profit.

– La pollution remonte en force. Zhou Shengxian, ministre de la SEPA s’inquiète de provinces arriérées qui parlent de fermer les yeux sur l’environnement au nom de la sauvegarde des emplois. Zhou promet de renforcer les contrôles. Il annonce aussi que pour 153 projets validés depuis l’automne (d’un invest global de 47MM²), 11 ont été rejetés (4,4MM²), surtout de centrales thermiques et de carbochimie. Mais en même temps, on entend State Grid, le distributeur électrique (1èr groupe de Chine), après avoir perdu 80% de profits (pour 2008 : 1,4MM$), brandir un projet de barrages sur le Yarlung Zampo (Bramapoutre), très agressifs pour l’environnement, mais promettant 70Gw de capacité -trois barrages des Trois Gorges.

– Enfin, Jia Qinglin confirme le rejet frontal de toute forme de démocratie à l’occidentale. C’est la réponse du pouvoir à la Charte ’08 signée fin novembre par 300 intellectuels sous surveillance depuis lors (dont Liu Xiaobo). La Charte se réclamait de l’an 2008 : Pékin souhaite qu’elle y reste !

 

 


Petit Peuple : Shanghai : le Père Noël et la petite fille

On ne s’en rend pas compte, mais les grandes tragédies d’autrefois,  genre Héloïse et Abélard ou Roméo et Juliette, passent de nos jours comme mythes, mais pas en vie réelle. Des histoires aussi tortueuses et torturées, passent pour ringardes. Sauf en Chine où la vie, sans chercher midi à 14h, permet encore des beaux drames d’amour « à l’ancienne » ! 

A la tête d’un centre de formation professionnelle réputé, à Shanghai, Zhou Xiang (51 ans) n’avait rien d’un dragueur en proie au démon de midi. Il restait toujours d’une rigoureuse honnêteté envers son épouse malade. On peut donc dire que seul le hasard s’est joué de lui, en le plongeant dans les filets d’une passion dévastatrice.

Non loin de son école se tenait un bouiboui dont il avait fait sa cantine, en raison de ses plats du jour succulents et à bas prix. En attendant son assiette, il lui arrivait aussi, quand il se croyait non-observé, de détailler les yeux noirs comme la nuit  de Ruan Li, la serveuse de 24 ans. Entre la poire et le tofu, il l’interrogeait sur sa vie, son village au Sichuan, la misérable boutique de 4m² qu’elle tenait en ville avec son mari…

Leur relation bascula ce jour de 2007 où il lui proposa un tour de moto, pour aller voir leur échoppe. Le quartier où elle habitait était si misérable et la chaussée si déformée que la moto ripa – Zhou se brisa la jambe. La santé de sa femme ne lui permettant pas d’accompagner son homme quelques jours à l’hôpital en tant qu’aide-infirmière, (护工, hugong), Ruan Li accepta de tenir le rôle quelques jours, lui faire sa toilette, passer l’urinal, porter ses repas. Dans le dortoir géant, Zhou et Ruan se livraient -déjà- à un jeu qu’ils croyaient innocent : se faire passer aux yeux des autres pour père et fille !

Une fois rétabli, sous prétexte de gratitude, Zhou s’enfonça dans son jeu de séduction inconscient. Il multiplia les cadeaux au couple pauvre – un jour 2000¥, l’autre 10.000¥, un poste de télé, un vélomoteur…

Mais on ne joue pas impunément au père Noël : un jour qu’il était passé à moto la prendre à la guinguette, sous prétexte qu’elle l’aide à acheter des vêtements, Ruan se mit à minauder, lui demandant de l’emmener en amazone, derrière lui pour un tour de Shanghai, qu’elle ne connaissait pas. Durant une des haltes, à l’impromptu, elle lui prit la main et quand il tenta de la repousser, elle se jeta dans ses bras, d’un mot ensorcelant : « je ne suis qu’une pauvresse. Pour te remercier de tous tes bienfaits,  – tout ce que je t’ai à te donner, c’est mon corps »…

Victime consentante, il céda, oubliant tous ses principes.

Peu après, en mars 2008, sous prétexte d’un  stage, il l’emmena en lune de miel illégitime dans l’île de Hainan.

Pour calmer sa conscience, et la vigilance de Yuan, le mari grugé, il combla toujours plus le couple: 50.000¥ à Yuan pour l’aider à soigner ses grands-parents malades, un nouvel emploi pour lui, un autre pour elle… Mais Yuan pas si bête, flairait la trahison : il les fila jusqu’au nid d’amour, les cueillit au lit. Puis il se vengea du  déloyal ami le menaçant de le dénoncer auprès de son patron et de sa femme, et lui extorqua ainsi ses 600.000¥ d’épargne !

C’était compter sans le sursaut de dignité de Zhou, qui déposa plainte au parquet de Minhang. Sentant venir l’orage, Ruan et son mari vinrent le prier de faire marche arrière. Ils faillirent réussir – mais la plainte ne pouvait plus être retirée. Sur ce, la femme infirme de Zhou subit coup sur coup deux arrêts cardiaques, dont elle réchappa juste, pour pardonner le moment d’égarement…

Face à tout ce gâchis,  chacun des trois protagonistes bat sa coulpe en vain, et voudrait  « se manger le nombril, mais la bouche est trop loin » (噬脐何及 shì qí hé jí). Sauf peut-être la trop jolie Ruan Li, honteuse de sa faute, mais satisfaite au fond d’elle-même d’avoir assumé, une fois dans sa vie, une chose qu’elle désirait.