Le Vent de la Chine Numéro 5

du 4 au 17 février 2008

Editorial : 2008—année record… de difficultés…

L’année du cochon s’achève difficile, léguant à 2008, l’année du rat, d’éprouvants défis. Les catastrophes boursières et climatiques sont peut-être la chance qu’attendait depuis longtemps le régime, d’imposer les révisions douloureuses qui mèneront à l’économie durable!

Le Chunjie 2008  (春节, fête du printemps) passera dans l’histoire comme une fête ratée. Début janvier, la valse des étiquettes sur les marchés avait forcé Pékin à lancer ses inspecteurs sur 22 provinces, pour vérifier le respect du blocage des prix  et l’approvisionnement des marchés en huile, porc, farine, lait et autres. Puis le gel sur 14 provinces et le chaos sur les transports ont plus encore dégarni les étals: pour le banquet nocturne du 6/02, moins de jiaozi (raviolis) au nord, de niangao (pudding de riz) au sud ! De plus, des 100aines de millions de migrants en route vers le bercail ont dû rebrousser chemin : les 2,3 MM de passagers des dernières années (entre bus, train et avion) ne seront pas atteints. Le 2 février, un nouveau front était annoncé renforçant le mal – beaucoup de gens ont subi une peine irrattrapable.

Tel est le climat tendu de ce début d’année  que le 1er ministre Wen Jiabao n’hésite pas à prédire « la plus dure » (depuis longtemps) pour l’économie. Citigroup renchérit en déclarant que la bourse chinoise, hier la plus courtisée, vient de devenir la plus fuie de toute l’Asie. Et en guise d’avant goût, l’UE  lui impose (2/02) une seconde enquête antidumping sur ses exports d’aciers laminés.

La priorité n°1 sera la relance de la consommation. En 2007, elle a monté de 16,8%, mais compte pour peu dans la croissance, par rapport aux investissements et exportations, qui devront reculer pour cause de crise monétaire américaine, et pour pouvoir espérer atteindre les 20% de coupe de consommation d’énergie promis d’ici 2010 (par rapport à 2006), et de 10% de la pollution. Pékin espère réduire sa croissance à 10,5% (-1%). Pour relancer le commerce, il prépare une prime aux paysans de 13% sur l’achat d’électroménager, et un règlement imposant des hausses de salaires pour gommer l’effet de l’inflation. D’autres mesures du même type sont à attendre… Cette année verra fleurir d’autres réformes : celle de l’administration, remodelée en super-ministères, celle du RMB (qui montera) et celle des finances. Un épais brouillard plane sur celles de la justice, de la police auxiliaire, et du droit foncier. C’est-à-dire d’outils d’un parti, dont le professeur Shang Dewen, de l’université Beida, n’hésite plus à écrire, en son dernier essai, que « sa mission historique est accomplie » !

Comme à chaque Chunjie, le gouvernement veut redorer sa cote, et multiplie les promesses écologistes ou de vie meilleure.  Il interdit dès juin la pratique des sacs en plastique gratuits, sabre le projet haï de 10 barrages sur la Baijiao (Sichuan) qui auraient noyé la région, révise à 13 MKw (+3MKw) les petites centrales thermiques à fermer dans l’année ; il coupe de 80% les tarifs du téléphone portable hors-zone et évoque la fin, «sous 3 à 5ans» du 户口 hukou, passeport intérieur qui lie le paysan à sa terre. Enfin, le Chunjie cette année, est dépassé par un moment attend avec fascination : les JO, dont tous pressentent qu’ils changeront la face du pays, son image dans le monde !

 

 


A la loupe : Un hobby millénaire—le combat de criquet!

D’ordinaire désert, Baoguosi, temple pékinois désaffecté, connaît ce 5 octobre un rare regain d’activité. Face à face en blouse blanche, sous la caméra TV, deux officiants manient d’étranges  ustensiles, autour d’un mini ring de plexiglas. Sur des écrans, la scène est suivie  par quelques dizaines de fans accros, qui commentent à voix basse. On se croirait au coeur d’un office religieux, et c’est un peu le cas, avec tous ces adeptes sacrifiant à un culte antique, annoncé par la banderole accrochée au fronton : «20ème tournoi annuel pékinois de combat de criquets»!

Chaque round suit un rite immuable : sorti du pot où il attendait (avec une femelle, mise là pour renforcer son ardeur), le mâle est classé par poids (de 5,8 à 6,95mg), puis excité d’un coup de pinceau sur les antennes. Puis les rivaux se ruent, s’arc-boutent, se mordent cruellement. Le combat dure moins d’une minute, conclu par le chant de victoire de l’un, ou le saut de fuite du perdant. L’affrontement est rarement mortel. Par tradition, le perdant est relâché, et le gagnant choyé jusqu’au prochain combat —il peut y en avoir jusqu’à 20, durant ses 100 à 120 jours d’existence.

Kou Jinbao, coorganisateur explique. 5 équipes de 10 éleveurs et 300 criquets sont en lice, pour un trophée de 7000¥. Bizarre : les criquets les plus vifs se revendent jusqu’à 10.000 ¥ et l’activité, en fait, est à plein temps… Bien sûr, comme souvent en Chine, il y a de l’argent caché là-derrière : le pari, qui est réprimé (plusieurs arrestations par an), mais qui peut drainer jusqu’à 100.000² par tournoi. Le dopage est si notoire, que les insectes sont isolés ensemble, 48h avant l’épreuve, pour dissiper toute prise de stimulant… Les vainqueurs sont mis à la reproduction, par exemple chez Kou (56 ans), éleveur de père en fils, qui en vend 10.000/an.

Il n’y a qu’une espèce de criquet de combat le «xishuai», et il ne vient que d’un lieu, Nanyang (Shandong) : nul ne peut expliquer la cause de la supériorité guerrière de ce terrible insecte. Malheureusement, dit un amateur quinquagénaire, «le métier se perd. Nous ne sommes plus que 20.000 sur tout Pékin, et sans aucuns jeunes : ils nous trouvent ringards et préfèrent surfer sur internet ».       

Pour les héritiers de cet art, le défi est lourd : son agonie est inacceptable, mais engagée. Depuis les Tang, la joute de criquets compte sa littérature, son ministre-criquet (Jia Shidao, 1213-1275), et même son empereur-criquet, Ming Xuan-Zhong (1427-1464), personnages si envoûtés par le petit animal, qu’ils négligèrent leurs fonctions et connurent des fins tragiques.  « Nous devons changer de conscience », conclut l’amateur, « et surtout de rythme économique, pour nous retrouver… sinon, d’ici 20 ans, notre passé sera perdu, et pas seulement nos combats de criquets, mais tout ce qui depuis 1000 ans, faisait les joies de nos ancêtres » !

 

 


Joint-venture : Rio—Tinto, le formidable coup de théâtre chinois

Rio Tinto – un formidable coup de théâtre chinois

Vendredi (1/02) en bourse de Londres, un opérateur achète pour 14,05MM$ de parts Rio Tinto, à 21% plus cher que le cours : Shining Prospect (Singapour), filiale de Chinalco, le fondeur d’aluminium chinois, avec part minoritaire d’Alcoa, son homologue américain. L’alliance sino-US vient d’acquérir 12% du n°2 minier mondial. Or, la part d’Alcoa n’est que d’1,2MM : ces 13MM$ font le nouveau record d’investissement chinois hors du pays.

Il vient à un moment critique: six jours après, le n°1 mondial BHP-Billiton (Australie) aurait remis son offre « finale » de rachat plein de Rio, qui refuse 131MM$. Le but étant la fusion d’un super-géant à 350MM$, détenant 40% des ressources mondiales de minerai de fer, 20% d’alumine. Telle fusion inquiétait le monde, Chine en tête.

Pour les opérateurs, la surprise est totale : en décembre, le lobby sidérurgique chinois avaient tenté (ou feint de tenter?) de monter une contre-offre, qui avait fait long feu. Si BHP parachève sa prise de Rio, il trouvera Chinalco sur son chemin, qui peut surenchérir, avec l’allié US – emporter la mise, se partager la dépouille…                                                                                    

Question : quel argent Chinalco a-t-il aligné, et pourra-t-il continuer à payer, déjà lancé qu’il est dans une coûteuse stratégie de rachat de ses rivaux intérieurs? Le trésor public?

Le retour de la déveine alimentaire

La Chine n’avait pas besoin de cela ! 15 jours après avoir annoncé le succès de sa campagne de 4 mois pour rétablir son image de producteur alimentaire respectable, la Chine se retrou-ve avec deux nouveaux scandales.

[1] Au Japon, les raviolis surgelés au porc du groupe Tianyang (Hebei), ont été découverts chargés à l’insecticide methamidophos. Constat non d’un laboratoire, mais des hôpitaux où, depuis le 5 janvier, 175 Nippons ont dû consulter, parfois en urgence. Soucieux de ne pas endommager des relations en pleine convalescence, les deux capitales calment le jeu : Pour Tokyo, aucune preuve que le poison soit venu de Chine. Pékin a fait fermer l’usine, et envoie immédiatement une équipe de chercheurs au Japon, pour coopérer à l’enquête.

[2] Le 8/07/07, les services d’hygiène avaient fermé une usine des laboratoires Hualian de Shanghai, suite à la découverte de négligences graves. Mais le scandale éclate aux USA, où Hualian exporte sa pilule abortive RU-486.                          

NB : le RU-486 est produit dans une autre usine Hualian, qui a reçu en mai l’agrément de la Food & Drugs Administration américain. Cette campagne révèle une méfiance toujours vive outre -Pacifique- l’affaire des raviolis nippons n’arrangera rien !

Chassez le tabac, il rebondit au galop

Menacé à l’Ouest par les interdictions de fumer en lieux publics, Philip Morris Int’l (PMI), 1er tabagiste mondial se redéploie en Chine.

 Pour quelques mois encore filiale Altria (bientôt autonome), PMI vient de recevoir le feu vert pour son usine Marlboro en Chine. Le deal avait été passé dès décembre 2005, puis bloqué par CNTC (China National Tobacco Corporation), le monopole national du tabac — pour gagner du temps, probablement.

La JV permettra à PMI de produire Marlboro en Chine sans quotas, dans son usine propre et celles de CNTC. Il vendra à travers le réseau CNTC sur ce plus grand marché du monde – 350M de fumeurs grillant cette année 2,2MM cigarettes.

A l’inverse, trois marques chinoises (Golden Deer, Harmony et Dubliss seront parachutées sur trois marchés « latéraux », Europe de l’Est, Centrale, et Amérique Latine, permettant à la Chine de faire ses expériences planétaires, sans concurrencer  le géant américain sur ses meilleurs marchés, Europe et Amérique. Cela dit, en Chine-même, vu la concurrence intérieure déjà vive, le secteur n’attend pas une percée immédiate pour Marlboro, le haut de gamme.

 

 


A la loupe : La catastrophe qui venait du froid

105M de Chinois bloqués depuis 15 jours dans la neige – des immensités au centre-sud de la Chine, sous glace, et même le désert du Taklamakan entièrement enneigé : on n’avait plus vu cela depuis les années ’50 !

Or, cette tempête arrive au plus mauvais moment :

[1] Arrive la fête traditionnelle du Chunjie, qui aurait dû enfourner dans les bus et trains les 200M de migrants en route vers leurs conjoints, enfants, parents…

[2] Et la Chine, depuis l’automne, consomme plus de charbon, pétrole, électricité qu’elle n’en importe ou produit…

Ainsi aggravées, les conséquences du gel sont dramatiques. Entre Canton, Shanghai, Changsha et d’autres villes de l’intérieur, des milliers de trains/passagers, 3500 avions, des centaines de milliers de liaisons par bus furent annulés. 250.000 soldats, 772.000 miliciens (wujing) et réservistes furent lancés sur le déblaiement des routes et voies, la réparation des lignes à haute tension brisées par le surpoids de la glace—traités en héros, trois électriciens moururent d’épuisement, en chutant des pylônes. Bloqués dans les gares ou dans les trains en rase campagne, 6M de pauvres gens attendirent parfois des jours -comme Chu Hongling, migrante de 24 ans qui accoucha dans un dispensaire de village, après trois jours d’attente dans son bus gelé, d’un enfant appelé Zhongsheng (« né dans la foule »)… Rien qu’à Canton, ce samedi 2/02, 0,8M de voyageurs attendaient devant la gare, parqués par la police, rarement nourris de nouilles instantanées…

Les dégâts matériels s’annoncent lourds : déjà 230.000 maisons détruites, beaucoup plus endommagées ; 754.000 hectares de blé ou riz de printemps perdus, ainsi que 874.000 porcs, 85.000 vaches, 459.000 moutons et 14M de poules et canards. Augurant pour le printemps, d’une nouvelle hausse des prix. Après l’annulation de 8000 trains de fret (charbon!), 7% des centrales thermiques ont fermé – des villes n’ont plus d’électricité depuis une semaine.

Aussi, petit à petit, les industries ferment, faute d’hommes, d’énergie et de pièces. C’est le cas d’au moins huit groupes automobiles (Ford, Toyota, Honda…). Le 2/02, les dégâts atteignaient 6MM²…

Descendu à Changsha (Hunan) le 28/01, puis à Canton, puis de retour au Hunan, le 1er ministre Wen Jiabao est « sur le front », gère comme il peut, et s’excuse de n’avoir pas su prévoir la catastrophe. A travers les media, le régime donne une image orientée de cette crise sans précédent : pas de scène de panique ni même de souffrance, mais des scènes de police et d’armée nourrissant les foules, portant  à bout de bras les enfants, poussant les voitures hors du verglas… pour démontrer qu’il est irremplaçable. Tandis que dans les foules, les migrants murmurent que leur malheur n’est pas forcément une fatalité.

 

 


Argent : Pétrole et gaz—un Go West par multiples routes

Pétrole et gaz— un « Go West » par multiples routes

Comment, pour la Chine, s’assurer une part majeure des hydrocarbures à l’Ouest de ses frontières, malgré la concurrence américaine, indienne, nippone, et le risque d’un blocus naval au détroit de Malacca? Vers l’Asie Centrale riche en pétrole, Pékin a trois fers au feu:

[1] la voie ferrée Korgas-Urumqi à la frontière kazakhe (nord Xinjiang), sera ouverte cette année, et aura coûté 861M$. Côté kazakh, le chantier suit pour rattraper l’axe Sari-Ozek, droit vers l’Ouest et ses champs pétrolifères. C’est la 2de voie ferrée sino-kazakhe,

[2] l’autre reliant Urumqi au col frontalier d’Alataw.

[3] Depuis le Xinjiang, un autre axe ferroviaire se construit de Kashgar vers l’Ouzbékistan via Kirghizstan. Il ouvrira en 2010.

Vers l’Asie du Sud-Est, les plans sont moins avancés, vu les coûts et la difficulté technique. Quel projet sortira le plus vite?

Le gazo- et oléoduc vers la Birmanie, de Sittwe à Kunming (Yunnan) ? La ligne ferrée de 6000km Kunming-Singapour ? Ou le percement d’un canal en Thaïlande dans l’isthme de Kra. En dépit de coûts financiers en MM$, sans compter les difficultés politiques, tous trois ont les meilleures chances de voir le jour.

 

 


Pol : Dépassées les ventes d’armes à la Chine?

Dépassées, les ventes d’armes à la Chine ?

A Serdyukov, ministre russe de la défense, est attendu à Pékin pour résoudre la crise des ventes militaires à la Chine: de 40% de ces exportations de la CEI en 2000, elles ont chuté à «presque rien».

Les généraux de l’APL, l’armée chinoise, seraient fâchés de l’incapacité russe à honorer une commande de ravitailleur en vol (la faute, à un sous-traitant ouzbèk). Et d’une promesse à New Delhi, de lui livrer des systèmes d’armes sophistiqués. Moscou hésite aussi, sur quels équipements offrir à l’APL sans altérer la sécurité nationale.

Mais un expert américain soupçonne l’industrie russe de se voiler la face : les arsenaux chinois passent plus vite que prévu à l’étape suivante dans la chaîne de l’innovation. Ils cessent de copier bombardiers et destroyers russes, pour en améliorer la technologie et le design. Et ainsi, la Chine s’affranchit aussi de sa dépendance militaire envers Moscou qui, pour sauver la face, préférerait prétendre que le refus serait de vendre, et non d’acheter !  

Le Sénat américain se pose une question proche de celle de Moscou, sur les limites à ne pas franchir en ventes d’armes: il réclame l’abandon du programme verified end-user, à peine adopté, qui permettrait à des compagnies installées en Chine d’importer sans licence des outils de pointe. Car 2 des cinq firmes choisies, une fois « vérifiées », se sont révélées partiellement militaires : Hua Hong NEC, propriété de China Electronics pourvoyeur de l’APL, et BHA Aerocomposite Parts, JV de Boeing et d’AVIC-1, qui produit des avions de combat. Boeing se défend—mais les élections américaines risquent de faire capoter ce plan…

Le rond-de-cuir passe au plastique

En matière de lutte contre la corruption, le Parti expérimente un outil nouveau : la carte de crédit « note de frais ».

Distribuée depuis juin dans 7 organes (dont CCID et CSRC) et à 4 gouvernements provinciaux (Shanghai, Chongqing, Heilongjiang et Gansu), cette monnaie plastique de China UnionPay permet d’y voir plus clair et de supprimer de la paperasserie : l’organisme payeur voit directement qui a dépensé quoi, quand et où. Si des doutes émergent sur le pourquoi, il suffit de réclamer le justificatif. Tout remboursement de dépense par un autre moyen est décliné.

Au dernier sommet financier (30/1, Pékin), Wang Hongzhang, du comité du Parti de la Banque centrale, a dévoilé que ce système mettait en échec les pratiques du chèque en blanc et du trésor de guerre  d’unités ministérielles, qui atteignaient l’an passé (janvier-novembre) 2,7MM². Vu son succès, le système va être universalisé, pour couvrir toute l’administration d’ici 2010.

 

La démocratie, inadaptée à l’Afrique?

Un intéressant éditorial au Quotidien du Peuple du 14/01 évoque une analyse officieuse sur le conflit kenyan.

Pour lui, la source du problème, est la «démocratie occidentale transplantée» qui aurait détruit la « démocratie originelle», faite d’équilibres délicats entre les ethnies -les élections étant l’agent détonateur. De même, le colonialisme aurait contribué à cette déstabilisation, en instaurant le pouvoir d’une ethnie sur les autres. Modèle ensuite reproduit par l’ethnie locale majoritaire des Kikuyus (25% de la population et 7M de membres), qui dominent depuis des décennies les 69 autres ethnies ou clans («avec le soutien de l’ancienne puissance coloniale, la Grande Bretagne »), provoquant aujourd’hui leur soulèvement. La dernière cause du clash, étant le scandaleux l’écart des richesses…

Analyse évidemment idéologique, mais qui prête à réfléchir. Pour la Chine, le modèle européen a échoué en Afrique -thèse défendable. L’avenir aurait plus de chance, en « préservant la stabilité nationale», par exemple en abolissant multipartisme et suffrage universel. Des idées, pour l’Afrique, sur lesquelles Pékin n’a pas varié en 30 ans. Il est vrai que la précarité actuelle du sous-continent noir peut tenter la Chine de rêver à mieux faire. Mais reste à voir ce que les Africains, principaux intéressés, auraient à dire de son programme !      

 

 


Temps fort : L’année du Rat, signe du changement favorable

Une année rarissime s’en vient. Le chiffre 2008 est de bonne augure, par analogie au « 108 » bouddhiste. Le signe astral du rat est extrêmement faste, précurseur et brise-glace protecteur, dans la nuit polaire de l’avenir. Et puis il y a bien sûr aussi les Jeux Olympiques, chargés de gloire mondiale. La conjonction des trois éléments propices doit entraîner un baby-boom, qui battra tous les records. Ce qui explique la campagne du planning familial ces mois-ci, tentant (sans doute en vain) d’enrayer cette avalanche de nouveaux berceaux.

Comme chaque année, tout Chinois né sous son signe (12, 24, 36 ans etc) doit porter un fil rouge en ceinture à même le corps, afin d’éviter de finir en pâture des esprits mauvais. « Superstition »? Bien sûr, mais partagée par tous—même des membres du Parti in petto, en dépit de leur foi affichée dans les progrès de la science… Et pas seulement en Chine : tout l’Extrême-Orient, toute l’Asie du Sud-Est croit en cet être astral. Le Vent de la Chine vous propose, à toutes fins utiles, quelques lignes d’étude de ses traits de caractère !

Quoique le plus chétif des 12 animaux qui composent le Zodiac chinois, le rat fut le premier à répondre à l’appel de Bouddha, et est depuis lors réputé l’animal le plus fidèle, et le plus fiable. A moins qu’il ne soit le plus malin : une variante affirme qu’il charma le Sage, en lui jouant de la flute, installé sur la tête du boeuf, lequel le laissa faire, se laissant ainsi voler la place… Quoiqu’il  en soit, c’est lui qui fut choisi pour inaugurer le cycle de 12 ans. En 2008, il nous fait quitter l’élément du feu (celui de la surchauffe), pour celui, plus froid et durable, de la terre.

C’est donc à la fois un solitaire, et un leader. Parmi les rats célèbres, comptent Shakespeare, Washington, Al Gore ou… le Prince Charles.

Le rat cache bien sa timidité intérieure, son inquiétude —laquelle est nécessaire au demeurant, pour lui permettre d’explorer le grand tournant des temps nouveaux. Comme l’exprime le dicton 首鼠两端 shou shu liang duan, « le rat regarde des 2 côtés avant de s’engager ». Il cache son jeu, sort la nuit de son terrier : assez blindé contre la censure. Il fait aussi des provisions, en prévision d’années maigres – un signe peu propice à la consommation privée !

Il est aussi charmeur, imaginatif, comprend les problèmes au quart de tour, et sait les résoudre. Le rat adore travailler seul mais cette année, disent les devins, c’est seulement avec les autres, qu’il peut espérer réussir —sauf avec le cheval, son signe opposé. C’est enfin un gagneur, et donc un être qui fera poursuivre à la Chine sa route prospère —mais par un autre chemin !

 

 


JO : Jour J-186

ª Hors  frontières, la Chine paie le prix de l’exacerbation de sa censure, qui va de paire avec celle des conflits sociaux. Dans le monde, des voix s’élèvent, tel le Prince Charles qui ne viendra pas à Pékin -contrairement à Gordon Brown, le premier ministre britannique. Raison suggérée : le grand froid sur le Tibet. L’acteur George Clooney aussi rejoint Mia Farrow dans la campagne pour le Darfour, pour faire pression sur la Chine -qui proteste !

ª En 2005, 210.000 Chinois planchèrent pour le Bocog sur le slogan olympique officiel. “Un monde, un rêve! ” fut retenu mais sans auteur: Liu Qi, Président du Bocog, déclara vainqueur la sagesse collective. Un certain Fang Shouwei cependant porte plainte, affirmant être l’auteur, avec preuves notariées en main. Le Bocog n’ayant, depuis lors, rien voulu savoir, Fang traîne le Bocog pour plagiat, devant la cour de Haidian – et la presse mondiale.  

ª Après Yao Ming depuis 2002 (Houston Rockets), l’Amérique basketteuse compte un nouveau héros chinois : Yi Jianlian, 2m13, 20 ans, recruté aux Bucks de Milwaukee (Wisconsin). Très populaire outre-Pacifique, sa 1ère apparition en match “NBA” fut suivie au petit écran par 100M de fans.

 

 


Petit Peuple : Pékin, la constance du jardinier

Il n’y a pas plus pauvre qu’un paysan du Dongbei (Nord-Est): tout le monde savait çà en 1993, même Meng Xianlin, 30 ans, manoeuvre dans une pépinière du Jilin. Meng savait aussi que dans cette Chine où régnait la ville, le béton et la pollution, l’arbre, c’était l’avenir : au Chunjie d’avant l’année du singe, il se donna un but définitif : devenir riche, sur cette branche!

Il s’établit, loua (3000¥) un champ, acheta quelques 10aines d’arbrisseaux, s’abonna à des revues de sylviculture qu’il dévorait aux moments perdus. Ce fut l’échec : de ses arbres, personne ne voulut.

2ème essai en 1996 : il voulut se faire agent de pépiniériste. Il dût investir, à ses risques, 10.000¥ dans un échantillonnage, pour aller l’écouler chez les clients: nouvel échec, il fut quitte pour replanter chez lui à Changchun ses centaines de bouleaux et noyers. Au moins, en les écoulant petit à petit, il faisait vivre sa femme et leur enfant…

En 2001, il lut que Pékin, future ville olympique, s’était engagée à convertir en forêt plus de la moitié de son sol : alors, Meng vit vert,et plus vert encore, quand montant à la capitale, il la découvrit au degré zéro de l’arboriculture -ni bosquets, ni plantations dignes de ce nom ! 

Il s’installa donc à Shunyi, à 20km, et les vrais soucis commencèrent. La parcelle qu’il put louer, lui coûta 10 fois plus qu’espéré, infligeant un coup sévère à son épargne. Pour éviter de louer une chambre, il y fit monter par ses manoeuvres une masure en brique.

Il passa des nuits blanches en bus, à travers Hebei, Henan et Shandong, en quête d’essences décoratives à bon prix, saule, gingko ou prunier. Ce fut la période la plus rude de son existence, séparé des siens, se nourrissant de nouilles déshydratées et limitant son somme à 4h/nuit : —faute de paiement, son personnel s’était vite évanoui dans la nature…

Cruelle, l’heure de vérité vint deux ans plus tard, quand ses arbres furent prêts et qu’il se mit à démarcher. La réponse des firmes clientes potentielles fut unanime. Même en tenue de ville, il ne parvint pas à franchir la grille des bureaux, mais fut rabroué par le planton, instruit de barrer les indésirables. Tout Pékin lui fit ainsi « manger le brouet de la porte fermée » (吃闭门羹 chi bi men geng) !

Et pourtant, loin de baisser les bras, même après un mois de cette mauvaise passe, Meng Xianlin gardait sa résolution aussi tranchante qu’au 1er jour. Il faisait la sourde oreille à sa femme qui l’adjurait de vendre et rentrer. Dans le désespoir nocturne, en sa cellule, il se répétait ses atouts propres, s’imaginait la chance cachée dehors, qui l’attendait…

Elle était en fait déjà là, la chance, dans ce client potentiel qui quelques jours plus tôt, lui avait confié ce tuyau d’un ton mi-charitable mi goguenard : « ici, si tu n’es pas une société, tu n’es rien! »

Il revint donc à Changchun, pour une dernière et épuisante démarche. Après 1000 déboires, il retourna avec en poche, les 100.000¥ de l’emprunt nécessaire. Le 16 juillet 2004, il déposait les statuts de sa compagnie générale de verdissement et embellissement urbain SARL.

Ronflant d’un tel titre, il retourna pour la 6ème fois faire antichambre à la porte du seigneur Chen, directeur d’une firme de décoration florale. Alors, le franc tomba : acceptant son offre 15% moins chère que la concurrence, à 100¥ le plant, Chen lui en commanda 1000, lui ouvrant enfin sa place dans ce monde brutal. Téléphonant le soir à sa femme pour lui communiquer le miracle, l’un et l’autre contemplèrent leur avenir en bourgeon, et s’émerveillèrent d’avoir su tordre leur destin, en se montrant plus fort que lui—par leur constance de jardiniers !