Le Vent de la Chine Numéro 4
Le lundi 21/01 à l’ouverture de la bourse, glacée par la chute des cours américaine, la Chine céda à la panique.
5% des 4000MM$ de capitalisation disparurent au 1er jour, 7,2% le 22/01, pour remonter légèrement le 23/01à +3%. Même angoisse à Hong Kong, où les valeurs chinoises furent les plus malmenées (-12% le 22/01), tel les assureurs China Life (-16%), Ping An (-12,5%), ou le Pékinois Air China (-25% en 2 jours), qui paie pour son opération inamicale sur son rival shanghaïen China Eastern. Tout ceci commençant à ramener ces valeurs chinoises à des niveaux plus réalistes— « back to reality ».
Les banques sont étrillées, ICBC, la banque de l’industrie et du commerce, à 38% sous son plafond d’octobre, et la Banque de Chine à -35%. Subprimes? Pas seulement! Les mauvaises dettes des quatre soeurs ont baissé l’an passé de 7,51% à 6,7% : moins par la vertu de leur gestion que par l’explosion de leurs encours, surtout immobiliers, souvent mal sécurisés. En somme, même en Chine, le noroît se lève. Et l’on comprend à présent pourquoi la Banque de Chine vient de recevoir un quota de prêts annuel, écourté de 20MM$ : au vu de ses résultats de l’an passé, et de pertes encore secrètes à dévoiler !
Après 23% perdus en bourse de Shanghai depuis le 16/10, l’Etat réagit. La CBRC (China Banking Regulatory Commission) crée un groupe de travail « subprimes » avec les banques, pour prévoir l’étendue des dégâts. CBRC et CIRC (China Insurance Regulatory Commission) autorisent l’achat de parts d’assurances par les banques. Puis une dernière mesure sème la perplexité: des ventes records de titres sont annoncées (21/01) à Shanghai, pour 20MM², dont trois-quarts à Ping An, 3MM² au charbonnier Chenergy, 2MM² à China Railway Construction. Tentative osée vu la déprime actuelle, et signe que l’Etat veut redonner confiance aux actionnaires, tout en épongeant les liquidités excessives. Selon Louis Capital Market, Pékin garde au chaud deux instruments pour soutenir sa bourse et lui éviter la disparition de 50% de sa capitalisation :
[1] avec ses 1300MM$ de réserves, acheter massivement, et
[2] autoriser enfin le fameux «train express» des investissements directs, en bourse de Hong Kong, au HKSE, permettant aux Chinois d’acheter chinois hors Chine.
Toutefois, le prix à payer pour ce dépannage chinois, sera aux limites du supportable. Vu la baisse du taux d’intérêt US à 3,5% (22/01), l’Etat perdra cette année, sur ses avoirs en bons du trésor américains, 49MM$, soit plus que sa note globale au titre des Jeux Olympiques. Tout en exacerbant les spéculateurs, avec sa monnaie vulnérable…
Bizarre, comme après des années de croissance sans histoire, tant d’événements se bousculent. L’appel du monde paysan à la réforme foncière (cf p.2), la panique boursière, les signes d’un dégel proche à Taiwan (cf p2), l’envergure donnée aux Congrès du Peuple municipaux et provinciaux (voir ci-contre). Tout ceci arrive à la veille du Chunjie, fête du printemps (7/02), l’entrée dans l’année du rat, 8 mois avant les JO, rendez-vous mythique où l’opinion attend la fin d’un cycle, le passage à un stade inconnu de son évolution. Surtout, ces péripéties sonnent le signal de la fin d’une croissance non-durable : l’obligation de quitter un modèle de vie à l’américaine, inadapté à ce continent.
Cette année, le Parti communiste chinois met en valeur un rendez-vous traditionnel jusqu’alors inaperçu : les 30 Congrès du Peuple des provinces chinoises, du 20 au 27/01, avec chaque fois quelques centaines d’élus -770 à Pékin, 860 à Shanghai, 864 à Chongqing… Au demeurant, la tâche de ces assemblées n’a pas varié : valider les décisions, et la délégation locale des édiles, à la session de l’ANP, le Parlement, en mars prochain.
La presse a mis l’accent sur ces assemblées : suite à la consigne donnée par le XVII. Congrès d’octobre, 2007 d’intégrer les 100 M de travailleurs migrants, leur donner logis, emploi, éducation, et surtout (c’est l’idée nouvelle), des représentants. Priorité à l’intégration des défavorisés, dernier avatar de la société harmonieuse du Président Hu Jintao. Par les temps qui courent, elle semble fort raisonnable. On peut aussi voir un autre mobile à cette promotion des parlements locaux. Ils représentent pour la plupart, des 10aines de millions d’âmes et de vastes territoires qui en Europe, auraient été des Etats. Si à l’avenir, Pékin devait refondre son appareil pyramidal, écrasant et inefficace, c’est sur ces structures intermédiaires qu’il devrait s’appuyer, pour forger un système d’une philosophie entièrement nouvelle, inspirée de l’autonomie à l’espagnole, ou du fédéralisme à l’allemande.
Pour suivre les consignes au sommet, le Congrès de Pékin s’est adjoint deux députés migrants aux titres prolétaires indiscutables —une laitière de 42 ans, un éboueur de 27 ans. Tout en réduisant d’un tiers ses élus cadres (à 62), et doublant ouvriers et paysans (à 49). Shanghai a introduit un migrant du nom de Hong Gang. Canton est allé plus loin, en plaçant Hu Xiaoyan, sa migrante issue d’une autre province, sur la liste de sa délégation à l’ANP : c’est une première !
Pour le reste, quels que soient les rêves de ces enceintes, de se métamorphoser en moteurs d’une démocratie future, c’est le traintrain socialiste qui domina, chaque Congrès approuvant les promotions et les plans annuels décidés au sommet. Un leitmotiv est le thème de brider croissance et « intensité énergétique». A Jinan (Shandong), le Congrès vise une hausse de PIB de 10%, celle d’intensité d’énergie, de 4,5%. A Nanning (Guangxi), il guigne un PIB de 11% (au lieu de 15 cette année) et une économie d’énergie de 3,5%. D’autres priorités visent à brider la croissance démographique, enrayer la valse des prix alimentaires et du logement, pour ce dernier, en multipliant la construction d’HLM.
NB : Tant de mots d’ordres répétés à l’infini, ne plaident pas pour l’éveil des initiatives locales. Pas plus que l’ignorance, manifeste chez ces édiles, des soucis locaux, comme à Shanghai, le refus de l’extension du Maglev. Quoique clairement exprimé, le désir de représentation populaire accrue, reste au stade velléitaire !
Les taxes carbone chauffent !
Bruxelles sonne l’alerte : en Europe, le grand plan énergétique est adopté, irréversible, quoique faisant grincer des dents des lobbies tels le sidérurgique ou le charbonnier, qui craint y voir « la fin de la filière houille ».
Dès 2013, transporteurs aériens et pétroliers paieront 20% de leurs quotas d’émissions de gaz à effet de serre (aujourd’hui gratuits) puis 100% en 2020. Pour les secteurs vulnérables à la concurrence mondiale tels métaux et ciment, la décision viendra en 2010. Et en cas d’échec aux palabres de Kyoto-II pour des réductions contraignantes des émissions, des taxes seront « étudiées » pour l’export des pays tiers. Sans attendre, M. Bartenstein, ministre autrichien de l’économie fait un appel bruyant à cette écotaxe européenne sur l’acier ou la voiture, de Chine ou d’Inde—au nom de l’égalité de conditions de concurrence !
Petite chasse aux mauvais sécuritaires…
Chunjie oblige, Pékin s’efforce de rehausser sa cote. N°2 de la supervision disciplinaire (纪律检查, jilüjiancha), Wang Wei annonce (22/01) des sanctions à 183 patrons et cadres, pour cinq accidents ayant coûté 189 morts, tels la chute d’un pont en construction (août, Hunan), ou la rupture d’un circuit d’acier en fusion (Liaoning, avril).
Pour leurs actes de « déréliction, abus de pouvoir et corruption », 78 se retrouvent au tribunal, et 31 perdent leur poste et/ou leur carte du Parti. Li Yizhong, ministre de la sécurité au travail, dénonce la «gestion chaotique» de bien des usines, mines et chantiers, et 101.480 morts en accidents de travail en 2007. Li fait aussi appel à la dénonciation des cadres fauteurs de ces dangers mortels : sans doute de bonne foi, mais naïf, en ce pays où le patron et le cadre peuvent aisément identifier et briser leur mouchard… Li promet aussi d’enquêter sur l’accusation du britannique Sunday Times, d’une construction du nid d’oiseau, grand stade olympique, ayant causé 10 décès au bas mot. Enfin, signe de cette molle indignation publique face à ce fléau, la police recherche les deux patrons en fuite d’une mine clandestine ayant explosé le 20/1 à Fenxi (Shanxi), entraînant 20 morts.
Couples—le divorce s’emballe
Selon le Département des affaires civiles (25/01), l’an passé, 1,4M de couples déchirés ont rendu leur contrat (+18,6%), 9,5M de couples ont convolé (+11,8%). La Chine se voit donc traversée d’un tsunami de divorces, par rapport à 1980 où ils n’atteignaient que 341.000.
[1] Une raison tient au prix à payer pour le boom économique : les longues heures de travail et de bus, la pollution.
[2] Les conjoints vivent moins ensemble, chacun poursuivant sa carrière -parfois à des centaines de km. La femme rattrape l’homme dans le monde du travail, et n’en dépend plus.
[3] Surtout, l’enfant unique, est choyé par toute la parentèle. Eduqué de manière plus moderne, son horizon moral s’est élargi : pour lui, le mariage cesse d’être un devoir, et le divorce une honte. Face à la poussée du moi, (tournant millénaire, aux conséquences encore incalculables), la sociologue Chen Xinxin conclut : « les jeunes adultes ne renoncent pas au mariage, mais ne peuvent plus le concevoir autrement que de qualité » : avec tendresse, égalité, et partage !
Enquête aux sources de la corruption
Qu’est-ce au juste que la corruption en Chine?
Docteur en économie, Wang Xiaolu, vice directeur de l’institut national (privé) de recherche économique, a enquêté auprès de 2000 foyers aisés.
Conclusion : en 2005, le revenu gris, de source au mieux douteuse, atteint 454MM², 26% du PNB -face aux 851MM² de la masse salariale légitime. Ses cinq sources sont le détournement de fonds publics (53MM²), le bakchich (123MM²), la vente de licences ou charges (47MM²), la vente de biens publics (70MM²), et l’abus de monopole (87MM²).
Le revenu gris serait l’apanage d’un petit nombre de secteurs-rois. Finance, services publics, pétrole, tabac et électricité assument 8% de l’emploi mais 55% des salaires. En outre, les avantages en nature permettent de gâter les employés, avantages non-imposables qui peuvent dépasser plusieurs fois la fiche de paie. Conséquence : 10% des citadins se partagent les trois-quarts du revenu gris, et creusent un écart très supérieur au chiffre admis par l’Etat, avec un revenu moyen de 9176²/an (contre les « 2743²/an » officiels), face aux 104²/an des 10% plus pauvres. Wang ose conclure que pour enrayer cette fracture sociale, une « restructuration du système politique » est la seule solution
NB : pour la banque en 2007, le 19/01, l’audit national épingle 81MM² détournés – en recul de 58% vis-à-vis de 2006. 12.687 employés ont été « punis », 177 banquiers chassés.
Le commerce en ligne bat celui en boutique
Les internautes chinois poursuivent leur croissance effrénée, venant de franchir le cap des 210 millions et s’apprêtent à prendre incessamment la tête mondiale.
Cela a ses conséquences sur le commerce : l’an dernier, les achats réalisés sur la toile, ont atteint 5,6MM², en hausse de 90%. 55M de surfeurs ont mis la main à la carte de crédit, soit près d’un sur quatre, dit le Centre national de recherche sur l’internet. Et dans ce métier, plus on est gros, et plus l’on gagne.
Taobao, la galerie marchande du groupe Alibaba (propriété à 40% de Yahoo) a vu ses ventes progresser de 156%, et atteindre 4,1MM², soit près de 80% du score du pays. Ses acheteurs et vendeurs qui étaient 30M en 2006, sont passés à 53M l’année suivante (chiffres du groupe), soit quasiment la totalité. Pendant ce temps, Carrefour, un des très gros acteurs en Chine avec plus de 100 grandes surfaces, restait loin derrière, avec « seulement » 2,3MM. Il faut dire que Taobao/ Alibaba fait le détail mais aussi le gros (fournissant les petits commerces), l’occasion (sans garantie !) et la vente aux enchères. La dépense par acheteur a aussi bondi de 45%, à 77² : la confiance, comme l’appétit, vient en mangeant !
Les législatives du 12/01 à Taiwan, viennent de changer toutes les perspectives concernant la Chine : DPP (indépendantiste au pouvoir) comme KMT pro-réunification, rament désormais dans le même sens, celui du rapprochement.
C’est que le DPP et son leader ultra Chen Shui-bian ont été étrillés, ne recevant que 27 des 113 voix au « Yuan législatif » (Parlement). Or, pour l’autre enjeu, crucial, des présidentielles du (22/03), tout n’est peut être pas perdu pour le camp « indigène », à condition de convaincre l’opinion de ne pas mettre tous ses oeufs dans un seul panier. L’opinion vient de dire qu’elle ne voulait pas d’une séparation «au forcing» avec le continent. Pour éviter le conflit, et pour tenir compte de l’intégration économique, moteur de sa richesse : en décembre, ses exportations ont monté de18% grâce à la Chine, qui vient de dépasser les USA comme 1er fournisseur et client (comme avec le Japon). Les choses sont claires : «on ne mord pas la main qui vous nourrit »!
Aussi Frank Hsieh, le candidat du DPP propose de « reculer » les 2 referendum programmés par Chen pour le 22/3, scrutins symboliques qui devaient décider si Taiwan devrait tenter d’entrer à l’ONU sous son nom propre plutôt que sous celui de «République de Chine» – Pékin étant évidemment hostile à ce projet qui la provoque. Hsieh suggère aussi, en cas de victoire, de faire 1er ministre Ma Ying-jeou, son rival du KMT. Ce qui serait normal, le KMT disposant désormais de la majorité au Yuan législatif. Mais une telle cohabitation à Taiwan, n’est pas dans les moeurs.
Côté KMT, Ma offre de rétablir les liaisons aériennes, à commencer par des vols charter de week-end dès cet été, à temps pour les Jeux Olympiques. Et d’engager des négociations pour un plan de paix formel, voire une réunification sous trois conditions qui, si appliquées, changeraient profondément le visage du pays et reporteraient la réunification à des décennies plus tard…
Dans l’attente du scrutin présidentiel, le gouvernement de Chen, respectant le verdict des urnes, met les bouchées doubles pour sortir d’ici le Chunjie, un plan d’assouplissement des investissements de l’île sur le continent (déjà quand même 100MM$, tandis que ses expatriés atteignent le million). Ainsi, pour acheter un bien en Chine, citoyen ou firme insulaire ne devront plus déclarer la source des fonds, et pourront obtenir de leurs banques taiwanaises jusqu’à 50% du financement.
Tout ceci permet très logiquement au citoyen taiwanais de rehausser sa cote d’espérance d’un climat meilleur : 47% croient désormais que les relations se seront embellies d’ici décembre—c’est le record d’optimisme, depuis 2003 !
La proclamation par les fermiers de Fujin (Heilongjiang) de l’abandon du collectivisme terrien, s’est vite répandue sur internet. 40.000 autres ont adhéré dans la province, suivis de 120.000 paysans ayant signé des chartes similaires dans le Shaanxi, le Jiangsu et à Tianjin. Dans l’ombre, une coordination évoque 13 provinces sur le point de suivre. Ces paysans réclament le partage individuel, ou bien par coopératives à 10 ou 20 familles.
Face à ce défi, le gouvernement reste encore sans réponse :
[1] Il sait que les villes exproprient par an 335.000ha dont 40% arables, et autant de surfaces confisquées au noir. Économistes et cadres centraux savent que ces confiscations illégales sont la cause n°1 des émeutes, et le premier obstacle à l’enrichissement des campagnes, au remembrement de grandes fermes et coopératives, assez riches pour s’équiper aux dernières technologies -économiser l’eau, valoriser les produits… Sans réforme foncière, la campagne lancée depuis 2003 par le Président Hu Jintao et le 1er ministre Wen Jiabao pour combler l’écart de croissance entre ville et campagne, s’éternise sans gagner la partie. Même le potentiel productif s’essouffle, dit Huang Peijing, agronome/ député hunanais, du fait d’un exode rural laissant les campagnes veuves de leur force de travail.
[2] Adopter cette réforme est risqué, touchant aux fondements idéologiques du régime et à la source 1ère de l’enrichissement personnel des cadres ruraux : elle exige une audace encore absente.
Il se trouve qu’il y a 30 ans, une 100aine de paysans de Xiaogang (Anhui) cassaient leur «commune populaire» pour se partager les lopins. La province avait réprimé, mais quelques mois plus tard, depuis Pékin, Deng Xiaoping avait réagi. Reprenant l’idée à son compte, il avait créé l’actuel droit foncier, compromis où la terre reste publique mais l’usage est alloué aux paysans pour 30 ans. Aujourd’hui, la base se réveille, pour exiger d’aller plus loin !
Car l’administration rurale a prospéré sur ce terrain corrompu. Surdéveloppée, sans contrepouvoir, elle reste sourde aux tentatives de Pékin pour enrayer les confiscations. Le ministre du sol Xu Shaoshi a épinglé 3700 cadres, coupables d’abus sur 1,3M d’ha—300 sont déjà condamnés. Mais la légèreté du nombre, et des peines (amendes, confiscation) prive l’action de toute valeur dissuasive : le 22/01 à Wuming (Guangxi), à coup de police armée et de 12 pelleteuses, la mairie chasse son village de ses 100ha de masures et de potagers… A titre de réponse au problème national, Pékin vient encore de promettre d’augmenter de 20 à 30% le montant de l’indemnisation. Mais vu le climat délétère, la réaction n’est elle pas du type, « trop peu, trop tard » ?
Maersk, vent debout
Anodin en apparence, un incident mineur déclencha l’émeute à l’usine Maersk de conteneurs de Machong (Canton, 14/01).
A la cantine, un soudeur migrant avait sauté la queue. Les vigiles le taxèrent de 200¥, puis de 1000¥, vu son insoumission. Des coups furent échangés : par 100aines, les ouvriers chassèrent les gardes, mirent à sac le bâtiment administratif, le bloc des vigiles. Le non-dit, ici, tient aux soucis de Maersk, qui doit supprimer des milliers d’emplois aux US, et cherche à rattraper en Chine le manque à gagner.
Selon Voice of America, Maersk aurait poursuivi une politique dure et non négociée, d’amendes aux travailleurs, d’horaires alourdis. Il aurait exigé le rattrapage sans paie des 5 jours de congés hors Chunjie : vexation mal ressentie. Selon Han Dongfang, dissident et expert du droit du travail, réfugié à Hong Kong, l’incident de Maersk n’est nullement isolé dans le delta des Perles: chaque jour y verrait le débrayage d’au moins un groupe de plus de 1000 employés, sans compter un nombre de conflits plus petits. Les horaires sont souvent durs et la sécurité limités (40.000 doigts/an, perdus en accidents). La non-négociation est la règle, et pour protéger une situation d’investissements fragilisée, les autorités, le syndicat unique ferment les yeux. Dans le conflit Maersk, la police ne serait intervenue que pour conduire à l’hôpital le soudeur et un vigile, blessés. Depuis, la mairie locale poursuit une « procédure de conciliation ». Ainsi dans la province, réchauffent les éléments d’un cocktail social explosif !
Qualité alimentaire—Exit ISO-9000, entre le rabbi…
Mordechai Grunberg, rabbin américain, est un homme fort occupé. Avec sept experts de la Orthodox Union (qui certifie 400.000 produits à travers le monde pour la clientèle américaine), il inspecte les firmes alimentaires chinoises pour octroyer à leur produit le label kasher. Il décrypte les livres de comptes, visite l’usine, pratique les inspections surprises. Le groupe religieux vérifie la conformité aux règles de la diététique biblique, mais aussi à certaines normes actuelles : ainsi, depuis 2001, toute certification kasher en Chine, implique l’apposition d’un code-barre assurant sa traçabilité, ce que la loi chinoise n’impose que depuis septembre. Les rabbins ne pratiquent aucun test de labo, mais travaillent à leurs règles pragmatiques, validées par des décennies de travail. Le corps des inspecteurs est petit, soudé, et ses décisions (accord, rejet, exigence de modifications) sont sans appel: rejeté par l’un, aucun industriel chinois ne peut espérer gagner auprès de l’autre.
Or, de la sorte, cette filière juive constitue une chance inespérée pour l’interprofession chinoise.
[1] Car, presque seule à le faire, elle offre des règles claires, et la garantie de succès, une fois effectuées les modifications au processus de production ou de conditionnement : celles-ci réduisent à presque rien les plaintes, une fois le produit exporté.
[2] Après l’humiliation de l’été 2007 (les scandales à l’export des fruits de mer, dentifrice, croquettes pour chiens/chats etc), l’alimentaire chinois se refait une honorabilité « minute » aux USA, avec ce label. Dès maintenant, la moitié des 2,5MM$ de ces exports est kasher, du fructose au thon congelé, de la boisson énergétique aux colorants. Le marché a augmenté de 150% en deux ans, et le nombre de certificats a doublé à 150/an. Désormais, en Chine, la demande en rabbins est si forte, que les exportateurs paient pour les faire venir !
Dopage : les Jeux de Pékin vont-ils battre la triche?
Ex-champion d’aviron, l’avocat d’affaires Guillaume Jeannet (cabinet Gide, Pékin) en est certain : les Jeux de Pékin seront les plus propres de l’ère moderne, grâce à un arsenal de moyens inédits pour tester les sélectionnés olympiques sans préavis, où qu’ils s’entraînent. Grâce au centre chinois anti-dopage qui fera 230 tests/ jour (25% de plus qu’à Athènes, près du double de Sydney), sur près de la moitié des 11.000 athlètes en lice.
Mais le professeur allemand Mario Thevis, chef de labo anti-dopage, annonce l’arrivée de substances permettant au sportif de secréter ses anabolisants naturels : indétectable, tout comme l’échange du sang (saturé d’oxygène en altitude, surgelé, réinjecté dans l’organisme à la veille de l’épreuve). Face à de telles armes, la « tolérance zéro », principe des jeux de cet été, peut être mise en échec.
NB : L’enjeu de ce bras de fer entre argent et courage, va beaucoup plus loin qu’un flot de médailles, et même, que des centaines de milliers d’euros qui vont avec. En cas d’échec, des hommes tels le Dr américano-HKgais J. Chang, Président de la Commission médicale des Jeux Asiatiques, réclament la légalisation du dopage : ce qui diviserait le sport mondial en deux circuits irréconciliables !
A Pékin, Zhang Chao était de nature nonchalante, paresseuse même (ce qui est rare en Chine), et en faisait le moins possible, sans penser au lendemain. Autre rareté : quoique issue d’un foyer pauvre, elle était sans ambition, indifférente à l’avenir. Au terme d’études sans lustre conclues par un petit bac en 2005, elle avait décroché une place en école de tourisme à Lijiang, Yunnan, jungle touristique aux moeurs des moins austères.
Sous ces tropiques, elle s’amollit davantage, passant plus de temps à s’amuser qu’à étudier. Son pécule étant loin de suffire, elle bossait à mi-temps en boite de nuit, payée aux boissons qu’elle extorquait des clients—et s’en faisait entretenir. On l’a compris : Zhang était de celles sur qui les hommes se retournent, et avait tôt appris à user de son pouvoir.
Sur cette pente, les 1ers mois, elle crut pouvoir arrêter, et finir ses études. 18 mois après, criblée de dettes, elle sauta le pas dont on ne revient pas, acceptant de se faire ertaitai (二太太), épouse n°2 de Mu Hongzhang, 39 ans, directeur des ponts et chaussées, séparé de sa femme par le travail. Dans l’attente d’une improbable réunification familiale, il avait acquis une villa : il y installa sa « poule », lui versant chaque mois, selon son degré d’extase, des primes allant jusqu’à 30.000¥.
Aux yeux de la ville, la belle Chao vivait dans le meilleur des mondes possibles. Mais sous ses airs délurés, elle souffrait, sachant que sa place de rêve n’était que balle enrobée de sucre (糖衣炮弹, tang yi pao dan) : elle n’avait plus que 15 ans pour amasser de quoi vivre le reste de son existence, une fois que «comme à la fleur, la vieillesse aurait terni sa beauté».
Même à cette lumière, rien ne peut vraiment expliquer la férocité inouïe à laquelle elle traita son amant le soir du 19/12. A 1000 li d’entrevoir le danger, le naïf barbon faisait étalage de richesse et l’excitait, tel le toréador, à l’éventail rouge des 3M¥ de son livret d’épargne. Pour faire la sourde oreille, dès qu’elle réclamait le code d’accès. Cette nuit-là, sans crier gare, avec l’aide de deux de ses ex– (un étudiant, un travesti), elle le séquestra dans sa villa. Ensemble, par violence, ils lui extirpèrent le mot de passe.
A ce stade, pour éviter l’irréparable, les complices étaient d’avis de le laisser filer : elle l’égorgea, dit la chronique, pour «lâcher la vapeur de sa rage». C’est alors qu’espérant prouver son innocence, un des gars saisit à la camera vidéo la scène atroce: Zhang Chao découpant le corps en 260 lambeaux, pour supprimer tout risque d’identification ultérieure…
Ne s’improvise pas assassin qui veut : elle laissait aux enquêteurs une cible facile, et se trouvait d’emblée suspecte. Elle accéléra sa capture en tirant d’un distributeur 100.000¥ en billets neufs, qui la confondirent : au 5ème jour, elle était au cachot, et en aveux!
Depuis lors, calme face au juge, elle n’a qu’une exigence: être exécutée par injection plutôt que par balle, afin d’emporter son beau visage intact dans l’éternité.
Cet acte gratuit, qui ne lui laissait aucune chance, fait mystère. Il laisse soupçonner chez cette fille futile une autre forme d’intelligence, à la fois supérieure et inaboutie. Avec la passion sauvage des jeunes à peine sortis de l’adolescence, elle signifiait son refus d’une vie d’esclave sexuelle. Elle voulait quitter cette terre sur un geste qui donne à sa vie un sens, fût-il morbide.
Son ultime demande exprime sa souffrance, et son erreur aussi : l’illusion de n’exister que par le désir des autres. Sans avoir jamais su qu’elle avait aussi une intelligence et un coeur à elle seule -contrairement à son corps, propriété des autres !
La Chine en hibernation, en attendant le Nouvel An chinois