Le Vent de la Chine Numéro 15

du 27 avril au 10 mai 2008

Editorial : France-Chine—orage et embellie

Le week-end du 19/04, quelques milliers de Chinois crièrent devant l’ambassade de France, les Carrefour de 8 villes, bientôt relayés par des manifs à Paris, Londres, Los Angeles. Actions parfois insultantes («Français, taisez-vous !), apparemment inspirées par le régime.

Face à l’étranger, cette action ne fit rien pour apaiser la crise autour des JO.  Elle semble avoir visé de faire taire la contestation, en s’attaquant à un (seul) pays protestataire. Elle permet aussi d’éviter la critique interne, pour avoir exploité ces Jeux comme vitrine idéologique. Car ce périple de la torche à travers tous les continents, nullement dans la tradition olympique (tenu la 1ère fois en 1936 lors des JO de Berlin) servait plus la cause du régime que celle du sport -le Comité int’l olympique n’était pas en faveur, et l’opinion mondiale l’a boudé, ce que Pékin n’avait pas prévu. Enfin, la contre-attaque offrait un exutoire à l’humiliation ressentie, mais aussi à la chute de la bourse (-50% depuis octobre) et à l’explosion des prix alimentaires (+50% en 12 mois, +25,5% en mars).

Parmi d’autres puissances, la France fut prise pour cible, car la plus faible en terme de puissance d’affaires, et une de celles qui s’était montrée les plus incisives, envisageant le boycott de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et sifflant le passage de la flamme à Paris (7/04). Mais ce choix préparait aussi l’opinion intérieure au dialogue, annoncé le 25/04, avec le Dalai Lama : même après le sabotage du relais de la torche à Paris, et la distinction par sa mairie du Dalai et du dissident Hu Jia comme citoyens d’honneur, la France faisait un « ennemi » bien peu plausible. Par contre, en la montrait du doigt, Pékin  occultait l’ennemi le plus évident: le Dalai, avec qui elle s’apprêtait à négocier…

Bravant la frange va-t-en-guerre de l’opinion française, le Président N. Sarkozy opta sans retard pour le désamorçage de la bombe. En mission de réconciliation, Ch. Poncelet (Président du Sénat), J.D. Levitte  (émissaire du Président) et JP. Raffarin (ex 1er ministre) vinrent multiplier excuses et regrets et prendre leur distance de B. Delanoë, le maire de Paris. Quant au boycott, il sera «discuté avec les 27 Etats membres de l’Union Européenne», et sans doute abandonné. Raffarin résuma: « la politique chinoise de la France n’a pas changé ». Dès lors, le 1er ministre chinois Wen Jiabao pouvait confirmer que la Chine «chérissait sa relation» avec l’Hexagone, et laver Carrefour de tout soupçon : ni anti-JO, ni pro-indépendance du Tibet, mais utile à la Chine. Ce qui  hélas, n’enraya en rien la lame de fond d’actions nationalistes contre la chaîne : 8 manifs le 25/04, le réseau SMS bruissant de mots d’ordres, notamment un boycott national du 1er  au 4 mai, fête de la jeunesse. Clairement, la rue au galop, le mors aux dents, n’écoute plus personne. 

Les 24/25, à Pékin, la Commission européenne (son Président JM. Barroso et 9 commissaires) vinrent négocier sur le Tibet et les  prochaines conventions mondiales de l’Organisation mondiale du commerce (round de Doha) et de Kyoto-II (contre le réchauffement climatique). C’est à Barroso que Hu Jintao communiqua la décision d’entrer en discussion avec le Dalai. Une 1ère historique, et un risque très atypique, justifié par la nécessité de rétablir son image et la sérénité nécessaire au succès des Jeux !

 

 


Temps fort : Où flamme olympique et Tibet se rejoignent

Cahin-caha, la flamme olympique a poursuivi son chemin, sous de fréquents dérapages.

Le 17/04 à New Delhi, 35 petites minutes de marche écartèrent toute possibilité d’incident : la torche était entourée par 16.000 policiers et soldats. Prudente, Bangkok (19/04) organisa son relais au sein d’un grand hôtel, sur invitation pour quelques poignées de happy few. Djakarta suivit l’exemple, guichet fermé pour 5000 hôtes. Canberra (23-24/04) revit les tensions de Paris ou Londres: la marée rouge de milliers d’étudiants chinois appelés à « défendre la flamme » (50 bus, T-shirts, drapeaux rouges payés par Pékin) écrasèrent dans leur masse quelques 100aines de pro-tibétains, tandis que les «gardiens de la flamme » jouaient à pousse-pousse avec la police : l’opinion australienne en ressort choquée. A Nagano (Japon, 26/04), l’annonce de discussion directe sino-tibétaine, réduisit la tension: le temple de Zenkoji qui avait refusé d’accueillir la torche, tint un culte pour les récents morts de Lhassa, et la course de la flamme eut lieu à peu près normale, hordes pro- et anti-chinoises séparées par la police…

L’étape de l’Everest se prépare à être le pic mondial… de la controverse. Invoquant l’incertitude météo et l’effort physique pour les reporters, le BOCOG amputa de moitié (22/04) leur séjour tibétain. Les journalistes invoquèrent le risque de mal de l’altitude, à devoir rejoindre pour 3 jours seulement un camp de base à 5150m. Alors en plein chaos, l’autorité emmena certains invités, en laissa d’autres, tandis que sur l’autre versant, le Népal, zélé, avertissait qu’il ferait tirer à vue sur tout dissident alpiniste.

Pendant ce temps, sur ce front du Tibet, les nouvelles se suivent telles les giboulées, contradictoirement optimistes ou pessimistes. la presse réimprime ses articles positifs, parfois vieux d’années. Mais depuis le 7/04, on n’a plus revu Jamyang Kyi, présentatrice de TV et chanteuse tibétaine arrêtée. Pékin annonce la reprise du tourisme sur le plateau, avec 4 groupes (chinois) attendus imminents. Mais le 26/04, il poursuit les accusations au pontife lamaïste, jugé au Quotidien du Peuple « hérétique aux commandements du bouddhisme ».

Pékin annonce aussi 570M¥, investis dans la conservation du patrimoine culturel du plateau, ainsi qu’un projet de « rééducation » des cadres, mais on ne sait s’il prétend corriger les actes de vexation religieuse ayant abouti au soulèvement, ou bien les seules aspirations séparatistes. Tout ceci suggérant, au sommet, un débat qu’on devine très partagé sur cette question cruciale, engageant les JO, mais surtout l’avenir du « Toit du monde » et la relation avec le monde.      

 

 


Pol : Parlement : une fournée de lois en gestation

Taiwan : après les « boy scouts », le retour des grisons

Elu le 22/03, Ma Ying-jeou, futur président nationaliste, forme son cabinet, pour reprendre les rênes le 22/05: contrairement à son prédécesseur, aux ministres souvent très jeunes, Ma s’entoure des économistes qui assurèrent le décollage de l’île dans les années 1990. Rassurants pour Pékin comme pour leurs électeurs (peu enclins à l’aventurisme), ils vont devoir inventer les outils législatifs pour dynamiser les échanges avec Pékin, sans toucher au statu quo politique.

Chimiste de formation, Liu Chao-shiuan, 1er ministre, sera assisté de Paul Chiu, expert financier de 66 ans. Yiin Chi-Ming, 55 ans, un des pères des filières insulaires high-tech reprend l’économie et Mao Shih-kuo, les transports -sa spécialité. Aux affaires étrangères arrive Ou Hung-lien, 68 ans dont 40 dans la diplomatie. Soit dit au passage, Ou aura une urgence : tenter d’éviter (tâche surhumaine !), la défection du Paraguay, dans son maigre troupeau de 23 Etats reconnaissant encore Taiwan.

Signe d’embellie entre ces frères ennemis de la Chine, un 1er groupe de d’investisseurs chinois vint (22/04) en repérage de projets touristiques—Ma Ying-jeou espère porter le nombre des visiteurs chinois, de 80.000 à 1M/an. La Chine pour sa part, a retouché (23/04) son appareil judiciaire pour permettre aux insulaires de recevoir directement les pièces juridiques les concernant. Car les procès fleurissent, 4163 en 2007, contre 3529 l’année d’avant : fruit des mariages d’hommes et femmes, ou d’argent entre les deux rivages.

ANP : une fournée de lois en gestation

A trois mois des Jeux Olympiques, la session bi annuelle du Bureau du Parlement (l’ANP), qui vote les lois nouvelles, prend une tonalité distincte.

On sent une brise de participation :  tout projet de loi sera dorénavant soumis aux masses pour consultation, et après décembre, la loi électorale offrira aux 700M de ruraux autant de députés qu’aux 600M de citadins – aujourd’hui, la proportion est de 4/01.

Un projet de loi fait sa 1ère apparition, l’arbitrage des litiges fonciers ruraux, recours futur aux M de cas d’expropriation illégale. Mais l’ANP a omis à l’agenda 2 textes très attendus : la loi de rectification des actes illégaux, et l’amendement n°7 à la loi criminelle, qui auraient supprimé le droit discrétionnaire d’envoi de suspects jusqu’à deux ans en camp de travail sans jugement. Une priorité publique depuis 18 mois, la fiabilité des produits alimentaires, voit poindre à l’horizon sa transcription législative.

Après le scandale des raviolis aux pesticides exportés au Japon, ce texte offre un protocole ferme pour suivre toutes les étapes de transformation du produit (le produit de base n’est pas couvert). La loi vise son innocuité, sa traçabilité, et son rappel s’il est détecté vicié. Elle punit les contrevenants de 715$ à 14.300$ d’amende, et d’une peine de prison de 3 ans à perpétuité. L’opinion a jusqu’au 20/05 pour s’exprimer. Le vote n’aura pas lieu avant décembre.

 

 


Argent : Tudou.com – La ‘patate’ chinoise a la frite

Tudou.com—La « patate » chinoise a la frite !

Trois ans après sa création, la start-up shanghaienne Tudou patate») est mûre, avec dans son cabas 50% du marché du partage des vidéos amateurs, extraits de films et clips TV.

Il bat YouTube (filiale Google), du fait de son offre en mandarin, au plus grand marché du monde (220M d’internautes), d’une alternative quotidienne à la TV censurée, moraliste et mortelle. Dès août 2007,  il fournissait chaque jour 55M de clips pour 3 milliards de minutes de diffusion, le double du portail anglophone.

Quoique suivi de rivaux sérieux –56.com et Youku, Tudou a peu de problèmes de financement, les plus grands groupes (Intel, Coke…) faisant antichambre pour annoncer sur son mécanisme de vidéo-pub, lancé dès juillet 2007, avant Youtube. Quelques défis demeurent, telle la censure qui n’admet ni porno, ni paris, ni de politique : Tudou figurait en mars parmi 32 distributeurs à s’être fait tirer l’oreille par le censeur Sarft (State Administration of Radio, Film and Television).

Problème aussi de piratage – comment expurger à 100% ses 20.000 clips inédits /jour? Déjà attaqué en justice, Tudou s’est allié à Microsoft pour faire le concours du meilleur clip anti-pirate, avec pour prix… (peu cher payé ! ) un logiciel Windows-Vista sous cellophane, dédicacé par Bill Gates. La prochaine étape devrait être le passage en bourse.  

Riz : la Chine tend un bol à ses voisins

 Le cours mondial du riz a triplé en 12 mois (327$/t en avril 2007, 894$t le 23/04 et +2,3% le 23/04).

Les agences mondiales d’aide alimentaire ne trouvent plus à acheter. Inquiet, le PAM (Programme alimentaire mondial) évoque un «tsunami silencieux» sur 100M de vies -déjà des émeutes agitent Egypte, Sénégal, Haiti…

Or, la Chine produit 1/3 du riz de la planète et avec 50Mt, détient 50% des stocks. 6ème exportateur, elle vend peu : 1,32Mt en 2007 (+7%) soit 4% du commerce mondial. La tentation est grande de conserver ses réserves : le monde, les années suivantes, sera-t-il davantage capable de faire face à la demande?

C’est pourquoi en mars, Pékin commençait à pénaliser l’export, annulant le remboursement des 13% de taxe à l’export -tout en la réduisant à 5%. Cependant Yang Hongzhou, Président de la Cofco, gros trader public, annonce (24/04) que l’export au 1er trimestre, a augmenté de 39%, et que des contrats (et donc quotas) supplémentaires sont au four. Certes, l’intérêt commercial de ces ventes à prix d’or, d’un riz souvent vieux et de qualité moyenne, a pu aider. Mais la décision est avant tout politique : la chance de rendre les voisins redevables, tout en évitant des émeutes hors frontières. Mais l’alarme est lancée: bientôt, la Chine va devoir envisager

[1] d’accélérer l’exploitation d’un riz OGM miracle, et

[2] de remettre en cause son programme de distillation du grain en éthanol, où elle a fort investi.

 

 


A la loupe : Pékin perd son credo de non intervention boursière

Face à l’effondrement des valeurs fiduciaires, l’Etat avait jusqu’à hier un credo de n’intervenir que sur les banques, pas sur la bourse. Sa priorité était de stabiliser les prix. D’où, pour assainir le marais de liquidités et combattre l’inflation, sa récente décision (VdlC n°14) d’une hausse des réserves bancaires, et sa marche forcée de revalorisation du ¥uan (équivalent à 17%/an, au 1er trim.).

Ce dogme vient de subir une série d’accrocs. Le 23/04, la taxe aux transactions vient d’être rabaissée de 0,3 à 0,1%. Quoique cet outil vieux d’un an, ait déjà fait tomber 22MM² dans l’escarcelle de l’Etat. Très populaire, l’annonce fit rebondir l’index de 7% le lendemain. Une autre disposition vint renforcer l’effet : le cloisonnement des parts autrefois hors-commerce, privatisées depuis ’06, qui s’apprêtaient à entrer sur le marché : afin d’éviter la dilution du titre, ces parts (320MM², 40% de la capitalisation libre), se voient imposer un mécanisme spécial de vente et achat.

D’autres outils boursiers entrent en lice, comme le 2d tableau des valeurs à risque, lancé à Shenzhen fin mars – l’équivalent chinois du Nasdaq de New York. Des millions de firmes familiales attendent cet instrument pour échapper au mont de piété et ses intérêts abusifs, banquier exclusif de 65% des PME.

Le nettoyage accéléré par l’Etat, des banques de l’agriculture (ABC) et du développement (CDB), sert aussi la relance de la bourse, en lui préparant ces titres nouveaux, élargissant la palette des valeurs disponibles.

Idem, l’arrivée des valeurs étrangères en bourse de Shanghai et Shenzhen se dessine. A ce jour, ces places restent encore l’apanage de firmes 100% chinoises. Mais la rumeur s’amplifie, de l’entrée prochaine d’Euronext, la bourse européenne, filiale de celle de New York.

Tout en redynamisant les deux corbeilles, la tutelle CSRC innove dans l’action disciplinaire. Tel dans les fonds mutuels, pour en renforcer la crédibilité -placement « de père de famille », qui occupent déjà 23% de la capitalisation, et 250MM². Deux gestionnaires de fonds viennent d’être interdits, l’un (CIFM), à vie, l’autre (CSFM), pour 7 ans, pour le même délit d’initié, dit, en chinois, « le nid à rat » -technique consistant à négocier en privé, les valeurs du portefeuille du fonds. Le profit (150.000² dans les 2 cas) a été confisqué, alourdi d’une amende de 50.000².

L’Etat met la crise à profit pour préparer le paysage financier de demain, revivifié. Mais deux éléments manquent—opportunités en voie d’être ratées : on ne voit ni réforme accélérée de la Sécurité sociale, ni réforme des prix des matières 1ères-eau, gaz, électricité, pétrole, pour refléter le coût réel, et mettre fin à des décennies de tradition de gaspillage à prix « socialiste »…

 

 

 


A la loupe : Zimbabwe : la traversée de tous les dangers

Frappante découverte le 17/04 au port de Durban (Afrique du Sud) : le cargo chinois An Yue Jiang prétendait décharger 77t d’armes pour le Zimbabwe—munitions, 3000 obus, 1500 têtes de bazookas.

T.  Mbeki, le Président de la République avait permis le transit des armes, destinées à la garde prétorienne de son homologue R. Mugabe. Payée 1,245M$ au groupe militaire Polytechnologies, la cargaison «de la honte» devait permettre au dictateur de se maintenir après des élections du 29/03 probablement perdues, dont il reporte depuis la publication des résultats.

Pour la Chine, les suites furent embarrassantes. Les dockers locaux refusèrent leur travail et deux jours plus tard, un juge local interdit le déchargement, forçant le navire à reprendre la mer. Dès lors, les voisins, Zambie, Angola, Mozambique interdirent au bâtiment l’entrée dans leurs eaux, et la fédération internationale des dockers a relayé la consigne de boycott : privé de façade maritime, Harare ne peut prendre possession de sa commande !

A ce moment historique critique pour Pékin, on doute que la «découverte » d’une vente d’armes chinoises à une dictature africaine, soit le fruit du hasard. Il aurait plu être aidé par la CIA et les USA, qui coordonnent le blocus auprès des Etats riverains. Assez vite, en tout cas, l’image de la Chine commença à souffrir sur le continent africain, et Washington comme l’Union Européenne, firent appel auprès de Pékin pour qu’il rapatrie sa cargaison indésirable.

Face à la presse le 21/04, on vit la Chine faire marche arrière… à sa manière. Signé l’an passé, avant les élections, le contrat était « de bonne foi », « licite », « pratique commerciale normale ». Mais dans la mesure où les voies d’accès au Zimbabwe étaient bloquées, l’armateur Cosco « réfléchissait à faire faire machine arrière » au navire : grand seigneur, Pékin rapatria…

Si la Chine, tout en sauvant la face, cède, c’est d’abord car ce repli permet d’interrompre la polémique, tout en lui laissant la lati-tude, à l’avenir, d’acheminer son matériel par d’autres voies. Mais surtout, elle doit éviter de laisser s’accumuler les problèmes de droits de l’homme. Sur son sol à Shahe (Hebei, 5/04), des 10aines de séropositifs contaminés par l’hôpital local, furent anesthésiés de force et arrêtés, alors qu’ils tentaient de porter leurs doléances auprès du 1er ministre de passage. A Saixi (Yunnan, 9-13/04), la police tira sur des villageois Miao tentant d’empêcher l’ouverture d’une mine de tungstène. Près de Haikou (Hainan, 20/04), elle combattit des paysans bloquant l’expropriation de 15.000ha de leurs terres, où la mairie voulait installer un golf…

A mesure qu’approchent les Jeux Olympiques, la Chine voit se renforcer l’urgence d’une bonne image: à l’heure des choix, il apparaît plus fa-cile de concéder sur le Zimbabwe, que sur des émeutes locales!

 

 


Joint-venture : Economie d’énergie : l’étranger porte la torche verte

Économie d’énergie: l’étranger porte la torche…verte !

Preuve de son avance technologique et financière, la grande distribution étrangère déploie des efforts inédits en économie d’énergie, se préparant ainsi à l’inéluctable réajustement des tarifs de l’électricité, que la concurrence locale alors subira de plein fouet.

Le VdlC n°13 décrivait le plan global de Wal-Mart, mesurant le coût en CO² des produits, puis offrant aux producteurs les solutions identifiées ailleurs sur Terre. Carrefour n’est pas de reste. Dès 2004, avant la loi de 2007, il introduisait les sacs plastiques recyclés. Aujourd’hui, il annonce une coupe de sa facture énergétique de 20% (par rapport à 2005) dans ses 20 surfaces prévues pour 2008. Il le fera grâce à des technologies nouvelles en surgélation, climatisation et éclairage, dont ce sera, pour le groupe, la 1ère mise en service mondiale. Déjà deux magasins sont aux  normes nouvelles : Pékin (Wangjing) et Wuhan (Guanggu), où 1,2MW et 50.000m3 d’eau seront épargnés.

Idem Ikea prépare son 5ème magasin à Tianjin, 0,6Mm², pour 60M$ d’investissement avec promesse (comme pour tous ses dépôts dans le monde) d’une coupe d’au moins 20% d’énergie par m². Même souci chez les industriels, tel Nokia dont le dernier « campus vert» de Yizhuang (son QG de 70.000m² de bureaux, labos et usine pour 60M$), est truffé de 30 gadgets verts. Parmi ceux-ci, ces « parois vitrifiées respirantes», qui réduisent la consommation d’énergie de 20%, et de 37% en eau. Ou encore, l’intégration des fonctions, qui supprime les émissions de CO² liées au transport et à l’emballage. Pour ces traits futuristes, Yizhuang s’est vu accorder le label LEED –(« gold »), le plus exigeant du genre aux USA.

 

Air Liquide occupe le terrain

Dans leur course à la productivité, les groupes industriels, notamment pétroliers délèguent toujours plus à l’extérieur la production des gaz (azote, hydrogène etc) : c’était ce qu’attendait Air Liquide, n°1 mondial de ce métier, depuis « 1916 » sur sol chinois, qui s’étend toujours plus vite, avec un chiffre d’affaires de 250M² en 2007.

En 2005, AL achetait à Qingdao (Shandong), une unité de séparation des gaz de l’air (ASU), qu’il remettait à niveau moyennant 20M². C’était pour fournir en azote, à long terme une raffinerie de la Qingdao Refining&Chemical, filiale de Sinopec : contrat signé le 20/03/08. En avril, Air Liquide récidive à Tianjin, 3ème bassin industriel du pays, où il a déjà investi plus de 200M² dans plusieurs ASU ainsi qu’une JV avec Tianjin Soda.

Cette fois, il crée une entreprise mixte pour 45M² d’investissement (à 50/50%), afin de fournir en gaz industriels TPCC, une autre filiale du pétrolier. Comme à Qingdao, AL reprend à son compte la «vieille» ASU, et en montera une plus performante, de 1000t/j pour les besoins de la raffinerie et du craquage d’éthylène. L’avenir est tout aussi vibrant. Air Liquide suivra ses clients locaux dans leur marche vers l’Ouest, Sichuan ou Xinjiang par exemple, et y investira « au moins » 300M²/an de 2007 à 2011, le triple de ses invests de 2004 à 2006 : c’est le moment d’occuper le terrain !

Orica, l’alternative aux « explosifs » chinois

Avec ses mines et ses routes en plein développement, la Chine « mange » de l’explosif : son marché vaut 2,5MM$/an et croît de 10%/an. 1er producteur mondial de ce type de produits,

Orica l’australien ne pouvait pas laisser passer cela. D’autant que la clientèle cherche du savoir faire pour obtenir des déflagrations de plus forte puissance. Orica s’associe (24/04) avec Nanling pour bâtir une usine dans le Hunan. A l’horizon 2010, ce sont 40 M de détonateurs qu’il sortira.  Pour 47M$ d’investissement,

Orica reçoit 51% des parts—majorité nécessaire pour protéger sa technologie. L’affaire lui promet de décupler, à 10%, sa part du marché. Probablement bien plus, vu le plan de l’Etat pour dynamiter les producteurs semi-clandestins non certifiés. Ils sont 400, qui à terme, ne devraient plus être que 30. 

 

 


JO : Jour J-102

ª Les opinions de l’Ouest et de Chine lancent des campagnes contradictoires.

Les lobbies américains harcèlent le sponsor, les pro-tibétains sont après Coke, et  “Dream of Darfur” après Omega, en quête de concessions humanitaires. Les patriotes chinois  ne perdent pas une seconde pour imprimer T-shirts, casquettes et écharpes déclamant “中国加油    « Allez la Chine » ou « Shut up CNN » !  

ª Pour avoir traité la Chine de «cinglés et voyous», CNN se voit attaqué en cour de Pékin par 14 avocats du cabinet Huanzhong qui, invoquant des souffrances «spirituelles» et psychologiques, réclament 100¥ chacun -encore heureux qu’ils n’aient pas été 100M à se porter partie civile… Par ailleurs, le 23/04, 100.000 internautes attaquent ensemble son site.

ª Le ticket olympique est arrivé, “fusion (dit le Bocog) de culture chinoise antique et d’esprit olympique”, aisé à décrypter, impossible à contrefaire, rapide à contrôler… Dès le 5/05, la 3ème et dernière tranche en vente en Chine sera émise: 1,38M de billets pour 17 disciplines, 244 matches, y compris athlétisme, volley, football, lutte, aviron… aux agences de la Banque de Chine, ou sur le site du Bocog.

ª En basket féminin, la Chine défit d’abord les “Opale”, championnes du monde australiennes (20/04, par 67à 64), puis les “Hautes fougères” néo zélandaises (22/04, par 99 à 73)

 

 


Petit Peuple : Huailai—la pêche au mari

A Huailai (Hebei), aidée par Mme Zhang sa mère, Xiaohua cherche mari- mais «pas trop vite»! Un mélange d’indolence et de désir de face lui dicte patience. La mère-elle, est pressée. L’honneur n’attend pas: Petite-fleur est mère divorcée, à 25 ans, qui seront bientôt 30, l’âge des vieilles filles. Une dangereuse horloge égrène son compte à rebours.

6 mois avant, Xiaohua avait toujours son mari, et son métier, à la caisse de leur dispensaire privé. Ils échangeaient chaque jour cris et horions. L’homme en aimait une autre: tous les prétextes étaient bons pour claquer la porte et rejoindre l’amante. Xiaohua tombait dans le panneau, en rajoutait même, faisant une montagne de toute broutille, afin de lui jeter son infidélité au visage.

Après divorce, pour survivre, Xiaohua a migré à Changping, vendeuse en magasin de chaussures. «Bon boulot», fait-elle,  pragmatique, «mais qui manque d’hommes». Une fois par mois, elle reprend  son bus 999 et change à Yanjing, pour aller voir son fils chez la grand-mère. 

Cherchant mari pour sa fille, la mère Zhang appelle tous ses pistons, manie tous les arguments:«nul besoin d’un Pékinois. Ni qu’il soit beau ni riche, ni qu’il reconnaisse l’enfant -je m’en arrangerai, moi. Il pourra lui refaire un môme, si ça lui chante» (sans enfreindre, NDLR le planning familial, qui impose ‘un enfant par couple‘, mais pour la femme, ‘un enfant par mariage’).

Xiaohua-elle ne voit pas les choses pareil -c’est, avec sa mère, son seul différend : le mari devra apporter logis et emploi stable, mais surtout accepter son fils – pas question de le laisser à sa mère.

Pour accélérer les choses, elle s’est inscrite à une agence de Yanjing, a passé les tests, s’est faite photographier. Ses chances sont plutôt bonnes d’ailleurs, car récupérer un héritier mâle tombé du ciel, est parfois vu comme une bonne affaire. Elle est en outre d’un physique agréable et sur le marché du mariage, les filles sont les plus rares. Et puis el-le se dit « prête ». Comme dit l’adage, «pour que vienne le -futur, le passé doit s’effacer»

(旧的不去,新的不来, jiude bu qu, xinde bu lai»). Pas plus mauvaise formule que le français « une de perdue, dix de retrouvée»!

Un trait étonne, en cette histoire inachevée: c’est la mère qui veut remarier sa fille, et qui la lance, telle un soldat, dans sa prochaine bataille.

L’union est conforme aux intérêts du clan, pour couper court aux racontars, voire éviter que la jeune mère ne soit à sa charge. Des concepts tels «Amour», «affinité», «bonheur» ou quête de soi, restent extérieurs à l’affaire.

Mais en fait, l’abîme qui sépare Xiaohua de la modernité, s’oppose moins à l’étranger, qu’à la ville. Sourde à la mutation de la Chine, la campagne garde ses traditions anachroniques, comme bouclier ou circuit de réserve. Si le prodigieux essor chinois venait à vaciller ou culbuter, c’est par le village que reprendrait la vie chinoise !