Le Vent de la Chine Numéro 13

du 13 au 19 avril 2008

Editorial : Pour oublier Lhassa : Bo’ao…

Après les déboires de la torche Olympique à Londres (7/04), Paris (8/04, 5 extinctions), voire San Francisco (9/04) ou Buenos Aires (11/04), la crise du Tibet s’essouffle. Partisans des droits de l’homme à l’étranger, et pouvoir socialiste campent sur leur position. La seule question de fond désormais semble être : Pékin préférera-t-elle le compromis, et dialoguer avec le Dalai-Lama comme le lui demande l’Ouest, ou bien risquer des Jeux Olympiques sous tension (cf. rubrique «politique»).

Pour l’heure, la Chine tente de changer de sujet : pour ceci, le Forum de Bo’ao (11-13/04, Hainan) est l’idéal, avec son parterre de célébrités (Ban Ki-moon le Secrétaire général de l’ONU, J. Chirac, T. Blair) et de chefs d’Etats de tout niveau (Pakistan, Qatar, Suède). L’existence même de ce forum asiatique, depuis 2001, est un succès : Pékin a su imposer au monde « son » propre Gotha mondain de la finance, de l’industrie, de la politique.

Mais pas que mondain. Un enjeu s’y joue: les accords bilatéraux de libre échange (ALE) vont-ils primer sur le round global de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) à Doha enlisé depuis des lustres? Pékin semble miser sur les ALE, et la négociation avec chaque état séparé (plus petit qu’elle) plutôt qu’avec les blocs comme l’Union européenne (UE) ou les USA- les seuls plus gros qu’elle!

Avec la 1er ministre Helen Clarke, l’ALE sino-néo-zélandais fut signé le 7/04, 1er pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement économique) à sauter ce pas. Cela se fit dans la discorde: son propre ministre des affaires étrangères W. Peters crie son hostilité. Certes, l’accord procurera aux insulaires 180/280M$ de marché neuf (sur des échanges de 7,5MM$ l’an passé). Mais la Chine parvient à garder 4% de ses tarifs douaniers!

A Pékin et Bo’ao (9-13/04) Kevin Ruud, le nouveau 1er ministre australien doit arbitrer le problème du minerai dont la Chine est 1ère cliente. Australie et Brésil viennent d’imposer des hausses de 70%. Pékin veut se protéger en faisant racheter par son aciériste Baoshan 9% du minéralier BHP-Billiton. Ruud veut « l’amitié » avec la Chine et surtout, la conduire dans le camp des 37 pays ayant promis de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre… Ce qui suppose, en retour, des concessions: tel cet accès réclamé par Pékin, aux bases minières australes! Les pays ont convenu d’un rendez-vous annuel de coopération environnementale-à suivre.

A noter en tout cas le remarquable discours de Ruud aux étudiants de Beida, en chinois, autour des relations entre Chine et monde : en une audacieuse rupture, il osa récuser le terme d’«ami» (朋友, pengyou), traditionnellement octroyé par la Chine à ses partenaires étrangers, qui les ligote de facto en un terrain « poli » d’acceptation et de silence. Ruud y substitua le terme du VII. siècle avt JC, d’«ami critique» (諍友, zhengyou), définissant celui qui ose aider l’autre -au risque de l’importuner- à surmonter ses faiblesses.

Signalons encore, à Bo’ao, la rencontre de Hu Jintao avec le prochain n°2 de Taiwan Vincent Siu, et avec Michelle Bachelet, la Présidente chilienne. En addendum à leur ALE de 2005, ces 2 pays signent un accord sur les services (tourisme, transports, telecoms, finance) : renforçant des ponts entre pays émergents et Chine, et sautant les canaux des puissances, Europe, Japon et USA !

 

 

 


Temps fort : Grippe aviaire—la Chine joue franc-jeu

Dans le combat entre la grippe aviaire et l’humanité, on observe sur le terrain chinois un « progrès » dans chaque camp.

En décembre 2007, dans le Jiangsu, un homme de 24 ans et son père de 52 ans avaient contracté le virus H5N1: le jeune (employé dans un marché de volaille) était décédé. Soigné aux antiviraux et à un vaccin expérimental, le père avait réchappé. Vite, le centre épidémiologique national CCDC (China’s Centre for Disease Control) avait soupçonné un cas très rare de contamination directe du père par le fils. En l’occurrence, c’était aussi un des 1ers cas où les autorités sanitaires communiquaient en temps réel avec les instances de l’OMS (l’Organisation mondiale de la santé).

Le 8/04, le CCDC confirme la transmission d’humain à humain : une 1ère en Chine- qui enregistre 29 cas déclarés de grippe aviaire dont 19 morts (au monde, ces chiffres sont de 379, et 239 décès). Le virus cherche la faille dans la cuirasse de l’espèce humaine. Or, l’autorité chinoise, soutenue par l’OMS et la  revue spécialisée The Lancet, conclut à une victoire sans lendemain du H5N1 : du fils au père, il n’a pas muté, et d’autre part, la transmission est restée limitée, 91 autres personnes en contact du fils malade, ayant été épargnées. Sous réserve d’inventaire, cette infection malheureuse n’est donc pas significative.

Pas question, pour autant, de baisser la garde—d’autant que le fléau avance toujours, dans les élevages : la dernière épizootie, 6ème de l’année, vient d’avoir lieu à Zhuba (Tibet) – les procédures d’urgence ont été lancées. Aussi, sans attendre,

[1] Pékin a approuvé un vaccin co-développé par le laboratoire local Sinovac-Biotech et le CCDC, à partir de souches prélevées au Vietnam -de nombreux laboratoires à travers le monde, dont un vietnamien et GlaxoSmithkline sont dans cette course. Sinovac a aussi reçu la licence de production massive.                 

[2] Ministère de la santé et OMS lancent un projet triennal mixte dirigé par Zhao Yuechao, doté de 1,5M$, pour réduire en Chine l’impact du changement climatique. A l’ordre du jour : renforcer le bouclier de surveillance et de contrôle des éléments pathogènes, promouvoir l’économie d’une eau toujours plus rare, renforcer les réactions aux catastrophes naturelles et leur alerte anticipée. 4 villes-pilotes, surtout dans l’Ouest, sont en cours de sélection.

[3] Enfin l’autre nouvelle menace n’est pas oubliée, celle du SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) qui avait causé la perte de 800 vies en 2003 entre Asie et Amérique. Au terme d’une campagne quadriennale sino-allemande dotée de 2M², les savants menés par les professeurs Rolf Hilgenfeld et Jiang Hualiang ont annoncé la découverte de cinq éléments efficaces contre le virus, susceptibles d’entrer dans la composition d’un futur vaccin.

 


Pol : Chen Liangyu, condamné à 18 ans

Crise Olympique/Tibet – statu-quo et journée noire

Le 10/04 marqua un pic dans la crise de confiance sino-étrangère, suite aux les violences du 14/03 à Lhassa.

Pour la 1ère fois, Jacques Rogge, Président du Comité int’l olympique (CIO), qui concluait 2 jours de session à Pékin, sans doute las de s’exposer à la critique, rompit son silence pour évoquer un « engagement moral » de la Chine à améliorer ses droits de l’homme. K. Ruud évoqua un « problème significatif au Tibet »: aux deux, leurs interlocuteurs répondirent de se cantonner à leurs dossiers.

Le même jour, des rumeurs persistantes suggérèrent que contrairement aux espoirs, Lhassa resterait fermé jusqu’après les Jeux Olympiques, peut-être jusqu’à octobre, et même Louise Arbour, la haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme se vit refuser l’entrée fin avril. Raison possible au revirement : la visite de journalistes à Labrang (Xiahe, Gansu), une fois de plus interrompue par un groupe de lamas dissidents. Pour combler le tout, un porte-parole du ministère de la sécurité publique prétend dévoiler l’ultime tentative terroriste, 35 Ouighours arrêtés à Pékin, qui auraient préparé le kidnapping de touristes et journalistes des JO—ni preuve ferme, ni coupables (ni noms) n’ont été présentés.                                            

Chen Liangyu, condamné à 18 ans

Le 11/4 sort à Tianjin le verdict contre Chen Liangyu, ex «roi» de Shanghai déchu fin 2006, suite au détournement de 300M² des fonds de pension shanghaïens.

Au dernier décompte, en mars, la Cour des comptes corrigeait le montant à son décuple -3MM². Le fond du problème, bien sûr, était ailleurs : Chen tenait la « tête du Dragon» (surnom de la métropole du Yangtzé), pour le compte de Jiang Zemin, résistant au pouvoir de Hu Jintao. Et c’était Zeng Qinghong, le vice Président, qui avait négocié sa chute —en échange de son propre départ en douceur.

A 62 ans, Chen est condamné à 18 ans de réclusion criminelle, et à une amende de 40.000$.

Son jugement avait été précédé 4 jours plus tôt par celui de Zhang Rongkun, 16ème magnat national en 2005, accusé avoir bénéficié des largesses occultes de Chen, son protecteur. Frisant la 40aine, Zhang est mis à l’ombre pour 19 ans. Sous bien des aspects, le scandale de Chen Liangyu se présente comme l’insolite remake d’une affaire-miroir, dix ans plus tôt. A commencer par le patronyme. En 1997, Chen Xitong, «roi» de Pékin était enfermé pour fraude : son lotissement sur Chang’ An, l’Oriental Plaza, avait dépassé du décuple (à 2MM$) le plafond autorisé par le Conseil d’Etat. Et surtout, ce Chen était le dernier lieutenant de Deng Xiaoping, qui résistait au pouvoir du nouveau maître, Jiang Zemin. Chen avait alors écopé de 18 ans lui aussi -l’équivalent, apparemment, de la peine capitale pour les grands de ce monde ! Par comparaison, deux caissiers de la Banque de l’agriculture (ABC) viennent d’être fusillés pour quelques M$ détournés et perdus au jeu !

 

 


Argent : L’ ‘arbre’ à pneus » colonise le Xishuanbanna

Pétrole : CNPC poursuit ses investissements étrangers

CNPC (la compagnie nationale pétrolière), le Goliath chinois de l’or noir, poursuit sa longue marche vers de nouvelles réserves, utilisant ses 544MM$ d’actifs en bourse (n°1 mondial).Mais ses résultats de l’an dernier ne l’aident pas: la CNPC n’a réalisé que 27,5MM$ de profit…

Auprès de la Syrie, le groupe vient de s’engager (2/04) à bâtir à Deir Ezzor une raffinerie de 100.000 barils/j. d’ici 2011, pour 1,5MM$ dont 1,25MM$ à sa charge. Selon son vice Président Li Xinhua, il s’apprête à développer 30 gisements cette année, surtout en Russie et Afrique -en 2007, la priorité allait au Venezuela. Ses projets sur les 5 continents sont déjà 69. En Chine même, son partenaire Chevron se lance (7/04) dans l’exploration gazière à Chuandongbei au Sichuan, et CNPC en 2008 exploitera 4 raffineries d’une capacité de 10Mt.

A perte, comme le n°2 Sinopec, qui fait seulement 5,5% de profits supplémentaires contre 30% en 2006 : impossible de gagner de l’argent quand les coûts d’exploitation augmentent de 30%, le pétrole grimpe à 110$/baril, et le prix reste bloqué à la pompe. Les aides de l’Etat (12,3MM¥ en mars pour Sinopec) n’y changent rien. Pékin s’apprête donc -presque immédiatement -à alléger des trois-quarts sa taxe aux importations, et Sinopec à « diversifier la production » – cap vers le haut de gamme !

*

L’« arbre à pneus » colonise le Xishuanbanna

Le Xishuangbanna, petite région tropicale du sud du Yunnan en bordure lao-birmane, perd sa forêt humide, qui ne recouvre plus qu’une minorité de son sol aujourd’hui, contre 70% en 1976.

Coupable : l’hévéa dont la province multiple les plantations, sur demande de l’industrie chinoise du pneumatique, passée 1er exportateur en triplant sa production de 2000 à 2005.

Le Yunnan truste 334.000ha, ou 43% des plantations en arbres à latex. L’écosystème fait les frais de l’opération : les 5000 espèces de plantes locales menacées de disparition, tout comme la faune – éléphants d’Asie, tigres, léopards, singes gibbon, qui ne trouvent plus leur habitat, leur alimentation, et ne parviennent plus à se reproduire. Et ce n’est pas fini.

L’appétit chinois en caoutchouc naturel (2,35Mt en 2007), exige d’ici 2010 une hausse de production de 30%, à 870.000t, pour un prix triplé en 10 ans, soit 2815$/t actuellement. Avec ce caoutchouc naturel et celui synthétique, la Chine produisait l’an dernier 330M de pneus, pour moitié exportés, sous les noms des trois marques mondiales – Michelin, Bridgestone et Goodyear, et d’outsiders tels GITI et Triangle, qui détenaient chacun 1 à 1,2% du marché asiatique dès 2006.

 

Premier rappel volontaire de jouets chinois en Chine

Le tsunami de scandales sur la sécurité de produits chinois à travers le monde en été 2007 a fait l’effet d’un électrochoc sur le monde industriel et sa tutelle – inspirant une campagne musclée de 4 mois sous la férule de Mme Wu Yi – nommée d’urgence patronne nationale de la qualité.

Il généra aussi un règlement de l’AQSIQ (la tutelle) qui imposait aux firmes sous peine d’amende le rappel volontaire de tout produit défectueux. Le 10/04, il a fallu huit mois pour voir apparaître la firme assez audacieuse pour étrenner le texte : Huanxi, fabricant de jouets à Yiwu (Zhejiang), rappelle 18.000 joujoux sortis des machines entre le 20/06/07 et le 1/03. Motif: des petits éléments détachables, risquant d’être avalés par le poupon et de l’étouffer. Par voie de presse, Huanxi avertit ses clients, orchestre le remboursement via le détaillant, let communique par n° de téléphone d’urgence et internet.

NB : pour inaugurer l’éveil chinois à la responsabilité, on aurait attendu toute autre ville que Yiwu, « caverne des 40 voleurs », poupon d’acier du piratage d’où partent chaque jour 1000 conteneurs des produits les moins chers du monde, vers les pays les plus pauvres. Comme quoi le non conformisme et le dynamisme sont en Chine des vertus universellement partagées

 

 


A la loupe : La Chine face au marché du renseignement

L’affaire qui suit est là pour rappeler, par la bande, l’immensité du marché du renseignement en Chine dans les 2 sens, pays espionnant et espionné.

En mai 2007, Wo Weihan, patron d’une firme de recherche médicale, reçoit de la cour intermédiaire de Pékin la peine capitale, verdict confirmé en appel (24-03) -il croupissait en prison depuis 3 ans. Wo est accusé d’avoir fourni à Taiwan des informations tirées de revues militaires, notamment sur des ébauches de missiles, des jumelles de vision nocturne et des données sur la santé d’un leader. Il aurait fait la taupe durant 14 ans, via une organisation-écran du KMT (Kuo Min Tang), «Grande Alliance pour la réunification sous les 3 Principes du peuple», moyennant divers cachets d’un montant global de 0,4M$. La seule chance de Wo, est d’avoir séjourné 8 ans en Autriche (1990-’97), et que sa femme et ses filles aient un passeport autrichien. Aussi toute l’Autriche se mobilise, jusqu’à son Président Heinz Fischer (7/04). Pékin pourrait faire casser le verdict par la Cour suprême, qui révise systématiquement les peines capitales…

Mais la Chine a ses propres soucis d’espionnage hors du pays. Elle vient de proclamer son innocence sur 4 affaires :

[1] En avril 2007, le VdlC (n°13/XII) évoquait Chi Mak, chinois d’origine, haut placé dans l’industrie militaire californienne qui avait vendu les plus secrètes technologies des forces US, sous-marin, radar ou satellites… A 65 ans, il vient d’en prendre pour autant que la durée de son activité grise : 24 ans.

[2] « Greg » Chung Dongfang, sino-américain de 72 ans, ancien de Rockwell puis de Boeing, fut arrêté en février (VdlC n°6) pour vente de secrets sur la navette spatiale.

[3] Tai Shenkuo et Yu Xinkang, de la Nouvelle Orléans, et Gregg Bergersen, du département de la Défense, furent en même temps accusés (VdlC n°6) d’intelligence à propos du contrat américain de livraisons militaires en milliards de $ à Taiwan, en suspens depuis des années.

[4] Enfin le 5/04 Chao Tawei (chinois) et Guo Zhiyong (Sino-US) viennent d’être pris à l’aéroport de Los Angeles, emportant dans leurs valises dix cameras à captage thermique (produit de Flir-Systems), sans la licence appropriée. Guo avait forcé sa chance, ayant déjà réussi à passer en 2007, trois outils du même type, dans lesquelles l’Amérique voit des usages possibles en matière militaire, y compris nucléaire…

Taiwan face à Chine, la Chine face à toutes les puissances, depuis des décennies, toutes maintiennent leurs filières, pratiquent le « grand jeu » pour capter des renseignements stratégiques ou technologiques. La Chine, en plus, collecte aussi des secrets industriels « à façon » pour ses grands groupes. Avec de temps à autre, inévitablement de la casse…

 

 

 

 

 


A la loupe : L’éolienne céleste a le vent dans les pales

Encouragés par la loi sur les énergies renouvelables (de 2006) qui vise 15% d’électricité de source non fossile dès 2020, les industriels locaux et d’ailleurs se sont lancés dans la course à l’équipement en  fermes à vent. En 2007, les éoliennes ont vu quasiment doubler leur capacité en Chine, à 6,05M kW : l’objectif de 2010 était atteint 3 ans à l’avance, et le pays passait au 5ème rang mondial, encore loin derrière l’Allemagne (20,62M kW).

Dans ce bras de fer des moulins à vent, face aux ténors étrangers, les Chinois firent mieux que se défendre. Depuis Urumqi (Xinjiang), Goldwind, sous licence allemande, a empoché en 2007, 45% des commandes nationales, autant que l’ensemble des étrangers, tels Vestas (Danemark), Gamesa (Espagne) ou Suzlon (Inde). La force de l’offre chinoise tient à son bas coût, et au protectionnisme -la loi impose 70% de composants locaux dans les fermes à vent de plus de 50 MW). Mais cette industrie locale monte en force : dépassant la puissance moyenne de 750 Kw, des groupes comme Goldwind ou Sinovel Windtech lancent des turbines de 1,5MW – Goldwind vient d’ailleurs de racheter 70% de Vensys AG (Allemagne), son bailleur de technologie.

Pour l’avenir, les ambitions ont le ciel pour limite : la Chine veut exploiter de plus en plus son potentiel de vent (offshore et terre) évalué à 3000GW (=3000 centrales nucléaires classiques), pour prendre la tête du peloton des nations. Dès 2020, trois provinces pilotes, Mongolie Intérieure, Jiangsu et Gansu devraient être équipées de turbines d’un total de 30 GW. Vu les progrès techniques chinois, il est question de dérégulation. Car de toute manière, pour rester sur le marché, aucun équipementier ne peut se permettre de produire hors-Chine, pour des raisons de coût. Cette logique ne s’applique pas qu’au marché local mais aussi mondial—car des Goldwind ou Sinovel ne tarderont pas à exporter, à grande échelle. En attendant, d’ici 2010, ce sont 4000 MW de capacités qui seront commissionnés en Chine même sur appels d’offres.

C’est ce qui attire Siemens, annonçant le 31/03, l’ouverture en 2010, d’une usine de turbines de 1000MW, sans doute avec Shanghai Electric (son partenaire traditionnel). Anticipant une forte croissance en Chine, Siemens voit large, pensant faire passer sa part de fournitures dans les éoliennes sur marché chinois, de 8 à 15% en trois ans : le parc équipé Siemens triplera en capacité, à 4,5GW.

Sans compter le marché offshore qui s’annonce (Jiangsu, Fujian, Guangdong), futur champ de bataille «navale» des compagnies pétrolières, dont Cnooc et Total. Siemens achetait en 2007 le Danois Bonus, pour devenir n°1 mondial de l’offshore éolien. Depuis, il négocie en Chine ses partenariats, mais ceci  est une autre histoire!

 

 

 


Joint-venture : Wal-Mart veut mettre ses fournisseurs au vert

Intel : 10ème bougie en fanfare

Pour Intel, le géant du semi-conducteurs, présent dans trois ordinateurs sur quatre à travers le monde, la décision stratégique consistait à produire en Chine, osant le risque de voir disséminer son savoir faire.

Ce fut chose faite dès septembre 2007 en posant la 1ère pierre de Fab’68, son usine de Dalian à 2,5MM$, opérationnelle en 2010 -à temps pour se tailler la part du lion sur un marché des «puces» sur le point d’atteindre 28MM$. Mais pour le groupe, cette pénétration se mène conjointement sur un autre front, celui de l’investissement direct dans les entreprises du marché.

Dès 2005, il avait créé son Intel Capital China Technology Fund.  Ses 200M$ lui avaient permis de prendre pied dans 28 startup chinoises, dont Neusoft et A8 Music. Le 8/04, il remet çà avec une 2de tranche de 500M$ – la plus grosse mise du fondeur hors des frontières américaines. Il interviendra dans le monde des média, des réseaux sans fil et des technologies «propres». Déjà 2 investissements sont bouclés, sur Holdfast Online, qui héberge des jeux sur internet, et Newauto Video Tech, expert en systèmes digitaux pour stations de TV, numérisation de chaînes radio online, et prestataire de services durant les JO. En dix années de présence chinoise, Intel a su donner du canon à dollars, étant entré dans 70 entreprises locales et ayant créé 6000 emplois directs, entre ses unités de recherche et d’assemblage. Un groupe qui a su prendre à temps le train d’une Chine future, à la pointe du progrès digital !

 

Wal-Mart veut mettre ses fournisseurs au vert

Révolution en Chine : Wal-Mart veut guider ses partenaires vers une production «verte».

Le n°1de la distribution a commencé par mesurer le coût de production en énergie de certains produits tels DVD, lait ou bière (leur émission en CO²). Puis en octobre 2007, il réunira 1000 fournisseurs pour offrir des économies identifiées ailleurs – car cette campagne est globale. Le but est d’aider à réduire les emballages de 5% d’ici 2013, en créant une base de données des progrès techniques. L’efficacité énergétique devrait monter de 25% sous 3 ans, et celle des TV à écran plat, de 30%.

 L’objectif final est d’éliminer tout déchet au sein du groupe, et toute énergie fossile. Rien que dans les cartonnages à travers le monde, Wal-Mart aurait déjà fait économiser 3,4MM$. Pour un groupe hier affublé d’une image de «gaspilleur», Wal-Mart opère une formidable volte-face, tout en aidant l’Etat à juguler sa pollution. C’est l’occasion aussi de tenter de grignoter des parts de marché au rival Carrefour, qui poursuit son expansion au rythme d’une 20aine de surfaces par an.                                                                   

NB : Face aux donneurs de conseil étrangers, l’industriel local a souvent la tête dure. Mais Wal-Mart a un argument « massue » : il génère 30% de l’export des biens de consommation, et 10% de l’import américain de Chine – 30MM$ en 2007 !

 

 


JO : Jour J-116

ª Zhang Yadong, entraîneur des nageurs chinois, voit noir après l’explosion de records mondiaux par des équipes d’Europe et Australie : « nous n’avons aucun or garanti», dit-il, sans retard démenti par d’autres cadres! Jusqu’alors, Wu Peng semblait vainqueur assuré en 200m papillon, et Qi Hui (femme) en brasse.

ª Les 12 “men in blue” gardiens chinois de la flamme hors Chine, n’ont rien fait pour l’image de leur pays, brusquant public, police et athlètes locaux. A Paris, D. Douillet le judoka les traita de “robots”. A Londres, Sebastian Coe le coureur, les traita de “mafieux” et les “bobbies”, de “Schtroumfs”. D’autres pays hôtes futurs comme Japon, Australie et Inde, se promettent de les interdire!

ª Même scène, mais vue d’en face ! Jin Jing, unijambiste de 28 ans est sacrée par internet (et surtout, la propagande” “Ange en chaise roulante”, après avoir sauvé la torche d’un Parisien anti-Jeux Olympique… Jin était au chômage : mais à Shanghai, son bercail, les firmes se battent désormais, pour lui offrir un emploi!

ª L’équipe grecque d’haltérophilie ne remercie pas son fournisseur chinois de complément nutritif : positifs au test antidopage, les 11 athlètes risquent la radiation. L’entraîneur Christos Iakovou est suspendu. Mais l’affaire se corse : l’usine s’est entre-temps excusée de son “erreur” ! 

 

 


Petit Peuple : Anshan—fable olympique

Qu’est ce qui fait qu’un être né dans la poussière, accède à un destin de héros et de mécène? La compassion sans doute -et chez Bai Jian, le coup de baguette magique de l’école !

Son établissement pourtant, dans le Dongbei, n’avait pas de quoi rêver : ni chauffage (par  -20°!), ni tableau noir, mais un sol en terre battue pour des enfants venus pieds nus. Jian faisait ses 5km aller retour tous les jours.

Mais cette adversité renforça sa rage de s’instruire : moyennant les sacrifices indicibles de ses proches, il entra en Ecole Normale en ’92, fut diplômé en ’95, nommé prof de gym au collège n°2 d’Anshan (Liaoning), où il est toujours. A 22 ans, il obtenait un salaire de 2000¥, un appartement de fonction de 60m² : la vie était belle…

Et bien non! Au lieu de sortir, s’amuser, se marier, dès ’96, il recueillit un enfant de la rue, un autre, 24 au total en 12 ans. Ils revenaient de loin: rejetés par des parents pauvres, certains délinquants, c’était l’écume de la ville que recueillait notre mécène -les filles dans une chambre, les gars dans l’autre.

Joindre les deux bouts est un casse-tête. A son salaire, s’ajoute l’argent du nettoyage de l’école, du ramassage des cannettes, des ventes de GSM de stylos et de leur échoppe. Logeant avec toute la troupe, ses parents font bouillir la soupe, sa soeur organise les équipes de travail, leur habillement -100% faux Nike, faux Adidas. Jian est bien sûr endetté au-delà du possible, mais n’en a cure: 债多不愁 « zhaiduo bu chou », trop de dettes ne démangent plus !

Aux temps de noroît, quand arrive une grosse facture (d’université, d’enterrement d’un des parents), des amis tombent toujours du ciel pour l’aider, tel celui qui lui prêta (sie die) une fourgonnette, ou ce businessman anonyme qui lui versa 100.000¥ pour éponger (une partie de) ses dettes ! Et c’est ainsi qu’à 34 ans, Bai Jian est parrain de 9 enfants à (ou sortis de) l’université, 3 au travail, 11 encore à sa charge.

Cependant en 2006, l’histoire  de Jian prit un nouveau tour, à mesure que fut connu son apostolat : élu un des 10 « meilleurs profs du Liaoning, il reçut20000¥ qui lui permirent de payer l’inscription en fac d’un ou deux de ses poulains, il fut nommé porteur local de la torche olympique  (parmi 11500 autres). Puis on l’invita à Pékin comme «porteur national»: ce qui le rendit de facto candidat porteur de la vraie flamme, dans le monde ! 

Sur place, l’attendait une scène burlesque. Riches et bien en cour, ses rivaux (un businessman, un philanthrope attitré, un travailleur modèle, une brochet-te de pin-up) étaient tous gominés, financés, avec troupes de pom-pom-girls pour exécuter les « chants et danses de leur région ». Jian lui, n’avait qu’une étudiante mi-muette et sourde. Par charité, autant que par admiration, les organisateurs lui dénichèrent 20 étudiants bénévoles qui, écoutant sa saga, devinrent ses ardents fans.

A l’émission TV de sélection, sa filleule, qui lisait sur les lèvres, oublia tout le protocole et hurla: « vas-y, papa », reprise en choeur par les 20 étudiants. Et finalement, Bai Jian remporta les 2 hit-parades, dans la salle comme à l’audimat : il était plébiscité porteur mondial !

L’histoire ne dit pas sa réaction à Londres ou à Paris, en voyant tant d’incompréhensible hostilité aux JO et à son pays. Mais elle nous interpelle, comme signe du chemin accompli par ce pays en 20 ans: des trésors de bonté qu’il peut renfermer, sous sa gangue de formalisme et d’idéologie passée !

 

 


Rendez-vous : Le rendez-vous de la Foire internationale de Canton

15-30 avril, Canton : Foire int’l de printemps

15-17 avril, Shanghai : Conférence sur la logistique dans l’industrie automobile

16-18 avril, Dongguan : Salon int’l de la chaussure et du cuir

16-19 avril, Pékin : Asia Pacific China Police:

17-20 avril, Pékin : Salon du plastique et du caoutchouc