Le Vent de la Chine Numéro 1
En ces 1ers jours de 2008, c’est Hong Kong qui retient l’attention, après que le Parlement chinois ait annoncé (2/01) que la RAS, la Région administrative spéciale, n’élirait, qu’en 2017 son chef de l’exécutif au suffrage universel, et son Legco (l’assemblée locale, de 60 députés), qu’en 2020 – au mieux.
Depuis le retour à la Chine en 1997, l’opposition pan-démocrate, majoritaire dans l’opinion mais divisée, réclamait la date de 2012. Trois semaines avant, Donald Tsang, l’actuel leader avait annoncé la couleur, dans un rapport remis à Pékin : « l’opinion espère 2012, mais 2017 serait acceptable »… Cependant, dans le panorama politique de Hong Kong, rien n’est simple !
Avec huit lignes sillonnant sous terre et mer, son métro est le meilleur du monde, toujours à l’heure, doté d’une carte de paiement Octopus d’avenir, valable pour les bus, ferries et trams. Son aéroport est une success story, à la croissance de 20%/an – trafic fret de 3,5Mt l’an passé, 35% de ses exportations en valeur. Sa bourse est la 6ème par la taille, mais la 2de en valeurs nouvelles, derrière New York. Armée de tels outils, cette métropole de 7M d’habitants a créé en Chine 12M d’emplois et maintenu depuis 2005 un taux de croissance de 7% : elle est la 12ième puissance économique mondiale…
A l’HKTDC, bureau de promotion commerciale, Helen Chan explique ce bilan flatteur, par des décennies de politique libérale éclairée : une traque intransigeante de la corruption par l’ICAC (Independent Commission against corruption, la très populaire police des affaires), une administration légère mais compétente, des taxes et impôts bas, et un programme systématique d’éducation continue ayant permis en 12 ans aux diplômés supérieurs de passer de 19 à 32% des actifs.
Mais d’autres données manquent à l’appel :
[1] Pékin s’efforce de préserver Hong Kong des crises cycliques qui déferlent depuis 10 ans sur l’Asie (1997- «vendredi noir» monétaire, 2003-SRAS, 2005-grippe aviaire), pour lui faire oublier ses rêves de démocratie : il lui offre des M de touristes, et un cadre d’investissement préférentiel.
[2] La richesse est aux mains d’un club restreint d’entrepreneurs tels Li Kashing ou Tung Cheehwa, qui ont reçu en 1997 les clés de la ville : plus que la Chine, ils sont les 1ers opposants au partage de son pouvoir.
Or, l’arrangement commence à gripper, faute d’une représentation adéquate de pans entiers de la société insulaire. Mal partagée, la croissance ne suffit plus. Prostitution et mafia remontent, avec la pauvreté, tandis que reculent l’anglais et la liberté d’opinion : faute d’un message clair du pouvoir, la presse est désorientée.
Mais l’opposition se prépare, guettant l’occasion de lancer une méga-manifestation, comme elle l’avait fait en 2005 et 2006 : 500.000 citadins avaient forcé Pékin à renoncer à un projet de loi réprimant l’opinion… Ainsi, la Région administrative spéciale, de plus en plus, laisse le sentiment que l’actuel compromis fragile sera toujours plus dur à maintenir, entre ces trois composantes que sont le Parti communiste, les magnats, et une rue, toujours plus éduquée, et qui (à l’instar de toute bourgeoisie naissante) réclame sa part des pouvoirs. De ce bras de fer de David et Goliath, dépend l’avenir de cette ville-phare, synthèse de l’Est et de l’Ouest en Extrême Orient, qui va devoir bientôt, prouver sa capacité à maintenir sa différence !
Avec ses 400ha de quais hérissés de grues-portiques, HIT – Hong Kong International Terminals- symbolise l’économie privée ayant fait Hong Kong.
Ce groupe de cinq terminaux contrôle 60% du trafic de la ville, sous la propriété de Li Kashing. Hutchison, sa maison-mère, est le 1er groupe portuaire mondial. Créé en 1969, HIT gère 14 quais (dont deux en JV avec la chinoise Cosco). Ses 5km d’appontement lui permettent de traiter 18 porte-conteneurs par jour, et 7M de « boites » de 20 ou 40 pieds/an. Port en eau profonde, ses 15m de fond accueillent les plus grands bâtiments, d’une capacité de 9600 « boites ». Jour et nuit, toute l’année, 1500 employés sont présents sur le site, derrière leurs ordinateurs ou leurs grues, tandis que 5 à 10000 camions par jour font leur rotation au bord du quai. Avec de tels chiffres, et la barre des 100M de boites franchie dès 2006, HIT s’impose sans peine comme 1er port mondial privé.
Au fil des ans, son handicap est devenu son atout. Depuis 1985, son district de Kwaichung est spatialement saturé. Aussi HIT a-t-il dû trouver autre chose. 14 barges lui permettent de traiter le trafic transbordé du delta des Perles. Son système de gestion nGen (next generation terminal management system) lui permet de raccourcir les délais au maximum. Chaque aire de stockage consiste en de longues allées, empilant sur six niveaux par cinq les «boites», que 200 grues à 5M$ pièce soulèvent à vitesse hallucinante pour les déposer sur les camions en attente. Le bal a été coordonné des semaines à l’avance, par intranet avec l’armateur et le client, grâce à une simulation informatique pour trouver le meilleur terminal pour tel bateau et telle cargaison. Tout cet équipement garantit aussi une grande souplesse : tel conteneur se présentant au port sans réservation, est chargé sous deux heures vers le continent demandé !
Aujourd’hui, cette recherche paie : à l’heure du pétrole à 100$/baril, les armateurs plus que jamais, votent pour les ports qui les freinent le moins – et ceux qui taxent le moins. Or, Hong Kong, port franc, n’exige ni licence, ni quotas, ni taxe d’import. Aussi, depuis l’an 2000, son volume de transbordement vers la Chine augmente de 15,6% /an, malgré une réglementation très protectionniste : l’avenir est radieux.
Autre profit: entre Europahavn en Hollande, Harwitch en Angleterre, la Pologne ou Panama, Hutchison administre voire possède 50 terminaux étrangers, dont 11 en Chine, équipés des mêmes grues, systèmes informatiques qu’à Kwaichung. Ils sont de plus interconnectés, offrant aux armateurs une incomparable promesse de gain de temps. Seul souci de HIT : la concurrence montante des ports chinois, Shenzhen, Shanghai, qui progressent encore plus vite (20%/an), riches de leurs crédits d’Etat, achetant à marche forcée des ports à l’étranger : prouvant leur capacité à retenir vite les leçons du maître hongkongais !
La loi du travail, au travail !
Révisée en 2007 après deux ans de lourds débats, la nouvelle loi du travail est rentrée en application au 1er janvier 2008. Elle porte la griffe populiste de Hu Jintao, en corrigeant la politique hyper libérale de son prédécesseur.
Selon les chercheurs de la CASS (l’Académie chinoise des Sciences Sociales), en 15 ans (de 1990 à 2005), les paiements aux travailleurs (salaires + régimes sociaux), en pourcentage du PIB, avaient baissé de 53% à 41%, alors que les Grandes entreprises d’Etat et les nouveaux milliardaires voyaient exploser leurs profits : une frange majoritaire des salariés vivaient dans le précaire, recrutés par des agences-écran, en contrats à durée déterminée, voire sans contrat.
La nouvelle loi bannit ces pratiques, et impose après 10 ans, une prime de départ d’un mois/ an presté. Ce texte comporte malgré tout des faiblesses, tel le fait de confier au syndicat unique (d’une indépendance douteuse, cf Wahaha), le soin des négociations salariales —même si la maison n’a pas de syndicat. Mais c’est des patrons chinois que vient la résistance : le groupe lainier Milo, ainsi, croit qu’elle alourdira ses frais de 8% dès 2008, s’ajoutant à 32% en hausse d’énergie, matière 1ère et autres. La réaction occidentale est résumée par Harley Seydelin, Président de l’AmCham, la Chambre de commerce américaine : « bien sûr, la loi nous rendra la vie plus chère… mais on peut vivre avec, et tout le monde aussi » !
Peine légère pour une « balance »
Yu Zhifei, le flamboyant promoteur du circuit de Formule 1 et Grand Prix de Shanghai, en prend (3/01) pour 4 ans à l’ombre, pour prévarication de 100.000², détournés sous la forme d’une ristourne foncière. Il est aussi frappé d’une amende de 30.000². La peine est légère, sur recommandation du procureur, suite à sa coopération avec la justice, pour lui avoir « révélé des faits inconnus ».
Son témoignage devrait être en effet précieux, car Yu Zhifei devait sa fortune à son amitié avec Chen Weili, fils de Chen Liangyu, ex- « roi » (secrétaire du Parti) de Shanghai, déchu depuis le scandale des 400M² détournés du fonds de pension municipal – dont 100M² sur son compte propre, dit la rumeur. Le procès des Chen va bientôt s’ouvrir.
Fukuda en Chine, Gulf Stream diplomatique
Entre Chine et Japon, le réchauffement s’accélère, avec trois échanges de 1er ministres en 18 mois : Shinzo Abe en octobre 2006, Wen Jiabao en avril 2007, puis Yasuo Fukuda, du 27 au 30 décembre 2007.
Jusqu’en 2006, Junichiro Koizumi, le bouillant 1er ministre nippon choquait l’Empire du Milieu par ses passages au sanctuaire négationniste de Yasukuni. Fukuda, lui, visite Qufu, la ville natale de Confucius, geste remarqué et apprécié en Chine. Il rencontre tous les leaders chinois, renforçant la détente. Certes, aucune décision majeure n’a été prise, mais le dialogue est rouvert, sur tous les grands sujets.
Le Japon s’engage sur la voie de la relecture de son passé fasciste.
Ses grands groupes industriels retiennent des espaces à Binhai, la nouvelle zone éco-financière de Tianjin. Les 1ers ministres veulent au plus vite épurer le contentieux du partage de la Mer de Chine et de son pétrole. En environnement, le Japon veut bien former 10.000 (!!!) experts chinois en économie d’énergie, transférer des technologies, acheter en Chine dès mars pour 15Mt de crédits carbone : face aux pluies acides chinoises, le Japon est aux 1ères loges.
Enfin, un enjeu est implicite : de bons rapports avec Pékin, ouvriront à Tokyo la voie d’un siège permanent au Conseil de Sécurité. Prochaine étape du dégel, fin mars, Hu Jintao, va en visite à Tokyo !
Bataille des airs sur Shanghai
En septembre, Singapore Airlines (SIA), avec Temasek, s’entendait avec China Eastern (CEA), de racheter 24% des parts du transporteur shanghaïen déficitaire, pour 920M$.
La tutelle CNAC – China National Aviation Corporation – avait autorisé –Air China, qui détient 12% des parts de China Eastern, n’avait pas désarmé ! Entre temps, Li Jiaxiang, commodore d’Air China, est passé à la tête de la CNAC, sa maison-mère, et milite en force pour convaincre deux-tiers des actionnaires de rejeter le prix convenu (3,8HK$/part). Air China prétend —coup de poker- racheter lui-même les 24% (avec le soutien non démontré de son propre partenaire Cathay Pacitic), à 5HK$.
En face, la SASAC (State-Owned Assets Supervision and Administration Commission), co-propriétaire et tutelle financière des trois grands transporteurs chinois, défend le marché conclu, soutenue en cela par China Eastern…
NB : Bien sûr, l’affaire n’est pas que financière. Autour d’Air China, la CNAC rêve de reconstituer un groupe national d’envergure mondiale, moyennant, entre autres, le rachat de China Eastern. En cas de réussite, il contrôlerait 50% de l’aéroport de Pudong, et les lucratives liaisons Shanghai-Hong Kong, dont il veut, pour l’heure, barrer la route à Singapore Airlines. Apparemment, son veto suffirait à torpiller le deal : réponse, mardi 8/01, à l’assemblée des actionnaires !
SAIC, Nanjing Auto : la fin de la guerre des Rover
Après trois ans de galère, Nanjing Auto (NAC) jette l’éponge, et se vend à SAIC (Shanghai Automobile Industry Co). Rover, son dernier espoir, ne l’a pas sauvé.
Entre 2004 et 2005, lors de la faillite du constructeur britannique, Nanjing Auto avait réussi à « souffler » au rival shanghaïen la marque MG et la chaîne de Longbridge—SAIC n’avait pu obtenir que les licences de Rover 25 et 75, écrémées de leur marque (propriété Ford). En août 2007, NAC avait donc sorti une MG7, et SAIC, son clone de Rover 75 renommé Roewe. Mais de son modèle sport, NAC n’a pu vendre, en Chine, que 3000 unités, et sa tentative de céder jusqu’à la moitié de ses propres parts, n’avait pas abouti. Dès lors, il ne restait qu’un repreneur possible, le redouté SAIC. Action précédée de la fin de sa coopé avec Fiat.
Pour 200M², SAIC reprend (26/12) tous les actifs automobiles de NAC, sous la forme de 5% de ses actions cédées à Yuejin, sa maison-mère, pour 75% des parts de Dong Hua, la JV fondée à l’occasion.
NB : La dépouille de Rover est réunie, sous l’étendard SAIC, qui va pouvoir utiliser Longbridge comme sa plateforme européenne, et relancer une seconde fois MG —cette fois, avec les moyens.
Petit Noël : relance ouatée d’une banque d’Etat
Le 31/12 est une excellente date pour poursuivre le désendettement des banques publiques, dans l’ombre de la trêve des confiseurs, à l’insu des agioteurs.
La CIC, la China Investment Corp. bras investisseur de l’Etat chinois, né 4 mois avant avec 200MM$ de dot, a placé 20MM$ sur la CDB, la banque de développement, banque « politique » destinée à financer des projets publics.
Deux semaines avant, elle avait misé 5MM$ sur Morgan Stanley, dépannant ainsi sérieusement (on ignore à quel prix !) la 2de banque d’affaires américaine qui avouait 9,6MM$ partis en fumées dans l’aventure des subprimes. Ce renflouage de la CDB, suite à une confidence récente de Li Yong, le vice-ministre des finances permet de dévoiler en filigrane, le chèque que la banque de l’agriculture, l’ABC, serait sur le point de recevoir : 47MM$, soit la moitié de ses 100MM$ de prêts irrécupérables.
Avec son bureau de 30 actifs à Kowloon, Wolf-Lingerie prouve que Hong Kong conserve son rôle d’interface entre Chine et Occident : savoir-faire et investissements peuvent atterrir en toute sécurité en Chine, avec le soutien des services et des lois du Rocher.
Fondé en 1947, le groupe strasbourgeois vient de fêter son 60. anniversaire, en rachetant Innée, réseau de 15 boutiques de luxe entre Pékin, Shanghai et Canton, créé peu d’années plus tôt par Fargo, PME française de la Région administrative spéciale.
Au début des années 2000, Wolf avait investi 5M² dans une usine sur 20.000m² à Dongguan (Canton), employant 1000 cousettes. Ce centre peut produire 12M de culottes et soutien-gorge /an, de qualité moyenne à haute (jusqu’à 60² au détail). En France-même, Wolf maintient 140 actifs en son centre de la Wantzenau. La moitié du design, et la distribution internationale se font depuis Hong Kong. La clientèle de Hong Kong, l’Australie, la Corée, l’Amérique latine et (dernièrement) les USA, monte doucement, assurant désormais 30% des commandes. Une autre usine existe en Indonésie, en joint-venture.
« Même pour notre marché français, explique Terry Rodderick, le manager australien, Hong Kong nous aide : nous avons en France 48 marques, le plus grand nombre au monde. Grâce aux foires de HK et Shanghai, nous avons l’accès le plus rapide aux nouvelles machines et aux textiles. Encore pour quelques années, la France reste leader sur le design. Mais pour la production, c’est ici que ça se passe ». Sur ce produit culturellement très connoté, l’origine française est un atout évident : « en Chine, ca commence juste, mais il y a un énorme marché à prendre ». Rémi Wolf, patron du groupe (fils du fondateur) en est si conscient qu’il prépare en Chine, sous 18 mois, une autre usine au même nombre d’employées.
Mais en ce pays champion du monde du piratage, et détenteur de milliers de PME ou groupes de lingerie, comment protéger ses modèles? Le choix d’une usine propriétaire plutôt que de commander à façon est une 1ère défense – car ainsi, Wolf contrôle toutes ses étapes de production. Une autre, est l’achat des accessoires et tissus auprès des meilleures maisons chinoises. Enfin, tout piratage identifié par la firme est suivi d’une plainte en justice, puis de saisies, dans les cas les plus flagrants.
L’écart entre les effectifs sino-hongkongais et en France en dit long sur la stratégie de la firme alsacienne. « Nous étudions en permanence les opportunités de développement en France, dit Wolf, mais aucune d’entre elles ne nous offrent de perspective de retour sur investissement avant 3 ans »… Autrement dit, pour assurer l’avenir, cette ex-PME doit désormais viser une présence mondiale—via-Hong Kong !
Sous Chris Patten, dernier gouverneur de sa Majesté, Mme Anson Chan dirigea la dernière administration britannique du « Rocher ». Depuis 1997, elle se maintenait hors de la vie politique. Or, en novembre, elle rentre en lice, se fait élire au « Legco », le Parlement hongkongais, et entre en conflit avec le pouvoir local… Notre interview exclusive :
VdlC : Mme Chan, pourquoi avoir quitté votre retraite ?
AC : Je n’ai pas entièrement quitté la vie publique -depuis 2006, je participe au groupe central de réforme constitutionnelle. Mais depuis 1997, je ne vois plus venir aucun progrès vers la démocratie : j’ai fini par m’inquiéter, et décidé de réagir.
VdlC : Dans quelles conditions avez-vous fait campagne ?
AC : A l’automne, le Président du DAB (Democratic Alliance for Betterment of Hong Kong), le parti au pouvoir, est décédé. Pour son siège au Legco, je me suis présentée contre Regina Yip, la candidate de Pékin, et ai fait campagne pour la défense des libertés, et le suffrage universel pour 2012. Malgré une lourde différence de moyens financiers, j’ai gagné, et 55% des électeurs se sont prononcés, record absolu !
VdlC : quelle chance voyez-vous d’une alternance au pouvoir ?
AC : Nulle à court terme. La vie politique est figée, système bloqué.
VdlC : Pourquoi?
AC : Même les milieux d’affaires le disent : plus de 50% des projets d’Etat ne seront pas remplis, vu la crise de pouvoir. Soupçonné de partialité, l’exécutif se voit refuser ses budgets par le Legco. Nos politiciens qui vont à Pékin, défendent souvent leurs propres intérêts et en tout état de cause, n’accèdent qu’à des interlocuteurs de niveau intermédiaires. Les démocrates sont même sur liste noire. Aussi, Pékin et Hong Kong ne se parlent pas : c’est dangereux !
VdlC : Concrètement, quels risques ?
AC : Un effondrement de la bourse, sous l’effet d’une perte de confiance des petits porteurs. Une bouffée de colère des nouveaux pauvres, suite à l’explosion des prix alimentaires.
VdlC : Comment êtes-vous vue par le pouvoir central ?
AC : Ils pensent que je les affronte… Ils ne savent pas trop quoi penser, car je suis à l’écart des pan-démocrates… Leur crainte est que je me porte candidate comme chef de l’exécutif, ou que je crée un Parti… En fait, c’est Hong Kong-même qu’ils ont du mal à comprendre, société multipartiste, un système qui leur est inconnu.
VdlC : qu’allez-vous faire à l’avenir ?
AC : Je veux qu’on fasse plus à Hong Kong contre la disparité des fortunes, pour l’environnement, et pour la réforme constitutionnelle. Je ne veux pas que ma ville fasse marche arrière, mais au contraire, par ses réformes, qu’elle montre le chemin au reste du pays.
VdlC : Vous considérez vous plutôt Chinoise, ou citoyenne de Hong Kong?
AC : Je me suis toujours vue comme Chinoise, fille de ma nation !
Microcrédit international à Nanchong
Nanchong est une ville et un district pauvre du Sichuan, aux 7,25M d’âmes et 118.000 PME pauvres, dans l’agriculture, la sériciculture et les moulins à huile. Parmi tant d’autres, c’est un candidat idéal pour implanter une agence de micro-crédit, selon le modèle bangladeshi de la banque Grameen et son auteur le prof. M. Yunus primé en 2006 par le jury Nobel.
A l’appel de la Banque centrale, Microcred SA, société mixte française a relevé ce défi. Financée par l’IFC (bras commercial de la Banque mondiale), des agences publiques française, allemande et européenne, Axa, Société Générale et AIG, elle a ouvert le 24/10 sa 1ère agence locale, au capital de 7M². Ses interventions vont de 500 à 7500², et de 3 à 18 mois, pour un taux d’intérêt immuable d’1,1%/mois. Au 30/11, ses 18 agents, le plus souvent sur le terrain, avaient traité 40 dossiers et prêté 74.205². Après 90 jours, 100 contrats étaient approuvés, sous trois jours ouvrables de délai. Pour l’instant, Microcred est obligée de se limiter aux prêts, ce qui réduit sa capacité d’intervention, faute de pouvoir se financer. Mais ce goulet d’étranglement va bientôt disparaître, avec la licence promise pour étendre ses services aux dépôts des particuliers.
NB : Depuis Dacca, le 28/12, le professeur Yunnus annonce le fulgurant progrès de son réseau bangladeshi, à 2500 agences. Ayant atteint une profitabilité de 150%, il serait dès lors en état de racheter la plus grosse firme du pays. A ce rythme, la pauvreté au Bangladesh serait vaincue dès 2030 – par le micro-crédit !
Conflit Danone-Wahaha – Mr Zong à qui perd gagne ?
En décembre 2007, défaites en série pour Danone devant sa filiale Wahaha et son boss Zong Qinghou.
A Hangzhou, la cour d’arbitrage attribue à Wahaha la propriété de sa marque, quoique cédée depuis 15 ans à la maison mère française. A Guilin, la cour dénie à un directeur Danone-Chine, de diriger des filiales Wahaha. A Urumqi, elle déboute Danone dans sa plainte contre une filiale irrégulière. A Hangzhou encore, fort de 10.000 membres, le syndicat-Wahaha attaque Danone, réclamant 1M² de dommages : la justice gèle les actifs de certaines filiales de Danone.
NB : les victoires de Zong interviennent après la visite de N. Sarkozy en Chine en novembre dernier : les deux Présidents veulent régler l’affaire, où nul Etat n’a à gagner. Danone est soutenu par un team de fonctionnaires. Pékin mène une enquête serrée sur Wahaha, en quête de fraude fiscale. Sur leur pression, les deux groupes viennent de geler leurs actions en justice, en Chine et ailleurs, afin de discuter du prix de la reprise des filiales pirates. Dans ces conditions, les victoires judiciaires de Zong, semblent un geste « pour la face » du capitaine, dont le vaisseau prend l’eau !
ª La préparation des Jeux 0lympiques s’accélère. Très à l’avance, la police annonce l’éviction place Tian An Men des colporteurs et mendiants. Dans cinq stations de métro, des patrouilles avec huit chiens spécialement entraînés, recherchent les substances incendiaires.
ª En vélo sur piste, l’entraîneur D. Morelon (France, ex-champion du monde) croit que sa sprinteuse Guo Shuang, « une des 5 meilleures mondiales », peut emporter la médaille d’or.
ª Avec son homologue de l’ACC, l’UCI, union cycliste internationale prépare un Tour de Chine dès 2009. Cette course annuelle attirera, espère le Président Pat McQuaid, les 18 à 20 meilleures équipes professionnelles du monde, et rivalisera avec le Tour de France.
ª Le 28/12, on rebaptisait CCTV5, la chaîne sport, en «la chaîne olympique». Mais la femme de Zhang Bing, le présentateur vedette, vola l’attention, saisissant le micro pour l’accuser d’une infidélité conjugale « découverte 2h plus tôt ». Six jours après, sur youtube.com, le clip de 2’59 » avait été visité 382.379 fois.
ª Dans sa course à la coupe de monde de 2010, au tirage au sort, l’équipe chinoise de football est tombée dans le « groupe de la mort », rassemblant Irak et Qatar (meilleurs asiatiques) et Australie. Pour redonner du coeur au ventre, la Chinese Football Association leur a promis plus d’1M$, en cas de qualification !
D’une main de fée immatérielle, Gu Ya, paysanne de 32 ans du Yunnan traçait des arabesques et losanges, les déformait et les étirait en 3 dimensions à la manière d’un Maurits Cornelis Escher. Ses volutes et frises colonisaient le papier, diaprées, triomphantes, tranquilles, inquiétantes à la fois.
Fin 2006, après 3 ans, avec 1000 dessins en ses cartons, Gu quitta Yiliang son village, pour aller les soumettre à Li Dekun, chef de l’association provinciale de peinture. L’homme de l’art resta muet de saisissement: cela ne ressemblait à rien de ce qu’il connaissait. Cà et là, il croyait bien identifier la tête d’un poulet, une récolte, le pont du village. Mais bientôt, l’incertitude déferlait, balayant la supposition: il n’y avait là ni ombres ni couleurs, ni référence aucune à la peinture occidentale, ni à la tradition chinoise. Pourtant, la technique du trait était parfaite, la composition magistrale.
Sur les sources de son talent, Li enquêta-en vain. A son école, Gu Ya n’avait jamais reçu de cours d’art. Jamais elle n’avait tenté de dessiner. Jusqu’à ce beau jour de 2003 où prise de fièvre, elle s’était armée d’un bloc et d’un stylo, pour composer à traits furieux et inspirés, trois jours et trois nuits face à des parents atterrés. Enfin, quand Li questionna davantage, elle se mit à balbutier en un jargon inconnu : l’affaire décidément, dépassait l’entendement !
Appelé à l’aide, l’expert Yang Pinggang descendit de Pékin : son verdict ne fit qu’épaissir le mystère : « en apparence, dit-il, ses dessins respirent l’anarchie. Mais à l’échelon supérieur, les figures sont liées, porteuses d’une logique, d’un message inaccessible faute d’en avoir les clés. Or, le bagage primitif de l’auteur n’aurait jamais pu lui permettre de commettre d‘oeuvres si complexes. Tout se passe comme si une vie supérieure avait annexé son être, « faisant danser ses pieds et ses mains» (手舞足蹈, shou wu zu dao) !
La découverte passionna la Chine. D’autres savants vinrent sonder l’artiste, espérant découvrir le Graal. Ils ne purent qu’enregistrer des heures de son sabir confus… Pour ne pas perdre la face, ils affirmèrent à tout hasard, qu’il recélait des traces d’anglais, japonais, vietnamien et d’esperanto !
En une ultime tentative pour démêler l’embrouille, on fit appel à la presse, à l’internet. Une ligne téléphonique fut ouverte, où des milliers de Chinois y allèrent de leur avis sur ce génial cas de « Da Vinci Code », chez eux en Chine…
Le VdlC craint que tous ne fassent bien des efforts pour se cacher une vérité simple, mais inavouable. Selon Freud, il arrive que l’inconscient prenne le dessus, en cas de névrose, par exemple. Chez un être soumis à une terrible pression, la conduite inconsciente est un dernier recours pour sauvegarder son identité et intégrité.
Or, Gu appartient aux Chinois les plus opprimés. Elle est femme, victime fréquente de discrimination –malgré le slogan maoïste qui prétend lui attribuer « la moitié du ciel ». Elle est paysanne, d’un monde moins éduqué, plus violent qu’à la ville. Et elle est de l’Ouest, région la moins riche et émancipée. D’ordinaire, pour éviter la vie sous cloche qu’on lui réserve, la paysanne fuit à la ville, à l’usine. Gu Ya a trouvé une solution meilleure : elle a inventé un avatar, qui lui permet de vivre dans son monde à elle, à travers l’art.
Dans cette perspective, que la Chine aille chercher des extra-terrestres pour expliquer ce miracle, témoigne de deux besoins inavouables : celui de merveilleux, pour rêver d’une émancipation octroyée par les Martiens, et celui d’éviter l’autocritique, face à son univers autoritaire et matérialiste !
7- 9 janvier, Beijing : Salon de la photographie professionnelle
10 janv. Shanghai : China Luxury Mart