Le Vent de la Chine Numéro 1

du 8 au 14 janvier 2007

Editorial : 2007 à perdre haleine…

Plus que jamais depuis 1949, Noël fut suivi en Chine, par des dizaines de millions de citoyens dans des églises bondées, des grands magasins à Pères Noël, des menus de réveillon à tout va. La presse en tira un de ces débats dont elle raffole, « pour ou contre cette mode étrangère» . Loin de venir du département de la Propagande, la croisade émanait des nouveaux gauchistes des universités Beida et Tsinghua (pépinières du régime), levés pour la « civilisation chinoise éternelle », contre l’«invasion culturelle». Face au raz-de marée des fidèles et fêtards, le plaidoyer des néo-gauchistes faisait un peu sermon dans le désert. Plus réaliste, l’Etat menait croisade auprès des cadres, les adjurant de fêter… mais à leurs frais !

Populisme oblige, le Président Hu Jintao passa le 31 décembre à Chengde (Hebei) parmi des éleveurs mongols, le 1er ministre Wen Jiabao, avec des  fermiers du Jiangsu.

Signe politique : la 1ère priorité de 2007 ira à la promotion paysanne, grand-œuvre du mandat actuel. Cette année verra la gratuité scolaire pour 150M d’enfants. Lycées et universités devront appliquer des tarifs standards. Le paysan touchera une part plus juste du prix de vente des céréales (aujourd’hui 0,2¥, sur 1¥/kg). En matière de santé, le ministre Gao Qiang promet de réduire les coûts et faciliter l’accès aux hôpitaux, par des investissements, des  prix-plafonds, une garantie de services minimaux. La sécurité sociale «coopérative», à double cotisation (Etat + individu) sera accessible à 80% des gens contre  50% en 2006  -Pékin doublera sa contribution, à 20¥/ an/ personne. Enfin, le second recensement rural depuis 1996 est en route, jusqu’en avril, avec 7M de recenseurs, pour suivre et mieux comprendre les destins de 200M de familles.

2de priorité : la stabilité. Le régime garde sa vigilance contre la presse, (Huang Liangtian, éditeur du journal Bai Xing du ministère de l’agriculture, purgé pour dénonciation de la corruption de cadres ruraux), la religion (9 prêtres arrêtés à Baoding le 27/12), les protestataires (200 arrestations le 1er/01 place Tian An Men). Pourtant, J.O. de 2008 obligent, les journalistes étrangers entendent la promesse de plus de liberté, et obtiennent une rarissime rencontre avec Bao Tong, « pape des dissidents ». Enfin, cette campagne débusque un adversaire nouveau : le promoteur immobilier et les cadres locaux, dont l’Etat gèle les recettes des ventes foncières, tout en triplant la taxe an-nuelle aux possédants (même étrangers) à 30¥/m²/an !

Stabilité, bien-être paysan : priorités sans surprise. A quoi s’en ajoute une plus secrète : le renforcement de l’armée, en arme nucléaire, et en aviation. Modernisation silencieuse mais lourde (41MM$ de budget et +15% en 2006), avec Taiwan en ligne de mire !

 

 


A la loupe : Le constructeur étranger épouse son pirate!

En automobile en 2006, la Chine passée 3ème producteur, double ses exports à 340.000 unités (1,58MM$ de chiffre). Sa part du marché est de 0,7%, mais elle compte passer à 10% d’ici 2015. Pour ce faire, elle sort un cadre de licence et quotas d’export, applicable au 1er mars.

Trois buts sont visés:

[1] créer une image de marque pour cette voiture mal connue; [2] supprimer des 1025 exportateurs, les 600 qui ne vendirent que 10 voitures en 2006 : éviter la guerre des prix, et assurer aux constructeurs une marge bénéficiaire, pour porter la finition et les équipements aux standards mondiaux. [3] Enfin il s’agit de prévenir les rétorsions anti-dumping, que la concurrence mondiale ne manquera pas d’opposer à cette « furia cinese » !

NB: Cette licence d’export complète celle imposée aux candidats producteurs, moyennant invest minimum de  200M$ – bloquant l’accès aux petits. Quant aux PME automobiles existantes, protégées par leurs provinces, elles perdront l’accès aux marchés extérieurs, les plus lucratifs. C’est donc un combat de Pékin contre les provinces !

Chrysler annonce, et Pékin avalise une JV avec Chery, de  Wuhu (Zhejiang), pour produire des petites voitures à 8-10.000$, pour l’export mondial. Pour Chrysler, comme pour General Motors, c’est la réponse à la question de vie ou de mort, comment baisser ses coûts. Mais pour Chery, c’est l’accès aux bureaux d’études US, clé de la qualité, la sécurité, la basse pollution. Chrysler prend le risque de piratage (par Chery, hors de la JV). Il y a 2 ans, les experts mondiaux croyaient impossible (inutile) une telle alliance : la voilà, et la Chine avance bien plus vite que prévu !

NB : un processus de même nature semble en route entre Schneider et Delixi de Wenzhou (Zhejiang) : le géant français du low-voltage reprend l’usine de 4000 employés (100.000m²), de son principal pirate et concurrent local. Les partenaires en attendent 220M$ de chiffre, cette année. Schneider accède ainsi un marché « low cost », et Delixi, à une renommée et garantie de saine gestion. Signe des temps, « si tu ne peux tuer ton pirate, épouse-le»!

 


Joint-venture : Danone : come back dans le yoghourt

Danone : come back dans le yoghourt

Il y a 15 ans, Danone comme beaucoup d’autres (Kraft, Parmalat), tentait en vain de faire découvrir aux Chinois le lait et ses dérivés : Pékin avait d’autres projets pour cette filière dont allaient dépendre des M de paysans. A grand renfort de subventions, il créait ex-nihilo des super géants surprotégés comme Yili. Réaliste et clairvoyant, tout en abandonnant provisoirement cette « vache sacrée », Danone en Chine s’était replié sur l’eau et le biscuit… Puis il revenait sur le lait, prenant 11% puis 20% de Bright (à Shanghai, n°4 national)…

A présent (18/12), retour case départ : Danone prend avec le n°1 national Mengniu (1MM² de ventes en 2006), 49% d’une JV laitière à 160M² ! Le groupe mongol met dans le chaudron trois de ses 20 laiteries (Pékin, Hohhot, Maanshan), Danone y ajoutant son savoir-faire, son marketing et du cash. L’ambition est de s’imposer à travers toute la Chine en yoghourts à haute technologie, (comme il l’a fait dans ses biscuits, à haute valeur nutritionnelle). Le marché est glorieux, avec 25Mt de produits laitiers consommés l’an passé, et plus de 30% de croissance constante.

NB:Si Mengniu prend ces risques, c’est qu’il est à présent n°1 national, vendant pour 1MM² en 2006 (+50% de croissance), et compte déjà un grand partenaire, le scandinave Arla (dans le lait en poudre). Danone par ailleurs, mène une politique des « petits pas », non confrontationnelle, qui rassure ses partenaires dont Wahaha, n°1 de l’eau, contrôlé à 30%, et Huyan, n°1 des jus.

Minerai — flotte sino-brésilienne

L’an dernier, le brésilien CVRD (Companhia Vale do Rio Doce) était chargé par le cartel du minerai de fer, d’imposer aux Chinois la hausse mondiale de 19% des prix, après celle de 71% en 2005. Peu rancunier ou plutôt réaliste, Shougang, le groupe de la capitale et n°5 du pays (13Mt /an) s’allie à son «bourreau » d’hier CVRD pour acheminer la précieuse roche jusqu’à son futur port de Caofeidian, à 225km de Pékin. Par contrat à long terme de 2004 à 2012, Shougang achète 15Mt/an à CVRD —gros client!

Avantage: en mer de Bohai, Caofeidian est le port en eau profonde du nord du pays, capable d’accueillir des minéraliers de 300.000t au lieu des 200.000t actuels. CVRD compte faire en construire au moins 10, épargnant jusqu’à 50% du transport. Il co-financera aussi à Caofeidian une usine de broyage du minerai, tandis que Shougang envisagerait d’investir chez CVRD au Brésil, dans l’extraction… 

Délocalisation, Londres perd son flegme

Icône du luxe britannique, synonyme de l’imper chic,  Burberry a faut un pas trop loin, en prétendant fermer son usine galloise de Treorchy en décembre pour transférer les 300 jobs en Chine.  D’ordinaire, la Grande-Bretagne délocalise sans sourciller. Mais cette fois, la coupe était pleine: le groupe n’avait aucun souci financier, ayant réalisé 84M£ de profits en 2006. Et avec Burberry, c’était l’Empire britannique qui habillait le monde —pas l’inverse !

Comme d’autres pays d’Europe, la Grande-Bretagne connaît un malaise de «outsourcing», qu’il fallait exprimer : Burberry en est l’occasion. Quoique le groupe, sentant le vent tourner, ait reporté à mars la fermeture, Peter Hain, secrétaire d’Etat au Pays de Galles, convoque pour février les PDG John Peace et Angela Ahrendts, devant la Chambre des Communes. Mais que peuvent espérer opinion et Etat, face à l’appel si violent de baisse des coûts?

NB : A une autre échelle, ce réflexe britannique rappelle la réaction de l’Ouest dans la ronde de Doha de l’OMC, face à l’exigence des pays émergents, d’ouvrir leurs marchés agricoles. Pour l’Occident, cesser de soutenir ses fermiers, c’est les tuer : UE et USA admettent aujourd’hui des limites à leur propre crédo de la loi du marché, et prétendent coûte que coûte maintenir en vie un métier, part inaliénable de leur patrimoine, de leur passé!

 

 


A la loupe : La bourse quitte l’enfer

Entre Shenzhen et Shanghai jusqu’à hier, la bourse passait pour un nid à délits d’initiés, un des plus surs moyens de se ruiner. La nouvelle  frappe d’autant plus : en 2006, rompant avec 4 ans de pertes, elle triomphe avec une capitalisation de 1.150MM$ (+186%), une collecte de fonds frais de 28MM$, et même une place de Hong Kong qui bat son record d’indice Hang Seng de 1,73% à 345,46 points. La bourse mondiale entière jubile, portée par la chinoise qui pour la 1ère fois, reflète fidèlement le dynamisme économique échevelé du Céleste Empire…

A ceci, 2 raisons : l’appréciation du RMB, et l’achèvement de la réforme de l’actionnariat, où les 70% de parts incessibles furent ramenés à 35% (donc 35% de parts nouvelles émises), avec accord de la tutelle CSRC (China Securities Regulatory Commission) et des actionnaires, dédommagés en parts nouvelles… Aujourd’hui 1301 firmes publiques ont sauté ce pas. Seules 40 sont à la traîne, dont Shenzhen Development Bank (plan refusé par la CSRC). En comptant les firmes privées, les compagnies en bourse chinoise sont 1421, « pesant » 49% du PIB!

Parmi les nouveaux produits boursiers chinois, issus de cette réforme : les « warrants », actions à terme. Très prisés, les 27 titres de ce type auraient été échangés jusqu’à 150 fois (contre 10 fois ailleurs), pour un volume d’affaires de 244MM$ – 20% du marché ! 

Idem, la bourse des marchés à terme rebondit, attisée par la demande en matières 1ères : 2400MM$ (+60%) en 2006. Elle vit entre Shanghai (cuivre, alu, caoutchouc, pétrole, or), Zhengzhou (blé, coton, sucre), Dalian (maïs, soja et son huile). Dès maintenant, le cours mondial du cuivre se fixe entre Londres et Shanghai. Un règlement est en cours de sortie, ainsi qu’une tutelle unique, pour orienter les 183 courtiers spécialisés.

NB : Seul couac : l’absence de fonds d’investissements sur ces valeurs. Outil longtemps espéré par le marché, afin de financer ces achats titanesques —mais le risque reste trop lourd, et l’expérience encore trop mince au yeux du régulateur !

 

 


Argent : Vin de l’Ouest, cherche buveurs à l’Est…

Vin de l’Ouest, cherche buveurs à l’Est…

Suntime est la cave vinicole de Manas (Xinjiang), conçue par l’armée pour valoriser le fruit des vignes des bingtuan, villages-garnisons que Mao avait établis dès 1950 pour ceinturer le turbulent territoire ouighour. D’une capacité de 100M de bouteilles, elle est la plus grande de Chine. La qualité est à l’avenant, avec son sol bien drainé et son ensoleillement à nul autre pareil. Mais gâté par la nature, Suntime l’est moins par le marché, qui se trouve à l’Est, trusté par « la bande des 4 » grands, Great Wall, Changyu, Dynasty voire Dragon Seal. Un chiffre résume la crise: sa récolte 2006 ne compte que 2,7M de bouteilles, le reste (90%) ayant été revendu en vrac à la concurrence…

Mais condamné à exporter, Suntime redresse la tête. En 2006, elle a vendu 240.000 bouteilles hors du pays (8% de son embouteillage), et vient d’exporter 1000 hectos pour embouteillage en Hollande. Ceux-ci seront destinés à être goûtés à bord des appareils de la KLM, lors de son mois de la Chine, en mai prochain – 1er cas dans l’histoire, de vente de vin en vrac, de Chine vers l’Europe !

Fêtes de fin d’année dans le secteur bancaire

Inévitablement, la valse des concentrations se poursuit dans le secteur bancaire qui vient d’être ouvert à l’étranger. L’intéressant est que les grandes banques publiques sont loin de «prendre tous les coups » : richissimes après leur entrée en bourse étrangère, les grandes banques d’Etat se font les dents hors du pays !

Comme l’ICBC qui empoche sa 1ère filiale extérieure : la banque Halim, d’Indonésie (31/12), aux actifs de 50M$, dont elle reprend 90%. La CCB (China Construction Bank) elle, pratique le « prêté pour un rendu», en finalisant (28/12) sa reprise des 17 agences de la Bank of America (BofA) entre Hong Kong et Macao. Quelques mois plus tôt, BofA avait été autorisée à reprendre 9% des parts de la CCB, avant son introduction en bourse. Le prix de la transaction est fort—1,25MM$ – mais il en vaut la peine, permettant à CCB de passer 9ème argentier du « Rocher ». 

Pendant ce temps, les mariages sino-étrangers sur sol chinois vont bon train : témoin Carlyle (US) qui s’allie avec Dah Sing Bank (HK) pour prendre ensemble 25% de la Chongqing Commercial Bank (le 21/12).  Enfin, indépendamment de ces rapprochements, la banque sino-chinoise poursuit sa réforme : au 1/01, apparaît «La Poste», aux 36.000 agences, 192MM$ de dépôts -10% de l’épargne nationale, 5ème banque du pays. Il s’agit de la tirelire du monde rural, où se trouvent 60% de ses agences. Moyennant la multiplication des services-guichet, l’hypothèque et le micro-crédit, La Poste porte l’espoir de l’Etat de renflouer la finance paysanne !

 

 

 


Pol : Extradition : Paris saute le pas

Chine-Afrique: séduction et réticences  

Distribution des cadeaux par Li Zhaoxing, le ministre des Affaires étrangères, entre Bénin (chèque de 36M$), Guinée Equatoriale (annulation de 75M$ de dettes), République Centre-africaine (11M$), Tchad (26M$),  Guinée-Bissau (4M$, un Parlement tout neuf, promesse d’un barrage)…

Les relations avec l’Afrique ont fusé l’an passé, surtout au Sommet Sino-Africain de novembre (cf VdlC 35/XI), tandis que les échanges (ressources naturelles contre produits bas de gamme) frisaient les 50MM$ – ils devraient doubler d’ici 2010! Faisant chorus avec les banques internationales, les pays occidentaux déplorent l’absence de conditions aux prêts fournis à des régimes souvent corrompus ou dictatoriaux. La Chine réplique que le 1er droit de l’homme, est de manger. Mais voilà que des Africains embouchent à leur tour la trompette critique de l’Ouest. Thabo Mbeki, Président d’Afrique du Sud réclame des « rapports égaux », et prévient contre le risque de « dupliquer une relation de type colonial avec la Chine —si les matières 1ères filaient sans apporter de développement, tandis que les produits chinois tuent l’artisanat local… A l’évidence, entre Chine et Afrique, un état de grâce s’achève : le temps des comptes approche!

Corruption

Entamée l’été 2006, la campagne anti-corruption poursuit sa route. Le 30/12, Du Yisheng, n°2 du Shandong est démis de ses fonctions. Le 31, procès de Wang Youjie, n°2 du Parlement du Henan. Le 2/01, enquête contre Zheng Xiaoyu, l’ex-patron de la State Food and Drug Administration (SFDA) accusé d’avoir licencié contre bakchich des aliments toxiques…  Le pouvoir durcit sa pression. Dans 80% des cas désormais, le procès se tient loin du fief de l’accusé, pour éviter le risque que ses amis n’enterrent l’affaire : Wang Youjie est jugé au Hubei, à des centaines de km. Idem, le contre-amiral Wang Shouye est condamné à mort en avril -commué à la perpétuité en décembre. Hélas, ces efforts de crédibilité sont anéantis par le refus de transparence: toutes ces actions restent secrètes ! On ne touche pas à l’image du Parti, ni à la solidarité de ses membres face à la loi et à la société.

Enfin, comme nous l’annoncions dès oct. suite au scandale du Fonds de pension de Shanghai, 9 fonds provinciaux (Heilongjiang, Jilin, Shanxi, Shandong, Henan, Hubei, Hunan, Xinjiang et Tianjin) ont dû remettre leur caisse au Fonds National, action maquillée, pour la face, en «contrat d’assistance en gestion». En plus de ses 25MM$ propres, le Fonds national va gérer 1,3 MM$/an pour leur compte, à 3,5% d’intérêt garanti. Tout profit supplémentaire ira en «provision pour éponger d’autres pertes futures» : une manière comme une autre, d’éradiquer la corruption! 

Extradition : Paris saute le pas

Après l’Espagne en avril,  la France devient le 2d pays d’Europe à convenir avec la Chine d’un accord d’extradition mutuelle

Bizarrement, le moins pressé des deux était la Chine. Désormais, sous certaines conditions, les personnes recherchées par un pays, ne trouveront plus refuge dans l’autre. Inconvénient : Amnesty International et d’autres organisations des droits de l’homme s’inquiètent légitimement car la Chine n’est pas encore un pays démocratique. Mais les «délits » politiques présumés sont exclus du champ.

D’autre part, la coopération juridique sino-française va de l’avant et quitte le domaine de la protection des intérêts économiques, dans lequel elle se cantonnait frileusement jusqu’alors !

 

 


Temps fort : Nucléaire, banque : cadeaux sous le sapin — pour les Américains !

Dès 2004, la Chine commandait, pour Sanmen (Zhejiang) et Yangjiang (Guangdong), quatre réacteurs nucléaires de 3ème génération. Etaient sur les rangs Areva (France), et Westinghouse (USA) racheté par Toshiba. Dès lors, entre ces pays, négociations et visites s’intensifiaient. C’est que l’enjeu était décisif. Pékin voulait la technologie « dernier cri », pour équiper son territoire (pour commencer), puis imposer sa propre filière dans le monde en concurrence avec ses maîtres. D’ici 2020 avec 30 réacteurs, le marché porte sur 50MM$.

Après 2 ans, le 16/12, Pékin trancha, en choisissant l’AP1000 américain (1100 MW), au détriment de l’EPR (1600 MW) français. 8MM$ de contrat, pour un lancement des centrales prévu en 2013. Les deux jours précédents, pour renforcer la portée politique du deal, s’était tenu à Pékin un « dialogue stratégique économique », suivi d’un accord de transfert technologique nucléaire. Mais comme pour adoucir la déconvenue, un cadre chinois allait à Paris pour rassurer sur des (« deux »?) commandes futures d’EPR, tandis que la coopération se poursuit avec Areva et EDF, sur des centrales conventionnelles, calquées sur les 4 installées à Daya Bay et Ling Ao —technologie largement transférée, et maîtrisée par la Chine, où les groupes français n’ont plus grand gain…

Ce choix de Pékin n’allait pas de soi : Areva est depuis 20 ans le 1er partenaire en Chine, et Westinghouse n’a plus construit directement depuis 25 ans. Mais justement, en nucléaire, la Chine refuse de dépendre d’une seule filière étrangère. Et puis, il y avait ces 220MM$ de déficit bilatéral. Alors que les US font toujours planer la menace de taxes sur l’export chinois…

C’est sans doute cet épouvantail qui a convaincu Pékin de préférer en nov. Citigroup à Société Générale, comme repreneur n°1 de la Guangdong Development Bank en quasi-faillite (cf VdlC 37/XI). Citi avait pour lui son réseau plus fort. Mais avec Société Générale comme gestionnaire, la Guangdong Development Bank serait plus restée « maîtresse chez elle ». En tout cas, ces deux «contrats de l’année» adjugés à Washington, feront réfléchir l’Europe, sur le risque d’un axe privilégié des puissances d’aujourd’hui et demain. C’est en tout cas ce que risque de faire le prochain pensionnaire à l’Elysée, quel qu’il soit, réévaluant les options de l’actuel Président français Jacques Chirac !  

 

 


Petit Peuple : La farce de la mère emporteuse

La farce qui suit ne se conçoit qu’en Chine, où le succès du couple s’é-value surtout à sa capa-cité de produire un héritier. Face à ce diktat confucéen, l’intelligence et l’éducation n’ont pas de prise – tant la réussite, ici, dépend avant tout de l’opinion des autres ! A Xi’an, Zhang et Liu Ye en donnent un bon exemple. Mariés depuis 13 ans, ces universitaires avaient osé 下海 xia hai (« descendre à la mer », passer au privé), quittant leurs emplois publics aux gras privilèges, pour monter leur usine textile de 300 salariés.

Après des années incer-taines, la fortune les avait rejoints. L’admiration que leur portait la ville n’était ternie que par la lenteur de Liu à enfanter – elle n’avait conçu qu’en 2002, à 30 ans, et encore, une fille ! Pire, comme un malheur n’arrive jamais seul, un cancer peu après la naissance, l’avait privée de toute 2de chance. C’est alors que sous la pression des siens, et la crainte de se voir abandonnée pour une jeune, sous prétexte de fécondité, Liu Ye ourdit ce plan bizarre, qui s’avéra calamiteux: elle convainquit Zhang tout d’abord très réticent, de recourir aux services d’une génitrice vénale.

Trois RV procréatifs furent pris par Liu Ye qui  morte de jalousie, se morfondait à la porte de l’hôtel. La crise éclata neuf mois après: contre les 10.000² du contrat, la mère porteuse céda le bébé mâle, mais emporta l’époux. Impossible pour Liu Ye de risquer un scandale – elle aurait tout perdu! Quant à Zhang, après avoir goûté aux délices de Capoue, il  n’en voulait plus démordre !

Depuis, déplorant un peu tard son incommensurable naïveté, l’épouse bernée se résigne au ménage à trois. Tout en sachant qu’elle ne doit s’en prendre qu’à elle-même, d’avoir scié la branche sur laquelle elle restait : « le vers à soie a lui-même tissé sa tombe» ( 作茧自缚,zuo jian zi fu) !