Le Vent de la Chine Numéro 34
Les 12- 23/10 à Nankin, les 10. Jeux Nationaux déployèrent leurs fastes, «mini-JO» à 34 mois d’avance et1MM² d’ infrastructures—stade de 70.000 places, centre de presse, voie express. 9986 athlètes étaient là, en 46 équipes.
Célébré par J. Rogge, Président du CIO – le Comité international olympique, le résultat sembla à la hauteur, à première vue : 350 épreuves, 32 sports, 6 records du monde battus…
Mais vite émergea une autre image, celle du scandale et de la «farce» (dixit China Daily).
26 cas de dopage furent dénoncés, dont celui de Sun Yingjie, argent au 10.000m femme. On vit des victoires truquées et des athlètes spoliés rendre leur médaille ; un combat de judo fut bizarrement «gagné» en 1 seconde. Même l’afflux des «fans» dans les gradins était «bidon», ballet géant réglé pour la TV…
Ces manipulations exposent l’écart entre la pratique internationale du sport,et son travestissement local par des apparatchiks mous et corrompus. Le sport en Chine est aux mains des provinces, et son but (loin de l’accomplissement de soi ou de l’esprit d’équipe) est l’image de la puissance locale, qui se mesure en médailles.
De ces Jeux de Nankin, le Jiangsu sort logique vainqueur avec 56 ors, qu’il a payé 33M² (coût de la préparation de son équipe en 2005). Le n°2 : Canton, avec 46 ors, payés 28M². Le n°3 est l’APL (44 ors). Ceci, sans compter les primes versées aux vainqueurs : budget de 2M² au Jiangsu, 1M² à Canton.
Mais quand le public découvre cette cuisine pré-olympique, son sentiment est plus proche de l’ire, que de la gloire!
Cette crise couvait de longue date –signe de sclérose d’un concept du sport depuis trop longtemps inféodé à la politique. Sur ces Jeux, le sociologue Zeng Yefu s’exclame : «produit de l’économie planifiée, les JN auraient dû mourir avec elle!» Pour les J0 de 2008, Liu Chaoli, Secrétaire général de l’AAC prédit, « 2 ors, 4 ou 5 médailles, pas plus!»
A Helsinki, aux championnats du monde d’athlétisme, la Chine n’a eu qu’un seul argent, qui la classe 26e, comme la Tanzanie! L’échec sanctionne aussi la désaffection des jeunes, qui refusent l’esclavage du lycée sportif, visent l’université et une carrière, que le sport officiel ne peut leur offrir.
Face au tollé des Jeux de Nankin, l’autorité n’a qu’une réponse : envoyer, en 2006, le double d’athlètes en compétitions hors du pays. Mais face à la crise de confiance, et aux tares révélées, on est loin du compte !
En hiver 2001, la guerre US en Afghanistan et l’entrée de troupes américaines en Asie Centrale sembla tuer à la naissance la SCO, club de coopération et de sécurité juste créé par Pékin et Moscou, Kazakhs, Tajiks, Ouzbeks et Kirgizs.
Cependant le 26/10, les actions du club remontèrent lorsque les six membres à Moscou signèrent des accords nouveaux, qui le relancent.
L’un institue son Conseil des Entreprises, pour stimuler les échanges de capitaux privés.
L’autre crée un Groupe de travail pour renforcer la coopération spatiale et aéronautique.
Des projets-pilotes démarrent, de routes, oléoducs, voies ferrées, ou de production d’énergie, d’agriculture (fermes modèles chinoises en Sibérie)… Et surtout, un discret accord militaire promet assistance mutuelle, pour la (sic) « liquidation de situation d’urgence »! Cette série d’accords exprime avant tout la démonstration de la volonté de Moscou et Pékin de renforcer la confiance mutuelle, volonté déjà exprimée en août lors des exercices conjoints au Shandong.
Cet été aussi, l’Ouzbékistan a prié les US d’évacuer pour novembre leur base sur son sol.
Trois mois avant, le Président Kirghiz Oscar Akaiev était renversé par un coup d’origine douteuse. Alors, Washington n’avait pas fait la preuve de sa capacité à protéger ce régime fragile, face au danger de l’intégrisme. Aussi, avec pragmatisme déçu, les 4 républiques tirent les conséquences et mettent un terme à leur idylle yankee.
L’encadrement russo-chinois est leur garantie d’avenir, de non-agression et même d’une cour assidue de la part des deux géants. De plus, leur pétrole arrive à point nommé. Ainsi, le salaire moyen Kazakh est de 500$/mois contre 50 au Xinjiang, suscitant un fort mouvement d’immigration chinoise.
Dans ce cadre soudainement favorable, cette Asie Centrale se découvre de bonnes chances de devenir l’immense Suisse du continent eurasien!
— Le rachat (25/10) par Carlyle (US) de Xugong, n°1 chinois des engins de chantier ouvre plusieurs pages blanches dans l’histoire industrielle chinoise.
Avec 371M$ déboursés, c’est le plus gros rachat étranger, et le record d’investissement privé. C’est le 1er rachat de grande entreprise d’Etat (GEE), jusqu’à hier hors de portée de l’étranger. C’est enfin la 1ère LBO, reprise industrielle sur crédit hypothécaire.
Autant dire qu’il s’agit d’une vente “politique”, expérience de laboratoire pour sauver une GEE d’une fin autrement inévitable. Comme tout contrat précurseur, il a été longuement négocié (2 ans) avec la ville de Xuzhou (conseillée par JP.Morgan, et qui prépare 76 ventes identiques), et la tutelle nationale, qui doit encore approuver.
Carlyle reprend 85% du groupe. Avec 800M$ de chiffre en 2004, Xugong fait encore illusion, mais sa gestion socialiste la handicape, face à des leaders tels Komatsu et Caterpillar – un des 6 candidats à la reprise. La Chine s’est gardée de livrer Xugong à sa concurrence, afin de préserver l’identité de ce groupe chinois. Avec ses 60 gestionnaires en Asie et ses 4 fonds d’invest dotés d’1,9MM$, Carlyle doit à présent tenter de lui insuffler expérience internationale, innovation technologique, et de nouveaux investissements.
— Dans la course au rachat des banques, on n’attendait pas forcément les groupes industriels.
Or, General Electric vient d’acquérir (24/10) 7% des parts de la Shenzhen Development Bank (SDB) moyennant 100M$ (sous réserve du feu vert de la tutelle et de l’AG des actionnaires).
General Electric devient alors le second plus gros actionnaire de cette maison financière qui même avant ce deal,était déjà la moins chinoise de toutes- déjà sous contrôle du groupe US Newbridge avec 17% des parts. Ainsi, un lobby aura sur la SDB un levier de 24%. Pour GE, l’espoir est de racheter plus vite des firmes de sa partie, normalement inaccessibles aux extérieurs.
La même démarche se lit chez quatre autres groupes US et nippons : les 26-27/10, Sierra Ventures, DoCoMo, McGraw-Hill et IBM investissent chez Gobi, Cie financière chinoise, dans un fonds de 50M$, destiné à lancer des jeunes firmes high tech. De la technologie étrangère à la technologie chinoise, via la finance, ces frimes contournent les grandes murailles réglementaires.
Le Plenum du Comité Central de ce mois avait laissé l’analyste sur sa faim, quant aux ambitions vertes affichées par l’équipe au pouvoir. Mais dans le futur 11. Plan (2006-2010), en phase finale de définition, trois forts projets apparaissent, et rassurent : cette nouvelle priorité à la vie sociale et industrielle, reste d’actualité !
Œ Une loi de sécurité énergétique se prépare pour 2007. Une de plus, après celles du charbon, de l’électricité et autres…
Mais celle-ci est différente, car elle réunit pour la 1ère fois sous un seul cadre légal toutes les énergies et fixe les priorités, telle la réserve stratégique de pétrole. Idem, le 11.Plan veut une baisse de 50% du chauffage, et une baisse absolue de la conso d’énergie, qu’initieront 10 projets d’Etat dans l’acier, l’immobilier ou le charbon.
La part d’énergie renouvelable doit passer de 7 à 12% d’ici 2020. Tout ceci suppose des 10aines de MM² d’invests commerciaux—telle cette entrée de la TCEP dans la centrale d’épuration des eaux de Hangzhou-Qige, 70% de part pour 25 ans, pour 85M².
La SEPA (l’agence nationale de protection de l’environnement) dénonce la Chine, 2ème producteur de gaz à effet de serre, 1er de dioxyde de soufre (26Mt en 2004), responsable de la destruction de 30% de ses forêts et de celles d’Asie, jusqu’au Japon -les vents n’ont pas de frontière.
Sous 15 ans, dit-elle, le miasme aura quintuplé, pour un bilan sanitaire gravissime : dès aujourd’hui, 0,4M de morts/an sont imputables à la pollution éolienne! Aussi désormais, la SEPA tiendra une liste noire des villes hors-normes, et y découragera les candidats investisseurs.
Ž La SEPA veut émettre durant ce Plan un cadre de calcul du PIB-vert, qui prétend affiner le calcul de la croissance, en en défalquant les dégâts de la pollution. Aucun pays n’a encore réalisé tel modèle.
Dès maintenant, 10 provinces pratiquent des évaluations. Selon Niu Wenyuan (la CASS, l’académie des sciences sociales), les +9,6% de PIB des années ’80-2000 devraient être révisées à 6,8%. Est-ce un hasard, si l’objectif du 11.Plan, compte tenu des réorientations citées plus haut, est un PIB de +7,5%/an, 2 points de moins que les pronostics ? Décidément, la Chine semble consciente du défi décrit par M. Camdessus, ex-directeur du FMI (le fonds monétaire international), d’un passage « de la consommation effrénée, à l’avènement de l’abondance frugale »!
— Fruit logique d’un internet en plein essor (100M d’abonnés) et de l’amour chinois pour le jeu, la vente aux enchères en ligne marche fort.
S’ensuit la polémique, entre concurrents aux concepts – et aux fonds de caisse- différents. Alibaba (et sa salle des ventes virtuelle Taobao, soutenue par le japonais Softbank) affronte eBay (son site d’enchères EachNet). Alibaba vient de promettre son service gratuit pour au moins 3 ans, eBay lui re-proche de casser le marché, au prix de la qualité. Alibaba crie victoire, avec 11M de produits listés et 65% du marché dans son escarcelle au 3.tri-mestre (230M² de chiffre, payés par 25M d’internautes). Alibaba annonce 100M² d’investissement sous 3 ans pour renforcer son réseau et sa crédibilité.
NB: l’offensive d’Alibaba arrive au pire moment pour eBay, gêné par une annonce sur son site, offrant des“bébés de 100 jours, origine Henan. Mâle: 2800², femelle: 1300²”. La police enquête, l’image d’eBay en pâtit! D’autre part, la gratuité d’Alibaba exprime sa richesse, liée à son rachat à 40% par Yahoo pour 1MM$, lui permettant d’éreinter l’adversaire. Ainsi la réalité d’Alibaba re-joint la fiction -celle de la caverne des 40 voleurs!
— Cardinal et Secrétaire d’Etat du Vatican, Angelo Sodano pose le 26/10 les conditions du Saint Siège pour le rétablissement des relations rompues par Mao en ’49: le respect chinois de la liberté de culte.
C’est la 1ère initiative directe de Benoît XVI en ce sens. C’est aussi (plus important) la 1ère fois que l’Eglise fixe ses propres termes, face à ceux édictés par Pékin.
Moyennant cette garantie d’autonomie spirituelle, Rome promet la fermeture de sa nonciature à Taiwan. La réponse de Pékin fut évasive : «la sincérité du Pape se vérifiera dans les faits». C’est qu’en rétablissant erga omnes la liberté à toutes les confessions de s’organiser, tel concordat coûterait au régime, lui imposant jusqu’à 200 à 300M de protestants, catholiques, musulmans et bouddhistes aux structures fortes : pour un pas si grand, Pékin ne voit pas d’urgence.
NB : la froideur de Pékin s’explique aussi par l’invitation (8/9) de 4 évêques chinois au 1er synode de Benoît XVI : y voyant une tentative de lui forcer la main, Pékin avait refusé le visa.
— Hu Jintao, Président et 1er Secrétaire, va à Pyongyang (Corée du nord 28-30/10) transformer l’essai, après l’entente dégagée par ses négociateurs (19/10) au Sommet multipartite (réunissant Japon, Russie, Chine, les 2 Corées et les US), qui offrait l’abandon du programme nucléaire guerrier du Pays du matin calme, contre un programme d’aide internationale.
Avec Kim Jong-Il, Hu prépare la prochaine ronde, attendue 2ème semaine de novembre, afin d’éviter tout retour de flamme. La rumeur prête au Cher leader d’autres concessions telle l’invitation de Mohammed ElBaradei, Président de l’AIEA et prix Nobel de la paix. Le fait que ces 2 leaders acceptent de se voir, semble indiquer la présence d’une entente—faute de quoi aucun ne voudrait prendre le risque de sortir les mains vides !
NB : la diplomatie chinoise envers la Corée, n’est pas différente de celle envers la Syrie. Avec Moscou, Pékin (avec Moscou) refuse les sanctions réclamées par Washington envers Damas, suite à l’assassinat de l’ex- 1er Libanais Rafiq Hariri. Cette fois, pour un temps, la Chine peut se prévaloir de son succès … en Corée du nord!
— Suivant la stratégie de réduction des inégalités adoptée par le 5ème Plenum (8-11/10), le Parlement vient de doubler (27/10) le salaire minimum imposable de 800¥ à 1600¥ .
Par ce biais, dès janvier, des 10aines de M de salariés échapperont “légalement” à l’impôt. Le nouveau plafond voté par le bureau de l’ANP est de 100¥, voire 300¥ supérieur aux propositions du ministère des finances : exprimant un frisson d’autonomie du pouvoir législatif! La mesure peut aussi relancer la consommation, un des lourds soucis du régime. L’Etat peaufine aussi une réforme au système du hukou (27/10), permis de résidence provisoire des travailleurs migrants : les plus vieux transmigrés, et les plus méritants, pourraient bientôt voir leur droit de cité reconnu—sans devoir pour autant acheter un logement de luxe !
— Après 10 ans d’escapade taiwanaise, le Sénégal change de Chine. Pékin a promis de poursuivre l’aide au développement de Taiwan, et pourrait soutenir sa candidature pour un siège africain permanent francophone au Conseil de Sécurité !
Portée par des millions d’ailes en santé précaire, la grippe aviaire avance, sonnant en Chine un branle-bas de combat. Le pays se sait vulnérable, étant sur trois routes migratoires.
Après l’éruption en Mongolie Intérieure, 2 foyers du virus H5N1 ont éclaté à Liangying (Anhui, 20/10, 550 volailles mortes), et Wantang (Hunan, 22/10, 2100 oiseaux). Pékin semble déterminé à imposer la transparence : ordre est donné de lui reporter tout cas sous 3h. Depuis janvier, 7 ont eu été reportés à Paris à l’OISA, l’institut vétérinaire mondial. Les derniers cas ont été traités selon la norme- abattage complet dans un cercle de 3km (2500 têtes au Hunan, 45000 dans l’Anhui), vaccination dans les 5km suivants.
Partout, les mesures préventives se multiplient : vaccination, vulgarisation, stations d’observation des migrations, stockage de Tamiflu, remède préventif espéré. A Moscou, le 1er ministre Wen Jiabao se veut confiant: «la Chine a les moyens de juguler la grippe»!
A Wantang, la tension monte, avec un décès humain soupçonné de H5N1, une fillette de 12 ans. Le Ministre de la santé dément (« pneumonie!»), tout comme l’info semaine passée, selon laquelle en cas de transmission d’homme à homme, il fermerait les frontières (mesure trop inquiétante, et peut-être inapplicable).
Détenteur du Tamiflu, le labo Roche « chevauche le tigre ». Il ne pourra pas fournir la demande mondiale, mais refuse de céder sa licence protégée jusqu’en 2013. Comme alternative, il prétend décupler son débit d’ici mi-2007, et accepterait (par réalisme) de permettre la production à quelques firmes chinoises.
NB1 : la badiane étoilée, principe du Tamiflu, ne se trouve guère qu’en Chine—c’est un atout pour elle !
NB2 : Inde et Taiwan n’ont pas attendu pour violer le brevet. Sauf gestion fine de la crise, Roche va à l’ encontre d’un problème d’image. Le principe de l’inviolabilité des brevets pharmaceutiques est en cause!
— Hu Xilin, de Ningbo, a voué son existence à une passion rare : il extermine les mouches.
En 10 ans d’efforts, il a inventé le système ultime, inspiré des portillons d’hôtel, dont le diptère enivré de sucs malins ne ressort plus. Son tourniquet compte même les victimes: dans une laiterie un jour, Hu en a pris 870.000 -son record, pesé à 4,3kg… Ce qui frappe le plus chez Hu, est sa motivation: une implacable haine envers ces bestioles, qui ne méritaient pas tant.
Voici la clé du mystère: en 1992, re-présentant en climatiseurs, à table avec un client, Hu allait empocher son contrat du siècle, quand l’homme découvrit horrifié, dans son assiette, une obscène lucilie (mouche verte) : il explosa et partit—adieu, les 20.000² ! Dès lors, Hu 切齿复信 qie chi fu xin, «grinça des dents, le coeur aigri». Il quitta son job, meurtrit toutes mouches en ses pénates, puis chez les voisins. Il testa les outils du marché -papier collant, lampes, poison, caméléon. Pour mieux comprendre l’adversaire, il l’éleva en cage, stocka chez lui charognes et déjections…
Il alla jusqu’à établir un Prix: 24² à quiconque lui apporterait 1kg de mouches. Il réclame le soutien de l’OMS et celle du livre des records Guiness. Son seul regret : susciter la froide raillerie des hôtels, services d’hygiène et Cies alimentaires, tous rebutés par son apparence douteuse et son odeur douçâtre.
Heureusement en juillet, Hu reçut un début de réhabilitation : 3 marchands de bains turcs vinrent le voir d’Ankara. Eperdu de joie, il leur offrit son savoir-faire, et pour chacun un piège : rassuré sur la légitimité de sa cause, et ayant enfin compris que nul n’est prophète en son pays!
— 31 oct – 2 nov, Haikou : Forum sur les investissements directs étrangers (IDE)
— 2-3 novembre, Pékin : Conférence Euromoney sur les marchés financiers