Le Vent de la Chine Numéro 34

du 25 octobre au 2 novembre 2003

Editorial : APEC, Bangkok, l’aigle Hu s’envole

Le 11. Sommet de l’APEC (Bangkok, 19-22/10) fut l’occasion pour Hu Jintao de briller. Auréolé du succès de la mission spatiale Shenzhou V (Vdlc n°33), maniant un style  serein sans verser dans l’arrogance, le Président chinois sut capter l’attention –aux dépends de l’hôte, le 1er Ministre Thaksim. Parmi ses huit rencontres bilatérales, Hu rencontra:

1. le Président coréen Roh Mun Yiun,

2. le 1er Ministre canadien J. Chrétien (dont il détruisit l’espoir de commande de 2 autres centrales nucléaires Candu),

3. le nippon Koizumi, qu’il rudoya en exigeant le nettoyage en toute la Chine, des armes chimiques oubliées en 1945, puis impressionna en annonçant qu’il empêcherait Pyongyang d’ostraciser son pays des négociations Nord-coréennes.

Un des temps forts du sommet fut le “combat des chefsHu-Bush, sur la réévaluation du ¥. Hu maintint son refus d’obtempérer sur le court terme. Mais ce 不 bu (“Non”) fut plus ambigu que jamais, puisqu’il accepta d’élargir le flottement de 8,3 à 8,7¥ /$si la zone était d’accord” (normal, toute l’Asie jouant au même jeu d’accrocher son wagon monétaire à la loco US$), et la création d’un groupe d’experts pour y réfléchir. Hu et Bush parlèrent aussi des compensations voulues par Washington sur le marché chinois pour l’industrie US ; de Taiwan, dont la Chine poursuit la stratégie d’isolation. Ou encore de cette résolution  que G.W. Bush parvint à faire signer aux 21 pays, s’engageant à démanteler les groupes intégristes transfrontaliers. 

Un autre débat fort fut celui sur la Corée du Nord, entre Russie, Chine, US, Corée du Sud et Japon. Poussé par son urgence préélectorale, Bush concédait, cessait d’exiger le désarmement total immédiat du programme nucléaire de Pyongyang, tout en lui offrant, des “assurances” de non-agression à formuler d’ici décembre : même si cette offre ne vaut pas le pacte réclamé par Pyongyang (qui, fidèle à lui-même, mit à feu un missile durant la conférence) – elle sort au moins de l’impasse le dialogue avec ce petit état isolé et “desperado”.

Enfin, si Bush voulait parler “terrorisme”, Hu lui, plaida pour la zone de libre échange (ZEL) convenue entre les signataires d’ici 2010, voire 2020 pour les PVD, et invita les leaders à Shanghai en février, pour un sommet spécialisé scientifique et technique. Le Japon pris dans sa crise, les US trop autocentrés, la Chine de Hu se voit volontiers devenir le moteur de l’intégration asiatique. L’enjeu est tout sauf rhétorique : l’APEC, aux échanges de 8000MM$, réalise plus de 50% du commerce mondial.

NB : Bangkok poursuivit aussi la valse des accords commerciaux bilatéraux, en pleins négociations, notamment entre US et pays d’Asie. Alors, ZEL de l’APEC, ZEL bilatérales US-Asie : est-ce la fin de l’OMC?■ 

 

 


A la loupe : Maglev allemand – le hennissant retour!

Au printemps, Thyssen Krupp, vendeur du Maglev (train électromagnétique) à Pudong (Shanghai) annonçait l’échec de sa candidature sous le nom de Transrapid, pour prolonger jusqu’à Pékin. Aujourd’hui cependant, l’espoir est de retour !

Ce qui s’est passé: un conflit entre le ministre de la Technologie (fan de Maglev) et celui des Chemins de fer (supporter du TGV-ICE franco-allemand) – au détriment du Shinkanzen nippon, pour l’instant mal vu, pour cause d’inimitié historique.

La remontée de Transrapid (Maglev) vient de la mutation en cours – du recul de l’interventionnisme politique dans les débats techniques. Les «cheminots» constatent que Maglev ne concurrence pas le train, mais l’avion, que la Chine ne produit pas. Joue aussi la lame de fond de restructuration : la construction ferroviaire est recentrée en 3 groupes à Changchun, Sifang (à Qingdao) et Zhuzhou (Hunan), en cours de privatisation. «L’avenir, déclare un officiel, dépendra de qui, des rivaux, deviendra propriétaire de la licence Maglev ».

Enfin, malgré le prix prohibitif de cette technologie (1,5MM$) et les années de travaux avant d’obtenir l’outil, les partenaires (Thyssen Krupp, et SMT, Société mixte possédée par 6 groupes locaux dont Baosteel, Shentong et Saic) ont repris espoir, et négocient une prolongation vers Hangzhou (200km au sud), 300 vers Nankin (direction Pékin, qu’il relierait à Shanghai en moins de 3h). A Pudong, le Maglev sera certifié au 1er jan 2004, et attire les week end (jours d’ouverture à l’essai) le public, curieux de découvrir ce véhicule atteignant 430km en 3 minutes, et couvrant ses 40km en 7 minutes, dans un silence et confort parfaits!

 


Joint-venture : Eurocopter s’envole avec AviChina

— Pourtant aguerri par une offre surabondante en grandes surfaces, le Pékinois fut surpris par l’ouverture du 1er B&Q, chaîne anglaise de bricolage /décoration. En effet, B&Q propose aux nouveaux bourgeois, par ses 3000 ouvriers, de poser leur papier peint, parquet ou fausse cheminée, court-circuitant ainsi la filière traditionnelle.

Surtout, B&Q frappe par sa pub, en tirant en gros plan le portrait de M. I. Strickland, le manager promettant à chacun satisfaction. Cette image surprend dans un pays à peine sorti du culte de la personnalité, où les portraits de rue étaient jusqu’alors sacrés. Résultat : le 1er week-end (18-19/10), le B&Q de Pékin engrangea 841.500$ de recettes.

NB : pas –encore– de quoi crier victoire : avec ses 13 magasins déjà ouverts en Chine, B&Q n’a réalisé que 83,6M$ de chiffre de fev à juil., et a essuyé 4,4M$ de pertes. Ce qui n’empêche le groupe de poursuivre son ambitieuse expan-sion—70 ouvertures prévues d’ici 2008. 

— Dévoreuse d’1/4 de l’acier mondial, la Chine importe 20% de ses besoins, de 221Mt en 2002. S’ensuit une flambée des prix, surtout en aciers spéciaux : le cours de la tôle laminée à chaud a monté en 20 mois de 78%,à 325$/t. Pas étonnant donc de voir, après Nippon Steel et JTE (VdlC n°31), le retour du coréen Posco avec un invest lourd- 700M$. Avec Zhangjiagang son partenaire, l’aciérie en JV du Jiangsu lance une unité d’acier inoxydable de 600.000t/an. Dès 2006, la nouvelle chaîne propriété à 82% de Posco lui fera plus que doubler sa capacité en inox, estimée à 540.000t d’ici 2005. Posco contrôle déjà  15 JV en Chine, où il a investi 803M$ à ce jour.

— En Chine, ces jours-ci, Eurocopter voit la vie de haut : filiale d’EADS (maison-mère d’Airbus), il prend 5% d’AviChina, filiale d’AVIC2 (un des 2 consortiums d’aéronautique), créée en mai 2003 avec 373M$ d’actifs. Le deal vise à renforcer la coproduction d’hélicoptères (tel le EC-120, copropriété AviChina, EADS et Singapore Aerospace). Eurocopter en attend un marché local de 500M€ en 10 ans. La participation d’Eurocopter dans AviChina arrive en même temps (30/10) que la cotation de ce dernier en bourse de HK, pour 35% de son capital élargi (242M$ recherchés). Dans un style bien local, AviChina est aussi présent -pour l’instant surtout– dans l’automobile (moins d’1,6l.) : 25% seulement de ses 54M$ de profits attendus en 2003, viendront de ses activités aéronautiques. L’entrée d’Eurocopter devrait changer les choses.

 

— La flambée industrielle chinoise s’exprime le plus vivement dans l’automobile : cette année, la Chine ravira son 4ème rang à la France, avec 4,3M véhicules (toutes catégories confondues) selon la CAAM, qui dénombre 600 JV étrangères sur place, et 20MM$ d’IED. Le spectre de la surproduction n’empêche pas Ford de se lancer –bon dernier en date- en grand dans l’aventure. Jusqu’alors acteur marginal (20.000 voitures/an, produites à Chongqing depuis 2001 dans sa JV de 98M$ avec Chang’An), le n°2 mondial  veut passer à 150.000 /an. Le ticket d’entrée au club des grands est en conséquence: 1,5MM$, que Ford met sur la table, pour ériger une nouvelle usine (emboutissage et montage), et une autre de moteurs. Une originalité, et une énigme apparaissent au cahier des charges : en plus des modèles Ford, la JV se préparerait à produire ceux de ses prestigieuses filiales sport ou luxe, Lincoln, Mercury, Aston Martin, Jaguar, Volvo, Mazda et Land Rover !   

 

 


A la loupe : Coup de théâtre dans le monde de l’énergie

Hu Jintao s’avère, à l’usage, amateur de l’effet de surprise. Après Bangkok et l’APEC, il effectuait sa 1ère visite officielle en Australie (22-24/10). Non content de s’y adresser au Parlement (du jamais vu dans l’histoire des 2 pays!), de jeter avec son hôte le 1er Min. John Howard les bases d’un accord de libre échange, et de lancer le compte à rebours d’un fonds binational de technologie gazière, il fait signer, durant sa mission, un immense contrat de livraison de GNL par lequel la Chine s’assure la livraison de 100Mt du précieux gaz, moyennant  plus ou moins 21MM$.

Le gaz proviendra du champ de Gorgon, exploité par le consortium Texaco, auquel participent  Shell et Exxon. Ses réserves probables atteignent 40 MM pieds3  et 25% des réserves australiennes. L’acheteur sera CNOOC, monopole chinois des hydrocarbures offshore, qui reçoit en échange le droit de rachat de 12,5% de ce futur plus gros chantier d’hydrocarbures de ce pays.

CNOOC avait déjà signé l’an dernier, en Australie, le contrat “North-West-Shelf” de même durée, de 75Mt pour 17MM$. Ce contrat-là était destiné à alimenter le terminal GNL en construction à Shenzhen. Le nouvel arrivage annonce donc la naissance de terminaux, non encore approuvés, entre Shanghai, Jiangsu et Shandong.

Excellente nouvelle pour la Chine qui s’assure une expansion en énergie propre pour sa façade maritime, affligée de pollution sévère. Bonne affaire aussi pour l’Australie, qui conforte sa place de gazier n°1 de la Chine.

C’est par contre une déception pour l’Indonésie qui paie le coût de son retard en développement et en stabilité. Egalement gros détenteur de ressources gazières, Jakarta cultive depuis des années, avec résultats faibles, la clientèle chinoise.

C’est ainsi que pas à pas, l’Australie renforce son rôle naturel de partenaire de la Chine :  occidentale de culture, elle découvre son voisinage, ses affinités avec sa région géographique, l’Asie!

 


Argent : la guerre des musiciens et des téléphonistes !

— La SDAM (Société des Auteurs-Compositeurs Musicaux) se met vite au ton, et réclame 2,5M$ de droits d’auteurs à l’industriel TCL et à un distributeur : 12 de ses portables sonnent aux mélodies de 107 musiques célèbres, aux droits déposés. La plainte équivaut à  0.12¥ de royalties par rengaine et par téléphone. Tout en criant à la discrimination (tous les producteurs mettent ces airs dans leurs machines), TCL tente de transiger à 0.03¥. La SDAM campe sur ses exigences, et se félicite de la mine d’or ainsi percée, avec 230M de portables en Chine!

— Textile, PC, électroménager chinois cinglant par cargos complets vers UE et US, permettent à China Ocean Shipping (COS) d’investir à tout-va. A Singapour (VdlC n°28), sa filiale Cosco Pacific prenait en septembre 49% d’un terminal de PSA en construction -c’était une 1ère, offerte par la ville-Etat à un armateur étranger. Pour ce deal, un montant circule : 750M$. COS prend aussi 20% du port en eaux profondes de Yangshan (Zhejiang), prolongement du port de Shanghai, qui frisera 12MM$ investissements en 2020, pour 52 appontements (cf VdlC n°3). La COS possède déjà pour 4,8 MM$ d’infrastructures dans Shanghai, des parts des ports de Yantian (Jiangsu), Shekou (Shenzhen) et Qingdao (Shandong).

 

 


Pol : récolte de blé – la retraite programmée

— Le VdlC n°30 évoquait la grêle de procédures antidumping sur la Chine.

En 2002, la Chine était frappée de 500 plaintes, 14% du total mondial. Au 3 octobre 2003, les plaintes sont passées à 540, et 17%. Les 34 dernières touchent un volume d’affaires de 840M$ – le coût des rétorsions sera plus lourd. L’Institut national des études OMC (Pékin) prédit que la Chine verra l’oeil du typhon en 2005 : alors, l’export sera affranchi de quotas et taxes, causant une flambée internationale des rabais… et des sanctions à la Chine. Pour y parer, Long Yongtu, négociateur chinois à l’OMC suggère aux industriels une double démarche :

1. un système d’alerte précoce (tel l’abonnement à un service de coupures de presse),

2. le recours immédiat aux procédures de conciliation hors tribunal (cours d’arbitrage). D’autres défenses consistent en la concentration des secteurs (la création du grand marché national), et la course à la qualité, critère n°1 à l’avenir pour fermer les marchés riches aux produits chinois!

Résultat voulu d’une politique menée depuis 3 ans de dérégulation du marché céréalier, la récolte de blé d’automne a encore baissé de 5%, à 86Mt, forçant à puiser dans les pléthoriques réserves, tandis que le marché enregistrait la 1ère hausse des prix en 6 ans, + 32% au Heilongjiang (133$/t), à rapprocher du prix du riz de l’Anhui, +10% (127$/t). Apparemment, cette embellie ne profite pas au paysan, dont le re-venu fond de 2,5% au 2d trim. La hausse des prix a été de pair avec une amélioration de la qualité et du rendement. 22 Mha plantés cette année, soit un recul des emblavements de 7,9% rejoignant le niveau des emblavures de 1950 : tout ceci illustrant l’effort de l’Etat pour nourrir l’exode rural, diminuer le nombre des exploitants et viser la qualité.

— Comme toutes métropoles chinoises, Pékin s’est faite la proie des embouteillages. 2000km de voies nouvelles depuis 2001 (1,8MM$ d’invest/an) n’y empêchaient pas l’an passé, 46 bouchons/jour. Admonesté par le CIO, à 5 ans des Jeux, la mairie veut saisir le taureau par les cornes, par ce plan du vice-maire Zhai Hong Xiang (17/10) :

1. bientôt, les plaques seront taxées, les parkings très chers,

2. les propriétaires de voitures seront “invités” à vivre en banlieue,

3. d’une manière ou d’une autre, 45% des citadins devraient retourner aux transports en commun.

En fait, la ville semble payer 20 ans de politique “toute auto”, tardivement infléchie vers le réseau métro-bus, dont les correspondances comptent en moyenne 350 m voire jusqu’à 1km de marche : en 10 ans, les usagers ont reculé de 35 à 26,5% de la population!

 


Temps fort : Lectra, l’aiguille française qui file en Chine

Le CISMA, Salon de la machine textile qui vient de s’achever (23-25/10) à Shanghai donne l’image d’un secteur en plein envol. Lectra, PME française, résume cet emballement, à deux ans de la disparition mondiale des quotas et droits de douane  (OMC oblige), métier passé au 1er rang planétaire, en volumes, et en qualité.

Avec 1350 employés (dont 10% en Chine) et 37 filiales, Lectra a su créer des équipements de pointe à toutes les étapes de production du vêtement. Tel ce scanner qui modélise le corps du client en une minute, en une photo tridimensionnelle et 97 mesures, au millimètre près. Dans l’instant suivant, le patron choisi est dessiné sur mesure, et envoyé à l’usine.

D’autres machines énormes découpent 60 épaisseurs de tissu, cuir, ou fibre de carbone, pièces qui deviendront aile d’avion, sièges de voiture, poussettes ou chaussure. Avec de tels joujoux, la PME a réalisé en Chine, en 12 mois, 15M$ de chiffre, +79% depuis janvier. Du coup, l’Asie génère 25% de ses affaires, contre 19% l’année d’avant.

Pour suivre ce marché si tumultueux, Lectra ouvrait à Shanghai (22/10) son 3ème centre d’accueil mondial, 1100m², avec exposition permanente, centre de formation et téléphone rouge pour clients en panne. Quasi toutes les «réparations» se font par internet – les commandes de la machine comme du logiciel sont accessibles à distance.

Hangzhou (Zhejiang) abrite Hempel, un des 1050 clients chinois de Lectra, société privée aux locaux/outils grandioses, employant 2700 cousettes bien payées (1800¥ /mois). Spécialiste haut de gamme, Hempel produisait en 2002, 6M de vêtements vendus 80M$ : d’ici 2005, avec sa nouvelle usine, il quintuplera ces chiffres, participant ainsi à la percée du textile chinois, de 25% de part mondiale en 2003, à 50% en 2005!

 


Petit Peuple : le voleur et le coucou virtuel

— Devenu must du standing, le portable se dérobe comme des petits pains. Une belle aube de juin, au réveil, le contremaître Xia dut constater l’envol de son Motorola avec internet, photo, écran-couleur dont il snobait depuis 5 jours maçons et (surtout) maçonnes sur leur chantier de Kunshan (Zhejiang). Mais pour recouvrer son bien, Xia avait une arme secrète. Il avait constaté que le voleur avait désactivé le GSM, ce qui suggérait la peur de se faire prendre, et la proximité. Or Xia avait programmé son appareil pour qu’il se réactive à 16h30. Ainsi donc, à 16h31, il appela son portable, et entendit distinctement son timbre exotique (genre coucou de forêt noire) résonner à l’étage au-dessus—juste quelques secondes, avant que le voleur affolé ne le fasse taire. Deuxième étape : le contremaître avait aussi programmé la fonction réveil, pour 20 minutes plus tard : avec Liu, son copain baraqué, il monta sur la pointe des pieds et dans le couloir, attendit près du foyer sonore

 


Rendez-vous : Biennale High Tech de Tianjin

28-31/10: Wu Bangguo( Président ANP) en Corée du Nord

28/10-1/11, Tianjin: 3ème Foire professionnelle biennale high Tech de la zone Pacifique

2-3/11, île de Hainan: Conférence du Forum Boao