Le Vent de la Chine Numéro 8

du 1 au 7 mars 1999

Editorial : ANP : un Plenum ‘bicéphale’

Le Plenum de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) qui débute ce vendredi 5, est écartelé entre 2 tendances (réformatrice, conservatrice), et deux mandats (conquête par la Chine de son statut mondial, pérennité de l’appareil monolithique).

Zhu Rongji, au perchoir, sera sur la sellette : tout comme Zhao Ziyang en 1988, obligé d’assumer la responsabilité pour le blocage de ses réformes (logement, administration, Grandes Entreprises d’Etat) par les événements (crise asiatique, crues de l’été 1998) et par ses adversaires : son discours introductif consistera en un appel à l’harmonie, à la cohésion, pour une croissance de 7%, en 1999.

Au plan idéologique, l’Assemblée nationale populaire (ANP) doit entériner la béatification constitutionnelle de Deng Xiaoping, aux côtés de Mao Zedong : formalité qui arrange tout le monde, y compris Jiang Zemin, candidat au dernier poste à pourvoir dans la trinité socialiste.

Plus inattendu, l’appareil veut soudain offrir plus de pouvoirs aux assemblées régionales, et leur suggère de voter plus de lois locales : c’est le contraire de ce que Pékin cherche à faire depuis octobre, à savoir, recentraliser.

Le « demi-tour » est dû à la constatation que les provinces, non consultées, coopèrent moins, et laissent à Pékin tout le poids de l’ordre public. Ce que la capitale offre aux chambres régionales, est plus de lois locales, pour la stabilité. Mais en même temps, elle veut leur imposer davantage de Présidents « parachutés » (cumulant la fonction de Secrétaires du Parti (ils sont déjà plus du tiers).

Enfin, à la veille du Plenum, le « Journal de la loi » appelle la population à collaborer avec les « organes spéciaux » pour débusquer les« ennemis » et « éléments menaçant la sécurité publique » : signal que la contestation, aujourd’hui, est intolérable.

Ce qui rend d’autant plus remarquable, dans ce climat tendu, la présence d’une opposition informelle, au sein de l’ANP : elle vient de voter la création d’un Sous-Comité « Budget » pour éplucher les comptes du régime, et déposé une masse d’amendements à la Constitution, en marge de ceux du gouvernement. Ces gestes ne changeront pas grand chose aux votes finaux, mais sont annonciateurs du changement irrépressible, que Pékin ne peut plus même occulter.


A la loupe : ‘New deal’ chinois : rectifier le tir

Comparée à ce qui se passe aux Philippines par exemple, la stratégie chinoise de développement supporté par les investissements d’Etat (1200 MMUSD sur 3 ans), rencontre un évident succès. Mais cette manne des chantiers publics, n’a pu éviter un autre « boom » : celui des constructions frauduleuses (+ 50% depuis 1997), et des morts dans une série d’accidents scandaleux. D’où la nécessité urgente, pour Pékin, de rectifier le tir.

De nouvelles directives apparaissent, pour rendre plus transparentes les procédures d’octroi des marchés publics, et renforcer l’obligation de contrôles de qualité par les pouvoirs locaux. D’autres fixent 25 standards de fibres « géotextiles », matériaux à utiliser des digues aux ponts (mais encore inconnus et peu produits en ce pays) : les trois quarts des 250000 km de grandes digues du pays, devraient être renforcés, selon un vice-Ministre de l’eau !

Pour le Liaoning enfin (car, directives pékinoises mises à part, ce sont aux provinces de prendre leurs responsabilités), la solution a été trouvée, radicale : pas de constructions somptuaires du tout, cette année 1999, en l’honneur du 50ème  anniversaire de la République : soucieux d’économiser les maigres ressources de cette province en ruine, le gouverneur Zhang Guoguang a aussi été échaudé par l’effondrement de la voie rapide « Shensi », (classé un des cinq « chantiers pourris » de l’an dernier) : M. Zhang rêve de devenir « M. Qualité » en son pays, et en tout cas d’éviter en sa province, des morts, pour cause de dead line des chantiers au 1er octobre !


Joint-venture : NEC – Joint venture d’1,2MMUSD

• Disney négocie son installation à Hong Kong, sur 25 ha dans l’île de Whitehead, en partie sur l’ex-pénitentier qui accueillit, au pire moment, jusqu’à 50000 boatpeople vietnamiens. Disney revendiquerait le don du terrain, des adductions d’eau, routes et transports publics.

Ce 1er Disneyland d’Asie, viserait avant tout la Chine. En même moment, deux organisations caritatives reprochent à Disney de laisser 4 usines cantonaises produire ses gadgets, en ignorant la loi : 1100 petites mains travailleraient jusqu’à 16 h par jour, en dessous du salaire minimal, souvent amputé et payé avec retard.

• Les locomotives de Dalian vont livrer 15 motrices au Nigeria en avril. Elles s’ajoutent aux 35 déjà fournies en 1998, et aux 67 autres exportées depuis 1993 (total = 50MUSD) à la Birmanie, à la Corée (Nord), à l’Iran, au Nigeria, à la Tanzanie et à la Zambie.

• US Southern (N°1 de l’énergie aux Etats-Unis) observe avec intérêt les difficultés de Shandong International Power Developpmt (SIPD), pour lever du capital en bourse. Le groupe américain avait déjà tenté de reprendre une partie du capital de SIPD – qui avait cru y échapper, par son opération boursière…

A présent, Southern appelle que « son offre tient toujours ».Southern possède déjà 32% de l’unité de Shajiao (1980 Mw, Guangdong), et a annulé un projet de centrale à charbon de 600Mw dans le Shanxi, signé lors de la visite de B. Clinton : non rentable ! mardi 23, s’ouvrait à Shanghai une Joint venture de semi-conducteurs de 1,2MMUSD, entre le nippon NEC (28,6%) et Hua Hong Electronics (71,4%).En même temps, NEC annonçait la mise à pied de 11600 employés, dont 9000 au Japon: délocaliser (et créer un marché nouveau), ou mourir !

 


A la loupe : L’artiste chinois, promu ‘Auteur’ !

En 1993, la Chine s’était dotée d’une loi du copyright, dans l’esprit du temps : au terme de l’article 43, la protection de l’auteur -compositeur s’arrêtait aux murs des stations de radio et télévision, qui pouvaient diffuser, voire même réécrire (plagier) ses textes et chansons « non commercialement » à volonté, sans rien lui payer. Pour rendre la loi moins agréable encore, l’auteur étranger, était dispensé (au nom de conventions internationales signées par Pékin).

Le Chinois lui, s’il se plaignait, risquait le boycott. A vrai dire, cette situation ne manquait pas de logique – d’un point de vue historique : la plupart des auteurs-compositeurs sont fonctionnaires, et astreints, depuis un discours de Yan’An (Mao Zedong, 1942), jamais désavoué, à un mandat d’illustration pour les masses, des directives du Parti. Chaînes de télévision et radio menaient, depuis des années, un combat d’arrière-garde, pour conserver leur privilège : payer les droits, serait trop cher, et causerait des jalousies…

Aujourd’hui, un groupe de travail à l’Assemblée Nationale Populaire s’apprête à imposer le changement : l’artiste n’est pas un fonctionnaire mais un créateur, et son travail n’est pas une propagande mais un produit – qui doit être protégé, comme tout autre -même si l’auteur touche encore, accessoirement, un petit salaire.

C’est sur le plan du droit international que se place le législateur : il s’agit de choisir entre la norme mondiale et celle de la morale socialiste: la Chine, manifestement, a fait son choix, qui dépasse de loin le sort des rengaines de quatre sous et poésies pour midinettes !

 


Argent : Jiangsu – la 1ère banque pour PME

• Zhenjiang (Jiangsu) inaugure la première agence chinoise de prêts aux PME. Soutenue par la SETC (State Economic and Trade Commission ou Commission d’Etat à l’Economie et au Commerce) et une agence internationale, cette unité a déjà prêté 15MY à 20 PME, et compte en fournir 300 à 500MY en 3 ans. Son outil n°1 : servir de garant auprès des banques, pour des microcrédits (2MY maximum), moyennant une commission de 0,25 à 5%.

Les banques à ce jour, refusent de prêter aux PME, et le Jiangsu, sur la côte, est une des provinces les plus prospères, riche d’un réseau dense de PME publiques et privées.

• La Chine s’apprête à renforcer sa production d’or (+1,5% en 1999), et surtout ses réserves en or (aujourd’hui, 300t), en raison d’une crainte de dépréciation de l’USD, suite à l’apparition de l ².

• Première émission de bons d’Etat pour 1999 : 18MMY (soit 2,17MMUSD) sur 7 ans, à 4,88%. Sur l’ensemble de l’année, le programme d’emprunt public est de 316,5MMY, contre 280 MMY l’an passé.

 


Pol : Etrange meurtre d’un haut cadre

• D’ici 2005, estime le Pentagone, l’effort de modernisation de l’Armée Populaire de Libération (ANP) devrait lui permettre, moyennant de lourdes pertes, de prendre Taiwan, en combinant frappes aériennes, débarquements,blocus, missiles et autres moyens.

Sauf, spécifie le Département de la Défense, sans avoir l’air d’y toucher, en cas de défense par les Etats-Unis.

• Différend confus et compliqué, que celui qui vient de se résoudre entre Pékin et Hong Kong. Pékin avait prévu de protéger sa future Région Administrative Spéciale des hordes d’immigrants, en imposant à ses candidats au départ vers Hong Kong son propre visa de sortie. Mais en janvier, pour des raisons strictement juridiques, la Cour Suprême d’appel de Hong Kong, décidait que tout Chinois ayant famille sur le rocher, pouvait le rejoindre : en comptant les enfants adultérins, cela donnait 400000 âmes.

Furieuse que l’on refuse ainsi sa protection, Pékin a fait pression, et la Cour a cédé, en publiant cette « clarification » sans précédent : son jugement ne remettait pas en cause l’autorité de l’Assemblée Nationale Populaire, dont la « Loi Fondamentale » a ainsi préséance sur la Constitution de Hong Kong. La bévue fondamentale étant celle de Tung Chee Hwa, le gouverneur, qui sur cette épineuse affaire, avait fait appel à « sa » cour, pour la forcer ensuite à se déjuger !

• Pourquoi l’autorité bancaire, cette semaine, a-t-elle dû rappeler à plusieurs reprises que le Renminbi (monnaie nationale) n’allait pas dévaluer ? A cause de la publication du bilan statistique de janvier : les exports (sur 12 mois) ont baissé de 11%, les profits industriels (en 1998) ont baissé de 17% (à 147MMY) et les pertes ont monté de 22% (155MMY, dont les 2/3 au secteur public).Il n’en fallait pas plus à la finance, locale et étrangère, pour se demander si les vivres ne viennent pas à manquer.

• Zou Jingmen, membre du Comité Central du Parti Politique Chinois, frère de Zou Jiahua le n°2 à l’ANP a été tué lundi 22 en pleine rue, au couteau, par quatre jeunes. Mort suspecte pour la presse, qui ose soupçonner une exécution commandée.

NB1 : En 1997, un vice Président de l’ANP avait péri dans des circonstances similaires.

NB2 : Dans toutes les grandes villes, l’insécurité progresse vite – à Pékin, un gang pouvant compter des dizaines de membres, dit du Dongbei (Nord-Est), s’en prend quotidiennement, avec motos et armes blanches, aux femmes seules, pour les délester de leur argent.

• 61 morts, et première catastrophe aérienne depuis mai 1997 près de Wenzhou (Sud-Est) : un Tupolev 154 de la China Southwest Airlines s’est écrasé par beau temps non loin de son point d’atterrissage. Ceci, au moment où la Chine s’apprête à choisir le partenaire étranger pour un contrat de 100 à 200MUSD, d’équipement en systèmes de contrôle au sol.

 


Temps fort : Zhu Rongji, un bras vers Moscou, l’autre vers Washington

1. A Moscou (24-27 février) avec son homologue Evgueny Primakov, Zhu Rongji a tenté d’enrayer l’effondrement des échanges sinorusses (5,5MMUSD en 1998, moins 10% par an depuis deux ans), qui va dans le sens opposé au projet officiel commun, de « convergence », « synergie », et de « 20MMUSD d’échanges pour 2000 »…

Onze accords bilatéraux ont été signés, concernant l’achat de terrains dans Moscou (pour un supermarché et un centre commercial chinois), celui de 30 chasseurs Sukhoi 30MK, et surtout une étude de faisabilité pour le gazoduc Irkoutsk – Dalian, 3000km, d’un coût de 4MMUSD…L’avenir fera la part entre rêve et réalité, pour ces ambitieux projets.

2. Avec les Etats-Unis, un intense ballet diplomatique a débuté, à propos de l’entrée de la Chine à l’OMC, qui se poursuivra jusqu’en avril, pour la visite officielle de Zhu à Washington. En dix jours, sont passés à Pékin Lawrence Summers (Sous-Secrétaire au Trésor), Charlene Barshewski (Représentante au Commerce) et Madeleine Albright (Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères). Débuts très difficiles : les Etats-Unis n’ont pu faire autrement qu’interdire la vente d’un satellite « Hughes » à la Chine, pour 450MUSD. Officiellement, car l’acheteur n’est (sic) « pas civil ».

Traduisons, parce que Hughes et Loral, les deux constructeurs américains, auraient ensemble vendu à la Chine des secrets « défense », en échange d’une garantie d’achats de satellites (Pékin dément vivement, mais un citoyen chinois vient d’être arrêté à San Diego, CA, en train de tenter d’exporter un système d’avionique).

D’autre part, le département d’Etat, dans son rapport Droits de l’Homme 1998, dénonce une nette aggravation de la situation en Chine…Preuve que les vieux contentieux réapparaissent invariablement, à chaque tentative de rapprochement entre les deux géants.

 


Petit Peuple : Du vaudou à Harbin

• Pour le nouvel an lunaire, les industriels rivalisent d’imagination pour lancer sur le marché des cadeaux originaux. Parmi ceux ci, a fait fureur, à Harbin (Heilongjiang), ainsi qu’à Changchun (Jilin) cette paire de chaussette, au fondement desquelles est imprimé un visage anonyme. Le porteur doit écrire (à l’encre indélébile, suggère non sans vice le mode d’emploi) le nom de son rival, amant infidèle, chef de service vachard : dès les premières effluves de sueur vengeresse, c’est garanti, le gêneur devrait à jamais cesser de nuire. Et si ce n’est pas vrai, au moins, ça soulage !

• Dans certaines campagnes, il n’est pas rare de voir tel père de famille trop libéral de sa semence, forcé par les instances compétentes à la stérilisation. Cultivateur célibataire à Luhe (Canton), Liu Wenzan était loin d’entrer dans cette définition, ce qui ne l’empêcha pas de passer bel et bien sur le billard, dont il se releva allégé de ses meilleurs espoirs : profitant de sa simplicité mentale, son voisin père d’une (trop grande) famille l’avait convaincu pour quelques verres, puis quelques sous, de prendre sa place, à l’hôpital, puis de lui remettre, à la sortie, son "certificat de stérilisation" – qu’il pourrait brandir au nez des agents du planning, tout en conservant incognito ses bijoux de familles. Et si d’autres enfants lui advenaient par la suite – et bien, ils ne seraient pas de lui, et puis voilà.

Mais le plus sordide, dans cette histoire, était encore à venir : quand le père de Liu se présenta au Commissariat pour dénoncer le vol de la virilité de son garçon, les limiers haussèrent les épaules : ce genre d’affaires, à Luhe, était monnaie courante, avec la complicité des médecins (qui, en Chine, ne prêtent aucun serment, ni d’Hippocrate, ni de qui que ce soit, et sont simplement déclarés aptes par une Commission, sans examen ni soutenance de thèse, à la sortie de leur cycle universitaire). "De toute manière", expliqua un commissaire un peu moins blasé que d’autres au père éploré, " pour ce genre de délit, y’a pas de droit : y’a rien à faire ! "

• Zhu Yuanzhang est bien moins connu qu’il ne le mériterait, puisque c’est lui fonda au 14e  Siècle la dynastie Ming (1368-1644). D’extraction très modeste, ce fils de paysan était entré – très classiquement – dans les ordres bouddhistes, dans ceux  mendiants. Devenu empereur, considérant la contingence de la destinée humaine, il avait cherché à s’assurer un repos " éternel ", en ordonnant que des théories de cercueils identiques sortent au même moment, par chacune des treize portes de Nankin, vers des destinations secrètes, tandis que la population restait consignée dans ses huttes, sous peine de port.

Hélas, les archéologues socialistes, armés de leurs outils modernes se sont ri de la supercherie naïve, et ont identifié les sites, l’un après l’autre, après étude approfondie des documents d’époque, cartographie aérienne et bombardements magnétiques. La sépulture cachée a dû se rendre : on y a détecté l’empereur déçu, sa femme et à défaut de petit prince, ses quarante six concubines. L’étude des corps déterminera si ces beautés, dans l’accompagnement du maître vers les rivages de l’au delà, étaient consentantes !

 


Rendez-vous : Tianjin, Foire commerciale

• 5 mars, Pékin : élection du bureau de la CCIFC (Chambre de Commerce et d’Industrie Française en Chine)

• 8 – 11mars, Pékin : Exposition nationale de Matériaux de construction

• 8 – 13 mars, Tianjin : Foire commerciale

• 10 – 13 mars, Canton : Salon de l’emballage alimentaire

• 17 – 18 mars, Pékin : Hotel-China 1999