Le Vent de la Chine Numéro 41
A sa manière, chacun des titres retenus pour cette Une, parle d’une Chine en rupture molle, discrète avec sa tradition.
Zhu Rongji achève son voyage à travers quatre pays d’Asie : donnant une fois de plus la mesure de son talent pour séduire ses voisins – sans céder sur rien.
En conclave à Manille, face à 10 pays membres de l’ASEAN (Association des nations d’Aise du Sud-Est) et trois « associés », tout en refusant (cf VDLC n°40) de signer un » traité de bonne conduite » sur les îles Spratley, Zhu prend l’initiative, en offrant une exploitation en commun de l’archipel, » bien collectif « . La confiance en résultant, permet aux 13 pays d’avancer de 5 ans (à 2010, voire 2015 suivant pays) la date limite pour éradiquer » virtuellement » toutes barrières douanières. Une coopération monétaire et technologique est sur leurs rails : il n’en faut pas plus aux optimistes, pour entrevoir déjà un « marché commun » de 2MM d’âmes. Optimistes non perturbés par cette précision de Zhu, à Singapour : « la Chine aura achevé l’ouverture de son marché… d’ici 100 ans » !
Toujours à Manille, Zhu réitère son antienne des 24 derniers mois : » pas de dévaluation, pas nécessaire » – puisque les réserves en devises vont encore monter d’ici la fin du mois, passant à 155MMUSD… Une prédiction mise en doute par le service » investissements » de Moody, qui voit comme corollaire inévitable de l’entrée à l’OMC (et de l’accélération de la concurrence, et de la libéralisation) une chute de la balance des paiements et des réserves en devises… En 2000, l’analyste américain attend des investissements étrangers directs de 28MMUSD au lieu des 34MM USD atteints cette année, et des 47MMUSD en 1998.
A Hanoi, il déclare « mûr » l’accord sur le tracé des 1300km de frontières : sa signature, d’ici le 31 décembre, enterrera un contentieux vieux de 20 ans. C’est ainsi qu’affaibli en son pays, Zhu Rongji n’en parvient pas moins à paraître en « superstar » entre Kuala Lumpur et Hanoi, et à renforcer en Asie l’image et l’influence de son pays.
Héritier des derniers jours du cocon impérial britannique, sous la férule bénigne et "libertaire"de Sir Chris Patten, le Parti Démocratique survolait depuis 10 ans sans ombrage les élections à Hong Kong – en dépit de lois et découpages électoraux défavorables. Aussi son réveil fut-il amer, après le scrutin de dimanche 28 novembre pour le renouvellement des 18 " Conseils de Districts " (à rôle consultatif) : il empochait 86 sièges sur 360, juste trois de plus que le Democratic Alliance for Betterment of Hong Kong (DAB), parti de la finance pro-Pékin, qui n’en avait eu que 37 en 1994…
Ce recul n’a pas pour raison une désaffection vis à vis du système : 36% des électeurs s’étaient déplacés, prouvant une participation en hausse. A ce retournement, quatre raisons sont à envisager :
[1] Pékin, depuis le retour à la patrie, a eu la clairvoyance de ne pas se mêler des affaires locales : le citoyen de base est rassuré.
[2] En période de convalescence économique, l’on s’intéresse plus au business qu’aux droits de l’homme;
[3] Le Parti Democratique a commis la faute de soutenir une décision des juges de Hong Kong qui aurait signifié, si acceptée par Pékin, dizaines de milliers d’émigrants indésirables!
[4] A aussi pu jouer l’annonce, peu avant le scrutin, de grands chantiers tels les 2 nouveaux ponts (cf VDLC n°40), le pôle technologique, le Disneyland…L’électeur croit le gouverneur C.H. Tung, quand il parle de faire du Rocher l’équivalent, comme place financière et culturelle, de Londres en Europe et New York aux Etats-Unis. A Pékin donc, de se rassurer à présent, et aux Démocrates, d’apprendre leur leçon!
Pour alimenter ses 2000 quotidiens, la Chine recourt de plus en plus à l’importation de papier du Canada, des Etats-Unis et de la Corée – trois pays qu’elle accusait en juin 1999 de dumping (mévente intérieure, surtout due à la vétusté de son propre secteur).
Les 60M USD d’investissements de Huatai (Shandong) vont changer les choses : ces rotatives allemandes Haindl produiront 160000t/an de papier de classe A (impression couleur). D’un chiffre d’affaires de 90MUSD par an, elles seront les plus larges et les plus modernes du pays.
Le 2 décembre a été lancé l’appel d’offres pour la fourniture des 26 rames de la ligne 2 du métro de Canton, reliant Xinzhou (sud-est) au nouvel aéroport international de Baiyun (nord) en 23km. Nouveauté au cahier des charges : 70% de ce matériel roulant sera « made in China ».
Seuls 139MUSD seront affectés aux importations de pièces, ce qui réduira l’investissement d’un tiers (à environ 60MUSD/km). Au moins 4 groupes internationaux sont sur les rangs. Un autre contrat pour ce projet sera annoncé en janvier, concernant les télécoms.
Suite prévisible à l’ouverture (OMC oblige) des télécoms à l’étranger, des escarmouches sporadiques des prix se déclarent à l’intérieur du pays, pour le contrôle du marché. Avec le concours de l’américain UTStarcom, Xian Telecom lance le Witty phone, au prix imbattable de 0,2Y/3mn, soit le prix de la ligne fixe. Quoique ce réseau ne permette pas d’appeler hors de la ville, son succès en quelques semaines a été considérable : 50000 abonnements – peut-être dus au fait que la réception est gratuite, une exception en Chine.
A Chengdu, trois jours après l’accord sino-américain, Unicom baissait son droit d’entrée aux téléphones mobiles de 500Y. China Telecom répliquait en cassant son prix de 800 à 10Y : ensemble, les deux concurrents enrôlaient 10000 abonnés en quatre jours. Pour calmer le jeu, Pékin annonce un nouveau règlement.
Il y a 12 mois, Zhu Rongji montait au créneau pour défendre le plus vénérable pilier de la politique agricole chinoise : l’office des grains. Pour protéger son monopole d’achat, trois marchés privés étaient fermés entre Pékin et Shaanxi, et quelques milliers de tonnes confisquées. Un fort signal était donné aux opérateurs « free lance » de ne pas surenchérir sur le public!
En mars, le vent tournait : le prix public était rabaissé de 2 ‘mao‘, à 1,1Yuan, sauf pour les hautes qualités, et pour 2000, était annoncé le feu vert aux opérateurs privés, à des prix « à 100% dictés par le marché ». Ce qui n’empêchait Pékin, huit mois plus tard, de revendiquer et garder, dans l’accord " OMC Sino-américain ", le monopole national de la distribution des céréales !
Tout cela traduit la valse-hésitation du régime, face à ce monde rural dont il vient, entre ses principes idéologiques et ses dures réalités budgétaires. Les offices des grains ont perdu, entre 1992 et 1998, 65,4MMUSD de crédits (siphonnés par les pouvoirs locaux). Ils coûtent aujourd’hui 12MMUSD par an, pour un bénéfice réel de 30 Yuan par an par paysan.
Dénoncée par rien moins que le Centre de Recherche au Développement (CRD) du Conseil d’État, l’inadéquation est dans le mandat de ces structures maoïstes, supposées réguler le marché du grain (fonction d’arbitrage), assurer la protection du revenu agricole (fonction politique), tout en présentant des bénéfices (rôle commercial, dont il est fort incapable).
Le CRD lâche une autre bombe: le stockage individuel pourrait remplacer le public. Bien sûr, le stockage privé de demain ne sera pas "au grenier familial", mais en silo, résultat d’investissements puissants, de groupes spécialisés. Pour l’instant, on n’en saura pas plus.
Gageons que les prochaines étapes sont fixées, et seront progressives, pour "faire passer" cette terrible pilule aux potentats locaux.
Avec la prise de contrôle de la CNSPC, Sinopec, un des deux grands du pétrole, reçoit l’atout qui lui manquait : un gros gisement pétrolier dans le Tarim (Xinjiang, 120Mt de réserves prouvées). La force de Sinopec : le raffinage -129Mt/an. Sa faiblesse, face à la China New Star Petroleum Corporation (CNSPC, l’autre grand) : l’extraction, avec seulement 35,3Mt de brut, 22% du marché. Encore lui faudra-t-il monter l’oléoduc – on en est encore loin!
Par ailleurs, la Compagnie National Pétrolière (CNPC), Sinopec et CNOOC (China National Off-shore Oil Corporation) préparent tous trois leur cotation en bourse de New York, au printemps 2000, pour un total appelé de 15MM USD. Hélas pour eux, Daqing Lianyi, raffineur du Heilongjiang, a commis de lourdes irrégularités lors de son passage en bourse chinoise, ayant détourné pour 18MY de parts en 1997 – des douzaines de fonctionnaires sont en prison. Leur fraude tombe mal pour les trois candidats à New York : en octobre, déjà, la CNOOC avait dû renoncer, face au désintérêt des investisseurs, lui reprochant son manque de transparence comptable!
9MMUSD, tel aurait dû être l’exercice du secteur du charbon de janvier à octobre.
[1] S’il n’y avait pas eu ces 5MMUSD d’impayés – par des centaines de milliers d’usines en faillite ou en crise, face à la mévente du 1er semestre. Outre ces dettes, la faiblesse du marché a aussi fait reculer la demande de 180Mt;
[2] Si les prix n’avaient pas chuté de 1,75 USD/t dans la période, dû à une forte surproduction, causant une baisse des rentrées de 1,8 MMUSD. Tout cela a causé la mort de 30000 des 31000 petites mines (cause de 50% de la production nationale de 1,03MM t) devant fermer leurs portes en 1999. 430000 emplois ont disparu – et ce n’est pas fini.
L’effort déployé par l’État depuis mars pour relancer la consommation porte ses fruits : + 8,2% sur douze mois, et des ventes au détail de 274,4MMY en octobre. Fait remarquable, probablement du aux festivités du Cinquantenaire du régime, ces dépenses profitent surtout au « superflu » : tourisme (14MMY), chemins de fer (2,8MM), restaurants/bars/loisirs (+ 15,5%).
Parmi les actions de relance publique, 30% d’augmentation à 84M de salariés, et la relance des prêts à l’éducation, au logement et à l’automobile.
A 25 jours du troisième millénaire règne l’incertitude sur la fiabilité des réseaux informatiques lors de ce passage. Secteurs les plus à risque, selon l’estimation du Ministère des Industries de l’Information : les hôpitaux, le secteur industriel et l’ensemble de l’intérieur rural. Les 18 secteurs-clefs (banque, énergie, armée, aéronautique…) après test, se disent à l’abri.
Tout bien considéré, les compagnies aériennes maintiennent tous leurs vols, les banques leurs distributeurs de billets. Chez Air China, histoire de redonner confiance à la clientèle, le Président et le vice-Président, vétérans pilotes, reprendront le manche à balai, aux commandes de deux vols de lignes, les 31 décembre et 1er janvier.
Le nombre de séropositifs en Chine vient d’augmenter de 33% de janvier à septembre, c’est un véritable cri d’alarme qu’a poussé le ministère de la Santé, à l’occasion de la journée mondiale du fléau, le 1er décembre.
Quatrième terre d’accueil du SIDA d’Asie, avec 400000 séropositifs, la Chine devrait franchir la barre du million d’ici 2010 – et passe en ce moment même un pallier d’accélération. 70% des cas auraient pour origine le partage de seringues contaminées, mais les cas d’infection par voie sexuelle devraient doubler d’ici deux ans.
Dans sa tentative de campagne de prévention, le Ministère de la Santé se heurte – cela ne date pas d’hier – à l’inertie d’autres « intérêts administratifs », inhibés par le tabou : la semaine dernière, un clip (dessin animé) promouvant l’usage du condom sur CCTV1 a été retiré après 48h, au nom d’un règlement « interdisant toute annonce à caractère sexuel ».
Pour les mêmes raisons, deux universités sur cinq dans Pékin ont décliné l’offre gracieuse d’une firme de Shenzhen, Jieshibang, de distribuer quelques milliers de préservatifs sur leurs campus. Si l’on ajoute au tableau la minceur des crédits de lutte contre le SIDA (quelques millions de dollars par an), l’on devine ce que confient en privé les experts : le programme anti-SIDA, en Chine, n’est pas gagnant !
15 jours après son lancement à Hong Kong, le marché secondaire GEM Growth enterprise Market (GEM) cause des soucis aux bourses des parts " B ", à Shanghai et Shenzhen. Celui-ci vise les firmes à potentiel technologique d’avenir. Celles-là, les investisseurs étrangers. Ce qui, de plus en plus, signifie la même chose! S’enregistrer au GEM pour engranger de l’épargne, est plus aisé (en ignorant la règle chinoise, de passage obligatoire par la China Securities Regulatory Commission), plus rapide, et, vu la qualité de la sélection et du suivi, plus sûr.
Déjà, depuis Hong Kong, on constate des reports des " parts B ", vers le GEM. Shanghai et Shenzhen "B", déjà sous capitalisés et démoralisés, s’effritent en valeur – ce n’est qu’un début.
[1] Trois banques d’État (Banque de Chine, Industrial and Commercial Bank of China, BAC) vont transférer leurs opérations de trading en devises, au plan national, vers Hong Kong : plus près des marchés mondiaux, d’un fonctionnement 24h sur 24, et plus loin de Pékin – tian gao huangdi yuan (" le ciel est haut et l’empereur est loin "). La tutelle doit laisser faire – la cure de jouvence des banques, est à ce prix.
[2] Avant la fin du mois, 2 Entreprises d’Etat prises sur une liste de 10, vendront 15% de leurs titres jusqu’alors incessibles. L’État conservera la majorité de blocage de 51%. Lors du rachat, les actionnaires institutionnels seront prioritaires, suivis des fonds mutuels. Verra-t-on ces Entreprises d’Etat se racheter elles-mêmes, forme ultime du principe en vogue du swap « capital contre dette » ? En tout cas, s’ouvre une phase d’affaiblissement du contrôle industriel par l’Etat, et du contrôle boursier, aussi.
[3] Enfin, en 10 mois, l’épargne en devise a monté de 26%, à 30,5 MMUSD, attirée par un intérêt de 3,55% par an – double de celui offert aux comptes en Yuan (Y) – frappés, depuis le 1er novembre, d’une taxe de 20%. Ce ne sont que 10MMY qui ont été convertis, sur les 5930 MMY en banque au 30 septembre. Le public n’agit pas par peur d’une dévaluation. Mais ici encore, la dynamisation de l’épargne, passe par un transfert sous pavillon étranger!
Insolite, la mésaventure de Li Wei, 18 ans, étudiant à l’Institut sportif Weilun à Canton et dans sa catégorie, champion national de course de fond. A l’appel d’un inconnu, il se rendit le soir du 25 novembre à son école : c’était un piège, tendu par trois entraîneurs qui le battirent comme plâtre, l’envoyant à l’hôpital « pour au moins un mois », selon les docteurs.
Mais pourquoi des enseignants se sentent-ils obligés d’estropier la gloire de leur école, au risque (qui s’est réalisé) de se retrouver derrière les barreaux ? Affaire de prime non partagée, pour une victoire internationale ? D’anabolisants? On n’en saura pas plus, la direction étant décidée à étouffer l’affaire, « mineure et sous contrôle », selon ses mots à la presse locale.
En 1981, après une explication familiale houleuse à Zhouzhi (Shaanxi), Yan Zhenjiang avait claqué la porte du foyer, pour aller de ce pas consulter un « conseiller spirituel ». Les yeux dans les yeux, le chaman l’informa qu’il était possédé du démon : son exorcisme consisterait en une retraite de dix huit ans, pas un de moins, loin des siens.
Ce qui fut dit fut fait. Mais à l’issue du ban, la famille ne le voyant pas revenir, se mit à sa recherche : la solitude avait effarouché le père. On le retrouva en haut d’un arbre, dans une cabane qu’il s’était bricolée. Il n’en est plus redescendu depuis 100 jours.
8 – 11 décembre, Shanghai : Prix International de l’Aviation
6 – 8 décembre, Pékin : séminaire France-Chine Pharmacie
8 décembre, Qingdao : Inauguration d’une Joint venture Alstom (amortisseurs)