Le Vent de la Chine Numéro 38

du 15 au 21 novembre 1999

Editorial : Chine : un troisième plan de relance?

Les fêtes du Cinquantenaire et la baisse des investissements publics et privés ont amplifié en octobre l’érosion de la croissance industrielle : + 7% sur 12 mois, contre 9,5% en août. Les Entreprises d’Etat ont produit pour 104,5 MMY (+6,8%), les Compagnies étrangères pour 38,9 (12,3%).

Seuls les produits d’export parlent de reprise (102MMY soit + 9,4%) – fruit d’une hausse des subventions. La panne de croissance est confirmée par le mauvais bilan de l’enchère de CCTV cette semaine (pour l’attribution annuelle des spots publicitaires sur 7 chaînes de télévision, touchant 300 M de paires d’yeux) : 1,92MMY, 28% de moins qu’en 1998.

Le pouvoir ouvre donc une conférence nationale (15-17 novembre), pour y présenter un plan de relance, le troisième en trois mois, après celui de début septembre (réforme de l’épargne en banque et du marché secondaire immobilier), et celui du 19 septembre (session du Comité Central, pour définir la stratégie du désendettement des Entreprises d’Etat).

Critiqué pour ses résultats dans la lutte anti-déflation (3% sur 12 mois), Zhu Rongji doit présenter des actions fortes : des investissements publics gonflés (24 MMUSD en 2000, contre 12 en 1998 et 7,2 en 1999), un coup de fouet à la bourse, au crédit privé (surtout pour l’achat de logement) et au troc  » dette contre capital  » des Entreprises d’Etat (pour 1999, entre 48 à 60MMUSD de mauvaises dettes « épongées ».

Et bien sûr, la poursuite vigoureuse des restructurations d’Entreprises d’Etat non rentables, telles ces 12 aciéries sacrifiées après avoir perdu 60MUSD en 1998 (« dégraissage » de 2,8Mt de capacité, et de 282MUSD de dettes irrecevables)…

Mais cette panoplie de mesures déjà connues, suffira-t-elle?

L’économiste Hu Angang en doute : avec 28M d’emplois (ville et campagne) perdus l’an passé et un chômage de 8% (et non « 3% », chiffre officiel) seule une « rupture » permettrait d’inverser la tendance : telle l’ouverture totale des services à l’investissemnt étranger, de la médecine à l’assurance en passant par le tourisme, qui créerait  » 40 à 50 M d’emplois « …

On en est loin, avec les ouvertures frileuses et la volonté farouche de maintenir l’étranger hors du secteur naissant des services internet!


A la loupe : Petrochina, les habits neufs de la CNPC

La CNPC (Compagnie Nationale du Pétrole), une des deux corporations pétrolières nationales, se scinde : Petrochina reprend ses métiers de base, exploration/production, raffinage/distribution, pétrochimie – filière " gaz ", et toutes filiales cotées en bourse.

La CNPC conserve les filiales étrangères, les services techniques et de soutien – c’est à dire un réseau touffu de métiers (des tuyaux au ciment, de l’étude sismique à la filière bois), confiés en sous-traitance partout ailleurs dans le monde.

Le but de cette opération est spéculatif : on veut créer, avec Petrochina, un véhicule capable de générer des bénéfices, de séduire sur les places boursières étrangères. Son atout n°1 : 480000 employés, contre 1,54 M à l’ancienne CNPC, qui hérite donc, pour la perte de ses meilleurs atouts, d’1,06M de futurs pensionnés…

Analyse : Il s’agit d’un plan de restructuration imposé par l’Etat (non négocié en entreprise), qui rappelle, dans le pétrole, la démarche des structures de défaisances bancaires : l’un et l’autre offrent à l’Entreprise d’Etat une cure de compétitivité  en séparant  « chirurgicalement »  l’Entreprise d’Etat de sa " tumeur " (les mauvaises dettes pour la banque, le personnel pour la CNPC), confiée à une autre entité.

 Dans les deux cas, la solution ne permet que de gagner quelques années (elle n’amortit ni les dettes, ni le personnel mis à pied), et ne dit rien sur le fond : style, tradition et méthodes de gestion de l’entreprise, qui restent de rigueur !


Joint-venture : Volkswagen à Ningbo – un coûteux contrat

• DCAC (Dongfeng Citroën Automobile Corporation), la Joint venture de Citroën (PSA), a eu une bonne année 1999. Jean Martin Folz, PDG du groupe, est venu en Chine négocier avec le partenaire Dongfeng un doublement (de 313M USD à 700MUSD) du capital de l’entreprise, dont 30% à PSA et deux banques françaises, Société Générale et BNP.

Suite à un effort d’implantation du réseau de concessionnaires (400, dans 240 villes), les ventes atteignent en 1999 : 45000 + 40%, et la part du marché passe de 6 à 9%.

Analyse : DCAC profite de la reprise du secteur, un des rares. La hausse de capital doit financer une nouvelle ligne de production, et la mise au point de modèles de cylindrée et prix supérieurs. Stratégie sur laquelle le groupe reste secret, mais DCAC étudiera les choix faits par d’autres (Audi, GM, Honda), voire évitera leurs erreurs, tout en bénéficiant lors du lancement, de son image de marque déjà établie.

• En août, Ningbo (Zhejiang) remplaçait 2000 taxis (9/10 de son parc), de marque Xiali (clones de Toyota, made in Tianjin) par des Volkswagen Santana (Shanghai). Début novembre la crise a éclaté : dénonçant une avalanche de vices cachés (freins, essuie-glaces, circuit d’huile, allumage), 200 chauffeurs bloquaient les rues et prétendaient monter à Shanghai y jouer du Klaxon.

Analyse : tout en dépêchant un team de techniciens enquêter sur place, Shanghai – Volkswagen doute – à juste titre – qu’une telle panoplie d’avaries sur tant de véhicules ait pu échapper à ses contrôles de qualité. Joue peut-être, dans cette affaire, le fait que la mairie de Ningbo (dont les taxis dépendent) soit entachée de grave problèmes, avec deux ex-vice-maires condamnés à mort avec sursis, pour fraude, ces derniers mois).

• Première en Chine à le faire, la banque japonaise Sanwa, à Shanghai, vient de revendre à la Banque Populaire de Chine (BPdC) une créance de 1MY, à taux bonifié (en « re-discount »). Cette technique permettra aux étrangers, dans un environnement de crédit raréfié, de recouvrer – et de re-prêter – leurs avoirs en cycles plus rapides.


A la loupe : Vers une Armée de l’air, ‘force globale’

L’AWACS chinois (radar aéroporté), s’appellera Phalcon. Israël le vend (250M USD) à l’Armée Populaire de Libération, et le lui monte (sur un Iliouchine 76 acquis en 1996). La Chine en aurait commandé quatre.

Le Phalcon est un des éléments de l’armée de l’air de l’avenir. Les autres sont :

[1] 80 chasseurs bombardiers Sukhoi 27 (avec la licence de production) et SU30 achetés en 4 ans, et 20 autres commandés (2MMUSD),

[2] Ce missile sol-air high tech, d’interception et de frappe, testé avec succès en août.

[3] Des centres «commande-et-contrôle» bourrés d’avionique, en cours d’installation.

L’équipe à la racine de cette modernisation, vient de la région militaire de Lanzhou (Gansu), espace privilégié des forces aériennes, du fait de sa désertique immensité. Nouveau nommé à Pékin, le Lieutenant général Li Yongde est l’ex-patron de la base de Lanzhou. Au total, 7 membres de l’état major ou de la Commission Militaire Centrale (CMC) sont passés par là. But de ce programme, doté d’un budget de 10MM USD (durée non spécifiée) : passer d’une capacité de " défense ", à une de " défense et attaque ".

Analyse : Ce plan déjà connu, est monté en épingle cette semaine, à l’occasion du 50. Anniversaire des forces aériennes, et d’un débat à l’ONU sur le plan américain de missile anti-balistique, dit TDM (Theater Missile Defense), haï par la Chine.

A noter aussi que Tang Fei, ministre taiwanais de la défense, ne s’est pas gêné pour dire que le Phalcon, une fois opérationnel, serait technologiquement en avance sur son homologue yankee E-2T, utilisé par la Chine nationaliste : c’est que les Etats-Unis, de par leur « Taiwan-act », ont l’obligation de livrer à leur petit allié toutes fournitures nécessaires au maintien d’une parité en matière de défense. Ils devraient donc à présent renforcer la défense insulaire…

Dans cette course aux armements entre les 2 Chine, personne ne peut gagner – sauf sur retournement des Etats-Unis – l’improbable, mais unique espoir de Pékin.

 


Argent : GEM – porte de derrière, pour PME chinoises

• Pour son ouverture (15 novembre) le marché boursier GEM (Growth enterprise market), à Hong Kong, a enregistré 50 candidatures à la cotation, dont 30% venues de Chine, PME innovantes à fort potentiel d’avenir. L’entrée en force de la Chine était attendue, mais non la filière d’inscription suivie : celle des sociétés de courtage off-shore, îles Caïman par exemple. Tel est le biais trouvé pour contourner le « filtre » imposé par la CSRC (China Securities Regulatory Commission), et ses règlements de présélection, vieux de 3 semaines (cf VdlC n°34).

Analyse : le GEM prétend pallier une contradiction du marché chinois : d’un côté, 20000 firmes émergentes, de l’autre 6000 MMY d’épargne incapables de trouver le bon placement, faute de secteurs bancaires et boursiers efficaces. Dans l’immédiat, le GEM veut offrir ce service à un petit nombre de firmes en utilisant l’épargne Hongkongaise. Sous cinq ans, il espère créer une « annexe » en Chine-même.

La CSRC veut renforcer les chances du GEM en présélectionnant elle-même les candidats, mais sa démarche a pour handicap de doubler coûts et délais d’inscription, et elle n’a pas encore la confiance des PME privées : victime de sa tradition, elle ne parvient pas – encore – à les traiter sur pied d’égalité avec les publiques.

• Né dans les années 50 de la coopération soviétique, Zhejiang Aluminium, à Lanxi avait atteint son apogée en 1989 (25000 t d’aluminium produites) avant de chuter, victime de sa folie des grandeurs étatiques : entre ses spéculations hasardeuses sur la bourse de Shenzhen, et les pertes de ses 5 Joint ventures et 80 filiales incontrôlables, Zhejiang Alu avait accumulé pour 1,1MMY de dettes -trois fois son capital. L’issue de secours, conformément aux directives de l’Etat, semblait toute tracée : « fusionner » avec Huaneng, gros électricien local, côté en bourse de New York. Huaneng ne l’a pas entendu de cette oreille, et a préféré la racheter aux enchères… 136MY!!!

Analyse : l’opération permet à Huaneng d’éviter la reprise des dettes et du personnel excédentaire (3000 des 6000 employés). A ce prix, l’avenir de Zhejiang Alu semble assuré : qualité du produit supérieure à la moyenne, forte demande prévisible, et coûts de production favorables (grâce à l’énergie fournie par Huaneng, qui entre pour 50% dans le coût du produit).

• Depuis septembre, sur la base des trois tests nationaux et du 1,2MMUSD préventivement investis, la Banque Populaire de Chine (BPdC) déclare le secteur bancaire immune de tout incident associé au " bogue de l’an 2000 " (Y2K). Mais à mesure que se rapproche l’échéance critique du 1er janvier 2000, la confiance s’effiloche, peut-être en rapport avec les incidents constatés, dans des réseaux d’autres secteurs, le 9 avril (« 99ème jour de 1999 »), et le 9/9/1999 (série de chiffres ayant perturbé les programmes gestionnaires informatiques) : la BPdC envisage à présent d’imposer la fermeture des banques et distributeurs le 31 décembre, prépare des stocks de monnaie papier, ainsi qu’un " plan manuel d’urgence " – deux précautions valent mieux qu’une!

 


Pol : La revanche de la pauvreté

• Jusqu’en 1997, un titre de gloire du régime était de faire reculer la pauvreté, qu’il pensait éradiquer avant 2001. Mais avec la déflation et le passage du seuil de pauvreté de 500Y par an à 750Y par an, la misère reflue (42M), au rythme de 10% par an, et 50%/an dans le Ningxia. Ayant coûté 25MMY en 1999, l’antidote officielle déplacement de populations, n’a pas fait ses preuves.

• La répression contre le mouvement Falungong s’amplifie. Des milliers d’adeptes seraient déjà en camps, sans jugement. 150 leaders attendent leur procès. A Hainan, quatre viennent d’être  jugés, avec des peines dures – de 2 à 12 ans.

Analyse : la qualité des accusés a de quoi frapper, émanant de toutes sphères, même les plus éduquées et « filles du régime » :  tel ce membre du Parti, policier, ancien militaire (18 ans de carrière), ce fonctionnaire au gouvernement du Hebei, ces enseignants et étudiants. D’où la sévérité des verdicts : on veut débrider l’abcès.

 


Temps fort : La Chine et les Etats-Unis signent l’entrée à l’OMC!

Du 10 au 15, reprenant un dialogue coupé depuis 7 mois, Chine et Etats-Unis, avec Charlene Barshefsky et le ministre Shi Guangsheng ont négocié âprement pour obtenir le feu vert Etats-Unis à l’entrée chinoise à l’OMC.

Ces entretiens avaient pour base une offre globale chinoise pour l’accès yankee à son marché des services. Les Etats-Unis exigeaient aussi un frein aux exports chinois d’acier et de textiles. Vendredi, alors que Charlene Barshefsky parlait de couper court, Zhu Rongji demandait à rencontrer directement l’envoyée américaine : c’était le tournant.

Depuis Washington, Bill Clinton, (qui suit de très près le dossier « en duplex »), suggérait que les désaccords se limitaient à un nombre « fini » de dossiers : Pékin avait donc accepté de négocier, sur la base de ses concessions d’avril, condition sine qua non de la Maison Blanche (et surtout du Congrès, républicain,  sans qui le deal est caduc).

Pékin elle aussi, avait les mains liées par son opposition conservatrice, forte d’un accord passé après le 7 mai (le bombardement de son ambassade de Belgrade) : tout résultat devrait être « étudié »sous l’angle de la «compatibilité» avec le socialisme. Jeudi, la presse publiait un fort article émanant de Li Peng, Président de l’Assemblée Nationale Populaire : face au leadership divisé, les négociateurs manquaient de mandat!

L’action de Zhu, vendredi, n’en est que plus remarquable : elle permettait un accord de principe entre les deux parties, laissant les points techniques aux experts, et les négociations pouvaient se conclure lundi en fin de matinée, après 60 heures « non stop » de tapis vert. Entre temps, la rumeur demeure forte, d’une arrivée, quelques jours après le départ de l’équipe américaine, de Pascal Lamy, Commissaire européen responsable du dossier, pour poursuivre cette marche forcée de la Chine, vers l’OMC, et Seattle!


Petit Peuple : Une faute réparée, 2100 ans après

• En 1993 à Guodian, (Hubei) avait été exhumée une série d’écritures sur bambou plus anciennes que le Christ, dont certaines dédiées à   Lao Zi. Six ans plus tard, elles permettent de rectifier une erreur antique. L’historien Sima Qian avait confondu en une seule personne Lao Dan, (de l’ère  « Printemps/ Automne », 770-476 avant JC) et Tai Shidan (de l’ère  « royaumes combattants », 475-221 avant JC), chacun auteurs d’une compilation sur le génial fondateur du taoïsme (la seconde « inspirée » de la 1ère; les pages retrouvées à Guodian faisaient partie du premier ouvrage; jusqu’alors, seul le second était connu).

Sima Qian avait des excuses : il écrivait à l’époque  Han, en 91 avant JC, au moins 100 ans plus tard : même les chroniqueurs de l’époque, étaient faillibles!

• Anxieuse de chasser les comédons qui déparaient son (autrement gracieux) minois, Wan Lanxiang, du Hubei, avait acquis à bas prix une crème, de marque Roudi. S’ensuivirent des plaques rubescentes, qui fleurirent en pustules, plaies et cicatrices multiples. Se retournant contre le fabricant de Shenzhen (pour les 1080Y d’hôpital, plus les 100 000 Y de dédommagement que la loi semblait lui promettre), elle reçut par recommandé les avertissements que Roudi avait diffusé à travers le pays, contre les contrefaçons de sa ligne de produits de soins corporels : par presse interposée, dans les chaumières, la Chine profonde commence à réaliser que le piratage, n’est pas si sympa!

• L’exposition des produits " scientifiques " de Shanghai vient de décerner sa médaille d’or à un produit conjointement développé par l’Université de Chine Orientale et la draperie " Lumière du Peuple ". Sous l’appellation "drap de massage", l’impérieux gadget se fait fort d’améliorer votre circulation, sans troubler votre somme, au moyen d’ondes vibratoires émanant d’un «spécial» (mais peu rassurant) champ électromagnétique. Insomniaques, à vos sommiers!

 

 


Rendez-vous : Kofi Annan, Secrétaire Général de l’ONU, à Pékin

• 14 – 17 novembre, Pékin : Kofi Annan, Secrétaire Général de l’ONU

• 16 – 19 novembre, Shanghai : Expo Electricité 99

• 16 – 19 novembre, Shanghai : Salon de l’Environnement

• 17 – 20 novembre,  Pékin : Salon du Vin

• 17 – 20 novembre, Pékin : Expo Gaz 99

• 18 – 21 novembre, Pékin : Salon 99 de la Franchise