Le Vent de la Chine Numéro 20
Durant 5 jours (7/11mai), après le bombardement de l’ambassade de Chine à Belgrade, des manifestations jour et nuit, ont éveillé un sentiment inédit en 12 ans, de rejet du monde extérieur.
Alors, sur l’occidental, le regard collectif a changé, l’isolant «corps étranger». Des journalistes ont été frappés, des ambassades lapidées, même sans rapport à l’affaire. Sentiment éphémère, non encouragé par le régime (qui a pris les mesures pour enrayer la violence), mais qui peut être analysé, car il exprime un préjugé antique, choc des cultures. Ce sont l’accueil difficile par l’empereur Qianlong de la délégation de Mc Cartney (1797); le rejet voulu par l’impératrice Tseu Xi (guerre des boxers); les accents intolérants de la Révolution Culturelle…
En mai 1999, la source du rejet dépasse les bombardements yougoslaves. A ce ressentiment, participent,
[1] Le complexe (exprimé par Lu Xun dans une page célèbre), face à l’avance technique d’un Ouest ressenti comme arrogant,
[2] L’omniprésence des USA impérialistes dans le monde,
[3] L’angoisse de M de travailleurs sacrifiés à l’autel de la concurrence mondiale et de l’OMC, et peut-être plus que tout
[4] La nostalgie du cocon d’hier, le refus des valeurs nouvelles, de la fièvre d’un bonheur matériel, égotiste et yankee. Les manifestants du W-E passé, n’auraient rien contre une Chine plus chinoise, et plus socialiste!
Ne pas se méprendre sur nos propos: l’acquis des 20 années passées, la bonne volonté mutuelle, les coopérations, investissements, formations, amitiés, rien de tout cela n’est remis en cause. Mais peut-être a t’on voulu faire passer, aux européens et américains, le message du risque, à vouloir trop vite pousser la Chine dans une logique économiste: celui de voir ce peuple (qui s’avère, à cette occasion, plus grégaire que d’autres) rechercher son identité (ou autodéfense) dans une repolitisation (jiang zhengzhi) du débat public. Tentation anachronique, mais qui pourrait retrouver des séductions, en cas de confrontation internationale!
L’échec du marathon de Washington (après veto de Bill Clinton), et le bombardement de Belgrade ont rafraîchi l’atmosphère, mais non interrompu les négociations OMC. Si, suite aux désordres dans Pékin, le Sommet Union Européenne – Chine a été reporté, le négociateur de l’Union Européenne, était présent, depuis mercredi 12, pour donner discrètement le signal politique : « l’Europe est toujours là ».
Dans le « deal » quasiment conclu entre Chine et les Etats-Unis en avril, (cf VdlC N°15), Bruxelles voit deux obstacles.
[1] La Chine devrait reprendre une partie de ses concessions (c’est son droit) : ce ne sera pas « business as usual », mais « business » pur et dur.
[2] « Le pantalon convient, mais la veste n’est pas à la taille » : certaines offres sont philo-yankee et discriminatoires (ex: agrumes américains = 12% de taxes, fruits européens = 40%). De même, Pékin octroie à tel groupe d’assurances des conditions « extra-OMC » : distortion de concurrence pour les européens…
Aucun de ces problèmes n’est indépassable, avec bonne volonté politique : Sir Brittan, le Commissaire européen chargé du dossier (à présent à Hong Kong), peut retourner à Pékin à tout moment, si le climat s’avère bon pour l’Europe – il pourrait l’être, du fait du refroidissement momentané entre Chine et les Etats-Unis.
En somme : tous comptes faits, il n’est pas exclu que la Chine se retrouve à l’OMC pour la fin de l’année. Sur sa propre volonté, il est des signes qui ne trompent pas : telle la construction en ce moment même, à Genève, de sa future mission – inauguration prévue pour juin 2000 !
Début de panique chez certains intérêts américains en Chine. Kerr-McGee China Petroleum a rapatrié son personnel par le premier avion. A Xi’an (Shaanxi), l’hôtel Hyatt, où avait résidé B.Clinton, a eu « chaud » : pris d’assaut par une populace de 50000 personne, il a évité la mise à sac, en remettant à la foule, pour auto da fe, « sa » bannière étoilée et sa photo du Président. Tous les cinémas ont remplacé leurs films américain (« Mulan », « Sauver Ryan ») par des pieux souvenirs de guerre de Corée, ou des luttes anti-impérialistes des ans de gloire. On a vu passer sur Internet de nombreux appels au boycott de Mc Donald (plusieurs restaurants fermés par mesure de sécurité dans Pékin), Coca Cola, KFC (5 restaurants endommagés à travers le pays)…
A Pékin, presque toutes les visites et activités politiques, culturelles, d’affaires ont été annulées. Telles celles de l’Orchestre Symphonique de Boston, avec son maire Richard Daley, et 100 entrepreneurs du Middlewest. Tel le Festival de Jazz Heineken. Stoïquement, le Credit Lyonnais Securities Asia (CLSA) a maintenu son 4ème China Forum (12-14 mai) : 90% des inscrits auraient répondu « présents ».
L’iranien National Iranian Tanker Company (NITCo) avait commandé 10 super-pétroliers d’un tonnage global de 3Mt DWT, répartis entre Hyundai (Corée/Sud) et Chantiers de Dalian (Liaoning).Contrat doublement novateur :
[1] jusqu’à présent ce type de construction à hte technologie échappait aux chantiers chinois. Avec ce choix, la NITCo économisera 4,6MUSD par rapport aux offres européennes.
[2] Dalian avait un problème de design : Hyundai fournit au partenaire ses plans, établis par les 1000 ingénieurs de son centre de recherches. Première étape vers une synergie du 21e siècle, associant technologie Hyundai et bas salaires chinois.
Siemens et Adtranz (Daimler) vont assurer l’électrification de la ligne de chemin de fer Harbin – Dalian (950km). Montant du contrat : 350M DM, répartis à 45% – 55%. Mise en service pour novembre 2001. Participera également à ce contrat, la China National Machinery Corporation.
Samedi 8 mai : 7h : annonce du bombardement de l’ambassade de Chine à Belgrade (3 missiles à fragmentation), victimes chinoises,
15h : manifestation des étudiants, suivis du peuple, devant l’ambassade américaine, puis la britannique – immédiatement, jets de pierres. Violences dans 8 villes, dont Chengdu (résidence du Consul Général américain détruite).
Dimanche 9 : poursuite des manifestations violentes, contre les ambassades des Etats-Unis, de Grande Bretagne (2t de pierres!), d’Albanie, d’Irlande, de Bulgarie. La police se borne à empêcher les intrusions.19h : tournant🙁suite à un vote du Com. Permanent?) annonce (TV) du vice-Président Hu Jintao, les manifestations doivent respecter légalité et stabilité.
Ludi 10 : des circulaires musellent les manif, un corset policier se met en place. Dépêchés par le Front Uni (= Hu Jintao), des religieux de tout bord, défilent en tenue (symbole voulu de la « communion dans la colère »).
Mardi 11 : retour de 2000 soldats dans leurs casernes. A Pékin, Viktor Tchernomyrdine ne peut faire accepter le plan de paix (du groupe G8+Russie). Les excuses de Clinton, en Chine, sont enfin « publiées » (en style télégraphique) et jugées « insuffisantes ».
Mercredi 12 : retour des cendres des trois journalistes victimes du bombardement, et des 20 blessés, accueillis en martyrs. Obsèques nationales, présidées par tout le gouvernement.
Jeudi 13 : le Président Jiang Zemin accepte enfin de recevoir B.Clinton au téléphone, prend note de ses (nouvelles) excuses. Les 3 victimes sont décrétées « martyrs révolutionnaires » (ce qui ne s’était plus fait, sauf erreur, depuis 1949).
Vendredi 14 : la campagne idéologique gagne dans la presse (cf Quotidien du Peuple: une «profanation sans vergogne de la civilisation humaine»), dans les universités (cf Zhu Yuhe, Recteur de Qinghua, citant, devant un grand amphi bondé, Mao et ses « 3 règles pour lutter contre les éléments rétifs»), voire l’édition (profusion de livres nouveaux, aux titres tel : « la Chine ne se laissera pas humilier »).
Le même jour, le Conseil de Sécurité de l’ONU vote une résolution de « regret » pour le bombardement de l’ambassade de Belgrade, qui lui inspire « profonde douleur et détresse » – mais pas condamnation.
Samedi 15 : Xinhua accuse les Etats-Unis de « se dérober à leurs responsabilités », en particulier le Secrétaire d’Etat William Cohen : le « pardon » est loin d’être accordé, et Pékin réserve toujours son attitude à l’avenir. Lee Tenghui, le Président taiwanais va peut-être exacerber la colère, par un livre où il conseille à Pékin de «renoncer à sa tentation d’une grande Chine», -de céder l’autonomie à 5 régions, dont Taiwan. Peut-être le seul point positif dans ce sombre tableau : toutes les instances du pays se voient priées de réfléchir à une révision de la diplomatie nationale.
Angle n°1 : les « intentions réelles de l’OTAN au 21ème siècle », mais cette révision demande aussi d’émanciper les esprits (mot d’ordre réformateur), et exclut surtout le nationalisme, comme moteur politique de la Chine à l’avenir.
La suspension de trois coopé mineures sino-américaine (militaire, désarmement et Droits de l’Homme, et les violences de la semaine passée, ont causé une baisse à la bourse de Hong Kong, et dès le 10, la finance réclame une coupe des taux d’intérêt du Renminbi. Depuis 1996, six coupes successives ont ramené le taux de base, de 9,18% à 3,78% par an.
Lundi 10, depuis la base spatiale de Taiyuan (Shanxi), premier lancement cette année pour la fusée Longue Marche4B, qui a mis sur orbite synchrone, à 870km au-dessus de la planète bleue, 2 satellites scientifiques civils made in China. En 9 ans, la CGWIC (China Great Wall Industry Corporation), compagnie exploitante, a lancé 23 satellites étrangers (dont 10 en 1998). A 90% pour le compte de clients américains, le marché chinois du lancement occupe 8% du marché mondial, mais la CGWIC veut s’attaquer au marché européen, et à la concurrence d’Ariane.
Quelques formules de la presse du Week-end, pour fustiger les Etats-Unis : « arrogance de policier du monde »… « Hypocrisie du tueur qui se cache sous le prêcheur des Droits de l’Homme »… « Celui qui pratique l »injustice, sera détruit ».
Au plus fort de la crise, tout en assurant, depuis leurs homes, un bon travail d’info et de liaison par internet, les diplomates américains ont su garder un modeste sens de l’humour, avec cette trouvaille : « we may have rocks in our offices, but not in our heads ». Traduction suggérée pour le VdlC : « nous avons peut être des cailloux au boulot, mais pas dans le ciboulot ».
Élection haut la main (3/4 des voix) du futur gouverneur de la Région Administrative Spéciale de Macao, qui prendra le relais du portugais A. Viera le 19 décembre 1999 : il s’agit de Edmund Ho, 44 ans.
On se souvient (VdlC n°16) du contrat pour une ligne à haute tension entre le barrage des Trois Gorges et Shanghai, remporté en avril par ABB /Siemens, et de la réaction hostile d’organisations écologistes suédoises. Aujourd’hui, les écolos internationaux, dont International Rivers Network et National Wildlife Fund, reviennent à la charge en demandant à Morgan Stanley, le géant américain du courtage en Bourse, de ne pas lancer d’emprunts pour ce projet, via sa filiale à 35% la China International Capital Corporation. La pression s’applique aussi à Merrill Lynch et Salomon Smith Barney, qui viennent de lancer une souscription de 500MUSD pour le compte de la China Developpment Bank, dont une partie au moins, dénoncent les verts, « trouverait son chemin » vers le barrage.
Durant 5 jours (7/11mai), après le bombardement de l’ambassade de Chine à Belgrade, des manifestations jour et nuit, ont éveillé un sentiment inédit en 12 ans, de rejet du monde extérieur.
Alors, sur l’occidental, le regard collectif a changé, l’isolant «corps étranger». Des journalistes ont été frappés, des ambassades lapidées, même sans rapport à l’affaire. Sentiment éphémère, non encouragé par le régime (qui a pris les mesures pour enrayer la violence), mais qui peut être analysé, car il exprime un préjugé antique, choc des cultures. Ce sont l’accueil difficile par l’empereur Qianlong de la délégation de Mc Cartney (1797); le rejet voulu par l’impératrice Tseu Xi (guerre des boxers); les accents intolérants de la Révolution Culturelle…
En mai 1999, la source du rejet dépasse les bombardements yougoslaves. A ce ressentiment, participent,
[1] Le complexe (exprimé par Lu Xun dans une page célèbre), face à l’avance technique d’un Ouest ressenti comme arrogant,
[2] L’omniprésence des USA impérialistes dans le monde,
[3] L’angoisse de M de travailleurs sacrifiés à l’autel de la concurrence mondiale et de l’OMC, et peut-être plus que tout
[4] La nostalgie du cocon d’hier, le refus des valeurs nouvelles, de la fièvre d’un bonheur matériel, égotiste et yankee. Les manifestants du W-E passé, n’auraient rien contre une Chine plus chinoise, et plus socialiste!
Ne pas se méprendre sur nos propos: l’acquis des 20 années passées, la bonne volonté mutuelle, les coopérations, investissements, formations, amitiés, rien de tout cela n’est remis en cause. Mais peut-être a t’on voulu faire passer, aux européens et américains, le message du risque, à vouloir trop vite pousser la Chine dans une logique économiste: celui de voir ce peuple (qui s’avère, à cette occasion, plus grégaire que d’autres) rechercher son identité (ou autodéfense) dans une repolitisation (jiang zhengzhi) du débat public. Tentation anachronique, mais qui pourrait retrouver des séductions, en cas de confrontation internationale!
La mystérieuse apparition de 10000 manifestants du Falungong le 25 avril place Tian An Men, a éveillé l’attention publique sur les sectes qui fourmillent en ce pays – conséquence de l’absence de liberté de culte et de la clandestinité qui en résulte. Dernière secte épinglée : Zhu Shen (« l’Esprit Seigneur »), dont le leader charismatique Liu Jiaguo vient d’être arrêté dans le Hunan après plus de deux ans de cavale.
A travers 22 provinces, Zhu Shen comptait plus de 10000 adeptes, tous soumis à la dîme, y compris, pour les belles fidèles, au don de leur corps au prédicateur. Il prônait un culte syncrétique chrétien appelant au renversement du pouvoir politique, à remplacer par le « Royaume de Dieu ». M. Liu connaissait ses mâtines : avant de fonder Zhu Shen, il avait créé une autre secte, dite du « Roi élu ».
Pensionné à 54 ans en 1979, au sortir de 10 ans de Révolution Culturelle, Wang Ruchen entama la réalisation d’un vieux rêve : participer au « reboisement de l’âme humaine », en envoyant des jeunes aux études. Pour ce faire, avec un pragmatisme bien chinois, il commença par placer les économies de toute sa vie, dans un restaurant dont les profits alimentèrent sa « fondation ». L’argent alla d’abord à une maternelle, puis, à partir de 1986, aux jeunes les plus prometteurs.
Palmarès, 13 ans plus tard : 40 jeunes ont pu grâce à lui étudier, dont 10 en université. Le problème, qui chagrine très légitimement le vieillard – M. Wang a aujourd’hui 84 ans : pas un seul des bénéficiaires de son mécénat n’est venu lui dire le petit mot « xie xie » (merci). Aussi incroyable que cela puisse paraître, M. Wang n’avait jamais vu ses boursiers, qu’il sélectionnait sur dossier. Voilà comment Wang Ruchen, Père Goriot chinois des temps modernes attend toujours une photo, une lettre ou une visite, qui annihile les soupçons qui le taraudent : ce silence est-il fruit d’ingratitude, ou d’escroquerie ?
17-22 mai, Pékin : Foire de l’Audiovisuel
21-23 mai, Pékin : Symposium Stratégie des Marques
22-23 mai, Pékin : Bourse aux Emplois pour Joint venture
20-24 mai, Pékin : Semaine Internationale des industries de Haute Technologie 1999
20-31 mai, Fuzhou : Foire Commerciale Internationale
23-28 mai, Dalian : Foire Export 1999