Le Vent de la Chine Numéro 25

du 5 au 11 juillet 1998

Editorial : Hong Kong : un an de Chine !

Le 1er juillet, deux anniversaires : celui (1er) du retour de Hong Kong, et celui (77 ième) de la fondation du Parti communiste (PCC).

Dans le brun, vitreux Palais des Expositions (projet Bouygues, solidement implanté sur HK), la commémoration réunissait 5500 grands du monde chinois et de la SAR.

Hasard de la petite histoire: tandis que Jiang Zemin, après avoir inauguré l’aéroport de Shek Lap Kok (capacité à terme, de 79M de passagers par an, contre 29M à l’ancien, Kai Tak, 6ème de la planète), était du «1er» avion à en décoller, Clinton, le 2 juillet, était le «1er» à y atterrir.

La première année sous souveraineté chinoise s’est bien passée – beau joueur, Chris Patten, dernier gouverneur de sa Majesté, est le premier à le reconnaître. Pas de présence intempestive de l’armée chinoise (APL) sur place, pas de «main noire» sur la presse ni la gestion locale, pas de tentative de corruption par des pouvoirs chinois (ce serait plutôt l’inverse), tout au plus une recrudescence (plus sensible à Macao) de la mafia, et une baisse de compétence de l’administration en matière de contrôles d’hygiène alimentaire (fièvre du poulet, «marée rouge»)…

Les misères de Hong Kong – nul ne l’eût prédit en juillet 1997! – sont sans rapport au retour à la Chine: elles sont la crise asiatique, l’érosion de la Bourse, l’obligation de maintenir, protecteur de sa monnaie, un «mur d’argent» (taux d’intérêts de 10% et plus) qui décourage les spéculateurs, mais aussi les investissements…

Jiang Zemin, comme Bill Clinton, ont donné leur garantie qu’ils feraient tout pour protéger Hong Kong, domino essentiel de l’économie d’Asie et du monde. Là aussi, on réalise le chemin parcouru depuis 12 mois -où les observateurs, y compris nous mêmes, tablaient plus sur un HK, source de tensions entre Pékin et Washington, qu’une cause commune et point de ralliement : Aujourd’hui, Hong Kong est le lieu que tous veulent protéger!

 


Joint-venture : Honda, dans les meubles de GPAC

• Les contrats de la visite de Bill Clinton, se montent à 3,1MMUSD, dont

800MUSD pour 17 Boeing (+10 en lettre d’intention);

5M USD à Dasibi Co pour un système d’analyse de l’air dans 11 grandes villes,

30 MUSD pour China Coal Bed Methane, Arco et Phillips, pour une exploration à Hedong (Shanxi);

– 2 turbines/ vapeur de 600Mw (161MUSD) livrées par General Electric (GE) à Huaneng, pour la tranche III de sa centrale thermique de Dezhou (Shandong) (+un contrat jumeau à Deutsche Babcock/Siemens).

US Phos-chemical, Cargill et Hydro Farmland vendent 2Mt d’engrais (400MUSD);

IBM et Great Wall gonflent de 77MUSD leur JV de disques durs à Shenzhen.

Commentaire de la presse US: une récolte maigre et aléatoire, les plus déçus étant les services, banques et assurances, qui n’ont rien reçu.

• L’américaine Southern signe avec Shanxi Enhua une JV (invest à 49% / 51%; coût total= 500MUSD) de centrale thermique de 600Mw à Gujiao (Shanxi – 1er réservoir houiller du pays).

Originalités de ce projet: la centrale se trouve à l’intérieur des terres, sur le site minier (pas de transport), et l’industrie houillère est partenaire direct.

• Ouverture au China World de l’agence pékinoise de la BNP, 14ème étrangère auto risée à Pékin (pour 225 bureaux de représentation). C’est la 4ème agence BNP en Chine, après Shenzhen, Tianjin, Canton et une filiale shanghaienne en JV, IBPS.

• Débuts, 1er juillet de la JV Honda à Canton, avec le partenaire, dans les locaux de la défunte GPAC (Peugeot). Honda veut produire d’ici 2005, 100 000 Accord de 2,3 litres.

• A Taiwan, Evergreen avait créé Eva Air.

Aujourd’hui, la COSCO prépare (pour fin ’98) avec China Eastern Airlines (CEA) une flotte aérienne en JV sino-chinoise, de transport de fret. 1er vol, fin 1998. 180MUSD, dont 70% à CEA.

 


A la loupe : Taiwan – Tibet: les nouveautés!

«Reconnaissez que le Tibet et Taiwan sont par ties intégrante de la Chine, et tout deviendra possible»: par cette offre au Dalai Lama, proférée devant la presse et «parrainée» par Clinton Jiang Zemin prenait le monde par surprise.

Avant même le retour de Clinton vers la Maison Blanche, le Chef spirituel du Toit du Monde a saisi la balle au bond, renonçant formellement aux luttes pour l’indépendance du Tibet, et de mandant des négociations sans conditions de sa part: désormais, selon ses propres termes, Jiang est en position de rencontrer le Dalai Lama.

Choc pour Taibei, quand Clinton à Shanghai, sur une chaîne radio, révéla avoir «confirmé à Jiang que les USA étaient opposés à l’indépendance de Taiwan».

Taiwan, qui a immédiatement protesté, découvre que le seul pays à garantir sa défense, milite pour sa réunification avec le Continent, avec pour seule condition à la Chine, que la manoeuvre se fasse sans violence.

Ce qui rend plus qu’aléatoire la voie d’une «République de Taiwan», au coeur de la démarche du DPP, le Parti Démocratique du Progrès, porté par la jeunesse insulaire, sans doute bientôt au pouvoir. D’où la contradiction, aussi adamantine aujourd’hui qu’en 1949 : s’il y a un point sur lequel se cristallise la volonté des électeurs, c’est dans le refus d’abdiquer la souveraineté locale.

Mais Taiwan, après un demi siècle de procrastination sur ce débat crucial, réalise qu’avec la présente dérive américaine, il est déjà presque trop tard


Argent : En 2 mois, 2 baisses des taux d’intérêts

• 200MUSD pour un Musée des Sciences et Technologies à Shanghai.

Dessiné par des architectes américains, il ouvrira en 2001.

• Annoncée par une baisse en juin de l’intérêt des comptes en devises, la Banque centrale (BPdC) ordonne une 2de baisse (en 2 mois) des taux d’intérêts: 1,12 % sur les prêts, 0,49% sur les dépôts.

Il s’agit de relancer l’économie (atteindre les 8% de croissance promis par Zhu Rongji) et alléger de 40 MMY le service de la dette des Entreprises d’Etat dont les ventes, de jan à mai, ont régressé de 4,3%, et dont l’endettement (pour les EE "dans le rouge"), a monté en flèche, de 49,3%, à 48,7MMY.

 


Pol : Six groupes de presse en quête de liberté

• Deux nouvelles lois votées: sur les médecins (destinée à promouvoir le renforcement des compétences et de la déontologie), et celle des Zones économiques spéciales (ZEE) (des 200 milles marins le long des côtes).

• Retour de flamme de la restructuration, dans l’édition:

Six groupes de presse, fusionnés depuis 1997, réclament la fin de la censure.

Contrairement aux usines de chaussures ou de chemises, eux doivent rendre compte à l’Etat (administration de la Presse et des Publications): des salaires, des infos publiées, et même du nombre de pages pour le lendemain.

En tête de la fronde: les cantonais Guangzhou Daily, Nanfang, Yangcheng, les pékinois Qingji (économie) et Guangming, le shanghaien (en cours de constitution) Wenhui-Xinmin.

• Neuf universités pékinoises viennent d’avoir le feu vert pour lancer début 1999, des cycles de maîtrise et de doctorat pour fonctionnaires «dégraissés» des ministères.

Etudes gratuites qui devraient adoucir la pilule à ces gens qui perdent leur raison d’être. Revers de la médaille: il y aura examens d’entrée. Beaucoup de ces quinquagénaires, anciens Gardes Rouges ignares, sont entrés dans l’administration, plus par «piston» ou «pedigree» que sur diplôme.

• La Sécurité Publique met en tête de sa liste noire les "terroristes du Xinjiang", suivis des "séparatistes Tibétains" (lesquels viennent d’endommager à l’explosif un commissariat de Lhassa), "des chômeurs", avec leurs syndicats clandestins (Liaoning, Sichuan, Hubei), et des chrétiens de l’ombre, intellectuels occidentalisés (par ex. employés dans des compagnies américaines), mais aussi "cadres et paysans".

A l’estimation (très conservatrice) du Bureau des affaires religieuses, le nombre de chrétiens est passé de 8 à 10M en 1997, et l’église protestante à elle seule, depuis 1980, a distribué 20 millions de Bibles.

Enfin, Pékin perdrait confiance en ses 8 «partis démocratiques», mini-formations sans pouvoirs, hier alliés du Parti communiste (PCC), aujourd’hui en demande d’une réforme politique bien plus rapide, que Zhong Nan Hai n’est disposée à accorder.

• Gao et Zhuang, «dissidents» réfugiés aux USA, avaient été accueillis à bras ouverts en témoignant devant le Congrès sur les «atrocités» du planning familial chinois (des avortements sous la contrainte).

Aujourd’hui, la justice locale les recherche pour escroquerie : 100 000Y, prétendent les enquêteurs, obtenus sur faux en signature, et une «ardoise» de 2MY abandonnée lors de leur fuite. Gao et Zhuang auraient lancé à Jinjiang, dans le Fujian, une usine de tricot, qui n’aurait pas marché.

• Sur les 3 M d’étudiants en fac, un tiers est candidat à la carte du Parti.

129000 sont membres, plus 41000 en 3ème cycle (26% de leurs promotions). Pour les officiels, cet engouement serait dû à un «regain de confiance».

C’est aussi l’intérêt mutuel: le Parti recrute l’élite de la nation, et entrer au Parti est pour les jeunes le plus sûr chemin pour faire carrière.


Temps fort : Clinton – Jiang Zemin, le temps des cadeaux

Ni Bill Clinton, ni Jiang Zemin n’ont obtenu un seul de leurs souhaits exprimés avant la visite : le bilan matériel du Sommet apparaît mince.

Pour Jiang, rien sur l’entrée à l’OMC, ni sur une fin des ventes d’armes à Taiwan, ni sur celle des dernières sanctions économiques contre la Chine.

Pour Clinton, rien pour enrayer le déficit commercial, et rien sur les droits de l’homme.

Et pourtant, les deux Présidents se targuent, à l’issue de la visite, d’un succès total:

1. rapports personnels renforcés (c’était leur 5ème rencontre), à un niveau peut- être jamais atteint entre dirigeants de l’Est et de l’Ouest;

2. Jiang et Clinton ont déplacé le terrain, sur chaque thème, pour accéder en terre vierge, où ils ont pu se faire de grandes concessions.

Bill Clinton, par la durée de son séjour et ses compliments incessants, a donné une reconnaissance du poids politique de la Chine et de son Président. Jiang n’est peut- être pas la plus grande figure du socialisme chinois, mais il est devenu la première, aussi intégrée au club des nations. Bill Clinton a aussi fait un immense cadeau  en déclarant les USA opposés à l’indépendance de Taiwan, ce qu’aucun leader occidental n’avait fait jusqu’alors –même si cette thèse était endossée par les USA, ses Présidents, jusqu’alors, ne parlaient que du principe d’une seule Chine, comme Taiwan elle même.

Jiang Zemin lui, a offert à Bill Clinton une ouverture au Dalai Lama. Si Lhassa dispose demain d’un meilleur statut et retrouve son chef spirituel, ce sera à Bill Clinton qu’elle le devra. Clinton a aussi pu fournir quatre fois, à la TV/radio, un vibrant plaidoyer pour la démocratie, l’écologie, et les fondements de l’American way of life. On comprend mieux ce que Clinton entendait, à Xi’an, en prétendant «mieux expliquer à la Chine le fonctionnement de (son) pays».

Tout ceci nous ramène à la question des objectifs réels, au-delà des souhaits apparents des deux acteurs du sommet. Jiang peut avoir laissé passer, à la TV socialiste, un message contraire aux traditions du régime, et qui aura immanquablement une influence considérable, à titre de ballon d’essai.

Lancer une réforme politique, en Chine, comporte le danger pour son auteur, de se retrouver en minorité. Mais si cette réforme est promue par un étranger, comme un phénomène style «Coca Cola» (= déplacement du terrain politique, vers celui onirique ou de la mode), les repères sont perdus.

En cas de succès, Jiang est le père novateur; en cas d’échec, il est hors critique, ayant été contraint par les lois de la courtoisie et de la réciprocité (il avait eu droit au même traitement, aux USA, en novembre 1997). Quant à Clinton, selon ses diplomates à Pékin (en privé), ses risques étaient bien plus grands que ceux de Jiang -ne serait-ce que parce que les questions des «étudiants», à Beida, qui ont frappé la presse par leur tonalité «cocardière» voire agressive, étaient manipulées.

La raison: Clinton n’est pas rééligible, sa carrière s’achève, et ce qu’il recherche à présent, une  place dans l’Histoire, se trouve plus facilement dans l’arène internationale que sur la scène intérieure : nul n’est prophète en son pays!


Petit Peuple : Chute et rédemption d’un abbé macanais

• o tempora, o mores!

La dégradation des moeurs à Macao n’est pas due qu’à la mafia, mais aussi au naufrage de la présence lusitanienne – d’une structure sociale bien désuète, la morale chrétienne.

Benjamin Videira Pires, brave Jésuite de 80 ans, s’est trouvé séquestré durant des semaines par son personnel à l’Instituto de Melchior Carneiro, collège dont il était proviseur et fondateur (en 1961). Son frère Francisco, aussi prêtre, débarqué du Portugal pour le voir, torpilla l’intrigue: se voyant interdire de le voir, il sonna le tocsin des forces de l’ordre qui, ayant passé en vain le collège au peigne fin, alertèrent Interpol: les conjurés avaient déménagé le père (en contrebande, par bateau)… Quelques heures après, coup de théâtre sur le lieu du drame: un coup de téléphone du kidnappé, depuis Foshan, près de Canton (amateurs, les conjurés avaient oublié de débrancher l’appareil, dans la chambre d’hôtel où ils le gardaient). Et c’est finalement la police chinoise qui mit fin aux affres du malheureux proviseur et le fit repasser à Macao -cette fois, par le poste frontière.

Après avoir tenté de faire accroire qu’ils l’avaient transféré en Chine «pour soins de santé», les 11 Rapetout macanais (professeurs et employés à l’Instituto), sont en aveu : ils voulaient faire signer au Principal un testament, qui leur garantirait l’héritage de ce lycée -future «mine d’or», après le retour à la mère patrie en 1999!

• La carotte d’or de CNN (Pékin), va sans réserve à ce gendarme un peu secret, qui rudoyait leur équipe en train d’interviewer dans la rue à propos de Clinton: «Votre Président Jiang Zemin avait dit, hier à la TV, que les libertés d’opinion étaient garanties par la Constitution!», crut bon ce journaliste de remarquer. «Oui», répliqua finement le limier, «mais seulement après autorisation»!

• Alerte maximale sur le cours bas et moyen du Yangtzé : la côte d’alerte est déjà dépassée de 14 cm (le fleuve est à 43,14m de hauteur de digue), et de grosses pluies sont en route.

 

 


Rendez-vous : Hong Kong – Ouverture de l’aéroport de Shek Lap Kok

• 8-23 Juillet, Qingdao (Shandong) : allemande à sa naissance,  («l’île verte») veut le redevenir, durant 15 jours, pour sa Bierfest, honorée par 200 brasseurs mondiaux, et (en marge) un symposium de la brasserie.

• 4 juillet: V. Siew, 1er Ministre Taiwanais à Tonga (fête nat.) et aux îles Salomon

• 7-10 juillet, Pékin «Internet -China 1998»

    • (rappel): 6 juillet, HongKong: ouverture commerciale de l’aéroport Shek Lap Kok