Le Vent de la Chine Numéro 44

du 9 au 16 décembre 1996

Editorial : Shanghai, ‘tête du Dragon’ métropole de la démesure !

Shanghai, métropole de la démesure (14 millions d’âmes), «tête du Dragon» (du Yangtzé, navigable jusqu’à Chongqing), a subi en 10 ans plus de bouleversements que toute autre ville de Chine.

Le plus énorme: Pudong, grand comme Singapour, enclavé entre Yangtzé, Huangpu et la mer, a été domestiqué par de gigantesques ponts suspendus et tunnels, offrant à la ville congestionnée la terre neuve qui lui manquait. Shanghai et Pudong bourgeonnent de centaines de tours de verre teinté, y compris celle de la TV, arrogante sinon esthétique, 470 m de hauteur.

Pudong a déjà attiré 4400 usines étrangères, et drainera 30 MMUSD d’ici ‘2000, pour un réseau d’autoroutes urbaines à deux étages, le métro, un (2ième) aéroport international, un opéra (ces 2 derniers, dessinés en France)… Le résultat étant, fin 1996, une fourmilière inquiète, un décor trouble tissé de tous les âges:colonial, maoïste, libéral «yankee», «Mad Max», grands magasins aux portes guettées par des nuées de clochards, hôtels 5 étoiles aux abords boueux…

Dans ce Shanghai qui s’échauffe avant le match du 21.siècle, les étrangers viennent prendre leur place. Pas celle d’avant-guerre, où ils étaient les maîtres, derrière les hauts murs de leurs concessions. Mais celles de partenaires technologiques et financiers, dans le cadre d’un rapprochement entre continents, aussi difficile qu’inéluctable – la mondialisation.

D’une centaine en 1987, les Français de Shanghai sont aujourd’hui 529 (avec une petite école franco-allemande tout juste ouverte). Pour les 200 hommes d’affaires de la mission «prince Philippe», la semaine dernière, le vice-maire de Shanghai vient de chiffrer ses échanges avec la Belgique: 250 MUSD (+32%) sur les 12 derniers mois, et 89,5 MUSD belges placés sur Shanghai et Pudong. Une coopération prometteuse donc, mais qui a ses ambiguïtés aussi: individualiste et (comme toute la Chine) assoiffé de profits à court terme, le Shanghaïen n’est pas toujours un partenaire fiable, ni facile. Les pressions et l’absence de transparence de ce régime autoritaire, n’arrangent rien!

 


A la loupe : AVIC – A SHANGHAI, LA FUTURE USINE « AVION DE 100 PLACES »

Shanghai et non Xi’an assemblera l’Asian Express (avion de 100 places), dans les locaux de la SAIC, division locale de l’AVIC.

L’usine de Dachang (au bord piste militaire de 3400m) a donné, sur le futur partenaire chinois, «l’impression d’une production artisanale… d’une technologie encore mal maîtrisée», dans des hangars «anciens mais fonctionnels et sous exploités». Contrat à signer avant fin 1996.

Père du «Yun10» dans les années 1970, (124-178 places), SAIC n’a plus produit jusqu’en 1985, où il a fait son come back grâce à MDD.

Après l’assemblage de 35 MD 82, SAIC a resigné en ’94 avec MDD pour 20 MD 90 dont 70% des pièces produites en Chine (tout, sauf avionique et moteurs). Contrat aussi avec Boeing pour la sous-traitance des empennages des 737-700 et -800.

Pour le «100 places», une part de la conception devrait sortir de l’Institut de recherche SAIC, 1000 ingénieurs et employés.

Conclusion de ce témoin: «la coopération avec MDD n’a pas porté chance au groupe de Long Beach, mais a permis le maintien en état de l’outil chinois, – peut-être au profit de l’aéronautique européenne


Joint-venture : Anarchie dans les imports de vins

• A Shanghai, le commerce du Cognac ces derniers mois enregistre un recul au profit du vin rouge, surtout Bordeaux (Grands crus) : phénomène de mode (qui se retrouve à travers toute l’Asie), et demande en boissons plus légères.

Malheureusement pour ce secteur, le progrès est «détourné»par des traders non professionnels, opérant depuis la banlieue de HK (Shantou, Shenzhen, Zhuhai), profitant du «marché gris» (taxe officielle remplacée par un cachet forfaitaire -10O OOO Y par conteneur de 1000 caisses). D’où anarchie sur les prix: Mouton Cadet, un des 1ers vins français en Chine, coûte 130 Y dans le nord de la Chine, 60Y dans les gargotes du sud!

• Pour fin 1996,agrément pour les agences bancaires de Pudong (Shanghai) de Citibank, Mitsubishi et Hong Kong Bank, leur donnant un accès (limité) au marché RMB.

 • Le commerce de détail à Shanghai compte 163 000 magasins et 1,1M d’emplois.

Parmi ceux ci, 40 supermarchés en JV, sur 50 000 M², présence étrangère caractérisée par une croissance très rapide (+150% en 8 mois), et par une taille réduite, de l’ordre de 1100m². Style est imposé par le 1er investisseur, Yaohan (Japon), qui tient 21 superettes et compte en placer, dans Shanghai, 175 d’ici 2005.

Egalement présents:Carrefour, et Park’n Shop (HK). Frappent à la porte : Ahold (Pays Bas) et Wal Mart (USA). La tendance, d’ici 10 ans, étant le recul d’un fort pourcentage des boutiques non rentables, et d’une guerre «au couteau» entre chinois et étrangers pour ce marché, le plus porteur du pays.

 


A la loupe : AUTOMOBILE : DANS LE BLIZZARD

Du rififi à Shanghai, où Volswagen (VW traverse aujourd’hui un rude «coup de noroît».

Le géant de Wolksburg avait déjà dû souffrir un feu rouge pour son plan de ventes à crédit, et le piratage (sur lequel il avait pt être fermé les yeux)de son Audi 100 par son partenaire à Changchun

Aujourd’hui, on croit savoir que le partenaire de GM, qui veut investir 1 MMUSD à Shanghai dans une petite Buick familiale «dès 98», ne sera autre que SAIC, partenaire de VW! GM a déjà en ville un «Q.G» de 60cerveaux, qui prospectent fébrilement auprès des équipementiers. Ce «coup de Jarnac» de Shanghai, étonnant vu sa germanophilie notoire, va faire perdre à VW son exclusivité sur le marché local, ainsi que ses entrées à la mairie, qui lui permettaient jusqu’à hier d’imposer ses critères techniques comme normes publiques.

Si l’on ajoute au tableau la disparition chez Citroën-Wuhan d’1 directeur chinois (probablement assassiné), les rumeurs d’abandon par Peugeot de sa JV de Canton -le piaffement aux starting-blocks de repreneurs tels Opel ou FIAT-,on a le portrait véridique d’un secteur automobile en pleine tourmente!

 


Argent : Promotion des marques shanghaiennes

• Dans la presse shanghaienne, les industries traditionnelles intensifient leur campagne pour la défense de leurs marques, frappées par la concurrence de l’étranger.

La campagne s’appuie sur des arguments et vecteurs nouveaux : presse publicité gratuite (puisque 80% des espaces publics sont «trustés» par les multinationales), publicité comparative «chinois/ étranger», hit parade des «produits chinois de confiance», revendication d’1 «âme chinoise» dans les produits nationaux, lutte contre le piratage (mais, dans les boutiques, les CD pirates foisonnent en rayon, sans peur du gendarme, moins cher qu’à Pékin où ils circulent sous le manteau).

Autrement dit, c’est à Shanghai que se prépare la riposte à la pénétration des produits étrangers en Chine!

• Shanghai : ouverture semaine passée du 3ième tunnel vers Pudong (bien nécessaire!), et d’une autoroute urbaine surélevée mettant le centre ville à 10 minutes de l’aéroport de Hongqiao.

 


Pol : Vatican : Pékin ‘peu pressé’

• La presse taiwanaise, un peu moins bienvenue qu’avant en Chine Pop: visa maximum de 30 jours  au lieu de 50.

Le durcissement serait dû à une couverture plus critique de la Chine par la presse insulaire, suite aux exercices militaires chinois du printemps dernier au large des côtes taiwanaises. Pékin vient pourtant de remporter un grand succès sur Taibei, en lui reprenant la représentation diplomatique en Afrique du Sud.

• Mgr Jin Luxian, évêque de Shanghai, plus importante figure de l’église «patriotique», estime que le Vatican vient de faire plusieurs gestes envers la Chine, en se distanciant publiquement des partisans aux USA, de l’église clandestine en Chine, et en nommant futur archevêque de Hong Kong Joseph Zen, plus proche de l’église d’Etat (intronisé à HK ce lundi 9), en présence de représentants de Mgr Jin.

Selon ce dernier, Pékin pour l’instant, ne serait pas «très» intéressée au rapprochement : «le Vatican ne possède ni technologies, ni (en principe) capitaux! »

• Organisée par le vice-ministre Zhu Entao, « M. Chine » à Interpol, une conférence sur la drogue à Shanghai  (25-27 novembre) a dénoncé le nouveau danger N°1 en Chine et dans le monde : les amphétamines, surtout celle dite « ice » (dont la «reine» hongkongaise vient de prendre pour 30 ans de prison à Hong Kong, tandis que son mari attend son exécution dans 1 geôle de Chine).

• Rapprochement discret et limité entre Chine et Inde, avec la visite de Jiang Zemin à New Delhi : à peine cette visite terminée, Jiang, à Islamabad – Pakistan «frère ennemi» de l’Inde et allié traditionnel de la Chine, annonce son accord pour la construction d’une 2ème centrale nucléaire de 300Mw à Chasma (Punjab)!

 

 


Temps fort : Trois compagnies étrangères aux fortunes diverses

Stow (Courtrai-Belgique) n’a pas eu froid aux yeux en se lançant dans l’aventure chinoise.

Ce petit leader des équipements de stockage industriel avait négocié en 1994 une J.V. à Pékin avec le Ministère des forêts. Constatant l’émergence d’un «blocage» chez le partenaire, qui se retranchait derrière le MOFTEC, Stow obtient l’annulation de la JV à l’amiable, installe en quelques mois sa filiale (à 100%) à Shanghai, juste à temps pour profiter, parmi les derniers, de l’import hors taxe.

Depuis l’inauguration. en mars, Stow a pris 60% du marché local (11MY de ventes, 30M attendus en 1997), et rayé de la carte la concurrence allemande et US qui paie taxes et transport, alors que Stow livre en 5 semaines! Stow espère devenir n°1 mondial!

Même ambiance chez Bolloré, n°1 mondial (33% du marché) d’un film métallisé, matières premières du condensateur d’électroménager. Ouverte en 1994, la JV (65% Bolloré, 15% BNP) tourne 24h /24, vend 45% sur Shanghai et 20% à l’export, et attend les machines pour augmenter la production.

Pour Altopaint, usine à 100% française, les débuts sont moins faciles. N°2 européen de la peinture, cette filiale de Total a du mal à s’imposer.

Le créneau (peinture/ bâtiments) est bon: le marché commence à demander de la qualité. Par contre, ce marché fermé où piston et dessous de tables comptent, s’avère un frein, ainsi que l’absence jusqu’à présent de supermarchés du bricolage, et d’une tradition de «hobby» parmi la classe urbaine.

 


Petit Peuple : Shanghai : un métro très ‘hongkongais’

• Pékin, depuis 1er décembre 1996, afin de freiner la progression de l’avion, les chemins de fer ouvrent un service de réservation par téléphone (n° 65634672). Mais il y a encore de multiples limitations: 4 jours à l’avance, Aller seulement; téléphone de 18 à 21h, et billets à retirer (5 adresses au choix) le lendemain entre 9 et 11h.

• Découverte du métro de Shanghai : ce contrat emporté il y a quelques années en dernière minute par l’Allemagne sur la France, au terme d’un combat très disputé, se traduit par ligne très moderne, d’inspiration très «hongkongaise» (ville référence, que l’on admire et dont on veut prendre la place), surtout dans la publicité envahissante (Sony, bière Asahi, Marlboro, contrairement à l’interdiction nationale des publicités du tabac), mais aussi Evian et l’helvétique Araldite.

Anachronismes : la vente des billets en guichet, la rareté des plans ou des noms des stations. Détail qui trahit l’inexpérience du public et des autorités: les multiples interdictions (cracher, sauter sur les voies, transporter des explosifs, fumer etc.), et les regards mal assurés des passagers portant leurs marchandises en «sacs d’immigrés»!

• Shanghai innove dans les contrats de mariage : les fiancés mettent sur contrat matrimonial, non leurs propriétés, mais leurs responsabilités futures : dans 1 cas cité récemment, Elle sera «aimable», et tiendra la maison; Lui, sera «poli», l’aidera dans ses études, nettoiera les fenêtres. Chacun portant alternativement chaque jour l’héritier au jardin d’enfant.

• Au 1 décembre 1996, simplification et augmentation des tarifs postaux: nouveau tarif unique, = 0,5 Y la lettre de 20 grammes. NB : la poste reste le 1er moyen de communication de ville en ville, et la poste est déficitaire.

• Avis aux voyageurs en Chine : Les Chinois (re-)commencent à s’étudier et noter leurs différences:

un sondage définit le Cantonais comme astucieux, commerçant, travailleur, mais aussi rusé et snob;

le Wuhanais (Hubei), travailleur, franc, chaleureux, mais vulgaire et tyrannique;

le Pékinois serait cultivé, généreux, honnête, ms fainéant (sic) et arrogant;

le Shanghaïen, malin, capable, laborieux, mais avare et combinard (resic)!

• Remodelage aussi des tarifs téléphoniques, attendus depuis des mois : plus 20% en ville, moins 30% pour l’international. Pas de changement pour le national.

 


Rendez-vous : Shanghai : salon équipementiers automobile

12-15 décembre, Shanghai -Expo pièces auto (plus de 100 exposants).

14-18 décembre, Pékin : expo produits et nouvelles technol. électroniques