Le Vent de la Chine Numéro 12

du 18 au 24 mars 1996

Editorial : Manoeuvres militaires chinoises autour de Taiwan – la pause ?

Après deux semaines d’exercices de l’A.P.L. (Armée Populaire de Libération) autour  de Taiwan, Pékin a effectué une pause durant ce week-end (contre toute attente, et sans doute pour amollir les critiques américaines), avant de reprendre ce lundi.

Cette campagne a fait apparaître une prise de participation dominante des militaires dans les affaires de l’Etat: 4 généraux, présents seulement depuis fin 1995  dans le groupe de travail « Taiwan » du PCC, semblent avoir imposé aux civils le tournant guerrier.

Cette nouvelle structure de décision est-elle conforme à la constitution chinoise?

 Qiao Shi, Président de l’A.N.P. (Armée Populaire de Libération), fait sa première déclaration significative depuis l’ouverture de la session Parlementaire, pour murmurer que les décisions gouvernementales devraient être prises «en accord avec la loi ».

Sans davantage de précision –  la remarque étant déjà assez anathème comme cela-, mais le sen  est clair! Pour le reste, cette campagne contre l’île nationaliste se décante, laissant l’image d’une équation à trois composantes :

Ÿ  La composante stratégique : pour les trois à cinq ans à venir, à en croire les experts militaires, la conquête par les armes est inaccessible, en raison de la supériorité aérienne taiwanaise, de la distance kilométrique et de la capacité maximale chinoise  de transport de troupes, notoirement insuffisante, 50 000 hommes par  rotation.

Ÿ  L‘effet USA : avec ses 3 sous-marins nucléaires, ses 2 porte-avions (150 chasseurs embarqués) et ses 6 à 8 navires d’escorte (destroyers, frégates) sur place, Washington se donne les moyens d’intervenir.

On a enregistré la spectaculaire déclaration unitaire de la Chambre des Représentants américains, Républicains et Démocrates confondus: « Taiwan ne sera pas reprise par la force »!

Ÿ  L’effet durée : de source chinoise,  la Chine semble avoir opté pour une action longue -jusqu’à mi-mai.

 A noter, au passage, qu’elle permet aux idéologues de tenir, tout le temps de ce conflit, des discours aux tons très anciens, d’une violence inouïe (cf. l’éditorial de samedi au renmin ribao): la caste en kaki, et le « bai toubang » (« gang aux cheveux blancs » des vieux  gauchistes),  étant les commanditaires et bénéficiaires de cette action.

But poursuivi : ruiner Taiwan, en orchestrant la fuite de ses capitaux.

Déjà 10 milliards de $ d’épargne privée taiwanaise envolés en 15 jours.

Le choix de Pékin parvient ainsi à associer des thèmes maoïstes remontant à un demi-siècle, et des techniques ultra-capitalistes de guerre monétaire.

Il est vrai qu’à Zhong Nan Hai, siège du PCC (Parti Communiste Chinois), règne la maxime de Deng Xiaoping : « peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, pourvu qu’il attrape la souris ».

Mais le fera-t-il?

 


A la loupe : SHANGHAI VEUT CASSER LA FOIRE DE CANTON

En cours de finition, le parc des expo de Shanghai-Hongqiao sera le plus moderne du pays.

Son but : « doubler » la foire de Canton, profitant de sa puissance économique montante et de sa position de force dans les instances nationales.

Le parc accueillera d’ici mai la « foire de Chine Orientale », avec la participation obligée de toutes les provinces de Chine et de délégations fournies des cinq continents.

La foire de Shanghai compte ré agencer les stands des exposants par secteurs plutôt que par régions d’origine: d’où gain de temps et d’utilité pour les visiteurs en quête d’un produit précis.

NB : Shanghai nourrit des ambitions identiques au niveau de sa Bourse qu’elle  espère voir devenir première d’Asie d’ici 15 ans: visite en mai, d’une délégation genevoise, en quête du contrat de fourniture de son système informatique qui vient d’interconnecter sa place financière avec celles de Paris, Londres et New York!


Joint-venture : Reprise des négociations Chine – OMC

  Pour tenter de se prémunir contre la fuite des capitaux taiwanais investis chez elle, la Chine réaffirme la protection de leurs intérêts: «nous continuerons à ne pas confondre politique et économie ».

Le 8 mars, 30 hommes d’affaires taiwanais conduits par le Président d’une fondation économique insulaire, étaient reçus à Tianjin.

Ce lundi 18 mars reprennent à Genève les négociations pour l’entrée de la Chine à l’O.M.C. (Organisation Mondiale du Commerce) -dans un climat difficile pour Pékin.

Comme à chaque occasion, la Chine réaffirme qu’ »elle ne bradera pas ses intérêts… »

2,1 millions de t de blé américain achetés par la Chine, d’une valeur de 120 millions de $, sont bloqués à quai par la découverte dans la récolte d’Arizona, la semaine passée, d’un champignon, le « karnel bunt », qui laisse la céréale consommable, mais la rend stérile. L’Amérique enquête, la Chine fulmine, et les capitaines des 6 bateaux déjà en route (200 000t de blé) se demandent ce qui les attend à l’arrivée!

A l’université Fudan, à Shanghai, Coca-Cola ouvre un institut de formation à la gestion d’entreprises, pour ses propres besoins : d’ici quelques années, la Chine devrait être premier producteur et consommateur de « coke ».

NB : Coca Cola vient d’ouvrir à Pékin une unité de Tian Yu Di, boisson à base de fruit; elle contrôle en Chine 16 centres d’embouteillage, chiffre qui passera à 23 fin 1997.

« Année internationale de la symphonie » en Chine, 1996 verra à Pékin les visites de 4 orchestres de niveau mondial : Orchestre Nationale de France (chef Charles Dutoit) en avril, Concert Gebouw d’Amsterdam (Ricardo Chailly) en septembre, Philadelphia Orchestra (Wolfgang Sawallisch), et la Philharmonie de Vienne (Zubin Mehta) en octobre.


A la loupe : LE LIAONING SE REVEILLE

Oubliée du progrès, la province du Liaoning souffre de la vétusté de ses 1420 grandes usines publiques -installées par Mao Zedong  dans les années 1950 pour contenir la puissance soviétique.

Aujourd’hui, l’Etat lui met le pied à l’étrier, autorisant les ventes de P.M.E. (Petites et Moyennes Entreprises) publiques et facilitant les prises de participation étrangère sur les grandes entreprises.

D’ici l’an 2000, le Liaoning va investir 13 milliards de $ en rénovation industrielle, dont 4 issus du secteur privé, et 2,5 des banques étrangères (sur 5 ans).

Chaque année, 100 usines seront mises en «rénovation hybride», la province prenant partiellement en charge le leasing du terrain, le dégraissage des effectifs et améliorant le taux de retour d’investissement.

D’ici l’an 2010, le Liaoning veut devenir n°1 nationale dans la filière pétrochimique,ses autres forces, métallurgie, mécanique et électronique jouissant alors à plein de leurs atouts naturels – voisinage immédiat du Japon, de la Corée du sud, et façade maritime.


Argent : Coût de la réforme des entreprises d’Etat

Pour ceux qui sont déjà connectés, un bon site internet  pékinois : China internet, the insiders gateway to China, version online (entre autres) de Business Beijing: http//www.americasia.com.

A noter qu’un « Internet media consortium » vient d’être formé entre universités de HK, de Qinghua (Beijing) Xinhua et China Internet Corporation (HK).

Le consortium organisera bases de données, un serveur et produira notamment la version chinoise de « java »,  le plus récent et puissant logiciel pour P.C. individuel, d’accès à internet.

Selon une estimation chinoise, le coût de la réforme des entreprises d’Etat  est actuellement chiffré à 60 milliards de $, dont 1/3 pour la mise au chômage ou en pension de 8 millions de travailleurs redondants. 

La Banque Mondiale évalue, elle, le nombre des postes de travail excédentaires dans les firmes publiques à 30 millions.

Santé : cause de mortalité n°1 en Chine rurale : le cancer du foie excès de Maotai?

Hôtellerie : le suréquipement de Pékin en hôtels de luxe se fait sentir : certains hôtels, en ce moment, tournent à des taux de remplissage de moins de 50%.

Qui sont les pirates? Les « Editions des tribunaux », condamnées pour piratage d’un livre chinois, et les « éditions de l’Inspection », condamnées à 50 000 yuans d’amende pour piratage d’un livre de J.P.Sartre.

Quand au baozi (pain vapeur fourré) traditionnel de Tianjin, dit « Goubuli », il a été enregistré, en Chine, par une firme alimentaire nippone : Tianjin, qui n’y avait pas pensé,  ne peut que s’en mordre les doigts!

En 1996, la Chine va importer 56 millions de tonnes de minerai de fer contre 44 millions en 1995, 2ième importateur après le Japon.

Hangzhou (Zhejiang) a été nommée championne nationale pour les meilleures toilettes publiques.

Ni Pékin, ni aucune autre grande ville ne figurent parmi les 10 premières


Pol : Conflits de générations

Alliance : Jacques Chirac a demandé à ses partenaires européens de ne pas soutenir la résolution condamnant la Chine, discutée au Sous-comité des droits de l’homme de l’ONU à Genève fin de ce mois, ce afin de « ne pas embarrasser la Chine ».

Sur les exercices militaires contre Taiwan, l’attitude de Paris est « l’attention et l’opposition ». Cette même semaine a vu la parution, avec embargo mondial, d’une plaquette d’Amnesty International, la plus critique de son histoire, contre la dégradation des droits de l’homme en Chine.

Discipline! Dans la préfecture de Suining (Sichuan), un officier de la Police Armée Populaire a décidé, au cours d’une réunion de travail houleuse, de régler son désaccord avec ses collègues en dégoupillant et lançant vers eux plusieurs grenades.

L’histoire ne dit pas le bilan des blessés – l’officier irascible a été arrêté.

Jeunesse: dans la ville moyenne de Changzhou (Jiangsu), plus de 50% des jeunes, dans un sondage, admettent ne pas aimer leurs parents, et ce pour cause d’incompréhension mutuelle.

Eugénisme : Dans la ville de Nantong (Jiangsu) 1263 couples consanguins ont été « conseillés » de rompre leur union.

Dans un sujet voisin,  les députés de l’A.N.P. (Assemblée Nationale Populaire) ont demandé l’introduction d’une loi autorisant l’euthanasie, après une période d’essais à Pékin et à Shanghai.

 


Temps fort : LE 9° PLAN CHINOIS DE L’AIR

En 1987, l’aéroport de Pékin avait un trafic comparé à celui de Bordeaux-Mérignac. Les cinq dernières années ont permis à l’aviation civile chinoise de combler une partie de son retard.

Le 9° Plan (1995-2000) veut faire le reste : d’ici là, la CAAC veut être membre du club des 10 « majors » mondiaux (elle est déjà 11° pour le trafic passager, 15° en fret), acheter 320 avions cargos  pour porter sa flotte à 1000 avions.

40 aéroports seront créés ou réaménagés, dont Pékin, Canton, et le second aéroport international de Shanghai-Pudong.

Aujourd’hui, la CAAC compte 727 destinations (sans compter celles, imminentes, de Jinghong, centre touristique du Xishuanbanna, vers l’étranger)…

Les perspectives d’expansion et d’investissement apparaissent immenses.

Elles ne devraient pas occulter les faiblesses du secteur, héritage «culturel» du passé, que l’administration aérienne ne fait rien pour lever: protection jalouse du marché intérieur (parfois, au mépris du droit et des contrats), personnel parfois sous-qualifié, arrogance du fonctionnaire (face au chinois, comme face à l’étranger) absence générale de sentiment de responsabilité, inhérent au système de la « Danwei » (unité de travail).