Le Vent de la Chine Numéro 10

du 7 au 7 mars 1996

Editorial : Session de l’ANP 1996 – une session ambiguë, aux signaux contradictoires…

Une session ambiguë, aux signaux contradictoires : telle est l’atmosphère de ce Congrès de l’Assemblée Nationale Populaire, cru 1996.

On y trouve des signes de discipline tatillonne et autoritaire, et d’autres d’auto affirmation et de débat démocratique.

Autorité : les règlements de travail de l’assemblée, qui interdisent aux 2973 députés d’inviter les fonctionnaires pékinois ou de leur faire des cadeaux, ou vice versa (ce, afin d’éviter la corruption -par exemple, d’une province qui voudrait un canal ou une ligne de chemin de fer).

Un autre règlement interdit l’impression de tout document dans le Parlement durant la session, non préalablement visé par la censure.

Et les présidents de 4 petits partis démocratiques, soi-disant autonomes, ont fait une affligeante conférence de presse, alignés, à la «virgule près», aux thèses du Parti Communiste.

Auto affirmation: 2 des 3 lois soumises durant cette session, vont dans un sens plus libéral que celui du gouvernement: la révision de la loi martiale donne, dans un cas, droit de regard par l’A.N.P. (Assemblée Nationale Populaire); celle de la loi criminelle autorise, après arrestation, une intervention plus rapide de l’avocat de la défense, et supprime la redoutable latitude juridique, dite «shelter and investigation», permettant à la police de détenir, à sa discrétion, dans ses locaux, les prisonniers politiques pour la durée de l’enquête.

Cette ambiguïté reflétant en fin de compte, assez fidèlement les rapports de force de ce gouvernement de transition, totalitaire et sans leader, où toutes les forces coexistent contradictoirement et se neutralisent, technique de survie en attendant l’après-Deng, et que se dégage une majorité, un homme et un programme!


A la loupe : Le principe des 7 super régions admis

Le principe de 7 super régions est déjà admis (cf. lettre de la côte N°9).

Le Président Jiang y est revenu dans un groupe de travail, à propos du Hubei et du Qinghai: ces provinces centrales et de l’ouest devraient « développer leurs économies suivant des voies adaptées à leurs conditions ».

Le Hubei notamment doit devenir base agricole et pôle de croissance du bassin du Yangtzé, en coopération avec ses voisines.

Pour l’intérieur donc, la croissance devra moins venir de l’assistance de la côte, que  d’une mise en commun des ressources locales (énergie, matières premières minières et agricoles), et de l’intégration des marchés.

 


A la loupe : LA CHINE VERS DES «SUPER-REGIONS NATURELLES

Le plan de test de missiles, du 8 au 15 mars, au sud ouest et au nord est de Taiwan, a été publié quelques heures avant la présentation du discours de Li Peng, ce qui a eu pour effet -forcément calculé- de détourner l’attention de la presse vers ce sujet plus « percutant ».

En pratique, la semaine d’essais va bloquer les 2 principaux ports de Taiwan, Keelung et Kaohsiung : il s’agit, en inoffensif (répétition générale?) d’un blocus de l’île nationaliste.

Un débat de politique militaire à l’A.N.P. (Assemblée Nationale Populaire) a reconfirmé les grands points de la ligne actuelle: la Chine n’attaquera jamais un pays (Taiwan n’en est pas un), Taiwan est responsable unique de la tension présente, et l’A.P.L. (Armée Populaire de Libération) doit obéir au Parti, Jiang Zemin à sa tête.


Temps fort : L’ARMEE A L’AVANT SCENE

Un discours étonnamment modéré, qui permet au Premier Ministre de se démarquer à la fois de son passé récent, et du Président de la République,  l’auteur de la campagne néo-maoïste et contre  les valeurs occidentales.

Evitant les grands mots et les menaces, Li Peng ne cite qu’une fois le nom de Mao, 3 celui de Deng, et 3 fois le terme au coeur du grand débat actuel au coeur du Parti, « société spirituelle socialiste ».

D’ici 5 ans,

– Pas de réforme des Entreprises d’Etat ni de système national d’assurances retraites-maladies avant  « 3-4 ans ».

– Un plan d’aide au rattrapage des provinces attardées de l’ouest, mais « en laissant jouer la loi du marché »

Production de céréales portée de 465 millions de t à « au moins 490 ».

– Poursuite des grands travaux d’infrastructures / barrage des 3 Gorges, lignes ferroviaires…  (mais pas de T.G.V.)

– Relâchement de l’austérité sur les investissements capitaux

– Feu vert pour les ventes de PME (Petites et Moyennes Entreprises) publiques en mauvais état

– Déficit budgétaire coupé de 5 milliards de yuan, dettes publiques nouvelles limitées à 195 milliards.

Croissance du PNB limité à 8% sur 5 ans, inflation réduite à 10% (inflation 1994 = 21,7%; infl.1995 = 14,8%)

– Poursuite de la pression fiscale, notamment auprès des provinces, priées de renoncer à leurs caisses noires.

– Recrutement, en 1996, de 190 000 membres de la Police Populaire Armée, pour maintenir la «stabilité ».