Le Vent de la Chine Numéro 35 (2016)

du 31 octobre au 6 novembre 2016

Editorial : Xi Jinping, vainqueur fragile

Au sein du PCC, après 4 jours de débats (du 24 au 27 octobre), durant le 6ème Plenum du Comité Central (XVIII. Congrès), 348 membres et suppléants offraient au Président Xi Jinping le titre de « noyau central » du Parti (核心,héxīn). Ce titre inventé dans les années ’80 par Deng Xiaoping, avait été décerné à Mao (rétrospectivement), à lui-même et à son successeur Jiang Zemin, leur conférant ainsi un pouvoir absolu. Manquant de charisme, Hu Jintao n’avait pas su obtenir cette dignité. 

Xi, qui a remis au goût du jour bon nombre de slogans et idées de Mao, y voit plus encore : une nouvelle « Longue marche » inspirée de celle des années ’30, non physique mais morale. Tout membre du Parti devant désormais éviter « de lui-même » la corruption et s’imposer une loyauté aveugle – à Xi.

La promotion du n°1 était préparée de longue date. Depuis des mois, les hauts cadres étaient appelés à prononcer un serment d’allégeance—une vingtaine de Secrétaires provinciaux l’avaient déjà fait. Avant le début du Plenum, le 18 octobre, le Quotidien du Peuple martelait encore que le Parti avait besoin d’un « noyau central », et que Xi était l’homme de la tâche. Xi lui-même réitérait la demande le 24 octobre à la TV : « en notre Longue Marche, nous devons renforcer le leadership du Parti et conserver une discipline très stricte ».

Néanmoins, au Comité Permanent, les six collègues de Xi s’étaient gardés d’approuver la promotion requise. Ailleurs aussi, dans l’ombre, bien des cadres hésitaient à sauter ce pas, et pas que pour des raisons d’opposition au n°1. Le projet de Xi risquait de briser 40 ans de compromis au sein du Parti, contre le retour au culte de la personnalité de Mao, qui avait mis en danger le communisme en Chine. Si Xi Jinping, « noyau central », décidait de promouvoir un allié comme Wang Qishan au-delà des 68 ans de l’âge limite, comment empêcher ses ennemis d’exiger le même privilège ? Qu’est-ce qui empêcherait Xi de garder en main les rênes jusqu’en 2027, en trois quinquennats au lieu des deux de la norme ; de mettre en accusation Jiang Zemin et son lieutenant Zhang Dejiang (membre du Comité Permanent) ; d’évincer les dauphins de son prédécesseur Hu Jintao, à qui il avait notoirement promis en 2012 de céder sa succession ? D’un régime corrompu mais collégial, Xi proposait de passer à un « régime présidentiel – autoritaire », à la loi d’un seul homme…

Formellement, comme attendu, le Plenum a accouché de deux règlements de discipline des cadres, au ton très dur. Selon le mot-même de Xi, ils visent de mettre tous ces apparatchiks « dans une cage où ils ne puissent pas même rêver de se laisser corrompre », et de mettre un terme aux impressionnants cas d’accumulation illégale de biens, d’extravagances, de formalisme administratif et de vie dissolue. Les membres du Parti doivent « s’unir étroitement autour du leadership, avec le camarade Xi Jinping à son cœur », et « bâtir ensemble un environnement politique propre et vertueux ».

Pourtant, le communiqué final ne souffle mot du projet « rayon de soleil » évoqué avant le Plenum, qui prétendait soumettre tous les membres du Comité Central à l’obligation de publier leurs avoirs et privilèges, immobiliers ou boursiers, y compris ceux à l’étranger, y compris au nom de leurs proches, et les études de leurs enfants dans de très chères universités occidentales. Cette absence du « rayon de soleil » au communiqué final suggère en filigrane, une opposition bien plus grande qu’elle n’y parait de prime abord. Selon Zhang Lifan, commentateur politique : « Xi est seul, sur une scène branlante. Bien des gens, au sein du Parti, lui en veulent. Maintenant qu’il est devenu  le « noyau central », il a plus de responsabilités – si l’économie et le climat social continuent à se déliter, il lui en sera tenu rigueur ». 


Energie : La guerre de tranchées du charbon

Depuis fin septembre, 250 millions d’habitants sur 260.000 km² en Chine du Nord (l’équivalent d’une demi-France), toussent sous un smog de 200 à 400 microparticules par m3 entre Pékin, Dongbei et Shandong—une pollution récurrente qui cause un million de morts prématurées par an.

Pour le Président Xi Jinping, c’est l’indice de l’insuffisance des efforts, pourtant lourds, déployés par le régime à partir de 2010, renforcés depuis son arrivée aux affaires fin 2012.

Rallié à la lutte anti-réchauffement climatique, Xi a été un des soutiens du plan de l’ONU à Paris fin 2015 (COP21), que la Chine a ratifié depuis, permettant son entrée en vigueur.

De janvier à septembre, les mines qui extrayaient 47,7% du charbon mondial en 2015, ont dû couper de 12%, 200 millions de tonnes, la production, au moyen d’une limitation des jours ouvrés de 330 à 276. Des centaines de mines ont été fermées pour non respect des normes, le même sort étant réservé aux aciéries.

Depuis 2016, le ministère de l’Environnement peut envoyer des inspecteurs dans les usines soupçonnées de tricher sur leurs émissions de fumées ou d’effluents liquides. Celles prises sur le fait subissent de lourdes amendes, voient leurs capacités muselées, et leurs noms publiés – moyen dissuasif. Elles étaient 55 à porter un tel « bonnet d’âne » au second trimestre, et 20 autres suite au smog des 16-19 octobre—la plupart des usines étaient basées au Hebei, au Liaoning, en Mongolie Intérieure et au Shandong.

Autre annonce en février, Pékin dévoilait un curieux plan de 5 « corridors » éoliens à travers ses banlieues, créés par la hauteur des constructions et par des rideaux d’arbres pour drainer les fumées hors de la ville.

Dans les métropoles en général, le charbon a déjà disparu, remplacé par le méthane. Dans les villages, plus pauvres, la transition énergétique est plus lente. Dès novembre dans le Hebei, en 18 districts et villes sur 7148 km², plus d’un million de foyers ainsi que les usines ont reçu des primes à l’électricité et au gaz, en échange de leur renonciation au charbon. Mais sur ces mêmes sols, centrales thermiques et chaufferies peuvent continuer à tourner. Pour Ma Jun, directeur de l’Institut pékinois des Affaires publiques et environnementales, ceci revient à « remplacer le charbon des ménages par celui des centrales », au rendement calorique bien plus élevé, permettant de réduire les émissions. Mais pour la disparition pure et simple de la houille, le délai risque de se compter en décennies.

Pour autant, nationalement, la grande bataille se livre entre niveaux central et provincial sur les centrales à charbon : non sur leur recul mais sur l’infléchissement de leur croissance.

En effet refusant les ordres de la capitale, les provinces parviennent à continuer à s’équiper en centrales, pour disposer d’un volant thermique d’électricité garant à leurs yeux de leur croissance locale future et du maintien de l’emploi. Le système administratif socialiste encourage cette stratégie illusoire : tous les 5 ans et surtout à présent, à 12 mois du XIX Congrès (temps des réaffectations), le Secrétaire du Parti tente de faire passer un maximum de chantiers d’équipements – sa promotion dépendant en fin de compte du nombre de ponts ou de lignes de chemin de fer qu’il a faits construire, quelle qu’en soit l’utilité ou la pollution associée.

Aussi, alors que Pékin tente de mettre un frein à la croissance des centrales thermiques, au nom de son plan de décarbonisation à long terme du bilan énergétique, les provinces elles, multiplient les projets de centrales thermiques : en 2015, la Chine en approuvait 4 par semaine.

Et puis le clash eut lieu : en 2016, le gouvernement a rejeté ou reporté pour une capacité de 114 GW—l’équivalent de plus de 200 centrales. Puis allant plus loin, il a fait annuler les permis de 30 projets pour 17 GW dans 13 provinces du centre et de la côte, suivis de 30 dans l’Ouest, dont 10 déjà en construction ! L’ensemble de ces unités aurait dû coûter 20 milliards de dollars, et atteindre la puissance des parcs électriques combinés d’Espagne et du Royaume-Uni.

Pour imposer ses interdictions, la technique a été radicale : les centrales de l’Est sont interdites de raccordement au réseau, et celles de l’Ouest ont vu annuler leurs projets de lignes à super-haute tension pour acheminer leur courant vers la côte. De la sorte, les provinces peuvent toujours faire bâtir, mais en pure perte, faute de client…

Cette guéguerre qui se déroule a un aspect émotionnel profondément ancré en Chine. Le charbon fait partie de l’imagerie révolutionnaire partagée par trois générations de chinois. Il est aussi souvent à l’origine des grandes fortunes du régime. Ce qui explique pourquoi la Chine exporte toujours sa technologie houillère : de 2007 à 2014, deux banques politiques chinoises ont alloué aux pays émergents 78 milliards de $ pour des centrales thermiques, que la Banque Mondiale pour sa part refuse aujourd’hui de financer, pensant à la protection de l’environnement…

On voit donc le pouvoir chinois s’éveiller à la sensibilité écologique, et se battre pied à pied avec les provinces pour les empêcher de tricher. Mais son action n’est qu’un premier pas timide, pas même suffisant pour enrayer la croissance de la houille au Céleste Empire. Fin février, le parc chinois en centrales à charbon avait augmenté de 11,8% sur 12 mois, à 1485,8 GW, et 389 centrales étaient en construction. Indice que pour passer à la décroissance, il faudra trouver autre chose.

 


Transports : Dernière révolution : le vélo partagé

Dans les années ‘90, le leadership chinois, lançant le pays dans un grand bond en avant d’urbanisation et d’industrialisation, décida en matière de transports urbains de donner la priorité à l’auto privée, selon le modèle occidental. Rapidement, des critiques s’élevèrent, dénonçant ce choix comme non-viable. En terme de démographie, d’espace et de ressources, les conditions chinoises n’étaient pas celles des Etats-Unis ni de l’Europe. 560 millions de voitures pollueraient, paralyseraient les routes quelque soit la taille du réseau, et revendiqueraient la totalité du carburant de la planète !

Vingt ans plus tard, une partie de ces craintes se sont avérées fondées. Les conurbations sont congestionnées (vitesse moyenne en dessous de 15km/h), sous un air irrespirable. Leurs rues sont saturées.

Pour faire face, les métropoles ont limité les nouvelles immatriculations, mais trop tard : Pékin avec ses 5,6 millions de voitures suffoque.

La nouveauté est que, à travers le pays, utilisant les potentialités des smartphones (GPS, paiement sécurisé), de nouveaux systèmes émergent. Ce qu’ils visent : le partage du véhicule qui cesse d’être privé, permettant l’économie des espaces de parking et celle de l’investissement pour l’usager. Cet article, en deux parties,  tente de dresser une synthèse des tendances dans deux domaines : le vélo dans ce numéro  et d’autres moyens de transport au prochain.

La revanche de la petite reine

Fin des années ‘80, avec 400 à 500 millions d’unités, le vélo était concrètement le seul transport privé en Chine. Puis au tournant du siècle, la voiture et le vélo/scooter électrique prirent le dessus.

C’est en 2011 que les villes, inquiètes de leur pollution et congestion, tentèrent de le réintroduire sous forme subventionnée, accessible dans des dépôts fixes moyennant 1 yuan de l’heure. Ces « Vélib’ » version céleste sont désormais 50.000 à Pékin (800 dépôts), 60.000 à Wuhan (Hubei) et 84.000 à Hangzhou (Zhejiang) – record mondial. Une fois la caution de 300¥ payée, la carte de métro individuelle sert à ouvrir l’antivol et à payer, quand l’engin est rendu à sa station d’arrivée.

Aujourd’hui, deux groupes privés prennent le relais, et voient leur marché croître à rythme vertigineux. Fondé en 2014 à Pékin, Ofo est soutenu par Didi Dache, Xiaomi, Citicle fonds de pension Coatue (USA). Le second, Mobike, né à Shanghai en 2015, compte parmi ses actionnaires Tencent, le fonds Sequoia, Warner Pincus. L’un et l’autre sont présents à travers la Chine avec plus de 100.000 deux-roues, et sont utilisés par des centaines de milliers de clients par jour. Leurs prestigieux parrains ont comme eux la certitude d’un immense marché de vélos « pour une course » : Mobike et Ofo viennent de réunir par appel de fonds 130 et 100 millions de $, qu’ils comptent utiliser pour étendre leurs territoires, étoffer leurs flottes, dessiner d’autres modèles de petites reines plus conviviales et d’outils pour prévoir et suivre la demande.

Un point doit être noté : les créateurs des deux groupes sont des étudiants qui ont imprimé leur style, sans paperasserie (contrairement aux vélos urbains), ni stations. PDG de Mobike, Hu Weiwei proclame leur manifeste : « nous voulons rendre le vélo à la ville, en y intégrant la technologie ». Quoique fort différents—le Mobike est un vélo au design très « sport » et aux pneus pleins (sans chambre à air) pour limiter l’entretien, et le Ofo, un vélo de ville, cultivant un genre rétro—, ces engins disposent tous deux d’une électronique miniaturisée, permettant à l’usager de le géolocaliser, voire de le réserver à distance. Une fois le vélo repéré, l’usager scanne son code QR pour obtenir un numéro de déblocage du cadenas – numéro qui change à chaque rotation. Le paiement se fait à l’arrivée via WeChat ou Alipay (les sites de paiement sur smartphone). Ici aussi, c’est 1¥ de l’heure, sauf pour les étudiants, à qui Ofo offre demi-tarif. Mobike impose une caution plus élevée que celle de Ofo. En effet, son vélo, encore produit en petite série, coûte 3000¥, contre 200¥ à celui de son concurrent, plus simple.

Les deux firmes pratiquent le « bonus malus », avec réduction aux bons usagers, et amendes ou liste noire à l’inévitable poignée de vandales où indélicats maltraitant ou détournant leurs bicyclettes.

Pour limiter les vols, Mobike et Ofo ont personnalisé leurs engins en couleurs vives, orange pour l’un, canari pour l’autre.

Des difficultés inattendue apparaissent : après 20 ans de politiques des villes, laissant de côté le vélo, nombre de jeunes ne savent pas en faire, ou se plaignent d’un exercice trop physique – surtout chez Mobike, plus lourd. D’autre part, il faut réinventer, en concertation avec les municipalités, le parking-vélo dans des rues où le plus souvent, la place a disparu. Enfin, comme souvent en ce pays, le succès voire la survie-même du système dépendront du verdict de l’autorité. Aujourd’hui attentiste, elle va devoir arbitrer entre le vélo partagé, le vélo privé, électrique (vendu à 10,8 millions d’unités l’an passé) ou non, et tous les autres moyens de transport.

L’Etat n’est pas a priori acquis à la cause de ce nouvel avatar de petite reine. Dans le cas des automobiles en  VTC (Didi Chuxing, Uber…), le règlement-cadre que vient d’édicter le ministère va en effet, s’il est appliqué, éradiquer 80% du marché. Le gouvernement semble pour l’instant vouloir préserver le monopole des firmes de taxi. Autant dire que pour le vélo partagé, la partie n’est pas gagnée.


Sport : Lippi tire le gros lot

Le 12 octobre, c’était la peur au ventre que les onze joueurs de l’équipe chinoise rencontrèrent l’équipe d’Ouzbékistan à Tachkent. Tétanisée, la Chine subit le match plus qu’elle ne le joua, avant de s’incliner 2 à 0. C’était sa 3ème défaite en quatre matchs de qualification pour la Coupe du Monde de 2018 en Russie. La Chine est donc dernière de sa poule, en route pour l’élimination…

C’est alors que depuis Pékin, « un des plus hauts niveaux du pouvoir », selon l’Association Nationale de Football (CFA), prit contact avec Marcello Lippi, 68 ans, l’architecte de la victoire de la Squadra italienne en Coupe du Monde en 2006. Lippi était prié de reprendre le poste du sélectionneur Gao Hongbo, démissionnaire. Le mystérieux intervenant n’était autre que le Président Xi Jinping, qui avait promis aux Chinois de « faire obtenir une qualification en Coupe du Monde, de l’organiser sur son sol, puis de la gagner ». C’est que le « Onze » chinois n’a réussi à se qualifier qu’une fois en 2002, et malgré divers plans de l’Etat (assortis de beaucoup d’argent), se traine au 84ème rang mondial. Avant Gao Hongbo, le Français Alain Perrin n’a lui non plus pas pu arracher cette équipe aux bras de la déveine pendant ses deux ans en poste.

Marcello Lippi avait déjà été approché par la CFA, mais avait dû décliner l’invitation s’étant déjà engagé avec le club d’Evergrande de Canton pour janvier 2017. Mais aujourd’hui, il ne pouvait plus dire non à l’offre de Xi Jinping, d’autant que les conditions étaient de celles qui ne se refusent pas : la star transalpine, d’ici 2019, touchera 50 millions d’€, surtout à charge du club cantonais. C’est que l’Evergrande peut se le permettre : la presse anglo-saxonne qualifie le club de « plus riche du monde », valorisé 3 milliards et recrutant à prix d’or des stars telles Paulinho ou Jackson Martinez. Le club venait le 22 octobre de remporter sa 6ème coupe de Super League chinoise consécutive. Tout ceci lui permit le 23 octobre de faire son annonce patriote : il sacrifiait le contrat de Lippi sur l’autel de la nation.

Lippi a donc trois semaines pour reprendre en main ce « Onze » chinois, lui insuffler des techniques de son cru et la confiance en soi. Le 15 novembre à Kunming, la Chine affrontera le Qatar, pour espérer rester dans la course à la qualification.

Quant au Evergrande, il prolonge finalement jusqu’en décembre 2017 son contrat avec son entraîneur sortant Luiz Felipe Scolari, lui aussi ancien coach national (brésilien) et lui aussi ayant apporté à son équipe une Coupe du monde (2002).


Investissements : Syngenta—ChemChina : retard à l’allumage

En février, pour 43 milliards de $, ChemChina annonçait le rachat du suisse Syngenta, n°1 du pesticide et n°2 de l’OGM. C’était une surprise, au vu du faible capital social du consortium public, 1,65 milliard de $. Mais en sous-main, l’opération avait la bénédiction de Pékin, décidée à se doter enfin d’une filière fiable de semences génétiquement modifiées.

Aujourd’hui, deux nuages pèsent sur ce deal. L’un vient de Chine-même. La vague en cours de regroupement des consortia publics (ordonnée par Xi Jinping, ambitionnant de créer des leaders mondiaux en chaque secteur) déstabilise l’économie et cause de fortes sorties de capitaux, que l’autorité monétaire tente d’enrayer. En ce contexte, Banque Centrale et tutelle des devises voient d’un mauvais œil cet endettement géant vers l’étranger. Constatant ce bras de fer entre agences de l’Etat, les banques et fonds publics hésitent à investir : il manque 15 milliards de $ au consortium de la CITIC pour racheter Syngenta, mais CCB et China Merchants ont déjà jeté l’éponge, et la SASAC (tutelle de ChemChina) et le fonds Silk Road ne font pas mine de mettre au pot, faute d’un signe de l’Etat sur le maintien de sa faveur au projet.

L’autre souci vient de la Commission européenne : quoique l’autorité anti-trust américaine ait déjà tranché en faveur du rapprochement sino-suisse, Bruxelles éprouve le besoin d’une pause à fin de vérification, suite  à la série de mariages qui vient de s’annoncer entre les autres géants du secteur, Dow Chemical avec DuPont (130 milliards de $), Bayer avec Monsanto (66 milliards). Elle a réclamé des détails sur d’éventuelles redondances d’activités. Faute de réaction de ChemChina, elle lance (28 octobre) une enquête approfondie, qui reportera son accord (éventuel) à mars 2017. Pour ChemChina cependant, pas question de renoncer ! Pour éviter de s’exposer aux attaques, elle dément sa – pourtant possible – fusion avec SinoChem, l’autre géant chimique, et se dit prête à « des concessions » -d’éventuelles ventes de branches redondantes, afin de s’éviter le reproche de position dominante.

Erik Fyrwald, le CEO de Syngenta, se dit confiant de l’issue, tout comme le Conseil de direction, très en faveur du rachat, vues les concessions octroyées par la partie chinoise. « Il ne s’agit pas d’une fusion, déclare un porte-parole du groupe, mais d’un simple changement de propriété des parts ». Plus important, ce deal va offrir à Syngenta « la garantie de demeurer Syngenta ». Dès le début des palabres d’acquisitions, Syngenta s’est vu offrir par son futur propriétaire chinois le droit de rédiger leur charte de fonctionnement : conservation du management suisse, et des secrets industriels dans la filiale, entre autres  !


Petit Peuple : Fengyang (Anhui) – la Chute et rédemption de Zhang Liwei  (dernière partie)  

Résumé des 2 premières parties :   Assassin en fuite durant 16 ans, Zhang Liwei s’est racheté une conduite en devenant moine –  « le frère Sun Hongtao ». Il est élu à 43 ans abbé de son monastère de Longxin (Anhui), et  Président de l’Association bouddhiste régionale. Mais son passé va le rattraper bien vite…

En avril 2016, Sun fut invité à un congrès bouddhiste à Bangkok. Avec sa réputation le précédant, il avait déjà commencé à assister à des séminaires religieux dans toutes les provinces (sauf à Daqing, sa ville natale dans le Heilongjiang) sans se cacher le moins du monde : il disposait de papiers issus par la police de Chuzhou (Anhui). Et si par malheur il était démasqué (mais la chance que cela advienne était infime), au fond, Sun s’en moquait : un tel coup du destin, était du ressort du ciel, et c’était, depuis toujours, à Bouddha de décider de son sort.

Mais sortir du pays était une autre affaire : il devrait demander un passeport, formalité qui passait par le sommier national. Et là, pas de Bouddha qui tienne ! Ressortant de ses entrailles électroniques sa fiche anthropométrique, le système ne mettrait pas long à détecter, à travers Sun Hongtao l’abbé, l’assassin en cavale depuis 16 ans, Zhang Liwei. Aussi Sun tenta-t-il d’écarter de lui ce moment tant redouté, sous tous les prétextes :
– suite aux années de durs travaux au monastère, il s’était endommagé les reins. « Mais, répondait-on,  il aurait de bons avions, de bons hôtels, de  massages à l’arrivée »…
– pour s’occuper de ses œuvres, organiser la guidance spirituelle, gérer les hommes, il devait rester au monastère, à bord. Mais « nul n’est irremplaçable », répliquaient ses supérieurs…
– ce voyage servirait sa gloire personnelle, et son apostolat lui interdisait telle vanité. Mais « il devait aussi à sa communauté de la représenter hors Chine. Ce n’était point sa gloire mais celle de sa foi qu’il allait défendre : il ne pouvait pas se défiler… »

Il n’avait pas d’échappatoire : son entourage, la ville avait les yeux rivés sur lui. Et c’est alors qu’il se résigna à un avenir tragique. Avec parfaite lucidité, Sun Hongtao voyait remonter du fond des eaux troubles sa double identité, celle du moine serein dans la paix de sa foi, et celle du criminel terrorisé par son arrestation inévitable. Au commissariat de Chuzhou, prêtant ses doigts au tampon encreur, Zhang Liwei « redoutait sa notoriété, comme le porc craint la graisse qui fait venir le couteau du boucher » (人怕出名猪怕壮 rén pà chū míng zhū pà zhuàng).

Le 10 juin à la police, l’officier qui  traitait la demande de passeport de Sun, reçut sur son moniteur le signal rouge clignotant, et appela les collègues. Ensemble, ils durent se rendre à l’évidence : Sun, leur célébrité locale, était recherché depuis 16 ans pour meurtre à Daqing, 2000 km plus au nord, et sa tête mise à prix !

Dans le plus grand secret, l’opération fut conduite en un éclair le lendemain matin : à dix heures, la patrouille arriva sur le perron, demanda à voir l’abbé. Le capitaine lui demanda s’il était bien « Zhang Liwei ». À leur stupéfaction, les 12 moines présents l’entendirent répondre par l’affirmative. Sur quoi lui fut notifié son arrestation. Quand on lui passa les menottes, « je vous attendais » fut sa seule réaction. Serein, impassible en sa robe carmin, il les suivit vers la Santana bleu et blanc, sous les déclics d’un paparazzi suivant la campagne.
Au fond de lui, Sun-Zhang éprouvait un immense soulagement : l’arrestation mettait fin à 16 ans de mensonges, et lui donnait enfin la chance de matérialiser sa quête de rédemption.

Depuis sa fuite en 2000, il souffrait secrètement du voile d’ambiguïté entachant toute son attitude. Que valait aux yeux de Bouddha sa demande de rachat par les actes, s’il mentait à toute la société sur son identité ? Il le faisait pour protéger sa liberté, voire sa vie car, en cas de capture, s’appliquerait automatiquement sa condamnation à mort par contumace. Or donc, laquelle des deux demandes, en lui, avait plus de prix ? Sauver son âme ou sauver sa peau ?

On pouvait certes discuter le mérite de son œuvre accomplie en ces 16 ans, ce monastère rebâti, cette communauté d’hommes réarmée pour faire le bien et pratiquer la vertu. Mais pour qu’un tel débat en réhabilitation puisse se tenir, encore fallait-il qu’il se dénude, s’agenouille, se dévoile face à l’humanité. C’était chose faite : il appartiendrait aux hommes à présent, de tirer son bilan.

Depuis peu, une nouvelle référence hantait notre homme et l’illuminait, comme un message divin : vers l’an moins 500 près de Bénarès, était né un garçon du nom de Siddharta Gaumata. À son propre instar, ce fils de roi avait d’abord vécu en enfant gâté, sous le fouet des plaisirs et l’illusion que tout lui était dû. Tous les jeux, tous les alcools, toutes les femmes qu’il avait voulus, il les avait reçus et consommés en son palais mirifique. Puis vers 30 ans, suite à on ne sait quel accident de l’histoire, Siddartha avait brusquement quitté cette débauche, changeant de vie, de quête et même de nom : Bouddha partait bouleverser la société humaine.

Pour Sun Hongtao, cette fraternité avec son dieu transcendant les millénaires, change toutes les perspectives. Son âme a trouvé la paix. Il gardera son secret : de son vivant il a trouvé le karma dans le partage de la vie et des étapes initiatiques de Bouddha en personne. Libéré de la chaîne des réincarnations, il est la preuve vivante qu’on peut s’arracher à un destin criminel – à condition d’en payer le prix !

Quant aux hommes qui auront la charge de le juger, ils auront tâche difficile. La loi est nette et sans exception possible, Zhang Liwei mérite la mort. Mais comment ne pas tenir compte de l’indiscutable renaissance morale de Sun Hongtao, homme sans faute ni souillure ? Peut-être son cas inspirera-t-il, pour la 1ère fois dans l’histoire de la justice socialiste, l’introduction d’un brin de compassion…


Rendez-vous : Semaine du 31 octobre au 6 novembre 2016
Semaine du 31 octobre au 6 novembre 2016

1-3 novembre, Canton : Canton SHOE Fair, China LEATHER and Artificial Leather Fair, Salon international des articles en cuir et maroquinerie

1-4 novembre, Shanghai : CEMAT, Salon des matériels de manutention, des techniques d’automatisation, de transport et de logistique

1-4 novembre, Shanghai : CONVAC / PTC Asia, Salon mondial de l’air comprimé et Salon de la transmission et du contrôle de puissance, l’hydraulique et la pneumatique

ciifshanghai1-5 novembre, Shanghai CIIF – China International Industry Fair, Foire international industrielle de Shanghai

1-5 novembre, Shanghai : FACTORY Automation Asia, Salon international de l’automatisation des usines, ingiénerie mécanique et électrique

1-5 novembre, Shanghai : IAS – Industrial Automation Show China, Salon international pour l’automatisation des procédés

1-6 novembre, Zhuhai AIR SHOW, Salon international de l’aéronautique et de l’espace

2-4 novembre, Pékin : ELECTRICAL China, Salon international des équipements électriques

epchina2-4 novembre, Pékin : EP China, Salon international pour la production et la distribution d’énergie

2-4 novembre, Pékin : EPA China, ELECTRICAL POWER AUTOMATION, Salon international des équipements et techniques d’automation des réseaux de distribution électrique

shanghaiartfair2-5 novembre, Wuhan : ACP – ASIA COMMUNICATIONS & PHOTONICS, Salon et Conférence pour l’Asie sur les télécoms et la photonique

3-6 novembre, Shanghai : Shanghai ART FAIR, Salon de l’art de Shanghai

4-6 novembre, Qingdao, WCO – WORLD OCEAN CONGRESS, Salon mondial, et Congrès sur les ressources de l’océan