Le Vent de la Chine Numéro 27 – Spécial Entreprises

du 12 juillet au 29 août 2014

Editorial : Shanghai, le Phoenix renaît de ses cendres !

Comme chaque été, amis lecteurs, Le Vent de la Chine reprend son souffle. Merci de votre fidélité et rendez-vous au 31 août, pour le n° de rentrée. 
Pour ce numéro estival, nous avons voulu vous offrir une perspective, et un ton autre : un n° entièrement consacré à Shanghai et à différentes entreprises françaises qui y sont implantées. Très différentes par leurs tailles et objectifs, toutes partagent l’énergie de la ville, sa foi en l’avenir. Bonne lecture !

Jusqu’en 1949, Shanghai était la fière métropole du Yangtzé, vrombissante d’usines, 5ème place financière du mon-de, et rendez-vous glauque des jardins des fleurs et des fumeries d’opium. Puis quand Mao eut acquis la Chine au socialisme, vint pour la « grande catin capitaliste » le temps du châtiment : démontées, les usines partirent pour le Centre. Tout ferma, banques et bordels…Les riches trop lents à s’exiler, furent exécutés. 

Quarante ans suivirent en léthargie. Le réveil sonna en 1989, comme sous le baiser d’un prince charmant étranger : au nom de la réforme et de la politique d’ouverture, la « tête du dragon » pouvait quitter son antre. Toutes griffes dehors elle bondit alors, sortant les plans d’urbanisme qu’elle ressassait depuis des décennies. Par trois ponts géants, elle terrassa l’impétueuse rivière Pu et se lança à la conquête des sols vierges de l’autre rive, sur Pudong. Mille gratte-ciel y surgirent en 10 ans, aux designs les plus audacieux. Depuis sa « City » de Liujiazui, elle relança le crédit, les assurances, les investissements, sur le Yangtzé en amont jusqu’à Chongqing, tout autour d’elle entre Jiangsu, Zhejiang et Fujian, provinces les plus riches. 

Depuis lors, elle est redevenue la perle de l’Asie, musée vivant d’architecture coloniale ou futuriste, l’argent y coule à flot, mais aussi le savoir-faire, la tradition européenne précieusement préservée. 1ère place d’ingénierie d’Asie, 1er port mondial de conteneurs, Shanghai fait danser camions et navires à en perdre le souffle. Son métro rivalise avec celui de Hong Kong, rival qu’elle rêve d’évincer. Les multinationales y pullulent, avec leurs centres de R&D bien équipés. En un mot, Shanghai c’est la ville où tout Chinois comme étranger, n’hésite pas à quitter sa place bien payée pour se mettre à son compte, devenue l’incubateur de tous les possibles… 

Pourtant, impossible de s’y tromper, la ville souffre aussi. Les grands projets sont en panne, faute de crédit. L’immobilier stagne. Les boutiques de luxe hèlent le client, qui se garde d’entrer par peur d’être happé par les sbires de l’anti-corruption. La crise se lit aussi la nuit, sur les façades sombres des résidences désertes : pour ces dizaines de milliers de F3/F4, ni acquéreurs, ni locataires. Et tel un monstre du Loch Ness, la nouvelle Zone de Libre Echange lève parfois la tête, mais n’émerge toujours pas. Pour la première fois, pour travailler, les Shanghaïens doivent accepter de partir. Beaucoup trop tôt, à peine 20 ans après avoir «fauché» les métiers textiles de France ou d’Italie, la ville les revoit repartir pour Wuhan ou Chongqing. A son tour, après Francfort ou Paris, elle doit batailler pour trouver sa nouvelle place, comme plateforme de services, d’arts, ou de finance. 

Mais pour cet homme d’affaires qui me reçoit aimablement mais trop vite, faute de temps, la vie continue – pas le temps de se plaindre ! Avec une énergie vitale qui semble sans limite, Shanghai traverse aisément la récession mondiale – simple douleur de croissance, le squelette qui grandit !


Monde de l'entreprise : Dans les coulisses de L’Oréal en Chine
Dans les coulisses de L’Oréal en Chine L Oreal Centre De Recherche Et Innovation Pudong Chine

A Pudong (Shanghai), dans son Centre de Recherche et d’Innovation, 300 chercheurs de L’Oréal (欧莱雅) inventent les cosmétiques de demain. Lors de son ouverture en 2005, ils étaient seulement 7, et quoique prévus plutôt larges, les locaux sont déjà exigus vu l’embauche permanente – un nouveau bâtiment se construit pour faire face aux besoins toujours plus lourds d’une R&D à long terme.

La visite du Centre tient d’une école de magie.Ici, des milliers d ‘arômes ou de pigments sont à portée de main, permettant la création ou copie instantanée de tout rouge, baume ou shampoing.

Là, un spectrogramme de dernière génération analyse un derme par tranches de quelques microns pour déterminer sa compatibilité avec tel type de produit corporel.

Sur un mur trône un tableau photographique inquiétant : c’est le 1er classement au monde de tous types de rides par degré d’intensité, permettant de tester l’efficacité des traitements de réduction.
« Créer un nouveau produit prend des années, explique Sandford Browne, vice-Président R&I. Le ‘bon à produire’ n’est donné, qu’une fois démontrés ses aspects d’innovation technologique, de fiabilité et d’effet indiscutable ».

Au détour d’un couloir, un salon de coiffure reçoit des volontaires (payés) pour tester un nouveau produit : il shampooine la moitié gauche avec le test, la droite avec un produit autre, sans dire lequel au volontaire, et recueille les commentaires.

L Oreal Centre De Recherche Et Innovation Capillaire

Dans la salle suivante, un autre « testeur » se shampooine sous la douche, sous l’œil d’une caméra. « C’est nécessaire, explique le responsable, car les gens se connaissent mal. Ils croient ne se passer que 2 fois du shampoing, mais sous la camera, ils s’en passent 5 ! Dans ce cas, nous devons réviser la concentration du produit ».  

Autre curiosité de ce centre : l’ unité de reconstruction de peau (cf photo ci-dessous). Cultivée dans un minuscule habitacle, une unique cellule humaine se reproduit pour former un tissu en 8 jours. Celui-ci est ensuite mis en contact avec un soin en cours de création, permettant ainsi d’étudier et prévenir les effets secondaires. 

L'oreal Peau Artificielle Shanghai

Cette technique, inventée il y a 30 ans par L’Oréal, le groupe ne la pratique ailleurs, qu’en ses centres à Paris et Lyon. Et c’est en partie grâce à elle qu’en juin, le ministère chinois de la Santé a entamé la mise au rancart de l’expérimentation animale, impopulaire et moins performante. « Cette technique, précise cet expert, nous permet le test en trois dimensions, en inoculant le produit aussi dans le tissu, alors que la méthode ‘sur souris’ ne permet que le test en surface ».

Cet assouplissement de la loi était attendu de longue date par les concurrents locaux : il leur permettra d’exporter à leur tour, vers l’Union Européenne par exemple où le test ‘animal’ est banni. Et c’est ainsi que sans y avoir pensé, L’Oréal aide technologiquement sa concurrence ! 

Entre Shanghai et les 5 autres centres R&I du groupe dans le monde, une relation complexe s’est établie, pour échanger leurs découvertes(624 brevets déposés en 2013) et adapter les produits aux usages, qui changent énormément de continent à continent. La consommatrice chinoise, par exemple, se lave les cheveux trois fois par semaine, mais la Brésilienne deux fois par jour, ce qui impose des formulations différentes. De même, la crème BB, hybride soin hydratant du visage et base de teint, inventée au centre R&I de Corée du Sud, a été reformulée à Shanghai en diverses variantes, pour satisfaire (à travers ce pays aux écarts climatiques dramatiques) les attentes de dizaines de millions de demoiselles chinoises, toutes à l’âge du 1er maquillage.

Le groupe rachète aussi les bonnes idées : d’une start-up californienne, il a repris celle d’une brosse dermique à ultrasons qui assure un nettoyage du visage (selon Browne) 30% plus efficace que le meilleur savon, à savoir « Clarisonic », qui est entretemps devenu un des produits phare du groupe.

Avec un budget recherche de 3,7% de ses 23 milliards d’€ de ventes globales, L’Oréal, entré en Chine en 1995, reste encore derrière son grand rival, Procter&Gamble, arrivé 10 ans plus tôt. P&G détient 19% des ventes nationales et L’Oréal 15%. « Mais avec un rythme de sortie de nouveaux produits plus élevé et un plus grand engouement du public, prédit Lan Zhenzhen, vice-Présidente Communication, le rattrapage sera une question d’années, grâce à nos 2000 employés directs et notre armée de 8000 vendeurs sous contrats en grandes surfaces ».

Sous son ombrelle, une vingtaine de marques sont présentes sur le marché chinois : grand public (L’Oréal Paris, Maybelline), de luxe (Lancôme, YSL), professionnels (Kérastase) ou de cosmétique active, telles Vichy ou La Roche-Posay, aux grandes ambitions en Chine. Enfin, pour le groupe, une des surprises des dernières années est le marché masculin, qui décolle à son tour : voyant ses compagnes s’attifer et parer, rivaliser de charme et coquetterie, le sexe fort découvre, à son tour, le plaisir de se mettre à soigner son apparence !


Monde de l'entreprise : Dumex (Danone) – Une patiente odyssée…
Dumex (Danone) – Une patiente odyssée…

L’histoire de Danone en Chine est aussi tumultueuse que celle du marché laitier chinois : pleine d’avancées éclair abruptement freinées. C’est que ce parcours se déroule dans un pays qui ignorait le lait 25 ans en arrière, qui a découvert entretemps son importance cruciale pour la croissance des jeunes, et depuis lors n’en a jamais assez, de qualité !

En 2008, le lait chinois subit de plein fouet le scandale de la mélamine, où nombre de producteurs furent attrapés en train d’allonger leur lait maternisé de poudre de plastique : 300.000 bébés avaient eu les reins bloqués, dont 6 en étaient décédés. Les conséquences subsistent encore aujourd’hui : les producteurs chinois qui assuraient alors 70% de la demande, n’en détiennent plus que 30%. En 2013, l’étranger a vendu à la Chine pour 16 milliards de $ de lait en poudre. La Nouvelle-Zélande, reine mondiale du lait, augmentait ses ventes à la Chine de 55% grâce à sa coopérative géante Fonterra. 

Danone bloqué par deux affaires.

Danone, n°2 mondial, détenait alors sur ce marché une part honorable, 19%, notamment via Dumex (sa filiale de lait maternisé) qui assure la moitié de ses ventes dans le pays. Mais depuis lors, sa progression fut ralentie par deux incidents sans lien avec sa qualité. Fonterra, fournisseur de Dumex, annonça par erreur la présence dans sa matière première d’une bactérie tueuse. De ce fait, Dumex dut rappeler des milliers de boites, et ses ventes baissèrent d’un tiers. Danone chuta à 12% du marché—un procès est en cours. 

‚A même époque, le ministère des Finances accusa 5 groupes étrangers dont Dumex, de corrompre les médecins pour qu’ils prescrivent leur lait. Véridique, un tel dérapage s’expliquait par une tentation inévitable : les praticiens chinois gagnent en moyenne 400€ par mois, moins qu’un cuisinier !

L’Etat se devait donc d’intervenir : vu la pénurie en lait importé, les prix explosaient. Circonstance aggravante : le signe astral de 2014, le Cheval, est perçu comme un animal de bonne augure. Et hasard malheureux, au même moment, l’Etat a été amené à assouplir le planning familial, augmentant les cas où le couple a droit à un second enfant.

Par conséquence, 2014 promet de voir 16 millions de bouches supplémentaires (+5%), dont 70% seront nourris au lait en poudre du fait que 70% des jeunes mères préfèrent donner le biberon dès les six 1ers mois, pour pouvoir retourner plus vite au travail. 

Une remise à plat de la qualité 

Dumex Qualite Hefei AnhuiSi le Conseil d’Etat s’intéresse davantage aux étrangers, c’est dans le cadre d’une remise à plat intégrale du secteur alimentaire, visant à éradiquer progressivement tout scandale à l’avenir, et aussi pour rétablir la confiance. Selon Boris Bourdin, patron de Dumex Chine, il n’est pas rare pour une mère de changer 2 à 3 fois de marque durant la lactation, dans l’angoisse d’offrir à l’enfant unique le meilleur départ dans la vie. 

Aussi, la loi fut modifiée pour recadrer tous les producteurs, locaux et extérieurs. Pour accorder son nouvel agrément, la Food & Drug Administration chinoise vérifie désormais pas moins de 37 critères de la chaîne de production : une procédure « au moins aussi sévère, explique Bourdin, que celle de l’Union Européenne ». Et lors de l’inspection, c’est la tolérance zéro. Visitée par erreur, une usine fromagère britannique qui n’exportait même pas vers la Chine, se vit éliminée suite à quoi tout fromage britannique fut banni sur sol chinois.

Confier le marché aux groupes étrangers ? 

Sur son marché fragmenté, la Chine compte 128 groupes de production. Elle veut en réduire le nombre à « 10 groupes, assurant plus de 160 millions de $ par an ». Ces géants sont aujourd’hui 6, et contrôlent 45% du marché : autant dire que parmi les 122 autres « pesant » ensemble 55% du marché (soit 0,5% en moyenne), l’autorité de tutelle a de la marge pour faire le ménage, dans les mois qui suivent, pour supprimer la licence ! 

Question pertinente : vu les dérapages à répétition constatés au fil des années chez de grands groupes locaux, tels Mengniu ou Yili, et vu l’avance technologique écrasante de concurrents, tels Danone ou Nestlé, se pourrait-il que Pékin envisage de confier son marché aux étrangers ?

La solution serait tentante, pour s’assurer une offre de qualité, sans l’épée de Damoclès d’un scandale un jour ou l’autre, mettant à risque la stabilité du pays et du régime. Or, le fait de contrôler depuis 2013 les étrangers plus que les autres, peut faire croire que l’Etat était en train de préparer ce type de solution. C’est du moins ainsi que voyait les choses, début 2014, le CEO d’un autre important groupe étranger. 

A Shanghai pourtant, le patron de Dumex n’y croit pas, notamment pour des raisons de géostratégie alimentaire : « aucun pays, ni même la Chine, ne peut accepter de confier la santé de ses enfants hors frontière. Ne serait-ce que parce qu’en cas de conflit, l’étranger aurait un moyen de pression imparable, en pratiquant l’embargo sur l’aliment de ses nourrissons ». Aussi, la Chine publiait, le 13 juin, sa liste des 19 premières firmes ayant reçu son agrément. Elle incluait les géants Mengniu et Yili, mais aussi Nestlé—cette dernière parce qu’une partie de ses produits vendus en Chine, sont également produits sur place. 

La campagne anti-étranger de l’été 2013 a entièrement changé la donne. Tous les producteurs (pas seulement ceux pris sur le fait) ont dû repenser dans l’urgence leurs pratiques commerciales, licencier à tour de bras, faire amende honorable pour contenir leur dégât d’image. 

Dumex a renforcé son site internet de recettes pour bébés et de conseils aux jeunes mamans. La marque maintient aussi son très populaire centre d’appel de 300 conseillers nutritionnels – en 4 ans d’activité, il a traité 5 millions d’appels. «  Face à leur maternité, estime Bourdin, les jeunes Chinoises n’ont pas la vie facile. Comme elles ne peuvent souvent concevoir qu’un enfant par couple, elles n’ont pas le temps d’accumuler de l’expérience. Elles n’ont ni sœur, ni même souvent mère, à qui parler – elles doivent se débrouiller seules ».

Dumex s’est également raffermi sous l’angle éthique, pour devenir inattaquable. Du haut en bas de l’échelle, tout son personnel doit maintenant apprendre la dimension morale de leur mission – « les bébés sont vulnérables – nous avons charges d’âme ». On leur enseigne la responsabilité, la capacité d’appel à l’aide si nécessaire, et d’esprit d’équipe en cas de problème, histoire d’éviter à l’avenir la délation et l’ambiance désastreuse qui s’en était suivie…

Un lait révolutionnaire pour l’avenir… 

DumexPour l’avenir, Dumex se préoccupe de la pollution, qui bouleverse le développement normal des tout-petits en les forçant à vivre calfeutrés. Or, explique Bourdin, «  les 1000 premiers jours conditionnent toute notre vie ». Aussi, puisque cette pollution est là pour durer, les laitiers vont chercher à compenser les carences futures, en ajoutant des éléments nouveaux au lait. Cela commence dès la césarienne, très mauvaise pour l’enfant car elle le prive des anticorps que donne le passage naturel du fœtus via l’utérus. On compensera par un apport de bactéries digestives et de nutrions. Ensuite, l’enfant sortant moins à l’extérieur et se dépensant moins, le lait sera allégé en calories – moins de protéines et d’acides gras. 

Puis dès l’âge de 2 ans, alors que l’enfant apprend normalement à mastiquer en fourrant dans sa bouche tout ce qu’il trouve dehors, les petits chinois ne pourront plus le faire désormais en passant leur temps enfermés à l’intérieur. Aussi, les pédiatres nutritionnistes de Dumex formulent un complément de nutriments plus fermes à mâcher dans les « bouillies » pour compenser.
C’est par cette présence toujours plus axée sur le service et le dialogue que Danone/Dumex, mais aussi les autres groupes laitiers mondiaux parient sur leur maintien en Chine : en apportant en tout temps un plus, par rapport aux producteurs locaux !


Monde de l'entreprise : Brioche Dorée en Chine – premières fournées !
Brioche Dorée en Chine – premières fournées !

Avec deux salons de boulangerie-pâtisserie dans Shanghai, le groupe breton Le Duff fait ses classes chinoises depuis 2012, sous l’enseigne « Brioche Dorée ». Avec 1,5 milliards de € de ventes par an, dont 20% entre Asie et Moyen-Orient, Le Duff est n°2 mondial du « bakery café ». Via un réseau de franchises, Brioche Dorée vise l’ouverture de 500 restaurants d’ici dix ans, entre Japon, Corée du Sud, Singapour et Chine.

La Chine et l’Asie sont notoirement, sous l’angle alimentaire, à la croisée des chemins, abandonnant le riz au profit de la petite boulange, de pâtes levées et cuites au four. Cette mutation alimentaire, il faut donc l’accompagner « par le haut », par un service et une qualité portant la griffe de France. 

Dans chaque pays-cible, le groupe Le Duff s’est choisi comme partenaire un conglomérat de l’agroalimentaire. Au Japon, c’est Suntory (spiritueux). En Corée du Sud, c’est le chaebol Daewoo. En Chine (Guangdong) le nom du partenaire reste confidentiel, attendant la signature officielle. Chacun de ces partenaires a envoyé 4 experts 5 semaines en Bretagne s’initier aux arcanes de la brioche hexagonale. Sous l’angle des recettes, Le Duff laisse aux franchisés une marge de liberté pour ajouter au menu leurs créations locales telle la brioche au haricot rouge. 
Le Duff importe ses pâtes congelées. Ne pourrait-il pétrir sur place pour économiser les coûts du transport ? « C’est une fausse bonne idée, répond Laurence Ledoux, la responsable du groupe en Asie, mieux vaut assurer l’image d’une qualité jamais prise en défaut… tout en faisant travailler les deux usines bretonnes du groupe ». 

Depuis son arrivée en Asie, le groupe teste les différents types de service, suivant la culture du pays et le site : entre le hall d’aéroport où l’on fait la queue avec son plateau, et le café branché où l’on est servi à table.
En Chine, le déploiement commence à peine. Les deux salons shanghaïens servent à la fois de « magasins témoins » pour candidats partenaires, et de laboratoires d’adaptation à l’Asie. Après Canton, 3 à 4 autres partenariats régionaux sont « au four », dont Pékin, l’incontournable. 

« La difficulté, précise Ledoux, est de trouver le partenaire, assez grand, expérimenté et technique pour réaliser l’objectif. La stratégie d’implantation des restaurants est également primordiale ». En effet d’autres groupes français ont tenté l’aventure chinoise, sans réussite, pour des raisons allant du partenaire indélicat au choix d’un marché trop restreint. Paradoxalement, la boulange française connaît un petit succès via des chaînes coréennes (Paris Baguette, Tous les Jours…). Mais Le Duff a confiance de pouvoir imposer sa « Brioche Dorée », en laissant comparer le consommateur. 

Enfin, Le Duff en Chine pourra dans l’année compter sur un renfort précieux : ces accords en cours de signature entre France et Chine, qui viennent de faire agréer 40 laiteries et 18 abattoirs hexagonaux – perspective de pouvoir offrir au gourmet chinois un menu croissants, brioches et viennoiseries, ainsi que salaisons et fromages. Eléments d’un déjeuner 100% à la française, d’une authenticité et d’une saveur imbattable !


Monde de l'entreprise : Le Club Med surfe sur la vague chinoise
Le Club Med surfe sur la vague chinoise

L’idée d’un village vacances n’est pas nouvelle en Chine. Depuis 1949, le Centre de formation professionnelle (培训中心« péixùn zhōngxīn ») cher à Mao, héberge en toute saison les bons éléments et leurs familles aux frais du socialisme. 

Mais depuis, beaucoup de ces centres ont périclité, par manque de professionnalisme et manque d’économie d’échelle—ils n’ont jamais pu concentrer l’expérience et les fonds pour décoller. 

Or depuis la fin des années ’90, une bourgeoisie nouvelle émerge, assoiffée de vacances plaisantes et de loisirs. C’était le moment idéal pour voir atterrir le Club Med, en quête d’investisseurs et de nouveaux clients pour ses Gentils Organisateurs.

Club Med Yabuli

Aussi dès 1984, le Club Med pressentit son installation sur un site à Shenzhen (Sui Mui Sha), qui n’a pas vu le jour, avant de finalement prendre ses quartiers au Palais d’Eté à Pékin en 1986. Les événements de juin 1989 le forçaient à plier bagage. 

Ce n’est que 21 ans plus tard, en 2010 que le Club signait son retour en ouvrant son 1er village de montagne à Yabuli (Heilongjiang), site d’entraînement de l’équipe chinoise de sports de glace et de neige. 

Dès 2007, le groupe local Fosun (foncier, industrie, santé) rachetait 10% de son capital. 

Club Med Guilin

Pour Olivier Horps, CEO du groupe en Chine, l’accord avec Fosun a profité aux deux parties, le Chinois apportant, outre ses fonds, de nombreux contacts, tandis que le Club lui offrait une visibilité mondiale.

En 2013, un deuxième village « nature » ouvrait près de Guilin (Guangxi – cf photo ci-dessus). Et cet été 2014, verra l’ouverture de sa 1ère villégiature balnéaire sur l’île de Dong’Ao (cf photo ci-dessous), entre Macao et de Hong Kong. 

200 000 clients chinois en 2015

Le Luxe Club Med DongaoLe succès en Chine est déjà significatif, les deux villages ayant en 2013 accueilli 108.000 visiteurs (+34%). En 2015, ce chiffre devrait doubler grâce à l’ouverture de Dong’Ao, auquel succédera une nouvelle adresse chaque année – y compris un village « By Club Med » de 350 chambres, à Qinhuangdao (Hebei), à 3 heures de Pékin. 

Au niveau de luxe et de qualité recherché, un Club Med coûte en Chine 100 millions d’€ en moyenne, assumé par un investisseur local – le Club Med assure le management.

 « Une difficulté, admet Horps, est de trouver un site, qui soit beau, propre, et appelé à le rester, en résistant aux appétits des promoteurs locaux ». 

Club Med vise bien sûr, d’abord, ces 2% de Chinois les plus riches. La clientèle chinoise « périphérique » (Hong Kong, Taiwan, Singapour) est aussi une cible de choix, ainsi que de plus en plus, et à la surprise du marketing, les expatriés. 

Cibler la 3ème vague de touristes

« Nos clients sont des touristes de la 3ème vague, explique O. Horps, ceux qui sont déjà passés par le tour organisé avec photo devant la tour Eiffel, puis par le voyage individuel, où l’on achète à tour de bras les sacs Hermès. Après ces initiations à l’étranger, ils sont prêts pour un séjour confortable, tout compris, dans un site protégé, en famille (65% de la clientèle du Club Med) ou entre amis dans une autre culture ». 

L’avenir du Club Med risque-t-il de subir un frein, de la baisse attendue de la croissance ou de la campagne anti-corruption ? 

« Pas forcément, prédit Horps, on va certes voir une baisse de croissance, mais je crois en la capacité de l’Etat à assurer une certai-ne stabilité et continuité, à amortir le choc entre la dernière vague de croissance, et la prochaine, que le régime veut désormais plus soutenable ».

Reste le tout dernier mouvement sur l’échiquier de l’avenir : l’OPA hostile engagée sur le Club par le financier Andrea Bonomi, offrant 22% de plus par action que Fosun, sur une nouvelle session de parts. 

Si le Chinois ne surenchérit pas, l’Italien pourrait dynamiter l’alliance franco-chinoise du tourisme. Toutefois, c’est trop tôt pour le dire, et demeureront en tout cas les 3 à 5 villages déjà en place au Céleste Empire…


Vent de la Chine : Votre avis sur Le Vent de la Chine
Votre avis sur Le Vent de la Chine

Comme chaque année, à l’aube de la trêve estivale, nous sollicitons vos avis sur notre lettre. Pour l’enquête 2014, une fois de plus, vous nous avez fourni sans lésiner une passionnante moisson d’enseignements !

Au niveau du mode de lecture, depuis 2013, vous n’êtes plus que 60% à télécharger la version PDF, en recul de 14%. Dans ce groupe, vous êtes 73% à apprécier la nouvelle maquette, au design plus aérée et plus illustrée.

Ceux qui choisissent de lire sur notre site web sont 33% – et presque unanimes (94%), à trouver la navigation conviviale et confortable. 

Tandis que les applications « mobiles » (smartphones et tablettes, pour Android, iPhone ou iPad…) ne récoltent que 6%. Elles permettent pourtant d’accéder au numéro complet à tout moment, même sans connection internet une fois l’application actualisée. Des améliorations y seront apportées à l’avenir…

Vent De La Chine Rubriques Preferences.PngA propos des rubriques, vous êtes à 87% convaincus par nos « Grands Articles », dossiers ou reportages. Sans surprise, « l’Editorial » est aussi fort suivi, à 71%, ainsi que le « Petit Peuple » à 66% (53% en 2013). 

Confidence : nous eûmes la chance de tomber cette année sur quelques fantastiques histoires, et le fait de démultiplier certaines en deux épisodes, a aussi permis de mieux mettre en scène la tension dramatique tout en exacerbant votre curiosité (45% d’entre vous trouvent que les articles en deux parties apportent un plus, et seuls 18% « n’aiment pas »). Retrouvez tous les « Petits Peuple » ici…

Les thèmes qui vous importent le plus, par rapport à l’an dernier, évoluent peu : ils sont « économie/conjoncture » (79%), « politique » (76%), « société » (69%), « diplomatie » (51%) – en hausse de 18% (sûrement liée au 50ème anniversaire des relations diplomatiques franco-chinoises). Curieusement, « l’environnement » – qui devrait pourtant causer souci, arrive à 43% contre 50% en 2013 : peut-être à cause d’une certaine lassitude du flot de nouvelles souvent apocalyptiques à ce sujet ? 

La « défense » par contre fait un bond en avant, suite aux tensions en mer de Chine : 41% contre 16% en 2013. Enfin, les « investissements » montent aussi en importance : en période de crise, c’est le moment des consolidations, et l’argent chinois se met à son tour à déferler sur la planète, Europe en particulier…

Vent De La Chine Zones InteretsConcernant vos intérêts hors-Chine, peu de changements sur Hong Kong/Taiwan et l’Europe, au sommet de votre hit-parade (41%, 61%), l’Asie du Sud-Est prend 5 points et devient la seconde région-pôle avec 58% : en raison de la tension présente, ou bien par intérêt d’investissement ? Les Etats-Unis chutent de 18 points, à 23% : peut-être par la faiblesse de l’engagement politique d’Obama dans la région ? 

Sur la manière dont le Vent de la Chine est perçu, vous êtes 48% à le trouver « agréable », 61% « aux analyses bien construites ». 64% apprécient la « richesse d’information » et 17% le trouvent « inattendu ». Mais attention ! 17% le trouvent « parfois confus », 2% « trop condensé». Nous ferons tout pour ne plus mériter cela à l’avenir !

Une question permet de rappeler l’aspect avant tout professionnel du Vent de la Chine : vous êtes 85% à réutiliser nos analyses dans le cadre de votre métier (4% de plus que l’an dernier), majoritairement en réunion à l’oral (72%), soit en citation dans des rapports écrits (13%). 

Nous remercions les 58% d’entre vous qui se disent prêts à nous faire intervenir, pour une conférence ou lors d’un séminaire dans votre entreprise, ainsi que les 14% qui disent l’avoir « déjà fait ». Même remerciement aux 38% qui seraient prêts à nous confier la rédaction d’une étude. 

En somme : merci à toutes et tous, chers lectrices et lecteurs, pour votre fidélité. Continuons à suivre l’aventure vivante de ce pays, sans le juger, mais en cherchant à le comprendre ! Excellent été à tous.

Vos témoignages

« J’aime tout. Une info hebdomadaire assez longue pour couvrir le sujet et assez courte pour retenir l’attention. » - bioMerieux

« Un vent d’air frais hebdomadaire pour les « continentaux » en France qui renseigne sur les débats de société en cours ! » - Maître de conférences au CNAM, Paris

« Merci de nous donner un avis eclairé sur la Chine, vue de l’exterieur. Riche, concis et avertis, j’aime parfois le ton quelque peu sarcastique des avis donnés par le rédacteur ! » - SDV International Logistics

« Le Vent de la Chine m’apporte un condensé d’informations régulier et pertinent sur la situation du pays où je suis expatrié. Le ton est vivant, ce qui ne gâte rien ! » SNF Group


Petit Peuple : Pékin – « Master-nouilles », la robe troquée pour la toque !
Zhang Tianyi Cuisine

Étudiant pékinois, Zhang Tianyi avait tout pour réussir. Ses parents fortunés l’avaient poussé jusqu’à Beida, une des universités les plus cotées, dont il était sorti avec un master de droit des affaires. Il en endosserait bientôt la robe des avocats : la vie s’annonçait belle… 

Nonobstant, Tianyi avait trois soucis—c’est beaucoup pour un jeune qui cherche sa voie : chaque été, il voyait se reproduire la même scène des néo-diplômés passant des nuits blanches à chercher des boulots, souvent sans succès (le plein emploi universitaire étant depuis longtemps un mythe du passé), ‚il n’aimait pas que ce soient ses parents qui décident de sa vie pour lui, et il fallait bien l’avouer, le droit des affaires l’emm… l’ennuyait à mourir. C’était la science des ânes —Tianyi prétendait avoir assimilé « en trois mois » les 14 manuels constituant la matière de ses six années d’étude. 

Aussi en juin 2013, c’est sans la moindre conviction qu’il empocha son diplôme pour aller faire son parcours du combattant chômeur. Avec des milliers d’autres, il hanta les antichambres des cabinets d’affaires, les foires à l’emploi. Chaque soir durant des mois, il échangea par WeChat mille tuyaux crevés, posta ses CV… Comme ses camarades de promo, il partit prospecter en province, et en revint bredouille, après avoir refusé des positions ridiculement surqualifiées et sous-payées. 

Au fil de ces échecs, Tianyi commença à réfléchir à une alternative. Il se trouve qu’à chaque fête du printemps lunaire, la famille retournait chez sa mère à Changde (Hunan). Durant cette semaine, chaque soir, pour éviter d’épuiser la grand-mère en cuisine, on dînait au restaurant, goûtant les variantes de la célébrité gastronomique de la ville, les nouilles de riz au bœuf anisé, aux légumes fortement pimentés. Le plat était graisseux à souhait : on se clarifiait ensuite le palais d’une coupelle d’alcool blanc. Pour Tianyi, c’était sa petite madeleine, le souvenir d’enfance. Aussi en décembre 2013, sa décision était prise : ouvrir un restaurant, faire connaître à Pékin cette délicatesse régionale inconnue. 

Pour faire accepter ce choix à ses parents, le jeune Tianyi dut guerroyer d’importance : ils n’avaient pas payé 6 ans d’études de droit pour faire de leur fils un patron de gargote ! Comme toute la vieille génération, ils restaient sous le dictat de Mencius, pour qui « l’homme de qualité ne touche pas à la cuisine ». En bons membres de la classe privilégiée, ils croyaient qu’un diplôme des universités impliquait une supériorité morale, quasi ethnique, et dispensait des tâches physiques, salissantes et fatiguantes. 

Heureusement pour Tianyi, sa mère psychologue professionnelle, savait écouter et réfléchir. Point de sot métier, et pourquoi l’affaire de son garçon ne marcherait-elle pas, si elle était bien préparée ? Aussi grâce à elle, après longues discussions, le feu vert fut donné, à une condition qu’il accepta avec enthousiasme : les parents ne paieraient rien.

Pour financer son affaire, Tianyi obtint quelques piges dans des revues universitaires, des traductions. Astucieusement, il sut convaincre deux copains de promo et un cousin de se joindre à l’affaire, partager travail, profits—et investissements : ils avaient déjà 100.000 yuans. Dans le quartier branché de Jianguomenwai, ils louèrent au World Financial Center un local, qu’ils nommèrent joliment « Funiutang » (« au Bœuf accroupi »). Ils l’obtinrent à bon compte, vu sa taille minuscule (40m²) et sa place au sous-sol. Puis une bonne partie du capital passa dans l’équipement et la décoration. 

Pour la formulation du plat unique, il fallut aussi travailler. A Changde, il visita une douzaine de restaurants de la ville, y dîna et redîna, comparant les arômes et les présentations, négociant âprement avec les patrons pour qu’ils daignent lui confier sa recette avec tous les trucs associés—ce qu’un seul enfin, de guerre lasse, accepta de faire. 

Enfin en avril 2014, c’était le « soft opening », puis l’ouverture. Les 100.000 yuans étaient depuis longtemps envolés, et nos quatre lascars n’avaient pas les moyens de s’offrir du personnel. Aussi, c’est eux, tour à tour, qui faisaient le service. Pour débarrasser par contre, les convives déposaient eux-mêmes les bols vides dans des bacs, recevant en échange une coupelle de quartiers d’oranges. 

Zhang Tianyi RestaurantLe résultat dépassa toutes les espérances : dès le 1er jour, une queue se forma à la porte. Depuis des mois en effet, toute l’université était curieuse de connaître le restaurant qui avait déjà son surnom à l’avance, « Master-nouilles » – parce que trois des associés étaient titulaires de ce diplôme, si peu compatible avec la confection de pâtes alimentaires. Qui étaient ces jeunes, parmi les 1% de diplômés en Chine à avoir osé « aller chercher ailleurs leur destinée » (lìng pì xī jìng, 另辟蹊径) ?

Après 8 jours, faisant les comptes, ils avaient servi 400 couverts et gagné 16 000 yuans – une petite fortune ! Tianyi, le maître à bord, décida alors de limiter les entrées à 120 par jour : investir dans la qualité, et forcer les clients à mériter leur passage au Funiutang par la patience. Une démarche habile, et qui évita au resto branché de sombrer trop tôt dans la banalité. 

La consécration vint le mois suivant, quand Xin Changxing, le vice-ministre des Ressources Humaines, cita le « Bœuf couché » comme exemple de l’esprit d’entreprise chez les jeunes. « Pékin a plus besoin d’un bon bol de nouilles, dit le haut personnage, que d’un avocat d’affaires en plus » !


Rendez-vous : Du 14 juillet au 31 août 2014
Du 14 juillet au 31 août 2014

16-18 juillet, Shanghai : PROPAK China, Salon spécialisé dans la transformation alimentaire et l’emballage 

22-24 juillet, Shanghai : Control China, Salon professionnel de l’assurance qualité

30-1er août, Canton : Paper Expo China, Salon professionnel de l’industrie du papier

2 août, Pékin, Football : Stade des Travailleurs, Trophées des Champions entre le PSG et l’EA Guingamp

8-10 août, Pékin : Salon international du Café en Chine

14-16 août, Urümqi : CXIAF, Salon de l’agriculture

14-18 août, Shenzhen : China Smart Card RFID Technologies – Salon des cartes à puces

20-22 août, Shanghai : ESBUILD, Salon international des économies d’énergie et des matériaux avancés

21-24 août, Shanghai : Pet Fair, Salon des animaux familiers

26-28 août, Shenzhen : NEPCON, Salon international des matériaux et équipements pour semi-conducteurs 

28-30 août, Qingdao : Salons pour les équipements industriels, pour l’automatisation et l’instrumentation industrielles, et Plastics & Rubber Expo, pour les plastiques et caoutchouc

29-31 août, Suzhou : CMEF, China medical Equipment Fair