Le Vent de la Chine Numéro 10

du 20 au 26 mars 2006

Editorial : Préparation visite Hu Jintao aux USA -Un printemps américain !

Entre Chine et USA en 20 ans, les relations n’ont jamais cessé leur mouvement cyclique, de la tension au beau fixe. Ce printemps sera celui des USA, avec la visite du Président Hu Jintao à Washington, les 18-19 avril. C’est LE dossier majeur qu’il faut réussir, sans épargner les concessions, pour obtenir ce qui compte : plus de partage du monde !

Dès 2005, Hu Jintao avait promis de combler partiellement le déficit commercial des Etats-Unis. Or ce dernier, en 2005, atteint 201MM$, +24,5% : il lui faut à court terme ouvrir aux US un marché chinois en 10ainesde MM$.

L’on prépare donc ces contrats : appareils Boeing, produits agricoles, centrales nucléaires. Pékin se dit «prêt à coopérer en énergie avec les Etats-Unis, les 2 pays étant non-concurrents sur ce domaine » … (voir colonne centrale).

Depuis des années, la Maison Blanche prêche dans le désert pour la réévaluation du yuan.

Clairement, aujourd’hui, à cette Chine achevant sa phase d’entrée au club mondial marchand, les Etats-Unis ne veulent plus rien passer. Le secrétaire au commerce C. Gutierrez ne prend plus de gants, et menace de recourir à toutes rétorsions, telle cette plainte devant l’OMC- l’organisation mondiale du commerce (sur les discriminations chinoises en pièces auto).

 Au même moment, les sénateurs Shumer (Démocrate) et Graham (Républicain) sont invités en Chine (19/3), 15 jours avant le vote de leur projet de loi d’une taxe de 27,5% sur tout import chinois pour compenser la « manipulation de sa monnaie». Shumer et Graham affectent de croire que durant leur séjour, Pékin pourrait réévaluer… Ce que Wen Jiabao le 1er ministre a clairement démenti à l’avance !

Trois autres questions sont sur la table :

[1] la Chine assure qu’aucun des 8000 bébés chinois adoptés aux Etats-Unis en 2005, n’a été kidnappé ou vendu ;

[2] Phuntsog Nyidron, la nonne tibétaine est  autorisée à émigrer aux USA, après 15 ans de prison ;

[3] Problème également bien connu en Europe, la Chine traîne les pieds pour récupérer 40.000 clandestins, ayant déjà coûté aux US 667M$ en frais de prison…Mais aucun de ces problèmes n’est bien grave, et rien pour l’heure, ne semble menacer l’embellie ! 

Pas même le sommet trilatéral à Sydney entre C. Rice, J. Howard le 1er ministre australien et Taro Aso, le ministre des affaires étrangères nippon (16-18/3), pour s’inquiéter « ensemble» de la montée en force militaire chinoise, exprimée devant l’ANP – le Parlement – par la hausse du budget militaire (+14%, 35MM$), voire 105MM$(en comptant les budgets secret), et 700 missiles face à Taiwan.. Or, les Etats-Unis envisagent sérieusement, à leur tour, d’augmenter leur mise, pour rétablir le statu quo !

 


A la loupe : Minerai : Pékin jette le gant… de fer !

Le 13 mars, la Chine niait tenter d’imposer un plafond au prix du minerai de fer importé, par un interdit secret de décharger tout fret négocié à plus du prix de 2005 soit 40$/t, FOB (cf VdlC 09).

Le 16/3, volte-face : MoC (le ministère du commerce) et NDRC (la commission de développement et de réforme) revendiquent face à l’OMC (l’organisation mondiale du commerce), le droit d’intervention dans les prix, et en appellent aux Etats (Australie et Brésil) à brider les «profits déraisonnables» des multinationales.

Avec 70% du marché, les grands fournisseurs BHP, Rio Tinto et CVRD (les «3 soeurs») auraient tiré des hausses de 71% en 2005, 10 à 20% en 2006, insupportables aux aciéries chinoises, et injustifiées puisque l’offre serait adaptée à la demande. D’où ces mesures techniques que le ministère du commerce prétend avoir imposées, « avec succès, et à titre provisoire ».

Pour les 3 soeurs, tout est faux : il y a bel et bien déficit mondial de l’offre, qui s’aggrave cette année, à 3,5Mt, contre 3Mt en 2005, et son origine est la Chine, avec le surinvestissement chronique de ses aciéries. Et l’IBRAM, lobby des 200 minières du pays, réclame déjà une plainte contre la Chine à l’OMC, pour interférence étatique dans des palabres commerciales !

Notre Analyse : L’offensive chinoise proviendrait d’un meeting national de l’acier, début mars, entre officiels et aciéries, dont 13 perdaient de l’argent dès novembre. Il s’agirait donc d’une action urgente, pour geler les prix «pour la Chine» au 1er avril, tablant sur sa position d’acheteur dominant (44% du marché), et la chute des titres boursiers des trois soeurs, au15/3 : – 8,5% à Rio, -7% à BHP et -17% à VdRC

Mais la Chine n’est pas en position de force, car elle tente de protéger ses aciéries en surcapacité, de la régulation du marché. Cependant, en même temps, la Chine a eu en 2005 45Mt d’excédent d’acier en attente de client : le remède ne peut consister que dans un « grand nettoyage du secteur» (en cours d’ailleurs, voir p.2), et non dans l’essai de faire endosser la note par les minéraliers. D’ailleurs, on n’a toujours aucune preuve de la réalité de ces mesures chinoises. Au contraire : de source australienne, et malgré le carcan étatique, 6 aciéries chinoises se seraient engagées à importer 6,4Mt/an sur 10 ans, à prix non précisé !

 NB : une attaque plus plausible contre les 3 soeurs, consisterait à tenter de les racheter !

 

 


Joint-venture : TGV, Maglev : départ dans le noir

— La session de l’ANP (Parlement chinois), marqua une étape dans un vieux rêve : deux lignes de chemin de fer à grande vitesse furent approuvées : un TGV conventionnel Pékin-Shanghai, pour 17,5MM$, dont les rames dévoreront les 1320km en 5h au lieu de 13h, et le Maglev Shanghai-Hangzhou (Zhejiang), encore plus rapide -sans roues, sur coussin magnétique, 177km pour 4,3MM$. Elle devrait être active pour 2010, à temps pour l’Expo universelle de Shanghai.

Demi-surprise offerte par le ministre des chemins de fer Liu Zhejun (9/10) : la technologie serait « entièrement chinoise »!

Problème : en dépit de progrès rapides, la Chine reste loin de maîtriser de tels instruments. En démonstration à Shanghai, le Maglev est signé du consortium Transrapid (Siemens-Thyssen-Krupp). En TGV, trois groupes sont sur les rangs : Alstom, Siemens et le consortium Mitsubishi, déjà chargés de 280 rames, sur les 700 à commander d’ici 2010.

D’autre part, quatre lignes doivent être tracées d’ici là, objets de 4 appels d’offres, réclamant des solutions globalesvoies, rames, signalisation. Ces groupes devraient recevoir des tranches comparables, qu’ils exécuteront avec leurs partenaires locaux, en JV, pour que 70% soit produit localement, conformément au cahier de charges. Pour la ligne Maglev, la Chine s’apprête à «renvoyer l’ascenseur» à l’Allemagne, qui paya 50% de la ligne expérimentale (et 500M$). Mais sur la répartition du contrat, la Chine semble avoir obtenu le transfert intégral de technologie – wait & see !

 

— Par 2 voix sur 3 à Genève (7/03), ISO, l’organe mondial des normes, n’a pas accueilli le WAPI, protocole chinois d’encryptage de l’internet sans fil.

Déçu, le MII (le Ministère des industries de l’information) parle de «double mesure» – la norme américaine concurrente, IEEE 802.11i a été adoptée sans encombre.  Le refus est moins motivé par des considérations techniques, que pour des questions de style.

En 2003, le MII voulait imposer le WAPI. Le refus frontal du métier l’avait forcé à renoncer. Evoquant sa sécurité nationale, le MII n’a donné les codes-protocoles du WAPI qu’à ses constructeurs : le WAPI pourrait permettre une écoute policière à distance sur tout matériel utilisant ce standard. Pourtant, demander l’agrément de sa norme sur le marché mondial, était légitime : elle lui évitait de payer des royalties sur son propre marché, et pouvait lui faire espérer la conquête du marché mondial.

Plus qu’une question de copie à revoir, c’est un problème de démocratie à intégrer à WAPI, avant qu’ISO ne statue à nouveau sur son sort.

 

 


A la loupe : Coup de noroît pour Areva

Coup de noroît pour Areva, le  spécialiste français de la centrale nucléaire, candidat en Chine pour 4 unités de son  EPR de 3èmegénération, pour 6,7MM² de contrat.

Fin février, il aurait de facto renoncé à ce contrat, faute de céder aux exigences chinoises de cession complète des plans, contrairement au concurrent nippo-US Westinghouse, qui l’aurait fait pour son modèle encore virtuel AP1000, obtenant ainsi d’entrer en négociations «exclusives».

Réveil choquant : jusqu’alors, on croyait que le patrimoine d’expérience du modèle français ferait la différence, et que la Chine ne «voudrait pas prendre les risques».L’exemple du Maglev aurait du suggérer le contraire, train à lévitation magnétique à coût ruineux, pas au point, boudé par tous, même son propre marché allemand, et dont Shanghai a adopté une ligne qu’il s’apprête à prolonger (cf p.2).

Pékin n’aurait donc nul problème à acheter une technologie US non validée : si la rumeur dit juste, il l’obtient pour 400M$ et 15M$ de royalties, sur un nombre limité d’unités. Ce qui pourrait lui permettre de concurrencer sous peu d’années France et US sur les marchés émergents, type Inde ou Brésil.

Certains ont reproché à Areva une offre large à la Chine, package de solutions sur la filière complète (enrichissement, recyclage), alors que Pékin souhaite s’équiper de manière opportuniste, en « manteau d’arlequin »…

Peut-être. De toute manière, Hu Jintao doit sortir en avril de gros contrats aux US : aucune concession française ne pouvait parer cette exigence-là. D’autre part, une constante commerciale chinoise consiste à ménager la concurrence, voire la créer si elle n’existe pas : c’est ce qu’elle fait avec ce choix de refuser un seul partenariat privilégié.

On note en même temps, les difficultés d’Airbus à finaliser d’ici l’été une usine de montage quelque part en Chine. Plus que le site, le point d’achoppement est sur le transfert de technologie. On assiste à un tournant dans l’histoire industrielle globale : Les pays détenteurs des industries de pointe, ne peuvent plus protéger leur transfert, et concernant la Chine, il est désormais quasi-instantané !

 

 

 


Argent : Fer, charbon – plans de restructuration et leurs illustrations

— L’aciérie Baosteel s’allie (11/03) avec Ba Yi, d’Urumqi, expert en aciers du bâtiment. Union de l’éléphant shanghaïen –22,7Mt- et de la souris du Xinjiang (3Mt), accélérée par la surproduction nationale (45Mt en 2005), et la crise du minerai.

En fait, l’union s’imposa après décembre 2005 quand Mittal, l’ogre indien fit les yeux doux à Ba Yi. L’Etat mit le holà et arrangea l’accord de coopération, prélude au rachat, qui permettra à Baosteel d’atteindre son objectif de 30Mt vers 2008. Ba Yi lui, grâce aux capitaux, marketing et technologie de Baosteel, franchira son marché provincial qu’il contrôle déjà à 75%, pour aller prospecter en Asie Centrale.

Ba Yi offre aussi l’avantage de bonnes réserves de charbon, coke et le minerai (40% des réserves nationales) : intéressante synergie, entre Far-West et Far-East chinois!

NB : cette fusion entre dans le plan nat’l de restructuration, avec bien d’autres mariages en vue, et la fermeture en ’06 des micro-aciéries (moins de 200m²), pour épargner 60Mt de minerai.

 

— N°1de la houille (6,2% de la production), Shenhua paie 120M² pour 70% de Jinjie, l’électricien et mineur du Shaanxi. Le reste revenant à Luneng (Shandong). Affaire qui augmentera de 9% ses réserves : après développement de sa mine de Shenmu (Shaanxi) en 2010, Jinjie produira 3Mt de charbon et 3,6GW d’électricité par an.

L’intense demande (2,17MMt en 2006) nourrit en 2005 un flux de profits (1,6MM², +75%) et d’investissement (2,2 MM²). Les rachats de 2006 (dont Jinjie), atteindront 2MM² et viseront aussi l’étranger (Russie?).  En même temps, Shenhua va «renforcer la coopération stratégique» avec Anglo-American qui mettait en juin 2005, 650M$ dans 18% de ses parts. La tendance est claire : Shenhua s’internationalise !

NB : Comme dans l’acier, l’Etat accélère la concentration de ses mines, pour que ses 13 bases, dont Shenhua, assurent 78% de la production en 2010  contre 57% à présent. Un regard sur les prix du marché est instructif: libérés en décembre (avant, leur hausse était plafonnée à 8%/an), ils opposent toujours ses acteurs, sur leur niveau en 2006.

Les charbonniers espèrent une hausse de 5% – alors que sur le marché du minerai, Pékin tente d’imposer, hors Chine, la stagnation !

 

 


Pol : Pardon pour le recherchiste, pas pour le plongeur

— Préparation parmi d’autres de la visite de Hu Jintao à Washington, le train de libération de dissidents n’en est pas moins impressionnant.

Le plus spectaculaire : Zhao Yan, journaliste en prison depuis septembre 2004 pour « divulgation de secret d’Etat » et «fraude», voit les charges contre lui abandonnées (17/3), et est libérable à tout moment. Zhao travaillait pour le NY-Times, et avait divulgué que Jiang Zemin s’apprêtait à abandonner -à Hu Jintao- son poste de patron de l’armée. On savait que l’accusation avait du mal à étayer son dossier. Mais jamais, face à des accusations de ce niveau, le Parti n’avait fait marche arrière sur ses inculpations ! Peut-être a joué aussi l’hospitalisation prolongée à Shanghai de Jiang Zemin.

Parallèlement, le régime élargit aussi avec très peu de réduction de peine,  Yu Dongyue et Xiao Yunliang, condamnés respectivement à 20 et 4 ans. Yu était l’homme ayant maculé de peinture le portrait de Mao en 1989 – il sort en très mauvais état mental. Ces 2 hommes figuraient sur la liste soumise l’an passé par J.M. Barroso, Président de la Commission européenne.

 

— Sous la houlette libérale du Commissaire européen P. Mandelson, l’orage des mesures anti-dumping contre la chaussure chinoise se dégonfle.

Sur plainte des chausseurs italiens, Bruxelles annonçait en février pour avril, un droit compensatoire de 19,4% pour le produit chinois, et 16,8% si vietnamien. Mais le commissaire adoucissait la potion, tant pour préserver les bons rapports avec la Chine, que par conviction qu’un protectionnisme, même européen, se paie à long terme.

Le 16/3, le Conseil des ministres entérinait un plan de punition allégé à 9% des exports sino-vietnamiens, excluant la chaussure de sport à plus que 9² et celle pour enfants, en dessous de 37,5. Idem sont exemptées les chaussures de chantier. Pour les va-t-en-guerre communautaires, beaucoup de bruit pour rien !  

 

— « Pas de pardon pour Tian! ». Médaille d’or de plongeon à 10m à Sydney, bronze à Athènes en synchronisé, Tian Liang était passé à la trappe de l’équipe nationale en 2005 pour avoir fait trop de clips publicitaires, et avoir séché l’entraînement. Il n’était pas le seul : bon nombre de ces stars, rencontrant le succès, ont « craqué » au contact de la famille mondiale du sport, soit pour l’appât du gain, soit par contestation du droit de l’Etat sur leur corps, et par découverte d’un sens à la vie sportive, plus large que celui offert par leurs écuries.

Pour les JO de Pékin, soucieuse de faire le plein de ses médailles, l’Administration nationale des sports veut passer l’éponge sur les «turpitudes» de ceux qui le demandent. Ce qui ne sera pas le cas du basketteur Wang Zhizhi (passé à la NBA) ou de la tenniswoman dissidente Peng Shuai ! Mais Tian, le plongeur, reste en enfer, malgré la preuve administrée aux Jeux Nationaux de 2005 à Nankin, qu’il restait le meilleur : la discipline reste le bois dont on fait les médailles chinoises. L’espoir pongiste Qiu Yike vient de le vérifier à ses dépens, interdit de sélection 12 mois, pour arrivée tardive en entrainement, suite à une nuit de libations !

 


Temps fort : Plenum de l’ANP, quel bilan pour le cru 2006 ?

«Harmonie», «vie simple», «vertu»: ces mots confucéens expriment a contrario les excès de la croissance chinoise des années 2000 et le message correctif du 1er ministre Wen Jiabao face aux édiles de l’ANP – le Parlement chinois. Ils servent aussi d’ersatz à la réforme politique, que le régime redoute autant que sous l’ère Jiang Zemin.

Cette session a donc voté un11ème plan social ambitionnant de relancer les campagnes en cinq ans, en leur offrant des infrastructures peu chères mais utiles. Tel ce programme 村村通 cun cun tong, de lignes de téléphone fixe et portable pour tous les villages.

Evoquons des aspects insolites et moins connus de ce Plenum :

 [1] Parlant de la peine de mort, l’abolition est loin mais une atténuation est perceptible: dès juillet, tout verdict capital passera en appel, en audience publique, pour réduire l’arbitraire. Des élus réclament déjà la levée du secret «imbécile» sur le nombre des exécutions (8000/an, au dernier chiffre).

[2] Contre le piratage intellectuel, un tribunal spécial est créé (10/3)

[3] Est réclamée aussi la démaoïsation des billets de banque : que le Timonier cède la place au patriarche Deng Xiaoping !

 [4] Par la réduction du robinet des crédits et de l’énergie, la croissance devrait baisser à 8% cette année, et 7,5% les suivantes—mais si cette prédiction publique échouait, ce ne serait pas la 1ère fois! De plus, un taux unique est impossible : Canton revendique 9% !

[5] Face à la nouvelle ligne édictée par Wen Jiabao, du “nouveau paysanat socialiste”, les vieilles habitudes sont têtues : le17/3 à Xiditou(Tianjin), des 100aines de paysans occupent leurs terres expropriées, criant “nous voulons vivre”, pour voir si l’Etat les défendra contre les cadres.

Difficultés en perspective !

 

 


Petit Peuple : Xiangqin : la fête ratée de 1er rendez-vous!

Gâte-sauce depuis 2003 à Suzhou,  Li Kai, 19 ans, retourna au village au chunjie pour y trouver femme.

Mais son espoir de paradis se mua en descente aux enfers! Li Yong, chef du Parti, lui avait choisi Ye Man (fille du même âge et migrante comme lui, bonnetière à Tianjin). Il avait préparé la 1ère rencontre, dite 相亲xiangqin. Arrivé le 1er, Li Kai passa une une demi heure, avec son trac pour unique compagne. A10h30 se présentèrent la soeur et l’amie de Ye Man, qui lui votèrent des sourires froids.

La salle s’emplit de parents et amis. Mis seul face au clan féminin, Li subit un feu roulant de questions dont il se tira mal, parfois plus muet que les carpes de papier aux fenêtres. Plus tard, ni l’offensive de charme de son frère, ni les platitudes du secrétaire ne déridèrent personne: lampant leur thé, les paysans s’observaient en silence, grignotant des graines (guazi) pour garder contenance. Enfin Li Kai obtint le privilège de 3 petites minutes face à Ye Man, pas même seuls à seuls. Gauche et incertaine, elle poursuivit les questions sottes : «tu gagnes combien, as-tu déjà l’appart, le hukou?» (permis de séjour) – on n’était pas vraiment dans la carte du tendre! Mais manquait encore le clou : la rencontre avec le père: comme assis sur un coussin d’aiguilles, Li Kai rougit, oublia tout -même d’offrir une cigarette. Contre tous les usages : avant d’emporter la fille, on dédommage le père. Déçu, l’homme grimaça, soupira «ah-ya!». Il sortit, suivi de sa smala, et puis, en débandade, du clan de Li Kai, au reproche muet.

Pragmatique, le Secrétaire du Parti secoua l’épaule du jeune, et lui donna -peut-être -le meilleur conseil du jour : reprendre ses cliques et ses claques, aller chercher promise à Suzhou, et oublier ces péquenauds de son enfance, et leurs rites qui s’étaient desséchés, faute d’avoir gardé ouverte la voie du coeur !