Le Vent de la Chine Numéro 8 (2017)

du 27 février au 5 mars 2017

Editorial : La Chine de l’intérieur elle aussi rêve d’Europe

On a pu voir les semaines passées la Chine se retournant vers l’Europe, par inquiétude du tournant chauviniste-protectionniste du Président D. Trump aux Etats-Unis. Ainsi, furent reçus au plus haut niveau le Premier ministre français B. Cazeneuve (20 au 23 février) suivi du Président italien S. Mattarella (21 au 26 février).

En parallèle, les provinces du Centre de la Chine sont en demande de liens approfondis avec l’Europe – un désir de raccourcir les distances, d’attirer plus de finances, de technologies et d’industries européennes.

Cette Chine de l’intérieur se cherche un avenir autre que de celui de la côte. La Chine « bleue » de Canton ou Tianjin dispose de ports vers la façade pacifique, mais la Chine « jaune » de Chengdu ou Wuhan, doit compter sur sa route ferrée, 1000 km plus proche de Lyon que Shanghai par exemple – un enjeu majeur du plan OBOR « une ceinture, une route » (一带一路) !

Le 23 février, la délégation de B. Cazeneuve à Wuhan, visitait plusieurs réalisations d’avenir : le laboratoire de classe P4  d’étude des affections pathogènes ultra dangereuses, bâti suivant le modèle développé à Lyon par Mérieux et l’Inserm, et la future éco-cité du district de Caidian, coopération franco-chinoise.

Ce fut aussi l’occasion d’assister à l’arrivée au terminal ferroviaire de Linkong, du consortium WAE (Wuhan-Asie-Europe Logistics, filiale de la mairie de Wuhan), d’un train parti de Lyon. Tractés par une motrice diesel décorée de fleurs et de banderoles, 41 conteneurs avaient fait la route  (11,300 km) en 15 jours—20 de moins que par la mer— via 7 pays, dont Russie, Pologne et Allemagne, au moyen de 8 locomotives, 20 pilotes et 3 changements de bogies sur des voies à écartement variable.
A l’arrivée à Wuhan, une grue portique soulevait le conteneur de tête, le déposait à terre. Ouvert par les douaniers qui brisaient les scellés, le contenu de sa cargaison révélait Champagne, Bordeaux, Sauternes (17 000 bouteilles), pièces-auto à perfectionner, produits agro-alimentaires—la plupart des conteneurs étant réfrigérés. Les trains vers Lyon, eux, acheminent  du matériel technique, médical, électronique, textile, chimie…

En dépit de ces aspects prometteurs, à l’évidence, le circuit n’en est encore qu’à une fraction minime du marché potentiel, très au-dessous de ses capacités. La preuve : en 9 mois depuis avril 2016, il n’a expédié que 96 trains de Wuhan, et seuls 43 trains sont repartis de Lyon—la plupart à vide, tractant des centaines de wagons pour permettre leur rapatriement. On est loin des « 5000 convois Chine-Europe » promis pour 2020, ce qui équivaudrait à 80% du trafic mondial en conteneurs par chemin de fer, et pour chacune des 15 villes desservies, 27 trains par mois en moyenne. Mais la progression est rapide : le trafic de conteneurs entre Wuhan et Lyon est passé de 5% en septembre 2016, à 15% en février 2017.

Officiellement, pour un conteneur de Wuhan à Lyon, il en coûte 5350$, et 3750$ dans l’autre sens—deux fois plus cher que par voie maritime.  C’est sans compter les subventions de l’Etat chinois, secret (bien gardé) de cette vertigineuse montée en puissance. Un diplomate chinois suggère même que ce tarif depuis Wuhan serait « presque égal à celui maritime ».

L’espoir des créateurs de ce réseau, tient au fond à une « révolution des esprits » et un changement complet de perspective. Lyon se sent depuis lors « connectée à la Chine », et ses centaines de PME se prennent à rêver d’export. WAE y ouvrira sous 3 mois un bureau, ainsi qu’à Bordeaux et Paris. C’est un marché qui débute, de produits européens dont la Chine s’annonce friande et prête à payer le prix. Ainsi, tous les produits qui n’avaient pas accès à la Chine—la voie aérienne étant trop chère et celle maritime, trop lente—obtiennent aujourd’hui leur « route de la soie » spécifique.


Investissements : OBOR – L’heure de la vérité proche

En 2013, l’équipe du Président Xi Jinping lançait son plan OBOR (One Belt, One Road, 一带一路), un concept de redéploiement industriel hors frontières qui nécessitera, selon les calculs de la banque HSBC, de 4000 à 6000 milliards de $ sous 15 ans, pour l’équipement (ferroviaire, maritime, en énergie…) à réaliser entre 65 nations des cinq continents.

Plusieurs sommets sont prévus, dont un les 14-15 mai à Pékin – 40 chefs d’Etats sont invités à ce rendez-vous, le plus important de l’année pour la Chine, qui espère alors une validation universelle pour ce genre de Plan Marshall du XXIème siècle. Mais à mesure que les projets commencent à se préciser, surgissent les problèmes.

En 2016, en marge d’un Sommet à 17 pays Chine-Europe de l’Est, la Chine s’engageait avec Hongrie et Serbie à bâtir une ligne de chemin de fer entre Belgrade et Budapest sur 350km. La ligne existante, obsolète et à basse capacité, serait remodelée, reconstruite, et le matériel roulant renouvelé de manière à réduire le voyage de 8 heures à 3h. Le coût de 2,89 milliards de $ serait supporté par l’Exim Bank, et le chantier exécuté par la CRIC—groupe public chinois spécialisé dans ce type de gros chantiers hors frontières. La maîtrise d’œuvre reviendrait aux chemins de fer nationaux de Hongrie, 42% des matériaux et équipements devant obligatoirement provenir des pays-hôtes.

Mais Bruxelles vient d’émettre une objection peut-être fatale : la Commission Européenne lance une enquête sur la rentabilité du projet et sa conformité aux articles de loi concernant le marché unique. Au 1er chef, l’étude de faisabilité fixe à 6 millions de billets par an le seuil de rentabilité—mais le trafic attendu n’en fait que la moitié. Et au second chef, nul contrat n’a été publié, et pour cause : il n’y a pas eu d’appel d’offres —c’est une infraction à la loi communautaire. Aspirante à l’adhésion, la Serbie peut encore prendre librement ses décisions d’investissement sur son sol. Mais pas la Hongrie membre de l’UE, de surcroît dans le collimateur communautaire pour les positions agressives de son leader d’extrême droite V. Orban sur la question des réfugiés. 

A ce qui semble, ce qui a été signé en 2016 pour contourner la procédure des 27, a été un « traité » entre les 3 pays pour engager des entreprises à  « coopérer » au projet. Un protocole a été mis en annexe, pour tenter une mise à conformité avec la législation communautaire, au niveau des normes techniques notamment. Mais selon les résultats de l’enquête, Bruxelles pourrait exiger des modifications ou interdictions faisant poser un lourd nuage noir sur l’avenir.

Cette ligne, déclare Tamas Matura de l’université de Budapest (cité par le Financial Times), est un maillon fort du plan OBOR en Europe Centrale – une section de la « route terre-mer » que la Chine s’est engagée en 2014 à bâtir du Pirée (port d’Athènes) via les Balkans jusqu’au Nord-Est européen, permettant d’inonder de produits chinois des centaines de millions de personnes. C’est une ligne stratégique, conçue à Pékin il y a déjà 10 ans, quand la COSCO (l’armateur public) rachetait sa première tranche du port grec en faillite.

La Chine joue gros. Mais ses difficultés permettent aussi d’éclairer la différence de sensibilité et interprétation entre Bruxelles et Pékin, sur le terme de « profitabilité ». Bruxelles, pour son évaluation, se base sur les chances de réussites d’un outil, à 5 ou 10 ans. Les stratèges chinois sont beaucoup plus ouverts au risque, et visent clairement un processus en décennies : la relance d’un continent par la création d’une route commerciale à travers la planète.

Cette affaire a été au cœur des débats (18-19 février) à l’université d’Oxford, lors du China Forum annuel. A cette occasion, une opinion majoritaire s’est dégagée, contestant la capacité des « nouvelles routes de la soie » à trouver leur place en Europe, sous leur définition actuelle. Pour ces économistes venus de toute l’UE, les nations, gouvernements et investisseurs devront la battre à froid, faute d’y trouver autre chose que l’intérêt chinois. L’OBOR à leurs yeux, est une réponse à sens unique à une question sino-chinoise. La Chine en effet, a besoin : 

– d’un débouché hors frontière pour ses surcapacités,

– d’un havre pour son épargne en yuans qui se déprécie à long terme, d’un marché pour ses produits,

– d’un flux régulier de minerais et de pétrole à tarif privilégié.

Mais les pays d’accueil veulent que leurs industries participent aux travaux sur sol chinois. Depuis 10 ans et toujours plus fort, Europe et Amérique déplorent le refus chinois de laisser leurs firmes participer aux appels d’offres en Chine. Pour l’Europe, cette question devient le 1er obstacle, avec celle de la protection des investissements, à la conclusion d’un traité de libre-échange.

Enfin, l’abandon par les Etats-Unis du Partenariat Trans-Pacifique (TPP) et la vague déferlante de protectionnisme américain rebrasse les cartes. La Chine soudain, ressent le besoin de plus de coopération avec l’Europe. Pour le plan OBOR, c’est peut-être une nouvelle chance, celle pour la Chine de faire preuve de plus de souplesse et de réciprocité. L’avenir dira si la Chine se montrera capable de rectifier le cap, et si ces faiblesses présentes étaient des vices de conception inguérissables, ou bien de simples maux de croissance.


Corées : Lâchée par la Chine

Se peut-il que l’assassinat par Kim Jung-un, le tyran de Corée du Nord, de son demi-frère en exil Kim Jong-nam, soit « le pont trop loin », qui menace de précipiter la fin du régime ? À tout le moins, les signaux d’alarme qui s’accumulent, forcent à envisager cette hypothèse.

Le 11 février, le lancement d’un missile ICBN (moyenne-longue portée) était déjà une provocation envers la Chine, au moins autant qu’envers les USA. Depuis 12 mois, Pékin tentait de dissuader les Etats-Unis d’Obama d’installer une rampe antimissile THAAD en Corée du Sud, pour faire bouclier contre d’éventuels tirs vers des métropoles de sa côte-Ouest. Mais bien sûr, ce système d’armes pourrait aussi neutraliser des fusées chinoises – tel ce lanceur testé par l’APL fin janvier, d’une capacité de 10 têtes nucléaires. Dès lors, le THAAD affaiblirait de facto la force de dissuasion nucléaire chinoise—une situation inacceptable pour la Chine. Auprès de Washington comme de Séoul, la Chine jouait de cet argument : même si l’inquiétude face à Pyongyang pouvait se comprendre, l’affaire devait se régler par la diplomatie. Cependant, après le dernier test balistique nord-coréen, différer davantage l’installation du THAAD devenait irrecevable pour la Corée du Sud et les USA—ce que Kim Jong-un savait pertinemment, au moment de donner l’ordre de tirer.

Il savait aussi que le jour où son armée disposerait d’un missile intercontinental capable de toucher les États-Unis, et d’une bombe en état d’exploser, Washington ne pourrait pas se laisser faire et frapperait préventivement – surtout avec un Président impulsif comme D. Trump. Dès lors, la Chine se retrouverait face au dilemme impossible de devoir soutenir militairement les USA capitalistes, contre sa petite sœur d’armes socialiste…

Puis vint le 13 février, jour de la seconde folie du « Cher leader » (surnom officiel de Kim Jong-un, le petit fils du « Grand Leader » Kim Il-sung). A l’aéroport de Kuala Lumpur en Malaisie, il fit empoisonner Kim Jong-nam. Deux femmes étrangères avaient été recrutées par une équipe de nord-coréens en lien avec leur ambassade – l’un des hommes est arrêté et trois, de retour immédiat à Pyongyang, sont sous mandat d’arrêt par Interpol. Ce n’était pas la première fois que Kim Jong-un tentait de faire tuer son demi-frère, en exil de Corée du Nord depuis 15 ans et résident à Macao. Mais Kim Jong-nam était protégé par Pékin, qui misait sur lui au cas où son despote de demi-frère tomberait, afin d’orienter le pays dans un sens plus pacifique, de développement économique, plus conforme aux intérêts et à la vision politique de la Chine. Déjà en 2014, Kim Jong-un avait aussi fait exécuter dans des conditions aussi mystérieuses qu’atroces, son oncle Jang Song-taek, qui lui aussi était allié de Pékin. En 48 heures, ce sont donc deux actes de défiance à l’égard de la Chine qu’a ordonné le patron du petit « pays du matin calme ». 

Aussi la réaction du Président Xi Jinping a été exceptionnelle : le 19 février, il faisait fermer ses frontières au charbon nord-coréen jusqu’à la fin de l’année, causant au pays voisin la perte d’un milliard de dollars de recettes. Xi et Kim Jong-un, au demeurant, semblent être loin de s’apprécier. Kim Jong-il, père de l’actuel dictateur, avait rendu visite à la Chine sept fois en onze ans de règne—même sur la fin, quand sa santé ne tenait plus qu’à un fil— mais Kim Jong-un lui n’a encore jamais fait le voyage…

La décision de Xi Jinping était inouïe. Auparavant, la Chine n’avait jamais réellement appliqué de sanctions dures contre la Corée du Nord, même si elle en avait laissé passe plusieurs au Conseil de Sécurité (en renonçant à imposer son veto). Mais sans les faire suivre d’une application autre que symbolique. Pour cette raison, la plupart des observateurs ne voyaient en cette sanction guère plus qu’une « invitation » à négocier, d’un bras de fer sur le programme nucléaire du petit pays stalinien, la sanction pouvant être levée si Pékin obtenait satisfaction.

Mais pour la Corée du Nord, c’est un casus belli. Ce pays sous énorme pression idéologique et qui se maintient en mobilisation permanente depuis des décennies, se sent prêt à se défendre les armes à la main contre quiconque, au premier signal.

Aussi quelques jours plus tard, le petit dictateur, non sans panache, crache par voie de sa presse officielle des insultes contre deux de ses derniers alliés. Contre la Chine : sa sanction « ne vaut pas mieux que les gestes de l’ennemi pour abattre le système social de la RDPC » (nom officiel du régime), et la Chine, valet des Etats-Unis, « danse à présent sur la musique » de ces derniers. La Malaisie aussi subit la colère nord-coréenne pour refuser de rendre le cadavre du demi-frère, tout en poursuivant son autopsie, elle « participe au racket conspiratoire lancé par la Corée du Sud ».

Le ton monte donc, même en Chine. Au ministère de la Défense, un porte-parole, le 23 février, informait la presse d’un ton glacial que l’APL « prendra toutes les mesures, selon les besoins qui surgiront de l’environnement sécuritaire, pour défendre l’intégrité et la souveraineté nationale ». Un tel langage, d’ordinaire réservé à des puissances ennemies, est là pour informer que la Chine s’attend à la chute du régime, soit par coup d’Etat interne, soit par un acte désespéré de Kim Jong-un avec son armée d’un million d’hommes pour une population de 20 millions d’habitants.

Voilà où l’on en est. Ajoutons qu’au Congrès américain, la fraction républicaine de Trump, majoritaire, se prépare à réinscrire la Corée sur une liste des « Etats-voyous », afin de renforcer encore les sanctions à son encontre…


Hong Kong : Tsang qui rit et Tsang qui pleure

Deux Tsang font la « une » à Hong Kong, illustrant chacun à sa manière les aléas de la vie politique locale.

Par verdict du 22 février, Donald Tsang devient à 72 ans, le 1er ex- chef de l’Exécutif à aller en prison. Il écope de 20 mois pour une affaire de corruption, d’apparence pourtant pas si grave. Entre 2010 et 2012, il a fait décorer à vil prix (3,15 millions de HK$) le penthouse de luxe à Shenzhen où il voulait se retirer. À la même époque, il offrait au promoteur les trois licences de Wave Media, station de radio dont il était actionnaire à 20%.

De bonne source, ce verdict sévère reflète davantage l’inflexibilité du juge, étayé par l’accablante enquête de l’ICAC (l’Agence indépendante de traque anti-corruption), qu’une pression de Pékin. 40 ans d’honorabilité partent en fumée. Après deux nuits de grâce dans un hôpital de la ville, l’ancien maître des destinées des 6,5 millions d’âmes de la Région Administrative Spéciale a été transféré au pénitencier de Stanley au sud de l’île. Cette condamnation marque les esprits – d’autant qu’en la même prison, Raphael Hui, son ex-bras droit croupit pour 7 ans et demi. La question que tous se posent, est celle de C.Y. Leung, l’actuel (impopulaire) Chief Executive. Il est également sous enquête de l’ICAC, pour avoir gardé sous silence un cachet secret de la firme australienne UGL. Dès que Leung quittera son mandat, son immunité tombera…

John Tsang lui, a plus de chance. Ex-secrétaire de la R.A.S aux Affaires financières, il postule à la fonction suprême, la place de Donald hier, et celle de Leung aujourd’hui. Pour pouvoir faire campagne, il lui faut 150 voix, sur les 1200 du Comité électoral. Il vient de franchir les 100, et espère franchir la barre des 150 le 28 février – il vient d’obtenir l’appui du syndicat des enseignants.
Cela dit, ses chances sont minces : Pékin s’est déclaré pour l’autre candidat(e), Carrie Lam, l’ex-n°2 de l’administration. Dans la rue pourtant, J. Tsang caracole avec 42% des voix, contre 28% à C. Lam. Mais à Hong Kong, en politique, « ce que Pékin veut, Dieu le veut ».


Chiffres de la semaine : 731 millions, un bond à la 1ère place, 119 mesures, 111 en moins…

La Chine compte 731 millions d’internautes en 2016, en hausse de 6,2% (+43 millions d’usagers = une Argentine). La progression éblouit toujours, même si elle cale par rapport aux années 2010/2011 qui découvraient les smartphones  (selon China Internet Network Information Centre). Ces smartphones bouleversent les habitudes : 95,1% des internautes (695 millions) y accèdent via leurs téléphones mobiles – adieu  l’ordinateur !

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Sur le marché chinois du mobile, un challenger se propulse au 1er rang : 4ème en 2015, Oppo vendait 78,4 millions d’appareils en 2016 (+122%). Deux autres nationaux trustent la seconde et la troisième place : Huawei  avec 76,6 millions de ventes (+ 21,8%) et surtout Vivo, l’autre surprise avec 69,2 millions de ventes (+96,9%). Apple, ancien n°3, tombe à la 4ème place, et voit ses ventes reculer de 23,2% (avec 44,9 millions de ventes contre 58,4 millions en 2015) . Autre étonnante contre-performance, Xiaomi, l’ex- n°1, voit ses ventes chuter de 36% (selon International Data Corp Research) – victime d’une croissance trop fulgurante et d’une dispersion dans divers secteurs (vélo électrique, purificateur d’air…).

Non contents de reconquérir leur marché intérieur, les jeunes géants chinois se ruent à l’international. Au 4ème trimestre 2016, Apple et Samsung sauvent leurs premières places avec 17,9% et 17,8% du marché, mais sont talonnés par Huawei (9,5%) et Oppo (6,2%) qui gagnent 1,5% et 3% par rapport à 12 mois auparavant. Ce succès est imputable à un design très inspiré des leaders Apple et Samsung, au bon rapport qualité-prix, et à un effort promotionnel spectaculaire dans les villes d’Inde et d’Asie du Sud-Est.

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En 2016, Pékin récoltait les fruits de son effort forcené d’écoulement de ses surcapacités à travers le monde. La Chine voyait doubler à 119 le nombre de mesures anti-dumping et tarifs douaniers contre ses exportations dans 27 pays et blocs, pour un total de 14,34 milliards de $ (par rapport à 7,9 milliards de $ en 2015).

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Haro sur les terrains de golf : 111 des 683 golfs (soit 15%) que comptait le pays en 2011 ont mis la clé sous la porte (selon la National Development Reform Commission) et les permis de 47 nouveaux clubs ont été retirés l’an dernier. La baisse de leur cote auprès du gouvernement, répond à de multiples accusations. Celle d’être des foyers de corruption où nouveaux riches et fonctionnaires négocient leurs passe-droits. Celle d’occuper illégalement des réserves naturelles ou terres cultivables, et de pomper les nappes phréatiques, au détriment de l’agriculture. Une première campagne avait visé les clubs de golf sous l’ancien Président Hu Jintao en 2004, sans grand résultat. Aujourd’hui sous la poigne de Xi Jinping et sa campagne anti-corruption, ce sport risque de se voir sévèrement bridé.


Petit Peuple : Tirodi (Inde) – Wang Qi, 54 ans d’exil (1ère Partie)

En 1940, à Xuezhai (Shaanxi) naquit Wang Qi, benjamin d’une fratrie de sept enfants, dans un foyer paysan. À 20 ans, 11 ans après la libération de 1949, il s’engageait dans l’Armée Populaire de Libération. Un choix classique dans la société rurale pauvre de l’époque. Il reflétait la ferveur socialiste encore toute fraîche, et surtout la promotion sociale offerte par la jeune armée révolutionnaire : les repas assurés, le trousseau, les opportunités de carrière. L’APL formait ses chauffeurs, artificiers, chiffreurs… Des dizaines de milliers de jeunes chaque année découvraient l’école, un luxe dont leur génération avait été privée.

En 18 mois, en 1962, Wang Qi sortit géomètre, chargé de « dessiner les routes du  socialisme ». Mais le destin devait en décider autrement. Une guerre couvait avec l’Inde, l’autre nation géante encore dans les langes, sur le tracé de la frontière zigzaguant à travers des territoires déserts  entre 4000 et 6000 km d’altitude. Les hostilités éclatèrent en octobre 1962, au Sikkim et dans l’Aksai Chin. Sur ordre de Zhou Enlai, des régiments d’élite furent dépêchés de Chengdu et de Lanzhou, base où servait Wang Qi. Mieux armée et commandée, la Chine battit l’Inde à plate couture. Après quelques mois, chaque camp se retira derrière la ligne de démarcation pour laisser les politiciens négocier. Humiliée, New Delhi vota d’urgence une loi permettant d’emprisonner tout Chinois sur son sol.

De par son métier, Wang Qi pouvait quitter librement son campement établi à quelques centaines de mètres  de la frontière. Armé de son carnet, de sa boussole et de son altimètre, il usait tous les jours de ce privilège, prétexte à de longues balades sans ordres, ni chef, seul avec la  montagne, à admirer marmottes, aigles et mouflons. 

Le drame ce jour-là, fut le brouillard à couper au couteau. A peine franchis quelques centaines de mètres à travers une moraine recouverte de neige et de glace, il était irrémédiablement perdu, faute de voir à plus de trois mètres.

Wang était jeune et fort. Bien emmitouflé de cagoule, écharpe et mitaines, il put conserver sa chaleur en crapahutant jusqu’à l’aube dans l’obscurité, évitant par miracle crevasses et à-pics. Au bord de l’épuisement au petit matin, il trouva un sentier inconnu qu’il emprunta en titubant dans le blizzard mordant. Un grondement se fit entendre : un tout-terrain s’approchait, qui le fixa dans le jet cotonneux de ses phares, puis s’arrêta.

Epuisé, le géomètre n’avait pourtant nul doute sur la nationalité de ses sauveurs, vu l’inscription illisible pour lui, en hindi et anglais, de cette ambulance militaire. Une porte s’ouvrit. Il monta vers son salut. S’ensuivit un balbutiant dialogue de sourds. Quelques kilomètres plus loin, Wang Qi fut remis à un poste de police militaire : il était fait comme un rat,  espion exhibé avec ses diaboliques instruments, taupe prise à « repérer les directions dans un but maléfique » (窥测方向,以求一逞, kuī cè fāng xiàng, yǐ qiú yì chěng).

Après des mois d’interrogatoires puis de contre-interrogatoires, violenté plus souvent qu’à son tour pour le faire avouer, vint enfin le moment où le contre-espionnage fut convaincu de n’avoir plus rien à tirer de lui. N’intéressant dès lors plus personne, Wang Qi fut trimbalé de prison en camp de travail, livré aux brimades de sous-officiers indiens qui voulaient prendre leur revanche sur la défaite.

L’épreuve dura sept interminables années. En 1969 enfin, ce fut l’honneur d’un tribunal indien d’imposer sa libération par une injonction soi-disant incontournable.

Mais pour la caste militaire, il ne pouvait être question de laisser un homme si suspect repartir en Chine. On l’assigna donc à résidence à Tirodi, au Madhya Pradesh—au cœur du pays, il ne risquerait pas de nuire. De la sorte, il jouissait d’un simulacre de liberté tout en restant aux arrêts. Tout le monde pouvait dormir sur ses deux oreilles—sauf Wang Qi !  

Une nouvelle vie débutait alors. Dans cette bourgade, une cahute lui fut allouée, avec un emploi à la minoterie, portant les sacs de grains, ensachant ceux de farine. Gravement corrompue, la police locale lui volait une part de son salaire, sous prétexte de le laisser circuler après le turbin –quitte à le frapper s’il faisait la forte tête… Le reste de son argent allait à sa logeuse, qui lui portait des écuelles de plats « bizarres », beaucoup trop épicés et qu’en plus, il devait manger (sous peine de lazzis) de la main droite et sans baguettes. Enfin seul la nuit, il pleurait, pensant à ses frères, à sa mère qui lui manquaient.

Heureusement, les gens de Tirodi, avaient du cœur, un fort sens de compassion hindouiste. Peu à peu, cet homme triste mais serviable et dur à la peine, cessa de leur apparaître espion pour revêtir l’image  d’un frère humain jeté chez eux par le hasard, et venu partager leur sort. Des saluts timides eurent lieu, suivis par de dîners, puis d’authentiques amitiés.

En 1975, ses voisins le présentèrent aux parents de Sushila. Bientôt, la jeune fille en sari fut unie à un Wang Qi en sarong, selon le rite local, affublé du nom indien qu’il porterait le reste de sa vie, Raj Bahadur.
Les premiers jours, Sushila blême de rage, ne décolérait pas d’avoir été donnée sans son consentement à un étranger sans feu, ni lieu, sans même de dot ! Toutefois la gentillesse de son époux, ses bonnes manières finirent par dissiper ses préventions. Au bout d’un an naquit Rajiv, le premier de leurs quatre enfants…

Mais enfin, Wang Qi est-il condamné à passer le reste de ses jours loin de sa patrie ? On le saura sans faute, au prochain numéro.

 


Rendez-vous : Semaine du 27 février au 5 mars 2017
Semaine du 27 février au 5 mars 2017

28 février – 2 mars, Shanghai : SPINEXPO, Salon international des fibres, fils, tricots

 1-3 mars, Canton : 3D PRINTING Asia, Salon international de l’industrie de l’impression 3 D

 1-3 mars, Canton : China VMF, Salon international dédié aux distributeurs automatiques et équipements du self-service

1-3 mars, Canton : SINO-PACK, PACKINNO, Salon des machines et matériaux pour l’emballage et Salon international de l’emballage et du packaging

 1-3 mars, Canton : SIAF Guangzhou, Salon international pour l’automatisation des procédés

1-3 mars, Canton : SINO- PRINT, SINO LABEL, Salon international de l’imprimerie

  1-3 mars, Shanghai : IWF, Salon international de la santé et du bien-être

1-3 mars, Shanghai : FSHOW, IRRISHOW, Salon international dédié aux engrais et aux équipements destinés à la fertilisation et à l’irrigation

 1-3 mars, Shanghai : CAC Show, Salon international et Conférence dédiés à l’agrochimie et aux technologies de protection des récoltes

 1-3 mars, Shanghai : SEED Trade Show, Salon international des semences en Chine

 2-5 mars, Canton : DENTAL South China, Salon international et Conférence sur les équipements et technologies de l’art dentaire.