Le Vent de la Chine Numéro 35 (XX)

du 24 au 31 octobre 2015

Editorial : Xi Jinping à Londres – le solde du passé

La visite d’Etat du Président Xi Jinping au Royaume-Uni (19-22 octobre) a réveillé en Chine des émotions complexes. En effet, l’Empire britannique conduisait en 1793, la première mission diplomatique occidentale, avec Macartney apportant les joyaux de l’artisanat européen. 50 ans plus tard, suite aux guerres de l’opium, l’Angleterre imposait par la force à l’Empire du Milieu d’entrer dans l’ère moderne, en s’ouvrant au commerce international. Pour la Chine donc, elle est loin d’être un pays comme les autres.
Aujourd’hui, le rapport de force semble inversé, avec un Royaume-Uni affaibli recevant, avec tous les honneurs, un Xi Jinping puissant. Détail symbolique : le matin, Xi était reçu par la Reine en costume deux-pièces européen, mais au gala, il réapparaissait en anthracite veste Mao. Le message était clair : la visite était un retour à l’envoyeur, le solde du passé, enrobé de triomphe magnanime. Tout en déversant sur la vieille Angleterre un camion de financements et de technologies, la Chine affirmait « ses » valeurs et concepts, sans effacer ceux de l’Ouest, mais en les faisant cohabiter. Dans l’opinion britannique, cela causait une réaction douce-amère : les Droits de l’Homme toujours en panne en Chine, et surtout la nouvelle ombre portée par le nouvel Empire du Ciel sur celui de la Couronne britannique…Avec la Chine, le 1er ministre conservateur David Cameron a su mener une politique intelligente d’ engagement. Le pays accueille le plus d’étudiants ( 150.000, pour 463 millions de $/an de droits de scolarité), et d’investissements chinois (« d epuis 2011, plus que ceux en France, Allemagne et Italie réunis »). Xi, de son côté, accordait à Londres le privilège rare d’une visite à une seule étape—très conscient de l’intérêt d’un partenariat avec ce pays membre (crucial) de l’Europe, mais « eurosceptique » – n’y croyant guère. Aussi, pour matérialiser sa promesse d’une « décennie d’or » entre les pays, Xi signait une historique série de 150 contrats pour 62 milliards de $. Côté hydrocarbures : 18 milliards de $, dont 10 à BP, pour livrer à Huadian 1 million de tonnes de GNL/an durant 20 ans. Un autre accord de rupture, permettra à… EDF de construire à Hinkley en 2020 deux réacteurs nucléaires EPR (3,2GW, 27,8 milliards de $). Le groupe chinois CGNPC en paiera le tiers, ce qu’EDF ne pouvait faire. Il financera aussi 20% de deux autres EPR à Sizewell (Est du pays). En retour, il construira une centrale de ses propres plans à Bradwell (Est de Londres), dont il sera aux 2/3 propriétaire, et pour laquelle EDF assurera la certification. De la sorte, avec l’aide du partenaire français, le nucléaire chinois s’achète une visibilité et une légitimité sur les futurs marchés internationaux. HNA, le groupe aéronautique débourse 2,1 milliards de $ pour la motorisation Rolls-Royce de sa flotte de demain. Pour 2,6 milliards de $, ABP, le développeur chinois va rebâtir le quartier londonien de Royal Albert Dock, créant 30.000 emplois. Quatre milliards de $ iront dans la construction de paquebots de luxe de Carnival Corp., pour la Chine, et 3 milliards de $ seront essaimés entre les deux pays, entre divers contrats britanniques en soins de santé.On voit donc naître, avec cette mission qu’accompagnaient 150 patrons chinois, un modèle de coopération euro-chinoise, où la Chine cette fois, occupe le siège du conducteur. Dans ce nouveau modèle, le Royaume-Uni, sur les autres nations européennes, semble être précurseur.


Technologies & Internet : Codes sources – IBM vend la mèche

Cela pourrait paraître une victoire pour les industries chinoises de la cybernétique sécuritaire : le 18 octobre à Pékin, par la voix de son vice-Président Steve Mills, IBM acceptait de divulguer les codes sources de certains de ses produits au MII, ministère des Industries de l’Information.

Cette concession, la Chine la réclamait depuis 10 ans, sans succès. Les équipementiers occidentaux refusaient tout net, préférant renoncer au marché chinois plutôt que de risquer le piratage de leurs produits. Car ce code source pouvait ensuite, sortant du ministère, atterrir à la concurrence locale, éradiquant des décennies de R&D.
A y voir de plus près pourtant, le choix d’IBM apparaît moins suicidaire, qu’inéluctable après le scandale Snowden. En 2013, ce transfuge de la NSA américaine avait révélé que son ex-agence écrémait les données des cinq continents (y compris donc, de la Chine), à partir des services et équipements de télécoms déployés à travers la planète par les grandes maisons américaines, y compris IBM.
Depuis, la Chine s’était dotée d’un arsenal de strictes lois de sécurité informatique et écartait de ses achats publics les produits étrangers. Résultat : au 1er semestre, des marques nationales telle Huawei voyaient bondir de 43% leur part du marché local. C’était une mauvaise nouvelle pour IBM, grand détenteur de brevets, un marché chinois évalué à 135 milliards de $ par an risquant de se refermer.

Aussi IBM vient de répéter qu’il n’ouvre sur ses produits aucune « porte de derrière » à l’Etat américain, qui lui permettrait d’accéder aux données de ses clients. Et il offre au MII de le vérifier, par cet accès direct de ses inspecteurs aux codes sources. Mais la concession a ses conditions : les agents du MII n’y accéderont qu’en temps limité, qu’en salle IBM sécurisée, et qu’une fois fouillés pour écarter tout gadget d’espionnage.
En contrepartie de sa coopération, rien sans rien, IBM obtient l’agrément pour diffuser Bluemix, son logiciel de développement et de test de programmes dans l’environnement « nuage » (cloud), l’avenir d’internet. Il le fera en JV avec le groupe chinois 21Vianet, maître d’un important centre de gestions de données.
Ce faisant, IBM ne prend qu’une faible avance sur d’autres géants du net tels Amazon, Qualcomm, HP ou Microsoft… Tous le talonnent en Chine, négociant des accords de coopération avec des groupes locaux et leurs autorités de tutelle. Paris vaut bien une messe, en l’occurrence, une place sur cet imminent premier marché mondial de la toile et de ses services.


Culture : Mugabe, au Panthéon de Confucius
Mugabe, au Panthéon de Confucius

Le 9 décembre 2010, le Prix Confucius naissait, à la veille de la remise du Nobel de la paix au pamphlétaire Liu Xiaobo—en prison pour dissidence. La proximité des dates était toute sauf fortuite. À la hâte, une « association des arts indigènes chinois » indignée par le choix du jury Nobel, fondait ce prix dédié « aux travailleurs de la paix dans une perspective orientale », pour dénoncer ce Nobel irrespectueux du régime. 

Surprise: le prix Confucius est attribué en 2015… à Robert Mugabe, Président du Zimbabwe. Mugabe est sur la liste Forbes des 10 pires dictateurs, à cause des violences en ses 28 ans de règne, mais les 76 jurés le priment pour avoir « continué à œuvrer, à 91 ans, pour la paix en Afrique ».
À cet âge canonique, 91 ans, Mugabe pourra t-il venir en Chine recevoir son prix – un Confucius d’or, et 100.000 ¥ ? Si non, il ne fera que poursuivre une tradition déjà bien établie : 3 des 5 précédents lauréats, Lien Chan, Poutine (en 2011, « pour sa main d’acier et son inflexibilité ») et Fidel Castro (en 2014) ont déjà brillé par leur absence. Poutine, en particulier, n’avait pas été prévenu de sa nomination.
Précisons qu’en 2011, le ministère de la Culture avait tenté d’abolir cette distinction un peu trop tapageuse. Mais l’indocile association, migrant sur Hong Kong, s’était rebaptisée « Centre International Chinois des Etudes sur la Paix »), pour maintenir le prix. 
Outre les dictateurs figurent parmi les lauréats Koffi Annan (2012), Yuan Longping (père du riz hybride), et Yi Cheng (2013, ex-Président de l’Association Nationale Bouddhiste). 

Curieusement, au vote 2015, Mugabe arriva au coude à coude avec l’ex-Premier ministre japonais Tomiichi Murayama, 91 ans, nominé pour s’être excusé pour les atrocités commises par le Mikado durant la guerre sino-japonaise. Contacté, ce dernier refusa, sur ce commentaire insolite : « C’eût été agréable de recevoir le prix d’un homme aussi célèbre que Confucius, mais ma santé médiocre me force à décliner… Je ne sais pas non plus si je le mérite vraiment… En tout cas, je reste totalement dans le flou, sur les raisons qui ont pu pousser ce comité à me choisir ! »
Santé fragile? Humm… Elle n’avait pas empêché Murayama d’assister à la parade militaire du 3 septembre à Pékin, pour les 70 ans de victoire chinoise sur le fascisme. Mais cette réponse dénote d’un humour fin, chez un homme sachant se distancier avec panache, d’un honneur compromettant.


Economie : Conjoncture – le temps de la consolidation

Le 21 octobre, la présentation du bilan conjoncturel par l’Office National Statistique provoqua quelques grimaces: Wang Bao’an, le directeur annonçait pour le 3ème trimestre une hausse de PIB de 6,9%, la plus faible depuis 2009. À 5,7%, la croissance industrielle de septembre restait aussi sous les espoirs de 13 économistes internationaux (5,9%).
Comme les investissements fixes, à +10,3% -faible performance ! Pour le 43ème mois consécutif, l’indice PPI des prix à la production poursuivait sa chute, aidée par celle des matières premières et la surproduction : la déflation n’était pas loin.

En fait, peu d’experts croient à ces +6,9% de PIB : bien trop proches de l’objectif annuel du Conseil d’Etat (7%), et trop éloignés de données vérifiables comme la consommation en diverses matières premières. Le cabinet d’études Sanford Bernstein estime le vrai chiffre à 4,5%.

Par chance, quelques signaux viennent égayer le tableau.
A +10,9%, le commerce de septembre maintient le cap : la consommation entre pour 58,4% dans la hausse du PIB, presque 10% de mieux que 12 mois en arrière.
Pour la première fois dans l’histoire, les services assurent en 9 mois, 51% du PIB, 11% de plus que l’industrie. En somme, le rythme est faible, mais en voie de consolidation, nullement catastrophique. Wang Bao’an lance même des fleurs à cette économie: avec ses 13,3% du marché mondial en 2014, l’économie chinoise, a joué un rôle décisif dans sa stabilisation, en contribuant pour 30% dans le produit mondial brut du premier trimestre.

Sur le terrain pour autant, tout n’est pas rose, loin de là.
Sinosteel, second minéralier du pays, renonce (22 octobre) à payer l’intérêt d’une obligation de 315 millions de $. Endetté endémique depuis 2011 (à 98% de sa valeur-papier), il ne peut refinancer sa dette –nul ne veut plus lui prêter : il est techniquement en banqueroute. L’Etat annonce une aide, mais soufflant le froid après le chaud, Li Keqiang prévient qu’il laissera faire les faillites de conglomérats « zombies », habitués à vivre des aides publiques. 

Fusions en série

Dans l’internet, entre e-commerce et services, de grandes manœuvres se poursuivent en prévision de l’épuisement du crédit en banque comme en bourse.
Débutées février par la fusion de Didi et Kuaidi (les centrales d’appel de taxis par smartphone), elles se suivent en avril de celle de 58.com et Ganji (annonces classées).
Début octobre, Meituan (site d’achats groupés) et Dianping (plateforme de recherche de restaurants et autres) se fondent en un mammouth à 15 milliards de $.
Puis Alibaba offre 3,6 milliards de $, avec surcote de 30%, pour les parts en bourse de Youku Tudou (le site de vidéos, équivalent de YouTube). Cette action du groupe de Jack Ma confirme sa stratégie de diversification vers l’audiovisuel, dans le même souci que son rival Tencent (créateur de « WeChat »).

De son côté, l’Etat multiplie les initiatives pour maintenir le moral des troupes.
En octobre, période traditionnelle des dépôts de candidatures à la fonction publique pour 2016, le nombre d’offres d’emplois pour « ronds-de-cuir » atteint un niveau record : 27.817 recrutements espérés entre niveau central et régional.
C’est le bureau des taxes qui recrute le plus, avec 27 provinces offrant chacune entre 300 et 800 postes. Mal payée et menacée par la campagne anti-corruption, la carrière publique ne fait plus rêver autant les jeunes.
Autre vieille ficelle de la croissance chinoise, les projets d’infrastructures vont bon train. De janvier à septembre, la NDRC a approuvé 218 projets à plus de 2800 milliards de dollars.
La dernière tranche (15 octobre) porte sur 15 milliards, 8 chantiers : 3 routes (dont l’axe Weiyuan-Wudu, 244 km au Gansu), deux ponts sur le Yantgzé (Huangshi, Yichang), deux lignes ferrées et la réfection d’une section du grand canal dans le Zhejiang. Les fonds viendront des pouvoirs locaux, de compagnies concessionnaires, et des banques. 

Les PPP, modèle d’avenir

Mais pour l’avenir, l’Etat ne peut plus agir seul, et arrive à la limite de ses capacités de financement.
Il veut aussi obtenir plus d’efficacité, par une gestion plus réactive de type «privé». C’est le modèle des PPP (partenariat privé-public). Yu Bin, chercheur au Conseil d’Etat, annonce les besoins prévisionnels : 172 barrages à accélérer, 53 millions d’hectares à redévelopper…
Le ministère des Finances publiait en septembre les détails de 206 projets, appelant 104 milliards de dollars de fonds. Il a aussi créé un fonds spécial d’investissements aux PPP, doté de 28 milliards.
Le moins que l’on puisse dire, est que les investisseurs ne se précipitent pas. Xu Hongcai, directeur d’un centre d’études, note que la plupart des PPP ne rémunèrent pas le risque. Ce qu’il faudra, promet la NDRC, sera offrir plus de grâces d’impôts, de primes, et réduire la durée du cycle d’octroi des licences.
Et surtout, les pouvoirs locaux devraient garantir davantage les droits des investisseurs privés : voilà, parmi d’autres, quelques unes des réformes à faire valider par le Comité Central, en Plenum annuel du 26 au 30 octobre.


Energie : Chine et charbon, le divorce impossible

À jour « J-35 » de la Conférence climatique COP21 à Paris, Le Vent de la Chine fait le point sur la santé du charbon en Chine : faiblissante, mais ne crions pas victoire trop vite, le charbon reste toujours ultra-majoritaire dans le mix énergétique.

Dans les années 2000, au passage de chaque train de charbon vers Pékin, les paysans d’un village misérable ratissaient la cime des wagons, dérobant ainsi quelques tonnes par semaine du précieux combustible.
Aujourd’hui on ne vole plus le charbon– il n’en vaut plus la peine. Dès 2014, il ne valait plus que 30€ la tonne, 25% du prix de 2013. Les salaires des mineurs avaient baissé de 60%, et les deux-tiers des mines étaient déficitaires : les fermetures se multipliaient.
Le 30 septembre au Heilongjiang, Longmay, le plus grand groupe de tout le Dongbei licencia 100.000 mineurs, 40% du personnel. Au Ningxia récemment, trois bandits furent exécutés pour avoir tué plusieurs mineurs afin toucher la prime de décès, se faisant passer pour parents du défunt.
Le charbon, même en fin de cycle, coûte à l’environnement : à Fushun (Liaoning), suite à 40 ans d’extraction sans remblayer les galeries, 42% du territoire s’affaisse jusqu’à 20cm /jour, forçant les habitants en surface à l’évacuation immédiate…

Cause n°1 du recul du charbon : la surproduction. En 2014, le pays extrayait 3,87 milliards de tonnes, assez pour la Terre entière! Mais la chute a aussi été accélérée par le choix politique de l’Etat, d’alléger sa dépendance à une pollution qui tue 500.000 habitants par an.
En 2014, le financement en énergies renouvelables atteignait 83 milliards de $, faisant de la Chine le premier investisseur « vert » mondial. En 2020, Pékin vise 200 GW d’énergie éolienne et 100 GW en solaire, sans compter les 58 centrales nucléaires

A la campagne, « l’après-charbon » semble avoir été mieux préparé par l’Etat, en y subventionnant depuis 20 ans la diffusion d’énergies alternatives.
Les fosses à méthane sont dans 150 millions de fermes (un tiers du total) : l’Etat fournit les matériaux, et le fermier son travail. Transformant les déchets (paille, WC, lisier), la fosse livre à chaque ferme assez de gaz pour préparer trois repas par jour. Suivant la même technique, des usines plus imposantes se préparent, comme au Hebei en 2015 : pour 150 millions de $ dont 50% à charge de la Banque Mondiale, 96.000 foyers dans six villes recevront 42 millions de m3 de biogaz par an, évitant l’émission de 60.000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère.
De même, Pékin subventionne l’installation de dizaines de millions de chauffe-eaux solaires, et a payé depuis 2010, 3,4 milliards de $ aux usines productrices. 

La révolution des crédits-carbone

En 2013, le pouvoir a commencé à installer sept bourses-carbone, entre la côte, Chongqing et le Hunan.
Sur les territoires couverts, usines ou mines reçoivent annuellement des crédits carbones, dont les éventuels reliquats peuvent être revendus en bourse en fin d’année. L’objectif est de forcer ces entreprises à devenir propres, ou à fermer. En 2017, les sept zones seront relayées par un marché national sur le pays entier. Rapidement, ce marché carbone unique pèsera le double, en valeur, de celui de l’Union Européenne.
Toutefois il y a un « hic » : ces bourses carbone ne fonctionnent pas encore très bien. Chaque entité a eu tendance à délivrer trop de quotas, réduisant le sentiment d’urgence chez les patrons à courir vers le bas carbone. D’autre part, le système, laxiste, permet trop de fraudes.
On en est là. Un lourd travail reste à faire pour rendre le système opérationnel. De plus, en Europe, des voix s’élèvent pour réclamer le remplacement du crédit carbone par une « taxe carbone » – plus facile à appliquer, moins facile à flouer. 

Pour ce qui concerne la Chine, une chose est sûre : elle poursuivra sa longue marche vers la bourse carbone. En effet, par rapport à la plupart des autres pays, elle dispose de deux atouts-maîtres : son économie d’échelle (23% de l’humanité sous sa tutelle) et son pouvoir autoritaire lui permettant d’imposer plus vite la gouvernance de son choix. De la sorte, elle peut espérer affiner ce système pour décarboniser son économie plus vite que les autres continents. 

N’enterrons pas si vite le charbon !

Enfin, qu’on ne s’y trompe pas : en l’Empire du Ciel, le charbon a encore de beaux jours devant lui. De 64% du mix énergétique en 2015, Pékin n’espère réussir à le faire descendre qu’à 62% en 2020.
Les investissements houillers y demeurent très forts, car il n’y a pas –encore– d’alternative vu l’intensité de ses besoins. 

Ainsi à Dananhu (Xinjiang), une mine encours d’équipement s’apprête à extraire 10 millions de tonnes/an. Sur son flanc, une centrale « supercritique » à émissions réduites brûlera son charbon, fournissant 1,4GW de courant, qui voyagera 4000 km par ligne à super haute tension jusqu’à Zhengzhou (Henan).
Sur ce modèle économique, au premier semestre, le Xinjiang a fourni à la côte 14.600GW, plus du double d’il y a 12 mois. Bonne affaire pour des provinces côtières aussi lourdement peuplées que polluées. L’énergie leur parvient, mais pas l’air sale, qui reste sur place, au désert du Taklamakan.


Petit Peuple : Hengyang (Hunan) – le piège de la belle (2ème partie)

Résumé de la 1ère partie : Plaquée par son amant, cadre du Parti, Wu Yuping, cocotte de province, se venge de son ex, en filmant ses ébats nocturnes avec une autre fille, pour le faire chanter anonymement. Docile, l’homme envoie sans protester les 100.000¥ exigés. Enhardie par ce succès, Yuping ne va pas s’arrêter en si bon chemin ! 

Investissant les fonds récoltés, Wu Yuping n’avait pas tardé à étoffer sa petite bande à Hengyang (Hunan), pour en faire une agence délictueuse, structurée à l’américaine. Au faîte de son pouvoir, elle comptait pas moins de 12 membres, femmes pour la plupart, avec division du travail et grades auxquels correspondaient une quote-part des profits engrangés.

L’une hantait les bordels de Hengyang pour y trouver les filles –suivant les critères de beauté connus chez leur future proie. 

L’autre choisissait les hôtels, les réservait et payait. Un technicien venait y planquer les caméras, récupérait le film, le montait et le gravait sur CD. 

Une acolyte rédigeait les messages, les envoyait avec le disque -chaque fois depuis une ville, un bureau de poste différent. Sous peine de voir le CD arriver chez l’épouse, chez son chef et au bureau local de la CCID (la police du Parti), la victime du chantage n’avait pas d’autre choix que de verser, sous 48h, une somme astronomique sur un compte bancaire. 

Géré par Wu Yuping, le compte était bien réel, mais inscrit sous un nom fictif. Wu assurait aussi le suivi des versements, quitte à relancer les (rares) mauvais payeurs, en réitérant la menace de scandale public. 

A la tête d’un large réseau d’informateurs, Yuping identifiait les prochains « pigeons », hommes mûrs à la tête de bureaux publics. Ils étaient contactés par e-mail, ou directement par la jeune femme qui lui était choisie comme amante et qui se retrouvait un jour, comme par hasard, sur son chemin.

En 2012, une alerte faillit casser l’ingénieuse arnaque. Suite à l’arrestation inopinée d’une prostituée, trois cadres furent identifiés avec leurs éphémères compagnes, et le trafic d’extorsion fut révélé. Lors des interrogatoires, il apparut que ces cas n’étaient que le sommet de l’iceberg : pas moins de 15 autres chantages avaient été repérés. 

Mais la réaction des pouvoirs locaux rassura les bandits. Visionnant les films saisis, reconnaissant les dignitaires impliqués, les autorités terrorisées étouffèrent l’affaire. L’enquête s’enlisa, les hauts fonctionnaires s’en tirèrent alors avec un miséricordieux « blâme avec sursis », et les filles et leur souteneur invités à détruire l’enregistrement, avant d’être simplement remis en liberté. 

Dès lors, il fut clair pour les bandits qu’ils avaient les coudées franches : en quatre ans, 40 autres responsables et édiles publics furent poussés à la faute par la même méthode. 

Le mode opératoire s’affina alors : les demoiselles de petite vertu apprirent à faire répéter à ces hommes de rencontre certaines paroles salaces et gros mots. La caméra enregistrait tout ! S’ajoutant aux images de chair, ce langage graveleux aggraverait la faute aux yeux d’un juge potentiel et ainsi, optimiserait le profit, la rançon du malheureux cadre pris dans les mailles du filet. 

A mesure que les bandits gagnaient en audace, leur recette s’alourdissait, exponentielle : 428.000 yuans en 2010, deux millions en 2013, jusqu’au coup de filet final, 22 millions extorqués à 55 victimes à travers dix provinces, soit 45.000 yuans par tête en moyenne. Au tableau de chasse, on compte deux vice-Présidents de Commissions Consultatives Municipales. Et rien que dans une seule ville, Leiyang, on recensa une longue brochette de cadres attrapés. Parmi eux, les directeurs des parcs et forêts, du tourisme, de la Commission « réforme et développement », jusqu’au Secrétaire du Parti en personne… 

L’histoire reste discrète sur les circonstances sur lesquelles la bande fut mise hors d’état de nuire fin 2014—peut-être par une erreur dans le choix d’une cible, ou par infiltration de la bande par un espion.
Cette escroquerie à grande échelle contre des cadres en rappelle étrangement une autre, aussi relatée dans nos colonnes Petit Peuple : celle de la bande de cambrioleurs de Zhumadian (Henan), spécialisée dans les biens des Secrétaires du Parti.

Dans les deux cas, les cibles étaient les mêmes, et la terreur du châtiment, pour un crime contre la caste protégée, s’estompait face à la certitude de forts profits et de ne pas « revenir les mains vides de la montagne au trésor » (宝山空回). 

Les deux bandes s’identifiaient aussi clairement comme des « Robin des bois », prêts à reprendre au cadre des fortunes accumulées sur le dos du peuple – le cadre étant ressenti comme intrinsèquement cupide et abusif. 

La principale différence entre les deux affaires est liée au genre de chaque bande, masculin et féminin respectivement. Les monte-en-l’air étaient des hommes et les maîtres chanteuses, des femmes. La gente masculine a choisi la manière forte, et la féminine, la manière indirecte, plus subtile.


Rendez-vous : Semaine du 26 octobre au 1er novembre 2015
Semaine du 26 octobre au 1er novembre 2015

27-30 octobre, Shanghai : CEMAT Asia, Salon de la manutention, transport et de la logistique

27-30 octobre, Shanghai : COMVAC Asia, Salon mondial de l’air comprimé et du vide

27-30 octobre, Shanghai : PTC Asia, Salon de la transmission et du contrôle de puissance, l’hydraulique et la pneumatique, l’air compressé, les moteurs à combustion interne et les turbines à gaz

28-29 octobre, Shanghai : China Paper Chem + Tech, Salon chinois du papier, de la chimie et des équipements de production du papier

Waterchem Tech28-29 octobre, Shanghai : Waterchem + Tech, Salon international des technologies de traitement de l’eau

28-30 Shanghai : Agrochemex, Salon de la protection contre les maladies des plantes

28 – 30 octobre Wuzhen (Zhejiang) : Second World Internet Conference

Cpse China Public Security Expo

29 octobre – 1er novembre, Shenzhen : CPSE, China Public Security Expo, Salon International de la sécurité du territoire