Le Vent de la Chine Numéro 23 (XX)

du 13 au 19 juin 2015

Editorial : La chute de la maison Zhou

Le 22 mai à Tianjin débutait dans le plus grand secret, le procès à huis-clos de Zhou Yongkang. Le verdict a été rendu public le 11 juin : Zhou écope de la perpétuité. Ce procès conclut deux années de préparatifs minutieux, après sa mise en détention à domicile. C’est que Zhou, personnage occulte, ex-superviseur de toutes les polices, siégeait encore en 2012 aux côtés de Xi Jinping au sein du Comité Permanent, l’instance suprême. Or lors de son propre procès en 2013, Bo Xilai, l’autre apparatchik condamné sous Xi Jinping, avait protesté, fait appel. Pour le procès de Zhou, le Parti voulait éviter ce genre de dérapage.Aussi le 11 juin à la CCTV, le public put voir un Zhou brisé, aux cheveux hier noirs, à présent blancs comme neige, avouer ses « fautes », et déclarer qu’il renoncerait à faire appel. 

Judiciairement, Zhou doit sa perpétuité à une quarantaine de millions de $ de bakchichs empochés par lui et sa famille. Il prend 7 ans pour « abus de pouvoir », et 4 pour révélation de « secrets d’Etat » à son mage Cao Yongzheng, surnommé « le sage du Xinjiang » qui jusqu’à 2009, disait l’avenir aux grands serviteurs de l’Etat, leur servant aussi de conseiller et directeur de conscience. Depuis, Cao s’est prudemment replié sur Hong Kong. 

Notoirement, la fortune de Zhou (entièrement confisquée) dépassait largement le niveau retenu par les juges : le « gommage » de ce patrimoine trahit le besoin de cacher au peuple l’étendue des privilèges des familles « régnantes ».
Que Xi Jinping soit déterminé à briser la corruption, ne fait nul doute, convaincu que la survie du régime passe par l’éradication du fléau. Mais dans le cas de Zhou, un autre motif apparait en filigrane du procès. La Cour Suprême reprochait récemment à Zhou et à Bo d’avoir « piétiné l’Etat de droit, saboté l’unité du Parti et participé à des activités politiques hors Parti» : d’avoir voulu empêcher Xi Jinping de prendre la succession de Hu Jintao en 2012. C’était pour le compte d’une fraction de la classe dirigeante, qui craignait les réformes méditées par Xi. Le coup avait échoué : peu après, un Zhou opportunément « frappé par l’âge de la retraite », perdait ses pouvoirs puis sa liberté.
Xi Jinping s’est donc débarrassé de ses deux adversaires. Pas par hasard, c’est quasiment le jour du procès de Zhou que démarrent les ateliers des grandes réformes (marché des capitaux, pétrole, consortia). 

Le procès de Zhou marque le retour d’une pratique disparue de longue date. Depuis Deng Xiaoping, tout cadre parvenu au rang de ministre, au-dessus des lois, était dispensé de tribunal. Le dernier procès d’un très haut personnage remontait à 1980 : Jiang Qing, femme de Mao, avait été condamnée à la prison à vie. Ce qui explique la longue latence pour faire accepter aux factions ce procès « refondateur », dont le verdict a été négocié entre factions. C’est probablement à ces palabres que Zhou doit la vie sauve. 

Y aura-t-il d’autres procès de grands « tigres » pour corruption ? On serait tenté de parier que non, en raison de la nécessité de consensus… et du trop grand nombre de candidats.
La mise en scène du procès de Zhou permet de maintenir la fiction d’un Parti uni, et de l’égalité de leurs membres devant la loi. Tout en gommant, pour l’opinion, les déchirements des factions arcboutées contre l’avènement d’une équité basée sur l’esprit d’entreprise.


Agriculture : Quand l’Homme remplace l’abeille

En avril dans quelques vallées du Sichuan, quand les vergers fleurissent, les paysans grimpent aux pommiers, munis d’une baguette embouchée d’un petit tampon : à chaque fleur, ils déposent un peu de pollen. Ainsi, en 30 minutes voire 1h selon sa taille, un arbre est ainsi fécondé, prêt à produire ses fruits. Depuis l’an 2000 environ, ces «  hommes-abeilles », comme on les surnomme, remplacent les butineuses, tuées par un abus de pesticides. 

Loin de dénoncer cette pratique contre-nature, les autorités locales l’encouragent car la pollinisation humaine rapporte jusqu’à 30% de fruits de plus (prune, abricot, pêche, cerise, pomme, poire…). En effet, l’homme féconde toutes les fleurs tandis que l’abeille, seulement une partie, et en protégeant leurs vergers par un déluge de pesticides et fongicides (plus besoin désormais de se retenir au nom de la survie des abeilles), les paysans obtiennent une récolte plus volumineuse et de plus bel aspect. A travers la Chine, la pratique gagne du terrain : depuis 2010 à 70km de Pékin, les arboriculteurs de Pinggu pollinisent leurs pêchers, préférant la solution « avec chimie et sans abeille », et s’épargnant les 350¥ par jour de location des ruches. 

Cependant les scientifiques sonnent l’alarme, tel le professeur An Jianding de la CAAS (Académie d’Agronomie), au vu des risques encourus : les fruits sont plombés en surface, la biodiversité des arbres est perdue (plus que trois espèces par vallée, au lieu de dizaines auparavant), les abeilles se meurent, et avec l’exode rural, la pollinisation humaine va coûter toujours plus cher, aujourd’hui jusqu’à 150¥ par jour.

C’est ainsi qu’une guerre silencieuse se poursuit dans les campagnes, entre le produit sain et bio (la nature) et la biochimie, les deux voies recherchant légitimement le profit. Le ministère de l’Agriculture met l’accent sur la qualité, encourageant les groupements de producteurs (pour faciliter équipement, formation, stockage…), bannissant les pesticides « néonicotinoïdes » nocifs aux abeilles, tout en recommandant ceux organiques. Il édite (27 mai) une directive générale pour un développement agricole plus écologique. 

L’enjeu final est l’offre de fruits sains sur les marchés. Traumatisée par de nombreux scandales alimentaires, la ville réclame davantage de produits bio. Mais si certaines campagnes, suite à ces efforts, sont recolonisées par des essaims sauvages, d’autres au contraire sont séduites par les chants des sirènes de la pollinisation artificielle. Face aux ordres émanant du pouvoir central, le paysan oppose une résistance. Comme dit le proverbe séculaire, « le ciel est haut, et l’empereur est loin » !


Diplomatie : Chine – Birmanie, une nouvelle alliance ?

En tradition socialiste, la visite (10-14 juin) d’ Aung San Suu Kyi marque une rupture : en principe, la Chine ne peut aimer une leader étrangère d’opposition démocratique, Nobel de la paix, à l’instar de Liu Xiaobo, le dissident qui croupit pour 11 ans en prison (Suu Kyi en avait fait 15 ans, assignée à résidence). Selon Boxun le site sino-américain, la visite aurait été imposée par Xi Jinping en personne à l’administration, peu enthousiaste. Le jour de son arrivée, la célèbre birmane précisait à toute fin utile que la libération du Nobel chinois n’était pas à l’ordre du jour. 

Xi Jinping avait une longue liste de raisons pour forcer l’invitation. La première est géostratégique. La Birmanie, qui était coupée du monde et en dépendance totale de la Chine, révise depuis 5 ans ses alliances, et se tourne vers les Etats-Unis. Or pour Pékin, ce vaste pays de 700.000km² riche en gaz et en façade maritime, est un hinterland irremplaçable. La Chine veut y voir garantir ses investissements. Elle veut mettre un terme à la guerre civile birmane à sa frontière, en faisant régler le problème des Rohingyas, minorité musulmane opprimée, sur laquelle l’égérie des droits de l’Homme demeure obstinément silencieuse…
Enfin, tout en sachant que Suu Kyi ne pourra pas « régner » (la Constitution a été rédigée par la junte pour l’en empêcher), Pékin comprend qu’elle pourra tenir le pays par Président interposé. Aussi la Chine l’accueille en chef d’Etat, reçue par Xi et tous les hauts dignitaires de la RPC.

De son côté, Suu Kyi, à la tête du Parti NLD, n’arrivait pas à Pékin sans objectifs. Car pour elle, le moment était idéal pour négocier l’avenir : de meilleurs crédits pour les chantiers chinois géants (barrage de Myitsone à 3,6 milliards de $), ou la future ligne ferrée Sittwe-Kunming, à 20 milliards de $. Il s’agissait aussi de faire ses contacts personnels avec la Chine, voisin essentiel. Suu Kyi pouvait aussi vouloir parachever sa mutation d’icône des droits de l’Homme vers celle de dirigeante politique mature— stature que la visite a contribué à lui donner.
En fin de compte donc, entre Suu Kyi et Xi, on a assisté à un calcul audacieux, pas évident, mais forgeron d’avenir et « gagnant-gagnant ».


Politique : Consortia publics – coup de fouet ou caresse ?

Tambourinée depuis janvier dans le landernau industriel lourd, la fusion CNR/CSR est enfin conclue le 8 juin, sous la supervision de leur tutelle, la SASAC. La CRRC pèse 130 milliards de $ d’actifs (36 milliards de $ de chiffre d’affaires), n°2 mondial derrière GE. Cui Dianguo, son 1er PDG (un ancien de CNR), commente qu’avec CRRC, un modèle a été créé qui sera dupliqué dans les fusions à venir. 

Tel que décrit précédemment en nos colonnes, l’objectif est d’enrayer la guerre des prix et de vendre à prix imbattable tout matériel roulant, du TGV au train à minerais, de l’Afrique à l’Amérique Latine en passant par l’Asie ou le Royaume-Uni. Les perspectives sont fortes : ce sera un des outils-majeurs du nouveau concept national des « Routes de la soie » d’exportation des surplus et biens d’équipement chinois. La Chine offrira aux pays partenaires l’infrastructure, le montage et le financement. 

Seuls échappent encore quelques segments tels l’intégration (train, mer, air, métro, route), certaines pièces de TGV et la signalisation, apanage provisoire de ténors – Siemens, Alstom, Hitachi. Ce dernier reprenait d’ailleurs en février la branche « signalisation » de Finmeccanica (Italie) : la concentration mondiale se met en branle.

Le jour du lancement, CRRC prenait 10% en valeur en bourse de Shanghai (le maximum réglementaire), 4,5% à Hong Kong. Cet affolement de la bourse fait aussi partie du plan de l’Etat pour faire recapitaliser par l’épargne privée des consortia publics très endettés. La bourse de Shanghai, où s’échangent surtout ces valeurs publiques, a vu sa capitalisation s’envoler de 146%, en 6 mois, l’équivalent d’une bourse de Tokyo, frisant la barre des 10.000 milliards de dollars. « Toute la question, déclare Shen Jianguang, analyste chez Mizuho, est de savoir si cet emballement boursier surprise n’est qu’une pure bulle, ou bien une promesse de relance industrielle ». Manifestement, le régime, au plus haut lieu, a parié sur le second scénario. 

Cependant, les profits des firmes publiques, s’érodaient de 5,7% de janvier à avril, à 114 milliards de $ – piètre bilan considérant leurs atouts en main – monopole du marché, des crédits, des licences, des brevets. Le pire secteur était la métallurgie : aciers et non-ferreux voyaient leur dette, à 2,2 milliards de $, croître de 117%.
La recapitalisation des consortia peut servir aussi à liquider la petite concurrence privée ou publique en métallurgie, charbon et énergie.

On voit aussi, mais plus rarement, des alliances Privé-Public, en fonction d’intérêts locaux. Par exemple, l’Etat veut résorber les capacités sidérurgiques excédentaires, mais le Shandong veut valoriser ses atouts maritimes pour passer leader d’une aciérie d’avenir, propre et sur l’eau, tout en laissant fermer la sidérurgie obsolète et polluante de l’intérieur. Aussi entre Shandong Steel et le privé Rizhao Iron & Steel (20 millions de tonnes par an de capacité), il crée une JV à 67%/33%. On voit aussi CNCG (China National Coal) démentir tout projet de fusion avec l’autre géant public Shenhua, mais s’allier avec Gold Ocean, important charbonnier privé du bassin minier du Shanxi. CNCG crée aussi, à Shanghai, une JV de distribution avec Greenland, développeur immobilier et fournisseur de houille et de pétrole.
La concentration des consortia doit aussi servir d’antidote au scénario -désagréable aux classes dirigeantes – d’une privatisation complète. Pour autant, elle n’est qu’un pan de la réforme – le moins probant. 

Parmi d’autres actions en cours figurent :
– La poursuite de la campagne anti-corruption. Cet été, 6 filiales de Sinopec vont voir leurs livres de comptes passés au peigne fin par les inspecteurs de la CCID, police du Parti, faisant suite à la mise sous enquête de Wang Tianpu, CEO du groupe. Signal que les grandes entreprises d’Etat, pas plus que les étrangères, ne sont plus censées ignorer la loi.

– Les consortia déficitaires doivent tailler dans les salaires, primes et dépenses de fonction, et rémunérer à la performance—une mesure parmi la liste préconisée par la SASAC. Ils doivent aussi « se tenir prêts » à fermer leurs départements « dans le rouge » depuis des lustres.

-Velléité de mettre fin au népotisme dans la direction des consortia ? Li Xiaolin, fille de Li Peng, 12 ans CEO du groupe électricien CPI, n’est pas reprise à la tête du groupe fusionné en SPI, devenu n°3 du nucléaire. 

– Deux séries de règles se préparent pour poser des limites à la protection de la propriété intellectuelle et aux monopoles qui en découlent.
Les règles concernent les industries de l’information, les télécommunications, l’équipement médical, l’automobile, les semences agronomiques et autres secteurs à forte technologie. Il s’agit d’empêcher les détenteurs de brevets d’étrangler leurs rivaux. Ces lignes directrices de la NDRC couvriront les ententes de partage de brevets, l’abus de position dominante, et les concentrations (cartel). 

Pour conclure, Pékin a renoncé à son concept initial de privatiser les consortia, et a opté pour les forcer à un management plus dynamique. La formule suffira-t-elle à mettre un terme à 60 ans de privilèges absolus de ces industries publiques, et à dégager les fonds pour financer l’ambitieuse vague de nouvelle urbanisation, clé de la relance ? Qu’il soit permis d’en douter.


Economie : Le « nouveau normal » et le vent frais

Depuis 6 mois sous son « nouveau normal », l’économie sevrée de crédits, subit une perte de tonus. 

Le 10 juin, la Banque Centrale réduit de 7,1 à 7% son estimation de PIB de 2015. Mais ce bilan prévisionnel est aussi l’objectif minimum fixé, et de ce résultat dépend aussi, à long terme, le succès de l’échéance à 10 ans (2010-2020) de doublement du revenu du citoyen. Autant dire que désormais, l’Etat a le dos au mur : sous peine de perdre sa crédibilité, il ne peut plus admettre la baisse du rythme de croissance.

En mai, Li Keqiang avait déjà adopté plusieurs actions de relance (coupes de taux d’intérêt, de réserves bancaires, 40 milliards de $ de projets d’infrastructures). Mais ces tentatives n’ont pas empêché, en mai, l’investissement fixe de plafonner à +11,4%, en dessous des 12% attendus. De ce fait, la Banque Centrale ne s’attend plus qu’à une croissance de l’export de +2,5% (contre 6,1% en 2014), et de +4,2% à l’importation… 

L’indice du PPI (Producer Price Index) en est à son 38ème mois de baisse et selon l’Office Statistique (9 juin), celui du CPI (Consumer Price Index) cale à 1,2%, loin de l’objectif annuel de 3% : selon toute vraisemblance, cela prélude à un adieu à l’inflation, et une entrée du pays en déflation. 

Pour le Conseil d’Etat, la question est tout sauf académique : il va bientôt devoir fixer l’objectif de PIB du 13ème Plan quinquennal (2016-2020). Financiers, industriels et politiciens seraient tous d’accord avec 6,5 à 7% -mais est-ce réaliste, vue la chute en cours, passant de 9,3% en 2011 à 7,4% en 2014 ? À titre indicatif, la banque ANZ à Shanghai, prédit pour cette période 6% et la CASS, 6% à 6,5%…

Aussi Li Keqiang fait feu de tout bois, inspirant 100 initiatives et tablant sur la bonne réputation de Xi Jinping auprès de la rue (cf graffiti à Chengdu, Sichuan) pour passer la tempête.

La Banque Centrale se jette à l’eau et annonce pour bientôt la libre convertibilité du yuan dans la zone de libre-échange de Shanghai, au bénéfice des firmes sur son sol : deux réseaux « d’information en temps réel » et de « mesures d’urgence » sont là en cas de débordements spéculatifs. 

L’index MSCI, 1700 milliards de $ en fonds boursiers, se dit « intéressé » à intégrer dans son réseau les parts « A » des places de Shanghai et Shenzhen. Mais il exige d’abord la levée (sous quelques mois) des entraves, quotas d’investissement, sur les transferts et sur le statut légal du porteur étranger. Ce lien MSCI peut faire entrer 400 milliards de $ dans l’économie chinoise, en sus des systèmes existants tels le QFII qui ne séduit que marginalement l’investisseur d’Outre-Chine : seuls 50% des 150 milliards de $ du QFII ont été utilisés…

Le 10 juin, le Conseil d’Etat annonce l’extension à la nation d’un mécanisme de micro-crédit à la consommation, pour des projets d’ « équipement ménager », de « santé » ou d’« éducation ». Le même meeting ministériel débloque un allégement du « e-commerce » transfrontalier, pressenti pour dépasser 1000 milliards de $ en 2016. 

Dans la foulée, le Conseil avertit les consortia, ministères et provinces de dépenser leurs budgets. Tous crédits de 2015 vacants d’ici décembre, seront récupérés. 

Le même jour, la NDRC, grand manitou des projets publics, débloque 20 milliards de $ pour 7 chantiers ferroviaires (Hefei-Hangzhou…) ou d’aéroports (Hainan, Heilongjiang). 

Dans l’immobilier, les groupes privés changent leur fusil d’épaule pour pallier la chute des ventes directes : Wanda lance un appel à l’épargne en milliards de yuans, promettant 12% de rendement (6% par location, et 6% par valorisation). Vanke, n°1 national, lance en bourse de Shenzhen le premier fonds REIT en Chine (Real Estate Investment Trust) visant une levée de même ordre de grandeur pour des tours de bureaux, gérées par le fonds Penghua.
Landmark Entertainment annonce la construction du 1er parc virtuel au monde entre Xi’an, Chengdu et Wuhan (site encore non fixé) : LIVE (Landmark Interactive Virtual Experience) qui d’ici 2017, pour 200 millions de $ (d’investisseurs privés et publics) offrira au visiteur 4 heures d’images de synthèse, axées sur l’histoire du pays et les grands mythes mondiaux. 

Uber, de son côté, le groupe américain de transport urbain, dit avoir créé 60.000 emplois en mai, dans les 9 villes où il fonctionne. Avec ses 6 milliards de $ de capital à risque, il rallonge aux chauffeurs privés jusqu’à trois fois le prix de leur course, et attire ainsi des foules de candidats. Il trusterait ainsi 1 million de courses par jour – et ce n’est qu’un début. 

La liste pourrait être plus longue. Un dernier point ranimera peut-être les espoirs de croissance : à Bruxelles, les juristes de la Commission Européenne ont tranché : l’UE n’a pas d’alternative à un octroi à la Chine du statut « d’économie de marché ». Encore informelle, la décision devra être validée par le Parlement et le Conseil des ministres, malgré un lobbying pressant de confédérations, telle Eurofer. Une nouvelle ère indubitable s’en vient dans les relations euro-chinoises.


Petit Peuple : Mongolie Intérieure – la tentation de Zhao Liping, policier modèle (1ère partie)

Zhao Liping naquit en 1951, à Yutian (Hebei), dans l’effervescence de la Chine rouge depuis deux ans à peine. Assoupi depuis des siècles, le bourg s’éveillait dans la tourmente, sous les exécutions à répétition de propriétaires fonciers « capitalistes », menaçant les parents de Zhao, bourgeois aisés et éduqués. Aussi très tôt, l’enfant réalisa que du soutien à la Révolution, dépendait la survie des siens, voire bien plus : une existence confortable, à l’ombre du pouvoir. Dès lors, il ne cessa de militer dans les manifs, l’agit-prop, et adhéra vite aux pionniers, à la Ligue de la jeunesse. 

En 1968, « jeune instruit », il se fit envoyer à Horqin. Ce fut un choix avisé : le nom du village, « bannière centre gauche » fleurait bon le socialisme, et l’ethnie mongole de ce district arraché à sa région historique pour être rattaché au Jilin, rappelait le principe de la fusion harmonieuse des minorités dans le creuset Han de la République.
Zhao tomba amoureux de la région. Les années de la Révolution culturelle, il les passa à écrire des poèmes dédiés aux cavaliers, aux collines, à la prairie mongols. Il continuait bien sûr à militer dans les meetings, assurant le service d’ordre, se rendant indispensable, méritant ainsi sa carte du Parti, à l’âge de 25 ans. 

Ainsi, une fois Deng Xiaoping au pouvoir, il obtint sans peine en 1982 une place à l’université mongole de Radio-TV dont il sortit trois ans plus tard titulaire d’une licence de lettres chinoises.
Subtilement alors, au lieu de s’enferrer dans un job de prof ou de journaliste, il se fit recruter comme ouvrier dans une imprimerie d’Etat, à 34 ans : coupant court ainsi à toute accusation de bourgeoisie, et ajoutant un titre irréfutable à son pedigree socialiste. À partir de 1988, il fut régulièrement envoyé en stage à Pékin aux universités de Sécurité publique, de Défense nationale de l’APL, et bien sûr au nec plus ultra pour futurs leaders, à l’Ecole du Parti.
De la sorte, dès 1991, auréolé des diplômes qui comptent, ce jeune loup de 40 ans retournait à sa Mongolie. C’était pour lui une époque charnière. Il avait déjà choisi ce qu’il voulait faire : policier, le bras armé dont l’Etat aurait toujours besoin, quelle que soit la mouvance au pouvoir. 

Mais il se cherchait aussi : ne valait-il pas mieux être écrivain, politicien, ou industriel ?
Enfin quoiqu’il fasse, il le ferait derrière la grande muraille du Parti, comme homme d’appareil.
En 1998, il était admis, pour ses œuvres et par ses amitiés, à la prestigieuse Association des écrivains.
Par opportunisme plus que par amour, il avait épousé la fille d’un ponte local, accélérant ainsi ses promotions. La vie devenait plus facile : Zhao multipliait ses voyages dans les provinces, à l’étranger (Hong Kong, URSS), dont il tirait des récits au succès honnête. 

Dès 2005, il dirigea la police d’une Mongolie Intérieure étirée sur 2000 km, grande comme deux fois la France. Il s’enrichit en rendant service aux industriels et apparatchiks en mal de contourner la loi, ce qu’il était à présent en position de faire impunément. Grâce à ces nombreuses « faveurs » accordées, il menait la belle vie, possédait voitures, duplex et villas, et fréquentait un grand nombre de jeunes femmes peu farouches, en échange de quelques petits avantages qui ne lui coûtaient rien–une patente commerciale, l’enterrement d’un dossier avant un procès perdu d’avance, une recommandation pour un emploi… Il n’oubliait pas non plus, le moment de la retraite, où ses privilèges lui seraient retirés—fameux « syndrome des 60 ans ». Il lui fallait bien mettre des sous de côté !
Tout ce pouvoir, il en était très fier, comme un homme parti de peu, qui avait tout fait tout seul, et facilement en plus, les doigts dans le nez (« en crachant dans les mains », dit le proverbe, 唾手可得 tuò shǒu kě dé). 

Il était au sommet de sa gloire. Ses pièces de théâtre faisaient salle comble et pour ses romans policiers aux intrigues glauques, inspirées des rapports de ses lieutenants, il obtenait un prix littéraire.
Cultivant son image d’avenir, il imposa à ses commissariats de réduire les délais de réponse aux appels d’urgence au 110 : « 30 secondes en ville, 60 en banlieue, aussi vite que possible dans les villages ».
Précédé d’une flatteuse réputation, cet homme calme, affable et professionnel accéda au pinacle, nommé en 2010, n°2 du gouvernement du territoire autonome, puis en 2012, vice-Président de l’Assemblée Consultative régionale.
Et comme souvent, en ce pays, le n°2 est le vrai détenteur du pouvoir – Zhao était devenu le roi du nord du céleste empire. Le jour de sa retraite, en janvier 2013, il fut ovationné de longues minutes par ses subordonnés, prêt dorénavant à jouir d’une pension bien méritée.

Et pourtant dans l’ombre, le destin était tapi, à l’affût de Zhao Liping, dont il allait bientôt renverser la gloire, la fortune, la réputation, sa liberté et même peut-être sa vie !
Pour en savoir plus sur cet insidieux danger qui plane au-dessus de Zhao, un peu de patience jusqu’à la semaine prochaine !


Rendez-vous : Semaine du 15 au 21 juin 2015
Semaine du 15 au 21 juin 2015

14-18 juin, Bordeaux : Vinexpo, le rendez-vous mondial du vin

16-18 juin, Canton : Salon international de la métallurgie et des métaux

16-19 juin, Pékin : Beijing Essen Welding & Cutting, Salon du soudage et de la découpe

Optinet China Conference 201517-18 juin, Pékin : Optinet China, Conférence sur les réseaux optiques 

17-19 juin, Canton, GIMT, Salon de la machine-outil et des équipements pour la construction automobile

 18-21 juin, Dalian : So Dalian! Salon de l’industrie du luxe : aviation d’affaire, yacht, luxe et immobilier

20-23 juin, Pékin : Salon international de la joaillerie

24 juin, Canton : 3e Forum d’affaires sino-français , la plate-forme d’échanges professionnels – session ouverte à toutes les entreprises chinoises du Guangdong