Le Vent de la Chine Numéro 21 (XX)
Parmi les derniers apparatchiks épinglés pour corruption figurent Song Jianguo (ex-directeur du trafic routier à Pékin, accusé d’avoir vendu pour 3,9 millions de $ de plaques automobiles), Wang Yu (ex-patron de l’homologation des médicaments au Sichuan), Yu Yuanhui (Secrétaire du Parti de Nanning, Guangxi). La chasse aux « tigres » ne faiblit donc pas.
Dans les branches provinciales de la CCID, police du Parti, on explore des techniques anticorruption inédites, basées sur l’appel à coopération des épouses :
– le 13 mai, au Hubei, 70 cadres furent invités en couple à un tour de la prison locale, où ils retrouvèrent leurs infortunés collègues embastillés pour leurs fredaines. Sur place, entre discours vertueux et larmes, une des épouses jura de « superviser » à l’avenir son Chef de Bureau de mari.
– le 22 mai, au Jiangxi, les épouses de 50 cadres, en tenues de l’« armée rouge » des années 30 (cf photo), furent conviées à un séminaire d’initiation aux techniques de réorientation des maris vers le droit chemin…
Cependant depuis son QG pékinois, la CCID s’efforce de recadrer… ses propres troupes ! À ses branches provinciales, elle interdit désormais de se faire justice elles-mêmes, et leur intime de lui référer tout cas repéré, puis d’attendre les consignes. Trop de cadres font arrêter leurs rivaux, sous prétexte de « corruption ». La CCID parle donc d’une « dérive idéologique qui devient un sérieux fléau ». Or, mis à part ces excès de zèle, l’accusation vise aussi des cadres qui de plus en plus nombreux, versent dans la religion, reniant ainsi la vulgate du marxisme, le matérialisme dialectique.
On peut comprendre l’inquiétude : aujourd’hui, le nombre de chrétiens (surtout protestants) dépasse celui des membres du PCC (85 millions). Le malaise culmine au Zhejiang, où des dizaines d’églises sans permis sont rasées depuis septembre, et des centaines de croix arrachées. Un règlement est en cours de discussion, destiné à définir la juste taille des croix sur les sanctuaires. Fait rarissime, l’Association patriotique catholique, organisation proche du Parti, donne de la voix pour protester.
Cependant ces deux mises en garde de la CCID à ses troupes, d’une part, leur lient les mains, et de l’autre, leur ouvre un nouveau front de lutte (contre la religion), avec pour effet d’affaiblir la traque anti-corruption : deux techniques néo-staliniennes, classiques du régime pour sonner le glas d’une campagne en fin de parcours.
L’impression est confirmée par les deux derniers discours du Président Xi Jinping :
– le 19 mai, il ordonnait aux forces de l’ordre, discipline et « loyauté absolue », suggérant que ces corps ne sont pas fiables.
La consigne pourrait aboutir au procès de Zhou Yongkang, après de longs mois de tergiversation, signe de crainte de l’influence restante de ce prince rouge en disgrâce. Ce procès serait la conclusion logique de la campagne anti-corruption.
– le 20 mai, devant le Front Uni, organe de liaison entre Parti et courants de pensées extérieurs, Xi adjure le PCC de jouer démocratie, tolérance, diversité et « rechercher patiemment le dénominateur commun » au nom de la jouvence de la nation.
Bien curieux langage, au ton très nouveau. Que se passe-t-il ?
Serait-ce signe d’inquiétude et d’une autre grande bataille imminente (celle des réformes) où pour gagner, Xi aurait besoin de nouveaux alliés ? Au moins, dans ce contexte, les jours de la campagne anti-corruption sont peut-être comptés.
Voici des mois que Pékin accélère la réforme des entreprises d’Etat (cf 1ère partie). Il s’agit d’alléger le protectionnisme d’un secteur trop gâté, de le forcer à se renforcer mondialement, et de rogner les pouvoirs de secteurs trop souvent frondeurs pour sauvegarder leurs privilèges.
Le cas le plus clair est celui du pétrole, ex-fief de Zhou Yongkang (jusqu’en 2012 le patron de toutes les polices, qui fit obstacle à l’accession au pouvoir de Xi Jinping).
Le 13 mai, une réforme apparaît signée NDRC et ANE (Administration Nationale de l’Energie), en discussion auprès des professionnels avant soumission au Conseil d’Etat pour adoption avant décembre.
Selon ce plan, les groupes dominants, CNPC, SINOPEC et CNOOC resteraient autonomes. Encore envisagée en avril, la fusion CNPC-Sinopec serait abandonnée, suite au refus de leurs états-majors, et suivant l’exemple des 5 à 10 grands groupes mondiaux, ne dépassant pas les 100.000 employés, quand CNPC et SINOPEC peuvent friser ensemble les 2 millions.
Mais ces groupes devraient perdre leurs réseaux d’oléo-et gazoducs. Valant 300 milliards de $, ces 77.000 km de tuyaux (pour CNPC) et 30 000 km (pour SINOPEC) seraient rachetés par un consortium national ou bien des compagnies régionales.
L’opération permettrait de :
– recentrer les groupes d’hydrocarbures sur leur corps de métier (exploration-extraction-vente) ;
– rompre le lien entre transporteurs et vendeurs (que le producteur reste maître de son produit) ;
– et ouvrir cet outil à d’autres acteurs afin de briser un monopole qui ne profite qu’aux groupes et non au pays entier.
De même seraient ouverts les marchés de la prospection et des services pétroliers (géologie, analyse, outillage, maintenance…), aujourd’hui aux mains des trois compères nationaux. Ainsi, la Chine peut espérer réduire sa dépendance envers l’étranger. Le monopole de la prospection fait qu’aujourd’hui 95% du territoire reste à prospecter.
Justement, afin de soutenir l’exploration, le plan de réforme envisage l’introduction d’une taxe à l’extraction, qui alimentera un fonds (local) de subventions.
Il faut se rappeler que la dérégulation des pipelines avait débuté en 2013 (CNPC cédant des parts sur une partie de son réseau), celle des services en 2014 (avec le regroupement de 8 groupes de services chez Yizheng Chemical Fibre, filiale Sinopec). Mais depuis, le mouvement était gelé dans l’attente d’une fixation de la politique.
Le moment est donc propice pour cette réforme, en raison de l’affaiblissement visible des groupes pétroliers. Ils sont parmi les premiers visés par la campagne anti-corruption (cf procès de Zhou Yongkang), et frappés de plein fouet par la chute mondiale du cours du pétrole, de 100 à 60$/baril en un an. Ils ne peuvent plus non plus masquer leur faible gestion : en avril, en 12 mois, la CNPC perdait 96% de ses profits et de janvier à mars, les pétroliers perdaient 29,3%, quand le secteur privé enregistrait une hausse de 6,8%.
Pour ces raisons, en mai, tous voient leurs PDG permuter. A la CNPC, Zhou Jiping, nommé en 2013, est relayé par Wang Yilin, ex-patron de la CNOOC. Chez Sinopec, Fu Chengyu, quoique juste prorogé au-delà de l’âge de la retraite, se retire devant Wang Yupu, ex-Président de l’Académie de l’ingénierie, suite à l’inculpation (27/04) de Wang Tianpu, vice-CEO. A la CNOOC, le CEO Wang Yilin est relayé par son Président Yang Hua.
Malgré leurs pertes, ces groupes publics, pas seulement pétroliers, prospèrent en bourse de Shanghai : pour les désendetter, selon une source de la CASS, l’Etat incite l’épargnant à acheter leurs parts.
On l’aura remarqué, dans ce plan, bien des facettes manquent à l’appel. Vers quels métiers, quels continents ces géants voudront-ils se tourner, une fois libérés de l’obligation de tout faire par eux-mêmes ? Qui explorera le plus à l’intérieur du pays ? En dehors ? Qui nouera le plus de liens avec les « sept sœurs » multinationales ?
CNOOC a son chemin tracé, étant le plus jeune et dynamique, propriétaire de technologies off-shore. CNPC pourrait vouloir étendre des JV pour exploiter ses droits pétroliers en Afrique (Soudan, Angola, Gabon) et en Amérique Latine (Brésil, Venezuela). Sinopec, suivant l’héritage de Fu Chengyu, pourrait évoluer d’un rôle de simple consortium gaz et pétrole, vers un groupe plus diversifié d’énergies nouvelles et de matériaux nouveaux.
De même, quel sera le rôle d’un secteur pétrolier dérégulé, dans les projets du gouvernement de « Routes de la soie » ? Quels oléoducs et zones industrielles la Chine construira-t-elle entre Inde, Asie du Sud-Est et Asie Centrale, Afrique et Amérique Latine ?
Une partie de la réponse dépend d’une autre réforme encore manquante, celle des prix de l’énergie. Au profit des énergies renouvelables, celle-ci défavorisera le charbon– qui, de janvier à avril, d’après Greenpeace, voit sa consommation baisser de 6,1% et ses émissions de CO2 de 5%. Mais inévitablement, les prix du pétrole vont devoir monter, de manière à encourager son usage parcimonieux.
A ce stade, les cartes ne sont pas abattues – mais vu l’audace des mesures envisagées, on peut prédire que cette fois, la Chine est prête, sous l’angle pétrolier, à changer de règles.
Daigou (代购) est un petit métier qui fait fureur ces derniers temps : celui de l’étudiant chinois en Europe, qui achète des produits de luxe et les envoie par la poste aux commanditaires leur permettant faire de substantielles économies (20 à 40%) par rapport aux tarifs boutiques en Chine.
D’après le groupe Bain, en 2014, la bourgeoisie chinoise s’offrit pour 62 milliards de dollars de tels produits, dont 15% par Daigou, 55% en achats en Occident, et moins d’un tiers au pays. Toutes emplettes confondues, ces dépenses des touristes chinois (luxe et non-luxe) explosent : l’an dernier, la tutelle des devises SAFE évoque 165 milliards de $ (28% de plus qu’en 2013), et 90% des voyageurs avaient acheté des crèmes et parfums, 85% des habits et chaussures, et 64% des produits pour bébé.
Tout cela pour dire que le 1er juin, le ministère des Finances, sur ces produits, a rogné ses taxes à l’import de moitié en moyenne : de 5% à 2% pour les cosmétiques, et de 7,5% à 2% pour les couches. Curieusement, il a omis dans sa liste les vins et spiritueux, quoiqu’ils occupent une forte place dans ces budgets-vacances, pour les cadeaux destinés aux proches – sans doute pour cause de campagne anti-corruption, afin de ne pas encourager le redémarrage de ces produits « sulfureux » dont il tente depuis deux ans de freiner la consommation.
NB : Il est improbable que cette réduction des prix des produits étrangers éradique les achats hors frontières, car ils y restent meilleurs marchés même après la coupe—et le touriste chinois ne s’y trompe pas.
En même temps, le Conseil d’Etat publiait un appel d’offres pour un total de 318 milliards de $ et 1043 projets « PPP », ou les investisseurs privés et publics réunis en consortium bâtissent et exploitent l’équipement 20 à 30 ans avant de le voir retourner au domaine public.
À travers 29 provinces, les 1043 projets sont de tous les secteurs : systèmes d’irrigation, routes, écoles, protection de l’environnement. Guilin (Guangxi) bâtit un centre de conditionnement de déchets médicaux à 20 millions de $. Hangzhou (Zhejiang) vise deux lignes de métro à 8,5 milliards de $. Pékin aussi (lignes 14 et 16), ainsi qu’une usine de filtrage des eaux usées à Fengtai. Sept barrages ou canaux se préparent au Sichuan, et plusieurs lignes ferroviaires au Shandong. Urumqi (Xinjiang) s’offre un hôpital à 960 millions de $. 12 projets sont classés « pilotes », destinés à évaluer des politiques futures dans les 24 mois à venir. Yangzhou (Jiangsu) s’offre un complexe de sources chaudes à 60 millions de $.
Ces projets sont ouverts aux banques, fonds de pensions, assurances et autres poids lourds. Auteur du plan, la NDRC ne précise pas s’ils sont accessibles aux compagnies étrangères. Seront-ils attractifs, avec les taux d’intérêts réels élevés (8 à 10%), sous l’effet de la déflation (-4,6% en avril) ? L’Etat compte soutenir ces projets par exemptions d’impôts, licences accélérées, et autres bonifications ,en plus de sa garantie de bonne fin.
Les 318 milliards de $ attendus de ces investisseurs privés-publics, sont censés renforcer de 20% les investissements en équipements fixes, vitaux pour permettre au pays d’atteindre son objectif de 7% de croissance pour 2015 – ces investissements fixes n’avaient crû que de 10% en avril, record de faiblesse en 12 ans.
Une inconnue, ici, est la participation -potentiellement cruciale- des petits épargnants. Comment les convaincre d’apporter leur argent à ces projets à long terme, par exemple au titre de retraite complémentaire ? La NDRC reste avare de détails.
Ces deux plans financiers ont pour objet de relancer le commerce, faire circuler l’épargne et ce faisant, diluer les dettes des provinces (3 trillions de $) et des entreprises (12,5 trillions de $). Selon McKinsey, ces arriérés causeraient aux firmes des intérêts réels de 1,35 trillion de $ par an (soit un PIB du Mexique), et plus que leurs profits attendus dans l’année. Elles tournent donc structurellement à perte.
Ces efforts de relance arrivent à un moment tendu. L’immobilier, un des piliers de la croissance, a vu ses prix s’éroder de 6%. Yukon Huang, l’ex-patron de la Banque Mondiale en Chine, évalue que la baisse va se poursuivre jusqu’à 10%. Les profits industriels ont baissé aussi au 1er trimestre de 2,7%, traduisant la surcapacité qui frappe 15 des 29 grands secteurs (avec un taux d’utilisation de moins de 75%).
Malgré ces signaux oranges clignotants, bien rares sont les experts à prédire en Chine l’Apocalypse proche. On souligne au contraire la logique positive de l’Etat qui, résistant à la vieille tentation de la planche à billets, veut payer le prix pour réconcilier croissance et profit, laissant faillir des centaines d’usines. Et surtout, le gouvernement vise une reprise de la consommation. En 2014, celle-ci n’atteignait que 37% du PIB, un des plus bas taux des grandes économies mondiales (Europe et Etats-Unis tournent autour de 70%, près du double). Il y a là pour la Chine un formidable volant thermique de croissance —à condition d’éviter en chemin le piège d’un effondrement du crédit.
Uber, Didi Dache, Kuaidi Dache… qui n’existaient pas il y a encore trois ans, se livrent bataille pour le marché du taxi chinois évalué à un trillion de $ par an en 2018. Chaque entreprise permet à l’usager de commander sa course sur son téléphone portable. Localisé par GPS, il est contacté par le chauffeur le plus proche, pour établir le point rendez-vous.
Soutenus par Tencent (WeChat) et Alibaba, Didi et Kuaidi sont nés en 2013 à 3 mois d’intervalle. Ils ont d’abord tenté de se saper le marché (par offres de primes, de courses gratuites) avant de fusionner en février : à 6 milliards de $ d’actifs, le groupe gère 1,35 million de chauffeurs, 5,5 millions de courses par jour et 79% du marché, selon le cabinet Analysys International Group.
Uber, de San Francisco, arrive en 2014. Etabli sur les 5 continents, il est beaucoup plus gros que Didi/Kuaidi (40 milliards de $ d’actifs). Présent dans 9 villes chinoises (contre 361 pour Didi/Kuaidi), il réussit malgré tout à « peser » 10,9% du trafic. Sa marque de fabrique : faire travailler les privés, après inspection du véhicule, et formation du chauffeur. Uber a été reçu avec méfiance par les taxis, craignant de perdre leur marché. L’Etat et les mairies aussi, le soupçonnent de se soustraire à la taxe et aux règlements. Le soupçon englobe d’ailleurs Didi/Kuaidi : en janvier, le ministère des Transports interdisait aux individuels de travailler avec smartphone et en avril, à Changchun et Chengdu, la police visitait les bureaux d’Uber en quête de fraudes.
Mais les mentalités évoluent vite : confrontées aux phénoménaux embouteillages, les mairies ont besoin d’une offre de transport élargie, instantanée et flexible : du taxi au covoiturage, comme alternative à la voiture individuelle.
Uber prépare l’ouverture dans de nombreuses villes moyennes, crée un service « Ubergreen » avec voitures hybrides (made in China). A Guiyang (Guizhou), ville moins riche, il négocie avec la mairie une création d’emplois et de transports moins chers. Didi/Kuaidi vient d’obtenir ce type de reconnaissance à Shanghai, en se faisant intégrer d’ici juin, dans la plateforme municipale d’info-taxis.
Les deux géants partagent un même objectif : 30 millions de courses par jour d’ici 2018. Uber parviendra-t-il a rattraper Didi/Kuaidi ? Il a en tout cas un atout fort dans sa manche, qui le rend déjà inattaquable : sa coopération avec Baidu et le monopole de la cartographie en ligne, avec qui il prépare la prochaine génération de carte, avec toutes sortes de gadgets et services intégrés.
Le 26 mai, la presse annonce que 12 mois d’anti-terrorisme au Xinjiang ont permis de démanteler 181 gangs, dont 96% « avant d’avoir pu passer à l’acte ». 112 individus se sont rendus.Cette dernière campagne fait suite aux sanglants attentats de 2014 à Urumqi et Kunming (39 et 31 morts), ainsi qu’à d’autres incidents graves comme en août 2014, où les policiers avaient tué par balles 9 suspects. Ce bilan public porte un message : la région est bien en main. Incidemment, l’annonce est aussi faite à 8 jours d’un autre anniversaire officiellement peu prisé : la fin du printemps de Pékin (4 juin 1989).
Le Xinjiang, Far-Ouest à 3500 km de Pékin, a toujours été une région turbulente, se rebellant sporadiquement contre l’ordre musclé de la capitale. Récemment, on croit percevoir une recrudescence d’efforts autoritaires, afin de barrer la radicalisation qui s’insinue sans cesse parmi les 45% du fond ethnique ouighour.
Depuis août 2104, sous peine d’amende, parfois de prison, au nom d’une « campagne de beauté », des villes telles Urumqi ou Karamay bannissent le voile, surtout la burqa et les longues barbes. Depuis le 1er mai, à Kashgar, la vente d’alcool et de tabac est obligatoire en tous commerces, afin de tenter d’affaiblir la foi musulmane des clients.
A Yili, frontière kazakhe, depuis le 15 mai, les résidents doivent remettre leurs passeports à la police pour restreindre les sorties du territoire…
Pourquoi ce regain de tension, alors que la pacification semble gagner la partie – sans violence majeure depuis 10 mois ? Cela pourrait résulter de l’appel récent d’Abou Bakr al-Baghdadi, le commandant en chef de Daesh en Irak : « Ouighours, vos frères attendent votre délivrance, et anticipent vos brigades ». Une menace que Pékin doit prendre au sérieux.
Pékin réagit en réduisant sa marge de tolérance, et en préparant sa future « Route de la soie » vers l’Asie Centrale à coups de dizaines de milliards en quelques décennies : ces futurs échanges (matières 1ères contre zones industrielles et infrastructures) vont resserrer les liens avec les pays voisins, et isoler les séparatistes.
Double et lancinant, un problème demeure : l’incapacité à dialoguer, et à répartir équitablement la richesse créée entre ethnies. La contradiction perdure depuis des décennies. La politique ne change pas.
En 1961 à Yeli (au fin fond du Hebei) naissait Jia Haixia, sans que sa mère n’eût fait suivre sa grossesse au centre d’obstétrique du canton –trop loin et compliqué, et sans doute trop cher. L’enfant était donc né affligé d’une cataracte congénitale à l’œil gauche – borgne pour la vie !
Il put suivre l’école, à condition de savoir se blinder contre les quolibets et farces. Jusqu’à ce que l’indigence de ses parents le pousse hors du système scolaire—il alla travailler à la carrière de granit, à la masse et au burin, gagner sa vie à la sueur de son front.
Métier risqué : en 2000, à 37 ans, un éclat de pierre lui fit perdre son bon œil. Au sortir de l’hôpital, le contremaître lui remit une enveloppe de quelques petits billets, et lui expliqua sans ambages qu’il devrait se trouver un nouveau gagne-pain.
La cécité bouleversa ses repères moraux : dans son enfance, il ne s’était jamais plaint de son handicap, qui avait toujours fait partie de son identité, apprivoisé de naissance. Mais à présent, la cécité complète lui causait un sentiment d’injustice amère. Pire : la guigne refrappa en 2001, quand sa femme malade perdit à son tour son emploi. Ainsi, ils se virent privés de ressources, leur fils de 4 ans à charge. Faute d’argent, ils étaient « réduits à la saumure au petit-déjeuner, et au sel au dîner » (朝齑暮盐, zhāo jī mù yán), dans une misère que les voisins ne faisaient aucun effort pour alléger : l’entendant approcher avec sa canne, ils tournaient le dos sur la pointe des pieds.
Seul à lui soutenir le moral, venait le voir presque chaque soir, Jia Wenqi, l’ancien copain de classe, d’un an son cadet, le seul qui ne se fût jamais gaussé de son handicap – et pour cause : Wenqi était double manchot.
Laissé à trois ans sans surveillance dans la rue, ce garçonnet avait empoigné une ligne électrique tombée de son pylône : réduits à l’état de moignons, ses deux bras avaient dû être amputés. Le destin est capricieux : pour l’enfant diminué, la suite de l’existence avait pris un cours moins triste que son état eût pu le laisser présager. Le petit Jia Wenqi avait jolie frimousse : le maire et le secrétaire du Parti l’avaient pris sous leur aile, faisant payer par la République les frais d’hôpital, de rééducation. Le jeune avait pu se réapproprier quelques savoir-faire, tels se nourrir aux baguettes, se laver les dents, coudre– avec ses pieds.. Quand il avait atteint ses 7 ans, ses protecteurs avaient convaincu les parents de l’inscrire à l’école, qu’il apprenne à lire et à écrire.
Là, son bon caractère et son esprit vif l’avaient aidé à se faire accepter. ll suivait les copains dans leurs virées par la campagne, jouant à cache-cache, se baignant (nageant!), ou pour observer une portée de moineaux dénichés…
A 14 ans, toujours grâce au chef du village, il avait été placé au bureau des forêts, sans salaire mais nourri. Là, il avait appris les rudiments de la sylviculture – comment fumer, émonder et même greffer pommiers et jujubiers, avec ses orteils.
Grâce à tous ces soutiens, l’ado manchot avait développé une résilience surprenante, assez d’autonomie pour voler de ses propres ailes : à 27 ans en 1989, voyant débarquer sur la pla-ce du village une troupe de saltimbanques, tandis qu’ils montaient estrade et oripeaux pour leur représentation du soir, Wenqi leur avait fait une démonstration de ses dons de peintre et calligraphe pédestre, récoltant une ovation. Le lendemain à l’aube, il était parti avec eux à bord de leurs camionnettes déglinguées.
Durant onze ans, il allait partager sa vie entre ses tournées foraines et des séjours à Yeli chez son frère et sa belle-sœur. Jusqu’à 2001, où un appel familial mit fin à ces années dorées de liberté bohème : la santé du père le forçait à un retour à Yeli, pour s’occuper de lui dans ses derniers jours.
Durant ces onze années par monts et par vaux, Wenqi n’avait pas oublié son copain Haixia, et venait l’aider à traverser sa période noire. Plein de gratitude, l’aveugle réalisa un jour que leur fraternité dans le handicap pouvait être sa chance, son unique atout pour rebondir. Un soir, il lui posa rondement sa brûlante question : « Oh, Wenqi, toi l’aveugle et moi le manchot, y’a-t-y pas quelque chose qu’on pourrait faire ensemble toi et moi, pour s’en sortir » ?
Il se trouve que Jia Wenqi phosphorait depuis des jours sur le même thème, et qu’une idée lui était venue. Il lui fit une proposition, qui fut immédiatement acceptée. Une offre si hors du commun qu’aujourd’hui, 13 ans plus tard, elle fait soudain jeter sur eux les projecteurs des medias.
Pour savoir quel projet Wenqi présenta à Haixia, lisez la suite au prochain numéro !
1er juin : dans toute la Chine, 国际儿童节 (Guójì Értóng Jié) - Journée internationale de l’enfant
3-5 juin, Shanghai : Embedded China, Salon des systèmes embarqués
3-5 juin, Pékin : Battery China
3-5 juin, Pékin : CIPRE, Salon international pour les véhicules spécialisés de secours aux personnes
3-5 juin, Pékin : EVtec China, Salon et Conférence sur les véhicules utilitaires électriques
3-6 juin, Shanghai : KBC, Salon de la cuisine et salle de bains
4-6 juin, Canton : CINHOE, Salon de l’alimentation et des produits issus de l’agriculture biologiques
4-6 juin, Canton : IFE, Salon des produits alimentaires et des produits importés
4-6 juin, Pékin : TOP WINE, TOPWINE China, Salon du vin et des spiritueux
9-12 juin, Canton : Salon international de l’éclairage et des technologies d’éclairage des bâtiments
9-12 juin, Canton : Wire & Cable, Salon international de l’industrie des fils et des câbles
9-12 juin, Ningbo : CICGF, Salon des biens de consommation