Le Vent de la Chine Numéro 32

du 27 septembre au 10 octobre 2014

Editorial : Qui a saboté la visite en Inde de Xi Jinping ?

Les 17-19 septembre, Xi Jinping se rendit en Inde, hôte de Narendra Modi, le 1er ministre nationaliste : les deux hommes d’Etat plaçaient de grands espoirs sur cette visite d’Etat, l’occasion d’un tournant.

La visite produit une moisson somme toute honorable de contrats, avec 16 accords bilatéraux signés. La Chine paiera 20 milliards de dollars pour un corridor TGV (trains, rails, gares) et une nouvelle route vers le Tibet. Elle financera deux parcs industriels au Gujarat et Maharashtra (6,8 milliards de $). Et 24 firmes chinoises commandèrent pour 3,6 milliards de produits (pharmaceutiques, agricoles…). 

Mais par rapport aux espoirs initiaux, on est loin des « 100 milliards de $ » prédits. Le panier d’achats chinois ne dépasse pas les 35 milliards de dollars fermes déjà mis sur la table par le Japon. Or, un enjeu majeur de cette visite pour Xi était de démontrer à l’Inde, par ses largesses, qu’un axe commercial Delhi-Tokyo n’avait pas de sens. Il fallait aussi écarter l’axe de défense dont rêvent Inde et Japon: Pékin suggérait la chance de signer un accord frontalier calqué sur celui signé en 2004 entre Chine et Russie. Mais là non plus, rien n’arriva. Et le désaccord fut patent, au fait pour Xi et Modi de se séparer sans communiqué conjoint…

 Il faut dire que le 18/09 à Delhi, une heure avant le banquet en l’honneur de Xi, on apprenait l’entrée d’un millier de soldats de l’APL au Ladakh, revendiqué par les deux pays. L’APL entendait « bâtir une route temporaire ». Sans retard, 1500 militaires indiens furent dépêchés pour leur faire face, et Modi pria Xi de les rappeler, ce que l’invité accepta. Mais le 19/09, l’APL n’avait pas quitté le site -elle y restait encore 6 jours plus tard. 

Tous ces faits sont autant d’indices du fait que Xi et Modi, sincères en leur désir de rapprochement, ont été victimes d’un acte délibéré, visant l’échec. Mais qui était derrière? Côté Chine, l’APL est impliquée évidemment, mais pas forcément l’auteur. Côté politique, la Chine compte assez de hauts cadres poursuivis pour corruption, qui peuvent souhaiter barrer cette campagne dont Xi est l’auteur. Même côté indien, un analyste du renseignement soupçonne des militaires prêts à casser une amitié sino-indienne dans les langes, pour protéger leurs budgets d’achats d’armes à l’étranger : un marché dont l’Inde vient de passer n°1 mondial, devant la Chine… 

De retour à Pékin, le chef de l’Etat tira les conséquences de ce blocage. Durant le week-end circula la rumeur d’une promotion de deux officiers fidèles de Xi : les généraux Liu Yuan et Zhang Youxia sont pressentis n°2 de la CMC (l’organe de direction de l’APL) et n°1 à la Commission de Discipline Militaire. Puis le 21/09, les chefs d’état-major interarmes étaient convoqués pour redresser des maillons « inefficaces de la chaine de commandement » : Xi entend « resserrer les boulons » dans son armée, la rendre fiable ! 

Durant cette visite insolite, un dernier incident hilarant eut lieu: sur une chaîne de TV, une speakerine présenta l’hôte de marque comme « Onze Jinping », ayant confondu son nom (Xi) avec les chiffres latins (XI). L’erreur coûta sa place à cette malchanceuse, mais avant tout, elle en dit long sur le chemin à parcourir entre ces pays, pour améliorer le degré de connaissance mutuelle, présupposée à la confiance mutuelle. Or en ce domaine, à l’évidence, le 1er pas reste à faire !


Vu sur le web : Une carte au sens des réalités
Une carte au sens des réalités

Quoique datant de 2011, The Economist nous propose une carte intéressante, comparant chaque province/municipalité/région chinoise à un pays étranger dont la population est similaire.

Ainsi, la population française serait équivalente à celle de la province du Hunan (66 millions) 

Pékin, le Chili – voire l’Angola (21 millions)…
Shanghai, le Cameroun (23 millions)…
Le Sichuan, l’Allemagne (environ 80 millions)

Cette carte permet aussi de comparer avec le PIB, le PIB par habitant et les exportations. Retrouvez-là ici !


Hong Kong : Le bras de fer des deux Hong Kong

Lundi 22 septembre vit, à 2700 km de distance, s’affronter deux âges et deux conceptions de Hong Kong. C’ était le combat du pot de fer contre le pot de terre, ou encore de David contre Goliath. 

– Ce jour-là, au Palais du Peuple à Pékin, Xi Jinping recevait 70 fidèles soutiens du régime à Hong Kong : magnats tels Robert Kuok (groupe Kerry), Li Ka-shing (Cheung Kong, Swire), Peter Woo (Wharf), des cadres, politiciens, enseignants et Tung Chee-Hwa, Chef de l’Exécutif en 1997, aujourd’hui vice-Président de l’Assemblée CCPPC.
Xi leur répéta que le sésame du retour de Hong Kong à la Chine (« un pays, 2 systèmes ») ne changerait pas, ni la ligne politique (« pousser fermement développement démocratique, prospérité et stabilité»). Xi ajouta toutefois le petit mot qui changeait tout : «à l’avenir nous nous efforcerons de jouer un rôle plus actif dans les affaires hongkongaises ». 

Il y avait de quoi ranimer les angoisses des insulaires, à cheval sur l’autonomie de leur « Rocher ». Pourtant l’idée n’est pas si mauvaise. Une faiblesse de la Région Administrative Spéciale est son manque de réseau. En dehors du cadre officiel, entre Hongkongais et politiciens pékinois, on discute peu, au risque de rester incompris à Pékin et de voir ses demandes ignorées. Or, cette intervention fréquente promise par Xi, pourrait accélérer des projets de Hong Kong, telle son interconnexion à Shenzhen et au Guangdong.

– Le 31 août, la Chine avait octroyé le suffrage universel pour l’élection du Chef de l’Exécutif en 2017, comme promis lors du Traité avec Londres en 1984. Mais le système que Pékin a imposé, privera les citoyens du choix des candidats—il ignore aussi le vœu de 22% de la population, exprimé par référendum informel.
Aussi ce même lundi 22/09 à Hong Kong, 13,000 étudiants de 20 écoles et universités, entamaient un boycott des cours et des marches à travers la ville. Ils espéraient attirer la majorité des 78.000 jeunes étudiants. La ville soutient ses jeunes, à 54% de ses habitants et 74% des moins de 35 ans : une douzaine de proviseurs permettent aux élèves de «sécher » les cours, moyennant une lettre des parents. Pétrie de courage sans illusion, l’opinion générale était résumée par cette étudiante : « Nous savons très bien que Pékin ne cédera pas, mais nous n’avons pas d’avenir de rechange »… 

Autrement dit, ces étudiants veulent se battre sur le long terme : leur principal fruit, paradoxalement, pourrait bien être ailleurs: en réveillant leurs parents, restés groggy par le coup de force de Pékin, quant à l’avenir de leur ville.


Xinjiang : Prison à vie pour le professeur Ilham Tohti

D’ethnie ouighoure, Ilham Tohti, 46 ans, professeur à l’université Minzu (Pékin) enseignait l’économie. En janvier, il a été arrêté avec sept étudiants, transféré à Urumqi, capitale de son Xinjiang natal. Suite à un procès de deux jours, il vient d’être condamné (23/09) à la perpétuité, pour « incitation à la haine raciale » et « association criminelle » et tous ses biens confisqués. Durant le procès, Tohti a rejeté l’accusation de séparatisme et affirmé chercher dialogue et intégration dans le cadre d’une société multiculturelle. 

Ce plus lourd verdict à un dissident en 10 ans, est condamné par l’Union Européenne et les Etats-Unis : un jugement « injuste et peu propice à l’apaisement ». Par la voix de son avocat, Tohti a fait appel. 

Les autorités semblent certaines que Tohti soutenait le terrorisme, d’où leur « tolérance zéro » envers lui. Mais cette inclémence contredit leur espoir de réconciliation et d’harmonie sur le terrain. Par exemple, la subvention aux mariages mixtes au Xinjiang a peu de chances de séduire dans cette ambiance renforcée de méfiance et de rancœur. LIEN

Le raidissement peut s’expliquer par le passé récent et l’évolution négative sur le terrain. Il y a d’abord la violence séparatiste (attentats à répétition) que Pékin dit nourrie par l’étranger. 

On a ensuite le précédent d’une célèbre Ouighoure, Rebya Kadeer. Cette femme d’affaires fut d’abord intégrée, honorée par le régime. Mais ensuite, entraînée malgré elle à une action critique, elle fut emprisonnée. Les pressions internationales permirent son départ en exil : depuis, elle ne cache plus des sympathies envers des mouvances radicales. Pékin peut en avoir conclu que même les modérés doivent être combattus. 

Autre élément agissant, la lutte interne au cœur du pouvoir, pour ou contre la réforme globale de la société, a peut-être forcé certains à faire des compromis avec les conservateurs. Notamment sur des sujets tel le Xinjiang, moins centraux par rapport aux objectifs des réformateurs. 

Enfin, le 21/09 à Bugur (Xinjiang), veille du jugement, trois explosions causaient 50 morts (dont 40 assaillants) et 54 blessés (bilan du 26 septembre). Ce dernier attentat en date a pu peser dans ce verdict de « tolérance zéro ».


Sécurité Alimentaire : Après le lait, la viande !

L’affaire qui suit le démontre : la Chine n’a pas appris la leçon du scandale du lait à la mélamine en 2008. La litanie des fraudes n’a jamais cessé, tel ce trafic de 30.000 tonnes de pattes de poulet avariées, confisquées fin août au Zhejiang. Traitées au peroxyde, elles étaient vendues « fraiches » à travers 10 provinces. 

Dans la tempête de révélations, les étrangers étaient jusqu’alors relativement indemnes : seul Heinz (Etats-Unis) devait fin août retirer des rayons une bouillie pour bébés, pour traces en plomb trop abondantes. 

Mais les choses changent. Cet été, Husi, filiale shanghaienne d’OSI Group (multinationale de l’agroalimentaire à Aurora près de Chicago) fut accusée par une TV locale d’écouler des viandes avariées. À présent, l’affaire prend son ampleur, promettant de rester dans les souvenirs comme un des scandales alimentaires majeurs de la décennie. 

Husi, 500 employés, était une boucherie importante et moderne. Elle livrait des milliers de fast-food McDonald’s, Pizza Hut, 7-Eleven, KFC, Starbucks en Chine, au Japon, au Pakistan, à Hong Kong… 

Suite à la dénonciation, les services d’hygiène de l’Aqsiq et de la police firent une descente dès juillet. Ils découvrirent le pot au rose, saisirent 100 tonnes de viandes en partie périmées (le poulet de 3 mois, le bœuf de 6 mois), faisandées, faussement réétiquetées. Six cadres chinois furent arrêtés, dont le directeur Hu Jun. La licence fut retirée, mettant l’usine au chômage.

Puis d’autres réactions suivirent en cascade, vu la gravité du cas. Même en l’absence de victimes (par salmonelles ou autres), le cadre industriel et réglementaire d’hygiène avait massivement failli.

Durant des années, Husi avait pu trafiquer et vendre des produits interdit. Mais de leur côté, les chaînes de fast-food américaines (d’ordinaire très techniques et intraitables sur la sécurité des aliments) les avaient achetés sans contrôle propre. 

Des réseaux clandestins avaient pu livrer à des groupes tel Husi, les viandes périmées ou avariées. Et l’inspection de l’hygiène n’y avait vu que du feu ! Averti du passage des inspecteurs, Husi, leur présentait toujours, le jour dit, des chaînes aux normes. 

Aussi comme pour se rattraper, les équipes d’hygiène visitèrent d’arrache-pied 214 usines et 22 chaînes de fast-food. Elles saisirent 18 tonnes de nuggets, 78 tonnes de steak haché, 48 tonnes de bifteck. 

KFC et Pizza Hut, évidemment, rompirent tout lien avec leur fournisseur félon. Lequel, en tout état de cause, cessa d’exister juridiquement. La marque fut retirée et OSI reprit l’usine sous sa gestion directe. Depuis des années, Husi se gérait toute seule, sans présence permanente d’expatriés de la maison mère. 

De même, OSI, soudain hyperactif, multiplie les initiatives. Il lance une campagne de prévention à 10 millions de ¥. Il parle d’investir dans un centre de contrôle de qualité à Shanghai. Il se lance dans l’audit de toutes ses branches chinoises, par des inspecteurs en visites surprises.

Le 23/09, OSI licencie 340 bouchers et autres employés de ex-Husi – au chômage depuis juillet mais toujours payés. Ils seront défrayés « selon les lois et en accord avec le syndicat ». OSI en garde une poignée pour « coopérer avec la justice » car l’enquête se poursuit. 

Une amende historique va suivre, avec lourdes peines aux cadres reconnus coupables. L’usine elle-même garde ses chances de redémarrer sous nouveau nom et nouvelle direction, une fois la tempête passée.

Non sans analogie avec l’affaire du lait à la mélamine, deux sources du problème apparaissent : 

1. la production de viande n’a pas pu suivre la demande. Liés aux cours mondiaux du soja, les prix explosent, encourageant la fraude. 

2. Les lois sont incomplètes, les compétences de contrôle mal définies, les inspections squelettiques par rapport au nombre d’éleveurs et abattoirs. 

Une 3ème raison est propre au monde des expatriés : pour rationaliser les coûts et maximiser les profits, OSI a fait le choix d’une gestion 100% locale pour sa filiale shanghaienne. Par suite, OSI était condamné à faire confiance à ses cadres en Chine, d’une autre culture et travaillant dans une autre langue. 

Or, le dégât d’image est lourd : parmi toutes les chaînes de fast-food, celles américaines restait les seules (avec les coréennes peut-être) en qui la population gardait confiance…

Deux évolutions d’avenir sont envisageables. L’Etat va vouloir remonter la pente et combler toutes les lacunes de son marché de la viande, comme celui laitier. 

D’autre part, le contrôle sanitaire privé est appelé à un grand essor : partagé entre 5000 firmes, il vaudra 1,3 milliard de dollars en 2015, voire le décuple dix ans plus tard. On assiste donc en Chine à une mutation du secteur alimentaire – c’est la fin des années où l’on se nourrissait « pour une bouchée de pain » !


Monde de l'entreprise : GSK — L’épilogue
GSK — L’épilogue

Le 19/09 à Changsha (Hunan), un tribunal local mit un terme au scandale autour de GSK, un des leaders mondiaux de la pharmacie, depuis 15 mois embourbé dans une délicate affaire de corruption de médecins.

En juin 2013, par scoops habilement fuités dans la presse, GSK fut accusé d’avoir distribué en 6 ans, via 700 agences de voyages et sociétés de conseil, 3 milliards de ¥ à des milliers de médecins chinois pour s’assurer la prescription de ses remèdes en hôpitaux. 

Des cadres furent arrêtés, dont Marc Reilly, le CEO-Chine qui, après une éphémère cavale en Angleterre, retournait se mettre « à disposition de la justice ». 

Le verdict impose une amende égale au montant du délit. Les 5 cadres écopent entre 1 et 4 ans de prison, avec sursis partiel de manière à les rendre tous libérables sur le champ – et M. Reilly, expulsable. 

1er constat : malgré tout, le verdict est « modéré », si l’on se souvient qu’ en septembre 2013, le ministre de la Sécurité publique évoquait l’amende infligée à GSK par les Etats-Unis en 2012 suite à une faute similaire : trois milliards de… dollars ! 

Aussi les milieux professionnels s’attendaient à une « addition » bien plus salée, assortie de peines plus lourdes, pour en faire un exemple. Pour M. Reilly, on parlait même de 10 ans de prison, dont 1 ferme. Aussi, l’administration semble avoir délibérément joué l’apaisement. 

À cette modération, deux raisons apparaissent. 

1. Clairement, il y a eu accord entre l’administration chinoise et le siège de GSK à Londres ainsi que le gouvernement britannique, dès avant le retour de M. Reilly en Chine, que seul un arrangement ferme permet d’expliquer – d’autant que dès les premiers jours du scandale, le CEO fut licencié. Pékin veut éradiquer des pratiques indésirables, mais non chasser les groupes étrangers dans ce domaine de la santé où ils sont irremplaçables. 

2. Auprès des expatriés, la campagne antitrust a l’image d’un outil protectionniste dont ils sont les victimes. L’Etat trouve ici un moyen de combattre cette perception négative. 

Autre détail curieux, les juges sanctionnent la corruption de « cadres non-étatiques » (les médecins) et notent aussi l’implication de cadres de l’Etat (Shanghai et Canton), mais cette fois, sans les punir. C’est que là, on entre dans un autre délit puni par une autre police (celle du Parti) dans le cadre de la campagne anti-corruption. 

Sur le fond, Pékin frappe la corruption des médecins. Mais l’interdiction ne saura pas couper à l’avenir le dialogue entre les groupes pharmaceutiques/nutritionnels et les hôpitaux. Cet échange restera nécessaire, pour informer les médecins des progrès des centres R&D, des laboratoires – et les industriels, du retour des praticiens sur leurs médicaments. 

En outre, tant que la Chine n’aura pas augmenté les salaires des médecins (moins payés que les cuisiniers, bien mal récompensés pour leurs longues études), elle n’aura qu’une santé corruptible et de seconde qualité—les plus brillants cerveaux se détournant d’une carrière aussi ingrate. 

Autre question : quelles seront les suites du verdict GSK ? On peut imaginer : 

– L’été 2013, en sus de l’enquête de GSK, le ministère de la Santé en lançait 60 autres, sur des groupes pharmaceutiques locaux et étrangers. D’autres poursuites pourraient suivre, contre des firmes tels UCB, AstraZeneca, Eli Lilly ou Sanofi—face à cette perspective, certains affichent une sérénité peut-être de façade…

– Suite aux aveux (et aux excuses) du groupe britannique, l’enquête américaine sur GSK à travers le monde, qui court depuis 2010, peut rebondir dans le cadre de la US Foreign Corrupt Practices Act. La justice britannique aussi pourrait réagir via sa UK Bribery Act.

Peter Humphrey, détective privé, pourrait se retourner contre GSK qui avait recouru à ses services en 2012, causant son emprisonnement. 

À Shanghai, Humphrey avait enquêté sur une ex-cadre du groupe, chinoise soupçonnée d’être le « corbeau » de mails anonymes sur la corruption médicale et la vie privée du CEO. Humphrey avait rendu à GSK son rapport, mais la cadre, pour se défendre, avait fait intervenir ses très puissants contacts municipaux. Arrêté, condamné à 2 ans et demi (sa partenaire et épouse sino–américaine, écopait de 2 ans), Humphrey reproche à GSK de ne pas l’avoir averti du danger lié à cette enquête.

Enfin, l’affaire GSK remue bien des choses en Chine, dans la pharmacie et dans toute industrie, concernant leurs rapports avec le gouvernement chinois. Après ce scandale, les multinationales seront plus vigilantes sur les dangers à recruter des cadres issus de familles influentes, et à offrir des « enveloppes rouges 


Politique : Fin de parcours d’un corrompu, Liu Tienan

Dans la journée du 24 septembre, au tribunal de Langfang (Hebei), s’est déroulé le procès d’un « tigre », tombé dans la nasse de la campagne anti-corruption en mai 2013 : Liu Tienan, 60 ans, n°2 de la Commission de l’Energie à la puissante NDRC (Commission Nationale de Développement et de Réforme).

On lui reproche d’avoir empoché 35,5 millions de yuans de pots-de-vin de la part de 5 entreprises (pétrochimiques et fabriquants automobiles chinois) de 2002 à 2012. 

Contrit (ou bien politiquement correct ?), il battit sa coulpe, avouant se demander chaque matin : « comment ai-je pu tomber aussi bas ? ». 

Menacé d’une peine allant de 10 ans de prison à la perpétuité, il peut espérer la clémence des juges en raison de sa repentance « exemplaire ».

Ce procès peut passer pour un pas de plus vers celui de son protecteur Zhou Yongkang (officiellement inculpé en juillet), après la peine capitale avec sursis infligée à Liu Zhijun, ex-ministre des Chemins de fer en juillet 2013.


Petit Peuple : Pékin – Meng Duanmu – la terreur et la superstition

A 57 ans, Meng Duanmu (pseudonyme), fils du sérail, s’était fort enrichi dans sa fonction de général de l’Armée Populaire de Libération. Sous le soleil, il possédait des dizaines d’appartements de standing à travers le pays, ainsi qu’un palais dans son village natal, copie miniature de la Cité Interdite. 

Or un beau jour, sa fortune s’inversa – le clan qui le protégeait perdit ses appuis et devint vulnérable. Suite à quoi, il ne fallut que 3 mois pour voir les inspecteurs débarquer au manoir. 

De sa caverne d’Ali Baba, ils chargèrent 4 camions pleins de bidules hétéroclites mais toujours hors de prix : diaphanes vases « coquille d’œuf » de Jingdezhen, objets inélégants mais d’or massif pesant au bas mot quelques kilos (une vasque, un navire, un buste du grand Timonier), « bi » géants (disques cosmogoniques) en jade blanc d’époque Han… 

Parmi ce luxe extravagant figurait un objet simple et austère, coffre en bois rouge foncé, vide… Les limiers déconcertés s’interrogèrent du regard, jusqu’à ce que l’un, plus fin que les autres, éclate de rire !C’était du « táomù » 桃木, acajou qui en chinois se prononce comme « 逃目 », « échapper au regard ». En cachant cette boite parmi ses trésors, Meng avait prié les Dieux de lui épargner un coup du sort ! 

A Pékin, d’autres enquêteurs fouillant son bureau, eurent la surprise de découvrir trônant sur la table, une grosse pierre, manifestement sans la moindre valeur. Le secrétaire de Meng leur révéla qu’un magicien le lui avait cédé à prix faramineux, en raison de ses vertus prétendument miraculeuses. Tant qu’elle resterait sur son bureau, elle le tiendrait à l’abri des griffes de la justice, civile ou militaire…

Hélas pour ce naïf général, quand la déveine arrive, elle s’incruste ! Une fourmilière de comptables vint éplucher ses comptes, et ne mit pas longtemps à déceler un trou de 10 millions de ¥ ! 

Meng dut alors avouer qu’il avait voulu offrir une nouvelle sépulture à ses parents. Le pactole avait été partagé entre le marbrier, le doreur, le sculpteur… Une troupe de moines taoïstes avait aussi touché sa part pour accompagner les ossements, à coups de gongs et cymbales, de pleurs spectaculaires, de mantras et génuflexions, pour une mémorable cérémonie funéraire. 

Mais l’essentiel était tombé dans la bourse d’un devin, autoproclamé « le Sage du Xinjiang », payé pour détecter le site au meilleur « fengshui » (风水), source méridienne de bonnes ondes, pour que reprenne le repos des parents, à l’issue du dérangement. 

Il est légitime de s’interroger sur la motivation réelle du général : la piété filiale ou l’espoir d’acheter ses aïeux une protection contre les démons ? Toujours est-il qu’elle lui valut un nouveau chef d’inculpation, pour « comportement féodal et superstition ». 

Que Meng soit poussé par l’avidité à s’enrichir, on pouvait le comprendre. Mais pourquoi mêler à cela des sornettes de grand-mère, que même les jeunes ne gobent plus depuis longtemps ? Un chercheur universitaire s’est penché sur la question, et sa réponse vaut qu’on s’y arrête. 

Durant toute sa carrière, le soldat gourmand avait dû subir 24h sur 24h le risque de la délation. Plus il montait en grde, plus il amassait des biens, et plus il vivait dans l’effroi du châtiment, faute de pouvoir deviner d’où viendrait la dénonciation : de collègues jaloux, de journalistes, de rivaux du clan d’en face, de sa propre femme (chaque fois qu’elle lui découvrait une nouvelle amante) ?

Meng était le lièvre à découvert dans la pinède, avec les collets tendus de tous côtés, prêts à happer ses membres à tout moment. Une telle menace empoisonnait tous ses plaisirs. Cette réalité était si effrayante qu’il préférait se réfugier dans un autre monde, celui des magiciens qui lui procuraient réconfort et sommeil profond. 

L’explication était honnête. Mais pourquoi, quelques jours après le passage des agents du Parti, dans son parc déjà déserté des jardiniers, n’entendait-on pas, à l’aube, le général Meng sanglotant dans le gazon en balbutiant : « Seigneur Bouddha, et vous Père, Mère, pourquoi ne voulez-vous point m’accorder votre grâce » ?

Cette fois, l’incantation ne se référait plus à la terreur d’être dénoncé, mais bien à celle d’apparaître dans l’au-delà vêtu des nippes honteuses et souillées par sa débauche. C’était le combat avec l’ange, le besoin éperdu d’obtenir pour ses péchés, le pardon « des Dieux et des hommes en colère » (神人共愤, shén rén gòng fèn). 

Planqués dans leur buisson, les limiers ne purent que prendre acte de la ferveur religieuse stupéfiante mais indiscutable de ce très haut serviteur de la nation. Bientôt, cette scène figurerait en pièce à conviction dans son dossier, et dernier clou planté dans le cercueil de sa carrière. Car le Parti ne déteste rien de plus que voir ses membres se métamorphoser derrière son dos en grenouilles de bénitier, fussent-elles bouddhistes ! 

NB : pour des raisons aisément compréhensibles, ce personnage est recomposé. Mais toutes les mésaventures décrites ici, sont documentées.


Rendez-vous : du 29 septembre au 12 octobre 2014
du 29 septembre au 12 octobre 2014

3-6 octobre, Shanghai: Auto Shae

3-6 octobre, Shanghai : Shanghai Real Estate Expo & Overseas Property Investment Show – Salons de l’immobilier et des investissements immobiliers à l’étranger

8-11 octobre, Shanghai: Music China, Prolight+Sound Shanghai

9-11 octobre, Pékin : Salon international de l’industrie de l’énergie nucléaire

9-12 octobre, Nankin : Salon du vélo, trekking, montagne, vêtements et accessoires

11-14 octobre, Canton : CISMEF, Salon des petites et moyennes entreprises

13 octobre, Shanghai : ACCESS MBA 

13-16 octobre, Pékin : China Brew & Beverage, Salon des procédés, technologies et équipements de la bière et des boissons

14-16 octobre, Shanghai : TIEXPO, Shanghai Titanium exhibition