Le Vent de la Chine Numéro 31

du 20 au 26 septembre 2014

Editorial : Conjoncture – l’heure des comptes

Les 10-12/09 au World Economic Forum de Tianjin, Li Keqiang, 1er ministre, s’efforça de rassurer les participants à ce Gotha de la finance : les réformes étaient bien en chemin, et l’objectif de croissance du PIB de 7,5% en 2014 serait bien atteint, sans stimulus !

Mais Li peina à convaincre, tant les dernières données conjoncturelles contredisaient sa thèse. En Chine comme ailleurs, « la mauvaise monnaie chasse la bonne : le crédit « gris » prend le relais, à taux prohibitif qui plombe les caisses des firmes. Le pays souffre d’une sévère sous-capitalisation : les banques ne prêtent plus. La Chine paie aujourd’hui le prix pour ces 600 milliards de $ de stimulus offert par Wen Jiabao en 2008 aux consortia publics pour résister à la première vague de crise mondiale. Ceux-ci en ont alors profité pour oublier la course à la productivité et le nettoyage des surcapacités. L’analyste Harry Wu estime que la productivité chinoise a dévissé à -0,9% en 2007-2012 par rapport à l’indice mondial (+3,3% en 2001-2007). D’autres études établissent que les salaires, parmi les plus hauts d’Asie, ont quintuplé en 10 ans, passant de 4% à 20% de la moyenne américaine.

Contre ce dérapage, en un an, l’Etat a réduit de 40% le crédit légal (de 1580 milliards de ¥ à 957 milliards de ¥), baissé de 16,5% depuis janvier les dépenses d’infrastructures. Mais la décrue en a entraîné d’autres : moins 10% aux ventes de logements, seulement 2,5% à l’inflation (indice de chute de la consommation), -2,2% d’électricité (du jamais vu depuis 2009), – 2,4% à l’import. En août, les dépenses publiques végétaient à +1,6%, et le PIB atteignait +6,3%. On risquait l’effondrement de la croissance à l’automne, et de voir Li Keqiang devenir, depuis 1989, le 1er chef de gouvernement ratant l’objectif de PIB. Aussi le 16/09, il laissa la Banque Centrale offrir 81 milliards de $ (500 milliards de ¥) aux 5 grandes banques, en prêts (bas taux, à 3 mois) et à « destination préférentielle » des logements sociaux et PME. 

Mais dès août, gavée de crédit gris, la dette sur 12 mois avait monté de 16%, bien au dessus du PIB. Impossible de se leurrer : cette année la Chine a donc renforcé la bulle du crédit, au lieu de la résorber. Li n’ose pas s’attaquer au crédit gris, de peur de faillites en pagaille et de désordre social. Il est aussi bloqué par le «carré d’acier» des castes privilégiées. 

Dans ce contexte, Li n’ose pas davantage dépanner les grands groupes en difficulté financière. Mais selon ce confrère du South China Morning Post, « une croissance saine dépend d’un système bancaire stable et fonctionnel. Plus la Chine attendra pour le créer, plus elle risquera la perte de décennies de croissance », tel le Japon de 1997 à ce jour. On eût pu rêver que Pékin use de ses 4000 milliards de $ de réserves en devises pour se renflouer. Hélas, cette botte secrète est hors d’usage : si le régime tentait de massivement déstocker ces fonds placés à l’étranger, il aurait bonne chance, vu la fragilité des débiteurs d’Europe, des Etats-Unis ou du Japon, de dynamiter la stabilité mondiale. Autant dire que Li Keqiang et Xi Jinping n’ont pas d’alternative au fait de retourner -vite – à la marche forcée vers la productivité, qu’avait initié en son temps le 1er ministre Zhu Rongji !


Dernière minute : GSK condamné à une amende historique
GSK condamné à une amende historique

Le 19/09 à Changsha (Hunan), GSK, n°1 mondial pharmaceutique, est condamné à 3 milliards de Yuan (492 millions de $) pour corruption de médecins afin de prescrire ses produits. 

Marc Reilly, son ex-CEO est libéré de détention et expulsé. Le Vent de la Chine reviendra la semaine prochaine sur ce verdict, à la fois épilogue et étape de la campagne de Xi Jinping pour imposer l’Etat de droit dans le secteur productif.


Environnement : « Silence on tourne »

En environnement, une révolution débute en Chine, venant à bout de l’ancienne collusion d’industriels et de cadres au nom de la croissance. Il faut dire qu’il y a urgence : air, eau et sol se dégradent à vitesse terrifiante. La nouveauté tient au fait que désormais, les scientifiques peuvent donner l’alarme. 

Yao Jingyuan, du Conseil d’Etat, rappelle que sous l’impératif productiviste (les 11 ans de récoltes record, exigés par Pékin, le fermier chinois dose 4 fois plus d’engrais que son collègue américain.

La jachère n’étant pas pratiquée, la terre fatigue : « dans 4 générations, avertit ce professionnel du Heilongjiang, la Chine pourrait se retrouver sans terre cultivable, sous l’effet des engrais ammoniaqués ». 

Wei Qiwei, de l’Académie des Sciences ichtyologiques (15/09), annonce pour sa part la mort probable de l’esturgeon du Yangtzé, espèce menacée : un mois de recherche n’a permis de repérer ni les œufs près des berges, ni un seul des 100 poissons géants recensés en 2013.

Et les dégâts continuent : Dalian (Liaoning) a entamé la construction de son nouvel aéroport en mer, sur 21km². En 2018, elle revendiquera ainsi le plus grand aéroport mondial regagné sur les flots. Et si Sanya (Hainan) reçoit à son tour le feu vert de l’Administration océane, ce record passera à elle : son nouveau terminal de 29km² aura été reconquis sur la mer, brisant la paix de la célèbre plage de Tianya et du sanctuaire bouddhiste de Nanshan, ses riverains. 

Mais tout le tableau n’est pas si noir: la Chine présente aussi des projets audacieux, porteurs d’espoirs de remonter la pente. 

A la NDRC, Jiang Zhaoli vient de présenter (12/09) le marché carbone qui devrait fonctionner en 2020. Dès 2016 chaque année, 3-4 milliards de tonnes de CO2 (4% des émissions du pays) rejoindront le mécanisme. 

En 2020, ce marché à terme (de crédits alloués annuellement à chaque firme émettrice) vaudra de 60 à 400 milliards de ¥ par an, complété d’un marché « spot » à 1-8 milliards de ¥. Le volume de CO2 sous son contrôle sera deux fois plus important que celui de l’UE : il pourrait faire doubler les cours mondiaux des crédits-carbone. 

Autre avancée : le Hebei ferme à l’irrigation 50.000ha de terres. Il paiera 195 millions de $ de compensation aux paysans lésés. C’est la première fois qu’une province chinoise met la priorité sur la préservation des sols, au détriment de la productivité. 

Au Hebei, plaine désertique, 70% de l’eau va à l’agriculture. En conséquence, 45.000 km² s’y sont déjà affaissés de plus de 30cm. D’autre part, cette céréaliculture intensive n’a plus de sens économique : entre fuel, salaires et équipements, les coûts dépassent le produit de la vente… 

C’est donc un pas dans le bon sens, quoique « trop limité », remarque Ma Jun, expert environnemental : l’interdiction ne touche que 2% des emblavures provinciales en 2013. Mais politiquement, dans ce pays obnubilé par la paix sociale, on ne peut faire plus vite. 

Un autre jalon dans la longue marche verte, est la prise de conscience des citoyens qui s’éveillent. Au rapport Pew (institut de sondage américain) de 2013, 47% des Chinois voient en la pollution un « très gros problème ». 

À Huizhou (Canton) les 14 et 15/09, des milliers de citoyens manifestèrent contre un projet d’incinérateur d’une capacité de 2600 tonnes par jour. 24 sont arrêtés mais le mouvement ne faiblit pas.

Autre signe que le citoyen parvient davantage à se faire entendre, à Minuo (Fujian), le 26/08, 396 paysans gagnent leur procès contre une firme qui émettait de la dioxine par son incinérateur—8 villageois en étaient décédés. En appel, la firme doit leur verser 6 millions de ¥. 

Dernier point, crucial sans doute : quelle sera la position de Pékin lors des négociations du COP 21 (Paris, 30 novembre-11 décembre  2015) pour un système contraignant de quotas nationaux d’émission de gaz à effets de serre ? 

Depuis des années, alternant positions chauvines et prétextes tiers-mondistes, elle a ardemment défendu sa liberté de facto de pollution illimitée, et réuni ses alliés contre ce mécanisme qui ne lie pour l’heure que l’Europe et une poignée d’autres pays. 

Or, on sent Pékin évoluer : la question n’étant plus que de savoir à la date elle pourrait s’engager à faire décroître ses émissions. En effet ce système, elle l’installe déjà chez elle, sur base nationale, et avec des latitudes octroyées à certaines provinces. 

Récemment, un rapport de l’ERI, Centre de recherche sous la NDRC, recommandait pour de début de décroissance l’année 2030, soit 10 ans après les débuts du marché carbone national. Entre Asie et zone Pacifique d’ailleurs, plusieurs pays ont déjà lancé leur marché (Kazakhstan, Nouvelle Zélande) et d’autres les préparent (Corée du Sud, Indonésie, Thaïlande, Vietnam). 

Ce mardi 24/09 à New York devant l’ONU, en marge des palabres spécialisées , le vice-Premier Zhang Gaoli rompra le silence pour « annoncer la position » sur le futur pacte anti-réchauffement climatique. Xie Zhenhua, le n°2 à la NDRC, précise qu’il commentera des « actions positives » du pays à partir de 2020. Ce langage prudent suggère à la fois l’envie des dirigeants de frapper les esprits à New York, et de faire du pays, aujourd’hui le pire pollueur, demain le « bon élève » de la planète.


Monde de l'entreprise : Alibaba, sacré à New York
Alibaba, sacré à New York

Après 3 semaines de course haletante entre avions et conférences de presse, Jack Ma, l’ex-prof d’anglais, devenu le pape du commerce sur le web, voit son « bébé » Alibaba sacré plus gros titre mondial en Bourse de New York (NYSE), après avoir écoulé 320 millions de parts pour 21,8 milliards de $, ce qui établit la valeur du groupe à 167,6 milliards de $. Et plus encore : avec le droit à des investisseurs « stratégiques » d’achat d’actions ultérieurement émises, l’addition finale est réputée dépasser 25MM$.

Alibaba, c’est 80% du commerce chinois en ligne, au marché potentiel de 632 millions d’usagers locaux, qui atteindront les 850 millions en 2015. On est donc dans l’artillerie lourde d’un secteur commercial de demain. 

Depuis l’annonce au printemps de la cotation américaine, la passion des acheteurs n’a eu de pair que l’audace des vendeurs. Les demandes ont tant dépassé l’offre, qu’Alibaba a augmenté son prix, de 60-66$ à 68$ la part. A New York, ce 19 septembre, son titre « BABA » a même frôlé, quelques minutes, la barre symbolique des 100$ (99,70$). L’action s’échangeait à 93.47$ pour une capitalisation boursière de plus de 240.45 milliards de $, soit au dessus des 200 milliards de Facebook.

D’autres compagnies ont profité par rebond de l’introduction en bourse d’Alibaba tel Hundsun, un de ses créateurs de logiciels dont l’action monte de 24%, ou CSLC, le transporteur maritime – pilier de sa logistique entre les 5 continents. Même Yahoo!, qui détient 22% des parts, profite en émettant 320 millions de ses propres parts. 

Par jeu de vases financiers communicants, tous les autres géants de l’internet chinois (Tencent, Baidu, Netease, Qihoo 360, Sohu, Sina Weibo…) perdent de 2 à 11% en valeur, quoique nullement en concurrence avec Alibaba. Les cohortes d’agioteurs rassemblent leur argent en tir groupé sur cette affaire réputée si juteuse. 

Mais en dehors des acheteurs dans les couloirs de l’internet, on cause. L’affaire n’est pas si ronde qu’elle n’en a l’air. En 2013, le HKSE, bourse de Hong Kong, a tout bonnement rejeté la candidature d’Alibaba, trouvant trop floue sa structure de vote interne. 

C’est que Yahoo! et le nippon Softbank contrôlent 56% des parts, mais se retrouvent au Conseil des directeurs avec moins de 50% des votes. Et pour marteler plus encore son pouvoir, Jack Ma a imposé un directoire discrétionnaire de 27 membres, qui se substitue pour le pilotage au Conseil des Directeurs, avec pour effet de réduire au silence les actionnaires étrangers, gros ou petits. 

Jack Ma Singapour Le 16 SeptD’autres problèmes rencontrés au fil des années, concernent la gouvernance éthique : Alibaba ne compte plus les cas de journalistes soudoyés pour calmer leurs velléités de « mal » écrire, ni les affaires de vente en ligne de produits piratés. L’administration américaine avait un moment envisagé d’inscrire le groupe sur sa liste noire mondiale du piratage intellectuel. 

Alibaba est indéniablement un groupe privé, mais ses rapports avec de grandes familles chinoises sont évidents. 

Ainsi en janvier, il rachetait Citic 21CN, PME de service informatique voire téléphonique aux firmes pharmaceutiques. Parmi ses leaders comptent le Général en retraite Zhang Lianyang et sa jeune femme (25 ans) Chen Xiaoyin. Quoique la start-up soit demeurée abonnée à l’absence de profits depuis 2006, J. Ma n’hésitait pas à décaisser 170 millions de $ pour racheter la société. Suite à quoi en 8 mois, par manipulations boursières, sa valeur se voyait catapultée à 500 millions de $. Le fait d’appartenir dorénavant au groupe, a aussi permis au chanceux général d’exercer à New York son droit de préemption à prix cassé sur 30 millions de parts Alibaba. A tous les coups, on gagne !

Nonobstant ces objections et un prix d’achat très élevé, les chances de profit des actionnaires sont excellentes – selon les pronostics, le commerce chinois en ligne doit « peser » l’an prochain 395 milliards de $ (triple du chiffre de 2011). 

D’autres risques seront d’ordre « technique », liés au fonctionnement d’outils du groupe tel son système de paiement en ligne Alipay, ou à ses rapports avec les différentes tutelles nationales (Banque Centrale, NDRC – la Commission nationale de développement et de Réforme, MII – Ministère des Industries et des technologies de l’Information).

Le risque politique est évident, vu le nombre d’investisseurs secrets, pouvant tomber dans le collimateur du régime : la CCID, police interne du Parti, enquêtant sur tel personnage, pourrait se retrouver dans les eaux d’Alibaba. Le cas de Huang Guangyu, président fondateur de Gome (à l’époque n°1 national de la vente d’électroménager en magasin), est là pour le rappeler. Huang fut arrêté en 2010 pour « corruption », condamné à 14 ans de prison. Mais à ce jour, on ignore encore la cause exacte de sa chute. Depuis, le groupe n’a cessé de péricliter, faute d’un « amiral » poids lourd politique pour le piloter et le défendre !


Sport : Tennis : Li Na tire sa révérence

A 32 ans, Li Na, n°6 mondiale, provoqua l’émotion de millions de fans le 19 septembre en annonçant sur les réseaux sociaux son départ en retraite.

Dans sa lettre, elle explique ne plus pouvoir tennir le coup physiquement, à cause de sa blessure au genou. 

Celle qui popularisa le tennis grâce à ses victoires en Grand Chelem  (à Roland Garros en 2011 et à l’Open d’Australie en 2014) et marqua par sa forte personnalité, veut désormais se consacrer à sa famille et à la promotion de la petite balle jaune en Chine et dans le monde.

Li Na devrait donner une conférence de presse dimanche 21 septembre, à Pékin

Tous les yeux sont maintenant rivés sur l’étoile montante, Peng Shuai (N° 21).


Agroalimentaire : Grandes fermes d’Etat : une belle au bois dormant

Parmi la masse des réformes à travers ce vaste pays, il en est une qui reste dans l’ombre : celle des 1785 fermes d’Etat à travers le territoire, et des 3200 firmes dépendantes, avec leurs 120 milliards de $ d’actifs. 

Dans les campagnes, la modernité tarde plus à s’imposer que dans les villes, surtout chez des paysans-cadres. Ayant moins encore la propriété de leur terre que les «privés», ils n’ont aucune raison majeure de chercher à s’équiper ou innover : l’esprit de compétition leur est étranger.
Autre handicap à ces fermes d’Etat: leur mission d’ancrer les frontières – notamment chez les bingquan (兵权), ces soldats-paysans du Xinjiang : cette mission complique leur chance de produire mieux et de s’enrichir. 

C’est pourquoi conscient du problème, Li Keqiang et Xi Jinping-même se préoccupent du problème : le ministère de l’Agriculture relance un programme pour les arracher à leur léthargie. Une piste est suivie : créer entre ces fermes des « alliances sectorielles » dans un même produit. En août, une alliance fut créée dans les semences. En octobre, une autre suivra dans le caoutchouc. Ce que veut Pékin, est permettre synergies et spécialisation entre ces acteurs locaux, pour en faire des acteurs compétitifs sur le marché mondial.
On en est encore loin : selon Yuan Longping, sommité du riz hybride, les dix plus grands groupes semenciers du pays ne contrôlent que 10% de ce marché—une forte part du reste, allant aux ténors internationaux tels Monsanto ou Syngenta. 

Une des sources d’inspiration du Conseil d’Etat a pu être le modèle d’organisation du café au Yunnan, promu par le groupe Nestlé . En 15 ans, ce dernier a su importer technologies et semences, convaincre les paysans individuels d’oser sauter le pas, d’adhérer à une Association mondiale de producteurs, tous formés à vendre suivant les cours mondiaux. Si le privé atteint cette sophistication et ce succès dans un produit, pourquoi le secteur public ne pourrait-il le faire dans d’autres ? 

Mais Pékin préfère pour l’instant contourner le problème n°1, celui du droit foncier, de la propriété du sol. Donner les fermes d’Etat à leurs cultivateurs, sous forme de coopérative par exemple, peut inciter à investir et à innover. Mais dans le cas où ces fermiers échouent, ils risquent de se faire racheter leur terre (pour une bouchée de pain). Dans ce cas, de vastes domaines se recréeraient vite, mais privés, cette fois. Et les agriculteurs lésés n’auraient plus qu’à migrer vers les grandes villes, ruminant les raisins de la colère…
Une telle perspective est la hantise de Pékin, et explique sa grande prudence manifestée dans le traitement de ce problème.
Une alternative serait de créer des emplois urbains pour la majeure partie de ces 3,3 millions d’agriculteurs… Quelle que soit la formule finale, « le processus prendra du temps », conclut le professeur Huang Jikun, directeur au Centre de politique agricole à l’Académie des Sciences.


Société : À quoi rêvent les riches chinois ? Partir !

Suivant l’enquête commanditée par la banque suisse UBS, le club des milliardaires chinois en dollars vient l’an passé d’augmenter de 15%, à 190 membres, au patrimoine de 440 milliards de $ (+16%). Plus insolite, un sondage du groupe Barclays révèle que presque la moitié des riches chinois compte prendre un aller simple pour l’ étranger « sous 5 ans ». Au second regard, le chiffre est moins bouleversant qu’il n’y parait, car tous les pays ont des riches candidats au départ – France comprise. Mais le taux mondial est de 29%, et le chinois, de 47%. Parmi les raisons avancées à cette frénésie de déménagement : 

<p>1. l’éducation (78%). Basée sur Confucius, l’école chinoise prépare mal à la réflexion et au travail de groupe. D’où ces centaines de milliers de jeunes qui étudient en Occident : les familles les plus riches peuvent se permettre de les suivre.

2. La « sécurité économique » (73%), est le terme pudique désignant la peur d’une arrestation dans le cadre de la campagne anti-corruption. Au même rang (73%) figure le « climat », en fait la pollution de l’air – un très fort incitatif au départ. 

3. Loin derrière (18%) est évoquée la qualité des hôpitaux et services : la garantie de bons médecins, d’une couverture sociale, d’un esprit de société sont ardemment désirés par ces gens aisés, ayant voyagé et découvert la possibilité d’une vie meilleure par de meilleurs rapports citoyens. 

En tête des destinations évoquées, figurent deux pays : Hong Kong (30%) et le Canada (23% – quoiqu’il vienne de mettre fin à son programme « visa contre investissement »). Pour le pays à la feuille d’érable, ce qui attire est sa qualité de vie, sa forte communauté chinoise et sa démocratie. Pour le « Rocher », c’est le train de vie élevé qu’on peut y mener, la langue chinoise et la proximité, permettant de garder un œil sur ses affaires. 

Un souci enfin reste non dit : l’envie d’échapper au fisc, au plan de Li Keqiang de ponctionner les riches pour alimenter les services sociaux. Toutefois, tous ces espoirs de vie nouvelle pourraient être mis à mal par l’objection de l’Etat, de sa police, qui peut vouloir vérifier avant le départ, que l’argent sortant ne serait pas le sien !


Petit Peuple : Haodian (Hubei) : la mort volée de Mme Chen

A Haodian (Hubei), les femmes n’ont pas la vie facile. 

Mme Chen, 35 ans, est un bon cas de cette existence rude auprès d’un mari fruste, esclave de  trois métiers – tenir la maison, éduquer les enfants, faire sa part des travaux des champs. Elle aimerait parfois payer à sa fille une robe, un bracelet à 5¥. Mais ce genre de velléité ne passe jamais bien près d’un époux avare, obnubilé par les traites mensuelles du motoculteur …

Ce matin de juillet, l’achat au marché d’une paire de souliers brodés avait déclenché la fureur de l’irascible : il l’avait battue comme plâtre, l’accablant de jurons humiliants avant de claquer la porte et d’aller se calmer à la guinguette avec quelques verres, laissant Chen seule, l’œil violacé. 

Se relevant pour sécher ses pleurs, elle fut prise d’une impulsion impérieuse. elle sortit à son tour, pour le comptoir des fournitures agricoles. Sur place, elle débita sa petite histoire: « Hou m’envoie quérir du ‘riz pousse-haut’ », pesticide radical pour envoyer ad patres tout ce qui bouge, du puceron aux sauterelles. N’y voyant que du feu, le marchand lui emballa sa flasque, en lui rappelant: « mais attention, c’est du poison, c’truc-là ! ». 

A peine de retour chez elle, sans même prendre un verre, Chen avala au goulot deux lampées de l’infect breuvage, avant de s’effondrer inanimée sur le lit. Un adage paysan avait dicté son geste : « pour échapper aux ennuis, la femme a trois moyens : pleurer, crier, ou se pendre » (一哭, 二闹, 三上吊 – yī kū, èr nào, sān shàngdiào). 

Elle n’était qu’une de plus sur la liste infinie des malheureuses de ce pays. 

Au palmarès du suicide, avec 26% des cas (175.000 par an), la Chine est en tête. Le mode opératoire diffère toutefois : ailleurs, on s’ouvre les veines ou saute du pont, mais en Chine 62% des cas s’empoisonnent (conclut l’OMS, l’Organisation mondiale de la Santé, dans les années 1996-2000) : c’est par conviction bouddhiste, pour conserver le corps intact pour la prochaine vie.
Sociologiquement aussi, face au geste fatal, la Chine se distingue encore : les victimes s’y recrutent d’abord parmi les jeunes femmes (première cause de mortalité chez les moins de 35 ans), contrairement au monde où les suicidés sont des hommes vieux . 

Quelques heures après, revenant de sa beuverie, Hou voyait sa femme sur le lit, ne soupçonnait rien, et s’allongeait à son tour. Dans l’après midi, Chen reprenait conscience, le ventre parcouru de spasmes violents. Réveillant Hou, elle le pria de l’amener, à moto, aux urgences, où on lui pratiqua un lavage d’estomac, une perfusion de sang. Elle se réveilla le lendemain, soulagée d’être de ce monde, mais en proie à une rage froide, de s’être fait ainsi « voler » sa mort !

Une fois libérée, le dimanche suivant, elle courut au Bureau du Commerce et de l’Industrie de Guangshui, le chef-lieu. Stupéfaits, les cadres enregistrèrent sa plainte : « contre un produit défectueux qui lui avait causé la vie sauve, contre son gré ». Face à sa revendication, ils restèrent sans voix : elle réclamait compensation, pour son préjudice d’être restée en vie…

Afin de gagner du temps, et de se donner une contenance, face à ce cas administratif unique, les ronds de cuir se rendirent en troupe fournie au comptoir agricole. Inspectant l’objet du délit, ils constatèrent que le pesticide, sans être contrefait, était périmé. Cela suffisait à expliquer sa défaillance.
Séance tenante, sous les yeux de la rescapée, ils firent justice en confisquant solennellement le reste du lot, 36 bouteilles. 

Le geste état censé : chaque année en Chine, des milliers d’hectares de récoltes se perdent pour cause de pesticides pas aux normes. Mais face aux clients, le commerçant ne décolère pas : au lieu de le punir, les agents auraient dû lui conférer une médaille, pour avoir sauvé la vie d’une concitoyenne.

Hou, le mari, n’a ni état d’âme romantique, ni retour de flamme de l’amour d’autrefois, après avoir failli, par sa brutalité, perdre la compagne de sa vie. Mais intérieurement, il jubile d’avoir évité des frais d’enterrement, et conservé la travailleuse gratuite irremplaçable, à quelques semaines des labours d’automne. 

Et Mme Chen ? Les jours suivant son geste, elle eut la surprise de voir les voisines compatissantes venir se relayer pour l’aider dans ses tâches, lui porter un panier d’œufs, une soupe de millet « pour nettoyer le ventre ». Ces gestes discrets de solidarité changèrent sa vie, et sa perception d’elle-même et de son entourage, elle qui se croyait inutile et sans valeur.

Et quand ces amies lui demandent si elle recommencera, « ne comptez pas sur moi, répond-elle amèrement, les frais d’hôpital sont beaucoup trop chers, on a pas les moyens ! ».
Pensez-donc, à l’hôpital, son sauvetage s’est soldé par 3.900 yuans de frais, dont (s’agissant d’un suicide) l’assurance-maladie ne veut rien entendre parler. Ces frais resteront un sujet de litige avec son homme, jusqu’à son dernier souffle !


Rendez-vous : du 22 au 28 septembre 2014
du 22 au 28 septembre 2014

23-25 septembre, Pékin : COS+H, Salon de la sécurité des lieux d’occupation et de la santé

26 septembre-3 octobre, Pékin : Beijing Design Week

23-25 septembre, Pékin : VIV, Salon international de l’élevage intensif

23-27 septembre, Pékin : PT/Expo Comm China, Salon sur les télécom, internet et technologies sans fil

24-26 septembre, Shanghai : ANALYTICA, Salon de l’analyse, des biotechnologies, du diagnostic des technologies de laboratoire

24-27 septembre, Shanghai : Tube China, Salon des industries des tubes et tuyaux

24-27 septembre, Shanghai : Wire China, Salon international du câble et du fil

25 septembre, Taizhou : China PEC, Salon de l’industrie du plastique

25-26 septembre, Shanghai : MEDTEC China, Salon et Conférence des constructeurs de matériel médical

25-28 septembre, Shanghai : CDS, China Dental Show, Salon et conférence pour l’industrie dentaire

26-29 septembre, Chongqing : CIMAMOTOR, Salon de la moto en Chine