Le Vent de la Chine Numéro 26

du 5 au 11 juillet 2014

Editorial : Xi Jinping, la campagne double face

Coup de théâtre le 30 juin au journal télévisé : le Général Xu Caihou, ex-n°2 de l’armée jusqu’en 2012, était exclu du Parti, envoyé en cour martiale. Il entraînait dans sa chute Jiang Jiemin, ex-patron de la SASAC (la méga agence des consortia publics), Li Dongsheng ex-vice-ministre de la Sécurité Publique, et Wang Yongchun, l’ex-n°2 de la CNPC (Compagnie Nationale Pétrolière). 

Quel est le lien entre ces hommes aux profils si divers ? Tous sont vassaux de Zhou Yongkang, et furent placés par lui à des postes stratégiques du pouvoir. Maître absolu de 2002 à 2012 du pétrole et de toutes les polices, Zhou était ennemi de Xi Jinping, et peut-être impliqué dans un complot jamais élucidé avec Bo Xilai contre lui, fin 2012. Depuis son arrivée aux affaires, Xi négocie en interne auprès des alliés et obligés de Zhou, pour obtenir le procès de ce dernier.

Cette 1ère liste de limogés fut votée le 29/06 au Bureau Politique, pour corruption (notoire, au demeurant). 

Mais dès le 20 juin à Shanghai, un autre avis encore plus crucial avait été sollicité : en marge du Sommet asiatique CICA, Xi avait discrètement prié Jiang Zemin, Président de 1989 à 2002, d’approuver le principe de ces procès, à commencer par celui de Xu. Au nom de la règle d’impunité aux vieux dirigeants, Jiang avait d’abord refusé. Puis se ravisant, il accepta, « pour la santé du Parti, de le débarrasser des cellules cancéreuses », (cité par Willy Lam). Selon la rumeur, Jiang valida aussi le principe du procès de Zhou, mais ne céda pas sur le sort de Zeng Qinghong, son ex-vice-Président : « pour Zeng, rien ne doit se faire avant ma mort ». 

C’est donc un coup de fouet pour la campagne anti-corruption, dite « des 4 vices » (extravagance, hédonisme, abus de pouvoir, formalisme). Celle-ci crée une ambiance très spéciale, décrite par certains comme « terreur douce » : très inquiets, les fonctionnaires se terrent, ne décident ni ne disent plus rien, ou bien hurlent avec les loups et dénoncent à leur tour, pour se sauver… L’épilogue, le procès de Zhou, pourrait se tenir lors d’ un 4ème Plenum en août… 

Parmi les dernières prises de cette « chasse aux tigres » figure Liang Bo, vice-directeur électricité à l’Agence Nationale de l’Energie. Puis Ji Wenlin, Yu Gang et Tan Hong (le 02/07), tous trois des hommes de Zhou, et très hauts cadres. Tombent aussi deux hommes de Hu Jintao, le prédécesseur de Xi Jinping : Wan Qingliang, prometteur Secrétaire du Parti à Canton, et Ling Zhengce, haut cadre dans le Shanxi. 

Il se trouve qu’en mai dernier, Hu venait de prier Xi de brider sa campagne, au nom de la stabilité de l’appareil—une démarche qu’avait aussi faite Jiang. Mais la réponse de Xi apparaît un camouflet : Hu n’est même plus capable de protéger son clan. Envers Jiang Zemin, la différence de traitement est évidente : Xi s’est donné la peine de lui rendre une visite matinale en son fief de Shanghai, puis dans l’après-midi, se montra en ville accompagné de son fils Jiang Mianheng, qu’il protège ainsi implicitement des efforts de la police du Parti… 

Ainsi, sous couvert de campagne anti-corruption, Xi démantèle une à une les forteresses claniques, tout en cultivant l’image d’un conservateur solitaire. Elle est peut-être fausse,et sans doute de moins en moins populaire. Mais elle lui permet de brouiller les pistes : en politique chinoise, c’est une condition sine qua non du succès..


Economie : «JingJinJi », la mégalopole du futur

Retenez bien ce nom : «  JingJinJi » (京津冀), l’acronyme du futur grand Pékin, élargi à Tianjin et au Hebei, 130 millions habitants intra mu-ros interconnectés. Sur ordre de Xi Jinping, le plan directeur a été adopté au Conseil d’Etat : classé comme « stratégique », il embolisera 6790 milliards de $ de travaux sur ses 216.000 km². 

On en parle depuis 20 ans, mais les écarts de richesses (15.000$/an de revenu moyen à Pékin, 11.500$ à Tianjin, et seulement 6.300$ au Hebei) et le système du « hukou » (permis de résidence) ont tout bloqué jusqu’à présent. Exemple, une fille du Hebei qui épouse un Pékinois, n’a pas accès (ni leurs enfants plus tard) aux hôpitaux et écoles de la capitale, qui sont bien meilleurs. La ville de Pékin, les familles elles-mêmes, veillent jalousement à conserver ces privilèges.

Il faudrait aussi remiser des réflexes d’économie planifiée telle l’appartenance à une unité de travail (« danwei ») et permettre, par exemple à un habitant de Handan (au Sud du Hebei) d’accéder à des services de qualité (santé, transport, banques) en allant à Miyun (au Nord), en un temps record, sans passer par Pékin. 

Or, si Li Keqiang et Xi Jinping veulent intégrer la région, c’est qu’ils la voient fonctionner très en dessous de son potentiel, payant au prix fort ses égoïsmes locaux : avec 1000 milliards de $ de PIB en 2013, elle atteint le niveau de la Corée du Sud qui est 3 fois moins peuplée (donc 3 fois plus riche). Et quoique riveraine d’un gol-fe de Bohai avec sa façade maritime en or, elle n’est que 3ème poumon économique du pays, derrière Shanghai et Canton. 

De même, son incohérence industrielle la réduit à produire « pour l’intérieur », à petits prix et faible technologie. Elle n’exporte que 15% de son PIB, contre 60% au delta du Yangtzé et 63% à celui des Perles. Face à Shanghai ou à Canton, elle est la belle au bois socialiste dormant.

En Chine du Nord, toucher aux privilèges de Pékin et/ou des cadres, et donner aux citoyens des outils pour s’organiser sont des discours qui sentent toujours le soufre. C’est une des raisons pour lesquelles les leaders précédents n’ont pas réalisé plus tôt cette grande région, et se sont consacrés à d’autres grands ateliers (tel le rattrapage du Grand-Ouest).

Futur TianjinAussi à présent, tout reste à faire : Gao Jinghao, directeur des transports du Hebei, veut mailler le territoire d’un réseau serré routier et ferré, avec cartes de transport uniques et prix subventionnés. Deux nouveaux périphériques sont adoptés : un 7ème de 940 km entre Zhangjiakou (Ouest) et Chengde (Nord-Est), suivi d’un 8ème de 1250 km sur ce même parcours, additionné de Tianjin (cf photo), Baoding et Tangshan. Quatre autoroutes transversales Nord-Sud, autant dans le sens Est-Ouest désenclaveront tous les cantons. Des TGV raccourciront la route vers Shenyang ou Zhangjiakou. Quatre ports maritimes et deux aéroports verront le jour. 

Un plan d’occupation des sols émerge. L’environnement sera roi. Le Hebei hériterait des industries lourdes, Tianjin des légères, Pékin des servi-ces. Le hukou disparaîtrait, au profit de la libre circulation des travailleurs. Le commerce de gros et certains ministères seraient délocalisés.

Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Les problèmes non résolus sautent aux yeux. Pékin ne peut espérer couper sa pollution en déplaçant ses industries sales à 100 km, tout en interdisant aux vents de ramener vers elle le soufre, le CO2 et les PM2,5 émis depuis les nouveaux sites. 

Il ne peut pas plus forcer ses cadres ou petits commerçants à partir refaire leur vie à Tangshan, sans cliniques, cinémas et restaurants de qualité pour les accueillir, et à des salaires moins élevés. Il faudrait bien sûr que des dizaines d’organes de contrôle disparaissent, tout comme les barrières intérieures, et que les mairies cessent de subventionner à perte leurs PME polluantes. Il faudrait aussi que disparaisse le « 7ème périph » actuel, comme on l’appelle par dérision : les couronnes de déchets non traités, autour des villes…


Hong Kong : Hong Kong – « Occupy Central », un message à la Chine

Mardi 1er juillet, Hong Kong fêta le 17e anniversaire de son retour à la Chine, d’une manière peu appréciée par Pékin : 510 000 citadins se rassemblèrent pour marcher contre les entailles à leurs libertés, et la brume qui s’accumule sur le scrutin de 2017 (pour le Chief Executive) et 2020 (pour l’Assemblée).

Dès 1984, Pékin s’était engagé vis-à-vis du Royaume-Uni (l’ancienne puissance coloniale) à introduire le suffrage universel mais sans en définir les modalités. D’où, depuis lors, un dialogue de sourds. 

Jusqu’en 2010, Chinois et Hongkongais firent encore mine de se comprendre. Mais quand vint la récession et l’augmentation du coût de la vie, les insulaires commencèrent à imputer tous leurs maux à la Chine, de la valse des prix de l’immobilier au manque d’hygiène ou de discrétion de ses touristes. 

Fin mai, Pékin commit l’acte qui déclencha la résistance en publiant un « Livre Blanc » sur la Région Administrative Spéciale, premier du genre depuis son rattachement à la RPC. D’un ton ferme, il rappelait que tout privilège concédé à la RAS, demeurait à sa discrétion et non gravé dans le marbre. 

Ce brûlot fit bouillir le sang de plus d’un : à 3 ans du scrutin, les insulaires craignent que Pékin ne leur prépare une élection « bidon », de candidats à sa solde… 

Aussi sur le « Rocher », en guise de réponse, les mouvements libertaires lancèrent la campagne « Occupy Central » : un référendum sur 10 jours (20-29/06), sur internet et dans 21 bureaux de vote, pour permettre aux votants de choisir leur mode de scrutin préféré, parmi 3 options -toutes récusées par la Chine. Les organisateurs visaient 100.000 réponses, ils en obtinrent 800.000

Pékin réagit avec fureur, criant à la « farce » illégale. C’est que les libertaires, suite à leur mobilisation, osaient aussi appeler à la manif’, où l’on viendrait marcher tant pour des élections libres, que contre la puissance de tutelle ! 

Pékin ne manque pas de souligner ce fait indéniable : sur cette exigence de scrutin non manipulé, Hong Kong n’est pas unanime. Car en 130 ans d’ administration du « rocher », Londres n’avait ressenti l’urgence d’octroyer la démocratie que durant les derniè-res années. Certes, la jeunesse diplômée la réclame, comme le terreau primordial pour lui permettre de s’organiser économiquement et de conserver son excellence, son avance sur une Chine dont la créativité reste bridée par l’autoritarisme. 

Mais la génération précédente elle, connaît la Chine et craint de la provoquer. Elle ne veut pas revivre les violences totalitaires de sa jeunesse. De même, les grandes fortunes et les milieux financiers étrangers ne veulent pas saper leur rapport privilégié avec Pékin, la corne d’abondan-ce de leurs fortunes respectives. 

Hong Kong Manif DemocratieCela dit, ni ces obstacles, ni la pluie n’ont gâché la marche du 1 juillet : 5 heures après le lancement, des masses de manifestants s’amassaient encore au point de départ, avec slogans, bannières et parapluies. 

La participation atteignait 510.000 selon les organisateurs et pulvérisa ainsi tous les records depuis 2003 – un message ferme à l’attention de Pékin. 

Toutefois, sur la manière dont ce défi aura été perçu dans les sphères dirigeantes, les sons de cloche divergent. La presse suggère qu’elle ne se laissera pas impressionner par la rue. 

Pourtant, un analyste local nous confie que ce tournant intransigeant dans le rapport avec Hong Kong ne serait pas l’œuvre de Xi Jinping, mais celle du Président du Parlement, Zhang Dejiang, en charge des affaires hongkongaises, ce qui pourrait refléter un conflit au sein de l’appareil. 

Xi aurait volontairement laissé le clan conservateur briser la voix libertaire de Hong Kong, au risque de laisser le pouvoir s’enferrer dans un conflit ingagnable, et de devoir ensuite, dans le feu d’une crise, changer de responsable et de politique. 

Que cette théorie se vérifie ou non, la politique chinoise est souvent faite ainsi. Mais ce qui est sûr, est que les rapports sino-hongkongais atteignent une étape cruciale : ça passe, ou ça casse !


Société : Les ONG « étrangères » sous la loupe

La Chine compterait sur son sol 4000 ONG étrangères, et 1000 chinoises conseillées ou financées par l’étranger. Or depuis 2 mois, une campagne se déploie pour « vérifier » leur travail, sous l’angle sécuritaire.  

C’est apparemment l’une des premières décisions à l’actif de la Commission de Sécurité d’Etat, présidée par Xi Jinping : les provinces du Shanxi, de l’Anhui, du Fujian et du Guangdong ont reçu des instructions en ce sens. Lancée en mars, la campagne doit se conclure à la fin de ce mois. 

Sa raison d’être n°1 est de vérifier que ces ONG ne sont pas en train de propager des « valeurs universelles ». 

Dans cette campagne, on croit d’abord détecter l’influence de la Russie voisine, qui a introduit début 2014 la même recette de surveillance des ONG étrangères. C’est un effet plausible de l’admiration réelle de Xi Jinping envers V. Poutine, le grand oligarque de l’empire russe. 

Autre raison : l’opinion. De même qu’en Europe, les piques contre « Bruxelles » volent à tout vent tandis que ses soutiens restent cois, en Chine les admirateurs des Etats-Unis se taisent et leurs détracteurs crient : sous ce feu polémique anti-Ouest, la campagne contre les ONG, pour le régime, est tout bénéfice. Elle peut dénoncer deux types de risques pour la nation :

– les révélations faites par Edward Snowden sur la puissance des réseaux des agences américaines NSA et CIA à travers le monde, ont ravivé la hantise traditionnelle chinoise, vis-à-vis d’une pénétration étrangère et d’un soutien aux opposants contre le pouvoir légitime du Parti ; 

– les dernières années furent marquées par une recrudescence de sectes chrétiennes dans le Grand Ouest chinois…Les restaurants, écoles ou auberges qu’elles ouvrent, servent de couverture à une œuvre d’évangélisation. La Chine a d’abord laissé faire cette concurrence au lamaïsme tibétain. Mais la campagne en cours peut signifier qu’elle commence à s’en soucier. 

Pour l’heure, la campagne ressemble à un état des lieux, rassemblant des données sur l’activité avant de décider d’une action future. Mais force est d’admettre que la promesse de Li Keqiang, 18 mois en arrière, d’assouplir les conditions d’enregistrement et de vie, ne semble pas avoir avancé d’un pas. 


Environnement : Vol de nuit sur la Chine « verte »

Du 16 au 27 juin, sustentée de caméras thermiques, une escadrille de drones du ministère de l’Environnement, a arpenté 1000 km² en quête d’usines relâchant leurs effluents la nuit. Ils ont surpris une unité des aciéries du Hebei (n°1 national), la fonderie d’aluminium Huaze (Shanxi) et le groupe carbochimique Yihua (Mongolie Intérieure). Au palmarès, 25% des 254 usines survolées avaient des choses à se reprocher. Bilan de Chen Shanrong, le vice-ministre, « désormais les pollueurs nocturnes n’auront nulle part où se cacher ». La nuit, tous les chats ne seront plus gris !

Le même drone pourra aider le Conseil d’Etat à imposer sa nouvelle loi de construction d’édifices publics, qui bannit tout luxe, telle les salles de banquet. Tout chantier surpris en flagrant délit sera arrêté, voire démoli. À condition bien sûr qu’un corps de police soit équipé de drones. Mais ceci est probable, suivant l’exemple des militaires. Selon Business Insider, en 2022, le marché mondial du drone de défense vaudra 8200 milliards de $, et la Chine et la Russie, premiers marchés. 

Pour revenir à la protection de l’environnement, la Cour Suprême a annoncé (15/06) à Pékin la naissance de sa petite dernière, une cour suprême environnementale qui servira à formuler les interprétations légales unifiées au bénéfice des 134 tribunaux verts que compte désormais le pays. Depuis le 30/06, cette instance écologique a aussi son Président : le juge Deng Xuelin, prêt à formuler son premier arrêt. 

Dernière nouvelle insolite : pour convaincre les cadres de faire appliquer à travers le Zhejiang les normes de qualité de l’eau, Mao Linsheng, vice-directeur au Parlement provincial, prétend forcer d’ici le 14 juillet un bon nombre d’entre eux à plonger dans une des rivières locales, quoique 80% de ces cours soient sérieusement pollués… Mao Linsheng n’a toutefois pas publié la liste des heureux élus, ni le site envisagé. En tout état de cause, cette mesure a causé un tollé général des média et sur internet. C’est une façon comme une autre de susciter le débat !


Sport : L’avenir du football français : le mécénat chinois ?

JV sino-japonaise d’ascenseurs à Shanghai en 1987, puis firme chinoise à 100%, Sanei cherchait à pénétrer le marché européen, surtout français. Mais pour vendre, il faut se faire connaitre ! 

C’est alors qu’en 2010, leur distributeur français, basé dans l’Yonne, proposa à Wu Jianhua, son Président à Shanghai, de sponsoriser une équipe de football : le Stade de Reims, au glorieux passé (six titres de champion de France), en Ligue 2 à l’époque.

La chance du Stade du Reims, fut qu’à 61 ans, Wu Jianhua avait été bercé depuis l’enfance par des noms tel celui de Raymond Kopa, Ballon d’Or en 1958. Rapidement, les deux parties se mirent d’accord sur un modeste chèque de 100.000 euros, en échange du logo de Sanei sur le short des joueurs. Il ne fallut que quelques matches à Sanei, pour constater son retour sur investissement, les téléspectateurs commençant à reconnaître la marque au premier coup d’œil.

Depuis lors, la coopération n’a fait que croître et embellir, tout comme les résultats du onze rémois, remontés en Ligue 1 depuis 2012. Aussi en 2013, Sanei osa s’engager pour 950.000 euros par an, devenant ainsi sur 3 ans, sponsor principal : son logo apparaît désormais sur l’avant des maillots du Stade de Reims (cf photo).

Pour Sanei, cet investissement lui permet de se faire connaître en France, mais aussi de faire la différence par rapport aux concurrents en Chine. Sur son stand dans les salons et foires, Sanei offre aux visiteurs des ballons de foot et rediffuse les scènes phares de ce match de mars 2013 où « son » équipe défit le PSG. 

Le club de son côté, se sent pousser des ailes, préparant une tournée asiatique et une coopération technique avec des clubs chinois.

C’est ainsi que deux entités de taille moyenne (un club français 11ème en L1 en 2014, une PME aux 50 millions d’€ de CA l’an passé en France) réalisaient une première pour les deux pays.

Depuis, ils ont été suivis par deux poids lourds : le PSG, champion de L1, et Huawei, géant des télécoms, qui signèrent en avril 2014 un plan de sponsoring sur trois ans pour 1,3 million d’€ par an.
Le hasard faisant bien les choses, la prochaine saison de L1 débute à Reims contre… le PSG ! Les média chinois ne manqueront pas de braquer leurs projecteurs sur ce match…
Du coup, bien des clubs se mettent à rêver en chinois. Dès décembre 2013, l’AJ Auxerre lançait un appel clair au marché Céleste. Plus fin, l’AC Ajaccio présentait sur ses maillots, en mandarin ses vœux pour l’année du Cheval !

La Ligue de Football Professionnel (LFP) et la Fédération Française du ballon rond (FFF) vont pour leur part donner le premier coup de sifflet du Trophée des Champions (le premier en Asie) le 2 août à Pékin, match amical entre vainqueurs de la Ligue 1 et (PSG) et de la Coupe (EA Guingamp). Ceci lui permettra de combler son retard de notoriété en Chine par rapport à la Bundesliga ou la Premier League. 

Sponsoring : et les autres sports ?

Ji Cheng Cyclisme

Ces derniers mois, avec le 50ème anniversaire des relations France-Chine et le récent intérêt de l’économie Céleste à venir se développer en France (Ctrip, Lenovo, China Eastern & Southern, Haier…), le climat est favorable au sponsoring sportif. On peut imaginer de telles coopérations dans d’autres sports ou compétitions : pourquoi pas le cyclisme avec le Tour de France (où Ji Cheng, premier coureur chinois participe cette année – équipe Giant-Shimano, cf photo), ou le tennis avec Roland Garros ?

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Il est tout de même une limite que les mécènes chinois n’ont pas encore franchie, à l’inverse d’intérêts russes ou Qataris : le rachat d’un club étranger. Il faut dire que la dernière tentative a pu ramener un peu de sobriété chez des financiers chinois voulant aller trop vite : le tycoon hongkongais Carson Yeung avait racheté le FC Birmingham (Angleterre) en 2007 – mais ce fut pour passer derrière les barreaux 4 ans plus tard, pour 6 ans, pour blanchiment de 55 millions de £…

Pour l’instant, les financiers chinois préfèrent donc investir dans le football local—peut-être plus turbulent et moins stable, mais plus à portée des yeux. Jack Ma, patron d’ Alibaba (n°1 mondial du commerce en ligne) se réveille un beau matin du 8 juin avec un mal de crâne, et 50% des parts du Guangzhou Evergrande, triple champion de Ligue et champion d’Asie en 2014 (ce qui est une première) : prix payé pour cette « danseuse », 192 millions de $. Pas vraiment adepte du ballon rond, Ma voit dans cette dépense une très bonne affaire : 50% du temps de diffusion sportive à la CCTV, tous sports confondus, revenant au football, et Ma compte sur l’Evergrande pour continuer à surfer sur les victoires, vu les efforts constants du Club à acquérir des talents, tel son entraîneur italien Marcello Lippi. 

Evergrande a surtout une botte secrète : son partenariat avec le Real Madrid, pour créer la plus grande académie de foot du monde, avec 50 terrains et 2000 élèves. Evergrande inaugurera aussi à la rentrée un centre de formation à Madrid, devant accueillir 25 de ses propres joueurs pour 3 ans. 

En se dotant de tels moyens, la Chine espère se retrouver au plus vite parmi les 32 équipes sélectionnées pour la Coupe du Monde (sur son sol, idéalement), à l’instar du Japon ou de la Corée du Sud !


Vent de la Chine : Chers abonnés, votre avis nous intéresse !
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Les résultats de cette enquête de satisfaction seront publiés le 14 juillet dans Le Vent de la Chine n°27.

Un grand merci,

L’équipe du Vent de la Chine.


Petit Peuple : Linyi – l’odyssée d’un marin pauvre, deux fois sauvé des eaux (2ème partie)

Parti de Weihai (Shandong), Sun Zhenlong, pêcheur, avait basculé en mer, une nuit d’octobre 2010. Un chalutier l’avait sauvé mais réduit en esclavage.

Désormais chaque jour, de l’aube à la nuit, pour éviter les coups, Sun dut obéir aux 1000 ordres qui lui étaient donnés. Le jour, sous l’écrasant soleil, on lui faisait lancer et rembobiner les lignes. 

La nuit, il était toujours de l’équipe qui plongeait le chalut puis le remontait à l’aube, lourd de la pêche frissonnante et visqueuse. Il devait aussi remailler les filets, faire la plonge, assister le mécano… Pour se nourrir, on lui donnait les fonds de gamelles, quand il en restait. 

Partager la vie, le dortoir de ses ravisseurs aurait dû créer des liens – après tout, il leur devait la vie et puis, ils étaient Chinois comme lui. Mais non, l’amitié ne fut jamais au rendez-vous. Ces hommes au dialecte rauque se moquaient de son accent du Shandong, et méprisaient ce pauvre type qui s’était fait prendre comme un rat.

Le capitaine, homme cupide, les avait chapitrés : un pour tous, tous pour un, ils se partageaient le fruit du travail de Sun. Aussi, chacun avait la responsabilité de le surveiller. Aussi Sun était devenu leur chien, voire même un peu moins : un chien, au moins, on lui parle ! Au bout de quelques semaines, il n’eut plus idée du jour ni de l’heure… 

Quand la cuve à glace et à poissons était pleine, toutes les 3 semaines, Sun était mis aux fers, à fond de cale. Le navire regagnait le quai, déchargeait, refaisait le plein en fuel, eau douce et glace, avant de repartir après deux jours de perm’ – pour tous sauf lui. 

Le pire arrivait, fin de chaque hiver : son stage dans le noir durait 10 jours sans personne à bord. Seuls les craquements secs des pétards lui apprenaient que c’était la fête du printemps (Nouvel An). Il imaginait les gars dormant avec leurs femmes, choyant leurs enfants. Abandonné, Sun se sentait devenir fou et désirait la mort.

Sa solitude ne se brisait que quelques secondes le soir, temps pour un geôlier d’entrouvrir la trappe, lui balancer un bol de riz, une bouteille d’eau—sans rien dire. Sun s’en voulait amèrement de s’être jeté « dans la gueule du loup » en se faisant sauver par ce navire-là. 

Après chaque printemps, des visages disparaissaient, remplacés par d’autres – lui seul restait. Pour échapper à ce cauchemar, il se forçait à des exercices de mémoire, comme se réciter sans cesse le téléphone de sa femme, la date de naissance de son fils, sa généalogie.

Après trois ans sous surveillance de chaque seconde, il perdit espoir de recouvrer un jour la liberté. Il ne demanda plus à être libéré, et cessa de tendre le regard vers l’horizon, la côte. De ce fait, les marins relâchèrent leur surveillance : à leurs yeux, il faisait partie des meubles, un être insignifiant et sans volonté propre. La nuit, on avait cessé de l’entraver. 

Et voilà que contre toute attente, la nuit du 7 juin 2014, quelque chose se produisit, déclic de retour à la révolte. Sur sa paillasse, il fit un rêve : il na-geait vers la côte. Sur la plage éclairée de chandelles, sa femme courait vers lui pieds nus dans le sable, ils s’étreignaient. Il s’éveilla en sursaut. 

Autour de lui dans ce dortoir ouvert au ciel par la proue, tous dormaient. Mais au loin derrière l’obscur, la côte apparaissait, ligne de lumières scintillantes, d’une proximité illusoire comme un mirage.

Avec la souplesse d’un chat, Sun se leva sans même se rendre compte qu’il était en train de partir comme il était venu. Tel un somnambule. Il contourna un à un les dormeurs. Arrivé à la coursive, en proue, il détacha un flotteur, se l’attacha avec sa corde autour de la taille. Il enjamba le bastingage, retenant son souffle : dans l’angle mort de la timonerie – l’homme de quart ne pouvait pas le voir. 

Se retenant à la rambarde, il se suspendit par les mains au bordé de la coque, puis lâcha – le bruit du plongeon fut étouffé par le grondement du moteur à petite vitesse. Il fit encore rapidement quelques brassées pour s’écarter et éviter de se retrouver pris dans le chalut. Il était libre ! 

Aidé par le flotteur, il mit de longues heures –six, peut-être- à atteindre la rive, ajustant sa direction et nageant en crabe pour combattre la dérive du courant, en direction de la tâche gros-sissante de lumières violentes – une ville, Lianyungang, en son Shandong natal, comme il l’apprendrait après. 

A mi-parcours, il enleva son gilet qui gênait ses mouvements. Enfin, alors que le soleil se levait et que ses ultimes forces l’abandonnaient, il eut pied. Mauvaise surprise : il se trouvait au bas d’une digue infranchissable. Il était faible, mais aussi très fier. Ses 1335 jours de captivité prenaient fin, et il avait gagné la bataille, en trouvant seul la porte de sortie à sa prison. 

Avant de sombrer dans l’inconscience, d’où les sauveteurs le tireraient le lendemain, il entendit sonner dans sa tête le célèbre adage Chinois de ne jamais désespérer : « la mer amère est sans limites, mais le rivage est juste là derrière, si tu tour-nes la tête » (苦海无边,回头是岸 – kǔ hǎi wú biān, huí tóu shì’àn)*.

*Nous prenons le proverbe au sens littéral, et utilisons le droit de l’écrivain, de faire vivre les mots. Le sens classique bouddhiste, dit que : « c’est en se détournant des passions (en tournant la tête) que l’on se libère des souffrances » (la mer amère).


Rendez-vous : Semaine du 7 au 13 juillet 2014
Semaine du 7 au 13 juillet 2014

1er juillet : mise en application des accords de libre-échange entre la Suisse-Chine, et Islande-Chine

6-8 juillet, Pékin : Visite de Angela Merkel, Chancelière allemande, accompagnée de 20 patrons d’entreprises (Deutsche Bank, Airbus, Volkswagen, Lufthansa, Siemens, ThyssenKrupp…). Elle rencontrera Xi Jinping, Li Keqiang, Zhang Deqiang.

6-19 juillet, Tour cycliste professionnel du Lac Qinghai

8-11 juillet, Canton : CBD, Salon du bâtiment et de la décoration

9-11 juillet, Shanghai : Aluminium China

10-12 juillet, Chengdu : CEF, China Electronic Fair

10-12 juillet, Shenzhen : Salon du Textile

11-13 juillet, Xi’an : CNHE, Salon des équipements de chauffage et d’air conditionné


Rendez-vous : Miss Dior, vedette à Shanghai
Miss Dior, vedette à Shanghai

Au Shanghai Sculpture Space (du 20 juin au 20 juillet), sur la Huaihai Xi Road (l’ancienne avenue Joffre, du temps de la concession française), dans ce hall d’une ancienne usine désaffectée, se tient l’exposition « Miss Dior » 

Tout au long du parcours, une quarantaine des premières créations de l’emblématique couturier sont exposées, datant de ses débuts en 1947, aux années ‘60.

Fraiches comme au premier jour, les robes d’organdi blanc, de tulle noir aux fleurs de soie du « shantung », se dressent dans la galerie, sans avoir rien perdu de leur modernité. 

Cette expo gravite autour du parfum « Miss Dior », nommé en hommage à sa propre sœur, et est accompagnée de témoignages de l’époque et de la vie de Christian Dior : photos d’amis tel Jean Cocteau, portraits par Bernard Buffet ou Chagall, œuvres dadaïstes de Man Ray, rappellent l’effervescence artistique de cet après-guerre dans laquelle baigna le créateur…

16 oeuvres originales, inspirées par Miss Dior

Expo Miss Dior

L’apport inattendu et peut-être le plus remarquable de cette présentation, est une série de 16 œuvres et installations originales par des sculptrices, peintres, photographes, femmes artistes du monde entier (dont deux chinoises), destinées à célébrer la libération du beau sexe, telle que l’avait vue le couturier du n°30 avenue Montaigne à Paris.

Parmi les installations exposées, cette fresque animée (cf photo), signée par la libano-égyptienne Lara Baladi : dans une alcôve d’obscur, constellée d’étoiles et de brumes, un arbre déploie 1000 branches nues, parmi lesquelles flottent des petits personnages féminins, chantant ou dansant, vêtues ou dénudées, dans une course éphémère et erratique… 

Miss Dior ExpoCes œuvres parlent aux jeunes shanghaiennes, en mal de rêves et de renouer avec l’amour, le romantisme, les valeurs immatérielles.