Le Vent de la Chine Numéro 20

du 17 au 23 mai 2014

Editorial : Hangzhou – une manif écolo qui tourne mal

Manif Hangzhou'En 2012 à Ningbo (Zhejiang), des milliers de citadins se dressèrent contre une usine de paraxylène «  PX » toxique, forçant les autorités à déclarer l’abandon du projet, en catastrophe. À l’époque Tang Hao, chercheur à Canton, remarquait que « par chance, la manifestation avait été pacifique, mais que rien ne prouve qu’à l’avenir, elles le resteront ». 

C’était une parole prophétique : le 10/05 à Hangzhou (Zhejiang), une violente manifestation eut lieu contre un projet d’incinérateur de déchets, causant 39 blessés—citoyens et policiers. Des voitures de police furent caillassées, incendiées, et une autoroute, occupée. Ce projet est pourtant utile et urgent. Hangzhou produit 9000 tonnes de déchets par jour, au rythme de croissance 17% par an (2 fois plus vite qu’ailleurs en Chine), et ses réserves de dépôts d’ordures seront épuisées dans 6 ans. Il n’y a donc pas d’alternative à l’incinérateur qui, de plus, produit de l’énergie : 5 tonnes de déchets brûlés valent une tonne de houille. Le problème est que la population du canton de Zhongtai (le site prévu) n’a pas été consultée alors que les travaux sont imminents. Or Zhongtai est une villégiature aux portes de Hangzhou, et les résidents redoutent la puanteur d’une unité qui promet d’être la plus importante d’Asie (3000 tonnes par jour dès la 1ère phase). Surtout, si la technologie n’est pas au plus haut niveau, ils craignent des émanations de dioxine cancérigène et de mercure. 

Face aux débordements, les pouvoirs publics réagirent en deux temps, et de façon incohérente. Durant les émeutes, la mairie promit que le projet serait « gelé, le temps de dialoguer, voire abandonné s’il ne convainquait pas la population ». Puis le lendemain, elle publia les photos de 15 « vandales », et fit arrêter 60 manifestants en 24 heures, dénoncés ou identifiés par les caméras de surveillance. Ce revirement s’explique par la violence de la manifestation, qui a surpris les autorités : pour une manif écologique, virer aux déprédations est rare en Chine. Une autre raison est que le Zhejiang est aussi un des fiefs historiques du chef de l’Etat Xi Jinping, et le Parti s’y trouve ouvertement défié. Cette tension est aussi le fruit de l’incapacité du régime à changer de modèle de communication. Sous réserve d’inventaire, les autorités ont tenu leur parole en 2012, à propos de l’unité PX de Ningbo. Mais pour d’autres, ce ne fut pas le cas… 
De même en novembre 2012, Zhou Shengxian, le ministre de l’Environnement promettait que tout chantier industriel « majeur » subirait a priori une « évaluation sociale de risque ». Or pour Hangzhou, cela n’a pas eu lieu. De même, la loi de protection de l’environnement en gestation, exclut pour l’heure toute possibilité aux ONG privées de représenter les citoyens dans tout débat de choix environnemental avec l’Etat. 

Dans un autre domaine, lors du Séminaire franco-chinois de Sécurité Alimentaire (12-15/05 – coorganisé par Carrefour, Institut Mérieux, Danone), Xu Jinghe, juriste à la China Food & Drug Administration, citait l’avancement de la réforme et le travail de fond en cours pour créer, clarifier et faire appliquer les droits et interdictions, aux industriels de l’agroalimentaire. Mais là non plus, les associations de consommateurs n’ont pas été évoquées. Et le nœud du problème est là : les consommateurs, ce sont les « manifestants » de Hangzhou. L’Etat est prêt à les défendre, mais pas à les écouter. À refuser de les associer aux choix environnementaux, la seule place qu’on leur laisse pour défendre leurs intérêts, est la rue.


Agroalimentaire : Le café au Yunnan : Nestlé et le sauf qualitatif du « 4C » (2ème partie)

Suite de notre reportage sur le projet « Café » de Nestlé au Yunnan. 

À la tête de son exploitation de café de 20 hectares, qu’il cultive depuis 1997, le père Liao, 70 ans, produit 4 tonnes par ha, un rendement double de la moyenne. En 2008, ses deux enfants voulaient quitter la campagne pour la ville, et se trouver des emplois mieux payés et moins fatigants. Mais depuis, la prospérité de la ferme et l’enrichissement de la famille, les a fait changer d’avis : tous deux vont rester dans le métier, l’un va reprendre la ferme, l’autre se lance dans le négoce de cet or vert. C’est ainsi que le café offre soudain, au Yunnan, une chance de briser la courbe infernale de l’exode rural ! 

En 2011, après une décennie d’efforts, Wouter De Smet, manager du Centre Nestlé de Simao, et son équipe estimèrent les producteurs de café prêts à passer à l’étape suivante : l’agriculture durable, respectant le code de « bonne conduite » dit « 4C » (Common Code for the Coffee Communities), élaboré en 2003 conjointement par les communautés caféières du monde entier. 

Ce code poursuit quelques objectifs simples, pour éviter l’épuisement des sols et la pollution. Les pesticides chimiques sont interdits, les eaux usées sont recyclées, et les déchets deviennent engrais. La chasse est interdite, pour laisser les oiseaux combattre les insectes. Le travail des enfants est banni. Et chaque ferme désormais, doit tenir un livre de comptes, fourni par Nestlé, permettant d’enregistrer les travaux quotidiens. Ainsi, le paysan prend conscience de ses coûts (notamment l’usage des engrais, dont les fermiers chinois abusent souvent). 

Ce passage au « 4C » suppose donc un investissement, à leur charge. En échange, ils reçoivent quelques bonus, telle la fourniture gratuite d’arbustes pour la biodiversité (protégeant les caféiers l’été contre la sécheresse, l’hiver contre le gel), ou les commandes groupées d’engrais à 20-30% moins cher.
Nestlé leur offrit trois ans pour se conformer à ces règles, et à la prochaine saison 2014, seules les fermes « 4C » pourront fournir Nestlé. 

Zhang Kui Family« Au début, nous étions soucieux, se rappelle De Smet. Pourquoi les paysans accepteraient-ils d’investir pour passer au « 4C », sans les payer davantage ? Mais très vite, on a été rassurés. Alors que le temps normal de conversion d’une ferme est de 6 mois, certains fermiers étaient prêts après seulement 60 jours ! Nous avons alors réalisé que ce dont les paysans avaient le plus besoin, était d’être reconnus et valorisés par le label « 4C », arboré fièrement par une plaque d’acier, affichée à l’entrée de la ferme (cf photo) ».

En mai 2014, Nestlé compte 3 « unités » de 1429 exploitations, faisant vivre 25,176 habitants. 416 autres sont en cours de labélisation pour rejoindre une 4ème unité en novembre. La plus petite ferme fait 0,4 hectares (900 kg par an) et la plus grande, 453ha (890 tonnes). Mais quelle que soit la taille, le coût de la vérification « 4C » est le même, et c’est Nestlé qui sollicite et finance l’inspection des fermes par le secrétariat mondial « 4C ».

La règle du jeu est stricte et connue de tous. Dans chaque unité, quelques fermes sont choisies au hasard par des inspecteurs venus de l’étranger : qu’une seule soit prise à frauder (par exemple, en employant des pesticides interdits), et c’est toute l’unité qui perd le statut « 4C ».

Une particularité chinoise 

Toutefois, Nestlé s’est trouvé confronté à une contradiction spécifique du monde rural chinois—l’individualisme, la méfiance envers l’infrastructure coopérative. Chaque ferme doit investir dans un équipement coûteux, entre machines et bassins de décantation pour extraire la fève de la baie. C’est un gaspillage, car ces équipements qui ne servent que quelques semaines par an, pourraient être partagés. 

« C’est vrai, admet De Smet, bien que les paysans s’entraident pour les tâches difficiles, nous n’avons pas réussi à les convaincre de partager le matériel ». Ce qui s’explique peut-être par le souvenir encore frais du collectivisme obligatoire par le passé…Peut-être que d’ici une génération, les mentalités auront changé, et ils seront moins rebutés par cette idée.
Toujours est-il que partant du projet de s’approvisionner en fèves de café, Nestlé,presque sans s’en rendre compte, a réalisé un tour de force en lançant une double révolution locale, avec une bénédiction des autorités : il a doté les fermiers d’une organisation autonome du Parti, et leur a permis de se lancer dans un type d’agriculture spéculative et écologique.
Quand on découvre que l’investissement de Nestlé pour ce projet, depuis 2002, a été de 6 millions de $, on se dit que rarement une mini-révolution agraire aura été menée en si peu de temps, et à si bon compte !

Retrouvez cet article en version anglaise sur le blog d’Eric Meyer - Forbes


Monde de l'entreprise : La potion amère de GSK (et la fin annoncée d’une époque)
La potion amère de GSK (et la fin annoncée d’une époque)

En juillet 2013, le scandale détonait dans le ciel des firmes étrangères en Chine : GSK, leader mondial de la pharmacie, était mis en examen pour corruption des médecins dans les hôpitaux. La fraude était majeure, jusqu’à 490 millions de $ ventilés sur un système de santé vulnérable, outrageusement sous-payé. 

Par cet agent dopant, GSK avait vu ses ventes locales fuser de 3,9 à 6,9 milliards de ¥ de 2009 à 2012. En 2013, elles ont reculé depuis de 20%, mais grâce à une baisse de taxation, le profit a augmenté de 21%. A la veille de l’enquête, M. Reilly, le PDG avait précipitamment quitté le pays, avant d’y retourner pour coopérer – il est depuis sous contrôle de la justice. 

Dix mois plus tard, l’autorité confirme ses accusations. Selon un avocat proche du cas, GSK risque une amende historique, et Reilly jusqu’à 10 ans fermes—quoique la corruption ait été la pratique de plus d’une entreprise en Chine, et que GSK l’ait commencée bien avant l’arrivée de Reilly, qui n’est donc pas coupable de l’avoir introduite. 

L’intérêt du cas GSK est toutefois ailleurs. En juillet 2013, nous commentions que cette affaire permettait à l’Etat de frapper l’étranger d’abord, les grands groupes chinois ensuite—ce qui n’avait pas manqué d’arriver, la compagnie nationale pétrolière CNPC en tête. A présent, on entend dire que la campagne anti-corruption s’essouffle, que son patron Wang Qishan est en quête d’une suite.
Il se dit aussi que le Plenum du Comité Central, qui se tient traditionnellement chaque année en octobre/novembre, pourrait être avancé. Cela permettrait de mettre un terme à la chasse aux corrompus (terme rendu nécessaire par la panne actuelle de la consommation et des investissements), sur un bouquet final en forme de procès de Zhou Yongkang. 

Selon un tel scénario, la campagne anti-corruption doit finir là où elle a commencé : par GSK. 

Et les jours se suivant sans se ressembler, on est tenté de voir une nouvelle campagne se dessiner —contre les pollueurs. Une compagnie vient de recevoir la plus forte amende jamais infligée en Chine pour cause d’atteinte à l’environnement, et c’est justement sur une entreprise étrangère que le choix des autorités s’est porté : le fabriquant de chaudières industrielles, Babcock & Wilcox (USA) doit payer 50.000$ d’amende pour « peintures nocives à l’air libre » dans Pékin. Le groupe américain va donc payer avant les autres, quoique l’état de la pollution industrielle étrangère soit notoirement moins critiquable que le local. Mais ensuite, les consortia chinois n’auront qu’à bien se tenir !


Diplomatie : Escalade en mer de Chine

Début mai, la Chine plongeait en crise la région de mer de Chine en installant une plateforme de forage à 221km des côtes du Vietnam. La HD-981, sa ville flottante à 800 millions d’euros, était protégée par une flottille de 86 navires civils et militaire (dont un sous-marin et un lance-missiles), contre les bateaux vietnamiens venus protester. 

C’est un vieux problème : au nom d’une carte dite « aux neufs pointillés » rédigée sous Chiang Kai-chek, la Chine socialiste revendique la globalité de la mer portant son nom. Or ces dernières années, son enrichissement lui a permis de construire une flotte militaire, avec laquelle elle harcèle aujourd’hui les pays riverains. Ce faisant, elle flatte une opinion cocardière, persuadée qu’il est temps, après des siècles d’humiliation, d’aller « récupérer son bien : la mer de Chine ».

Pour C. Thayer et T. Fravel, experts de ce dossier, ce geste de Pékin s’inclut dans une « stratégie préméditée d’affirmation territoriale », faisant suite à l’imposition en 2013 d’une zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) sur des eaux internationales. Cependant, en fin calculateur, tout en justifiant son geste comme « normal et légal », Pékin observe les réactions. 

Bon nombre d’experts, ainsi qu’un diplomate américain, croient que la Chine a décidé ce coup de poker, suite à la confiscation de la Crimée par la Russie à l’Ukraine, à laquelle l’Occident, Europe et Amérique, n’ont opposé que silence et sanctions symboliques. Face à Hanoi, Pékin savait ce qu’il faisait : ce gouvernement de conservateurs admire intensément la Chine et en dépend pour son développement. En octobre de passage à Hanoi, le premier ministre chinois Li Keqiang était reparti avec un soi-disant « accord » pour gérer ce conflit…

L’ASEAN appelle à la modération

Manifestation Anti Chine Vietnam

L’ASEAN de même, était gagnée d’avance à la Chine, qui y compte des vassaux comme le Cambodge. Le déplacement de la HD-981 avait été programmé la veille d’un sommet de l’organisation d’Asie du Sud-Est, tenue en Birmanie. Elle s’est conclue le 11/05 sans même citer la Chine, se bornant à appeler « toutes les parties à la modération », étalant ainsi à la face du monde son absence de solidarité. 

Mais ce que Pékin semble n’avoir pas prévu, est la fierté des Vietnamiens et leur combativité, qui a pris le pouvoir vietnamien en porte-à-faux. A partir du 10 mai, les manifestations déferlèrent, violentes. Au 16 mai, 400 usines avaient été incendiées, dont un parc industriel à 16 milliards d’euros en construction par Formosa Plastics (Taiwanais avec participation chinoise). Les médecins citent « au moins 21 morts » et des centaines de blessés, y compris parmi les services de sécurité vietnamiens. Epouvantés, des milliers de Chinois quittèrent le pays en catastrophe, aller simple.

Pris entre deux feux, le 1er ministre vietnamien envoya le 16 mai un message par SMS à des millions de concitoyens, ménageant la chèvre et le chou : « les protestations sont légitimes… mais les fauteurs de troubles seront punis »… 

On en est là : la Chine s’accroche à son exigence, mais le moment approche, où Pékin va devoir choisir : négocier avec ses voisins un partage, ou tenter le forcing pour emporter le tout – c’est sa position actuelle, et elle réitère sa volonté de ne pas lâcher « pas un cm² de son territoire sacré ». 

Quant aux Etats-Unis, durcissant le ton, ils affûtent un ultimatum : « en contact étroit avec Hanoi pour gérer l’avancée chinoise », ils déclarent que ces agissements « compromettent la capacité des deux pays de coopérer en Asie, voire même tout court ».

Les Philippines apportent leur soutien aux Etats-Unis

Philippines Chine Cree

C’est le moment que le Président philippin B. Aquino choisit pour publier une photo présentant des travaux chinois sur un atoll proche de ses côtes (Palawan). Manille attend le verdict d’une cour d’arbitrage de La Haye, suite à sa plainte contre la revendication chinoise sur la globalité de la mer de Chine du Sud. 

Aquino jette son poids dans la balance, offrant à l’US Air Force une base en pleine zone du litige. Ainsi, sur les sons qui reviennent de cette mer de Chine, impossible de se méprendre davantage : ce sont des bruits de bottes. Et depuis les années 1980 et le dernier conflit sino-vietnamien, rarement la Chine s’est retrouvée si isolée, avec pour seul allié certain, le Cambodge…


Petit Peuple : Shandong – Xiang Junfeng, l’éternel mariage (2ème partie)

La semaine dernière, (dans Le Vent de la Chine N°19) Xiang Junfeng, alors jeune demoiselle, avait été kidnappée et mariée de force au Shandong, avant de s’évader 15 ans plus tard, avec la complicité de son amie Xiaohua.

A vrai dire, en l’aidant, Zhu Xiaohua n’avait pas eu pour seuls mobiles la compassion et la solidarité féminine. Chez elle, à la ferme, Zhenliang, son balourd de frère, était toujours célibataire à 35 ans. Or, Xiaohua était une femme avec l’esprit de famille, sachant reconnaître les occasions quand elles se présentaient : n’y aurait-il pas moyen de retenir dans ses filets cette Junfeng à la dérive ? 

Par chance, à la longue, le calcul devait s’avérer juste. Pour ces deux êtres frappés par le destin, la rencontre fut la chance d’un nouveau départ. Piloté par sa sœur, Zhenliang protégea la fugitive, l’aida patiemment à se reconstruire, à faire sa mue de la peau d’animal blessé.

Au fil de ses années de convalescence, Junfeng sentit grandir sa gratitude envers le frère et la sœur. Zhenliang lui avait procuré un emploi stable : couturière à l’atelier de poupées du village. Elle avait des collègues, un métier, un salaire, du temps libre et enfin, gagnait de l’estime de soi. Elle adorait les attentions timides, la délicatesse de ce vieux garçon qui ne demandait rien en retour : au fil des mois et des années, tout cela fut « l’étincelle qui mit le feu à la plaine » (星火燎原, xing hua liao yuan). « Je n’avais connu qu’un homme violent et abuseur, devait-elle confesser plus tard, et une fois ma liberté retrouvée, j’évitais toute rencontre avec le sexe opposé. Mais en me traitant différemment et avec douceur, Zhengliang m’a aidé à sortir de ma coquille ». 

Xiang Junfeng AtelierAjoutons aussi qu’après et en dépit d’une première vie de couple calamiteuse, Junfeng ressentait la pression culturelle de se remarier. En Chine rurale passé un certain âge, une femme seule est une femme qui a raté sa vie. A l’égal d’une divorcée ou d’une veuve, sa respectabilité est proche du néant.

Le mariage eut lieu au printemps 2004. Junfeng avait exigé de convoler en blanc, avec une longue traîne, malgré le coût de cet habit rare – six mois de son salaire. 

Alors débuta sa légende, dépassant les frontières du canton et même de la province. A l’atelier, au marché, elle se remit à porter la tenue blanche aux 1000 plis. Sous le soleil et sous la pluie, de l’aube à la nuit, sans craindre de devoir la laver et la repasser chaque semaine. 

Et puis l’automne venu, pendant son temps libre à l’atelier, elle se confectionna encore une tenue nuptiale, couleur rubis cette fois, à la mode chinoise. Puis en hiver, une autre encore, émeraude, puis au printemps, une d’un beau brun tabac. Elle les arbora désormais comme sacre des saisons, et comme son propre calendrier révolutionnaire : la verte en germinal, la rouge au fructidor, la brune en vendémiaire et la blanche en nivôse. 

A dire vrai, son excentricité fit jaser au landernau – on la traita de folle ! Mais Junfeng n’en eut cure : « mon mariage fut le plus beau jour de ma vie, dit-elle, c’est pourquoi je le célèbre chaque jour, en portant ces accoutrements ». 

A ce qui nous semble, cette bizarrerie pourrait bien avoir une autre raison, complémentaire. En campant tous les jours dans son attirail de mariée, Junfeng étale le symptôme accusateur des 15 ans de violences dont elle fut l’objet. Elle rattrape ainsi le temps perdu du jeu et des rires, l’apanage des jeunes filles en fleur, dont elle fut privée : à 47 ans, par procuration, elle revit les années qui lui furent volée. 

Pour conclure, il faut bien avouer deux légères brumes qui planent sur le ciel d’azur de la nouvelle vie de Junfeng. En effet, les « mariés » ne peuvent pas encore enregistrer légalement leur union car lors de sa fuite, l’ex-mari furieux a brûlé ses papiers, tandis qu’au Sichuan, sa commune de naissance avait fini par la rayer des listes. Ce problème est en passe de se régler : la police du village, attendrie comme rarement, annonce qu’elle réfléchit à une solution. 

L’autre souci est plus sérieux : après 10 ans ensemble, ils n’ont toujours pas d’enfant. Mais tous deux savent bien que si le vieux mari avait laissé s’enfuir Junfeng, c’est parce qu’elle n’avait lui donner de descendance…Aussi, avec sagesse, ils se contentent de ce que le ciel leur a donné : à leurs yeux, ce cadeau est presque le paradis !


Chiffres de la semaine : 103 documents, 46 caméras, 820 000 repas par jour…

Come On Baby Télé Réalité46 caméras pour un documentaire-réalité sur l’accouchement

Deux jours avant la Fête des Mères, Shenzhen TV diffusa le 9 mai le premier épisode de son documentaire réalité « Viens, bébé ! »(来吧, 孩子!) qui filma trois futures mamans (avec leurs accords), avant le travail, pendant et après, à l’aide de 46 caméras dispersées dans les salles d’accouchements et salles de repos d’un hôpital shanghaien. 

Mais avis aux âmes sensibles : scalpel, césarienne et cris de douleur étaient au programme, ce qui choqua un partie de l’audience mais aussi le très conservateur « Global Times » qui titrait sans attendre  » la télé-réalité est-elle trop réelle pour la Chine ?  » A l’inverse, d’autres spectateurs se sont montrés plutôt enthousiastes envers ce programme « honnête », célébrant le courage des mères.

1000 yuans par dîner en moyenne

Selon une étude de la « Jiusan Society » (九三学社), un des 8 mini-partis d’opposition tolérés par le Parti Communiste, n’a pas manqué de révéler qu’en 2012, les fonctionnaires ont dépensé 300 milliards de yuans (soit 35 milliards d’euros) aux frais de l’Etat, en dîners et réceptions, soit 820,000 repas par jour, pour une moyenne de 1000 yuans par repas.

Frugalité

Une autre étude conduite en mars 2014 par le Bureau National des Statistiques, révèle que les fonctionnaires locaux sont plus sujets aux dépenses que les nationaux. 
Par exemple, un maire prenait en moyenne 15,1 repas par semaine aux frais de l’Etat, tandis que les haut cadres provinciaux ou centraux, seulement 1,3 à 1,1 fois par semaine.

Mais cela, c’était avant la campagne anti-corruption et de frugalité lancée par Xi Jinping fin 2012. Depuis, respectivement, ces chiffres sont tombés à 10,2 pour les maires en provinces, et 0,5 voire 0,2 pour les cadres du gouvernement central. Le vice-Président d’un conté provincial confessa que depuis, la province avait économisé 14 millions de yuans (1,64 millions d’euros) en repas et voyages. Les restaurants eux, ont vu en janvier et février 2013, leur chiffre d’affaires chuter de 35% à Pékin, 20% à Shanghai et 25% à Ninbgo (Zhejiang).

103 documents tout au long de la vie

Un délégué CCPPC de Guangzhou, Cao Zhiwei, 46 ans, a récemment mené l’enquête : en moyenne, tout au long de sa vie (cf frise sur la photo ci-dessous), un Chinois a besoin de 103 documents officiels durant les 6 étapes (naissance, avant école, à l’école, au travail, en retraite, après le décès), délivrés par 18 départements et 39 bureaux. 

Cao Zhiwei 103 Documents

M. Cao résume la situation : « on peut dire que les Chinois passent leur vie soit à obtenir des documents, soit à essayer de les obtenir ! C’est une véritable épreuve… »Pour obtenir ces 103 documents, il faudra soumettre son hukou 37 fois, sa carte d’identité 73 fois, fournir 50 photos pour obtenir 100 tampons – et durant la vie professionnelle, 59 documents seront nécessaires ! Le premier certificat est délivré avant même votre naissance, encore dans le ventre de votre mère…

Cao Zhiwei 103 Documents Schema


Rendez-vous : Semaine du 19 au 25 mai 2014
Semaine du 19 au 25 mai 2014

18-20 mai, Qingdao : CAHE, Rencontre internationale des professionnels pour l’élevage 

19-20 mai, Pékin / 21 mai à Canton / 22 et 23 mai à Shanghai: OIL China, Salon international des huiles d’olive et végétale 

20-22 mai, Shanghai : IFAT China, Salon de la purification de l’eau, du recyclage et du développement durable 

20-22 mai, Shanghai : SNEC – PV Power, Salon et Conférence sur l’énergie photovoltaïque 

20-23 mai, Pékin : Asia Pacific China Police, Salon international des technologies et équipements pour la police 

21-22 mai, Shanghai : Payment China, Salon sur le marché des moyens de paiement 

21-23 mai, Chengdu : API China / SINOPHEX, Salons de l’industrie pharmaceutique : matières premières, chimie fine, process de fabrication pour l’industrie médicale, machines et technologies 

21-23 mai, Shanghai : Bio-Forum, Forum international sur les biotechnologies et la pharmaceutique 

22-24 mai, Canton : INTERWINE China 

22-24 mai, Shanghai : BIOFACH, Salon et Congrès des produits bio