Le Vent de la Chine Numéro 2

du 12 au 18 janvier 2014

Editorial : Entrechats européens à Pékin

A Pékin, les 6-7 janvier, Michel Barnier, Commissaire européen au Marché intérieur et aux services, faisait le point avec le ministre des Finances Lou Jiwei (cf photo)  et les patrons des commissions (CBRC, CIRC, CSRS). 

Il s’agissait de convaincre la Chine d’avancer avec l’Europe, sur un dossier sur lequel les relations Chine/Occident buttent depuis 20 ans : l’ouverture de ses banques, assurances et services, au-delà des simples 2% du marché concédés à ce jour, après 15 ans d’OMC. 

En huit années de mandat à la Commission de Bruxelles, M. Barnier est un homme qui a appris comment préparer des décisions complexes avec des collègues d’autres pays, qu’il faut convaincre en dépassant l’écart des cultures. Aussi, à Pékin, il apportait de longues fiches en mandarin explicitant le travail réalisé dans l’UE depuis 2008 pour sortir de la crise : les directives et lois pour réduire la dette, les garde-fous aux 8300 banques et cette « construction révolutionnaire » de l’Union Bancaire qui vise à supprimer les garanties discrétionnaires des 28 Etats sur leurs banques. 

Les premiers fruits de l’effort de lutte anti-crise furent aussi évoqués. En 5 ans, le dépassement budgétaire des 28 Etats a été ramené de 7 à 3,2%, et l’endettement moyen, stabilisé à 95% du PIB – il devrait redescendre en 2015. Surtout, après une récession en 2013 de –0,4%, l’UE doit repasser à +1,1% de croissance en 2014 et 1,7% en 2015 : le pire est passé. Le commissaire pouvait affirmer que l’UE, frappée par la crise de 2008, « a fait ce qu’elle avait dit », et remercier Pékin « d’avoir gardé confiance en l’Euro ». 

Ce genre de discours n’a sans doute pas laissé les dirigeants chinois indifférents. En effet, toutes ces nouvelles formes de gestion testées dans l’UE depuis 5 ans, ont un air de famille avec les situations similaires en Chine : les dettes des Etats européens reflètent celles des 31 provinces chinoises, et les techniques pour forcer les pouvoirs nationaux européens à contenir leurs dépenses, pour les sauver de l’insolvabilité sous condition, pourraient donner l’inspiration sur la marche à suivre dans l’Empire du Milieu. 

Aussi avec l’équipe de Xi Jinping, M. Barnier plaida pour aller plus loin, afin d’échanger du développement dans des secteurs de pointe telle l’urbanisation ou l’environnement. Les négociations approchent (sans doute pour l’automne, après les élections européennes de mai) pour un traité bilatéral de protection des investissements, similaire à celui déjà en chantier entre l’Union et les USA. M. Barnier milite aussi pour une entrée chinoise au GPA, traité multilatéral (de l’OMC) à 17 signataires, sur l’ouverture mutuelle des marchés publics. 

La Chine est-elle prête, à ce stade, à adhérer à ces outils juridiques qui l’obligeraient à ouvrir ses marchés des assurances, des banques et ses marché publics ? « Trop tôt pour le dire, répond Barnier, mais la nouvelle équipe de Xi Jinping apporte une ouverture, un style frais indiscutable  ».

Mais un point est resté dans l’ombre durant le séjour pékinois du commissaire : Barnier est vice-président du PPE (centre droit), un des partis poids-lourds au Parlement européen, dont le prochain scrutin législatif désignera, en plus des élus de la prochaine législature, le Président de la commission, relayant le portugais Manuel Barroso. Sera nommé, en principe, le candidat du parti vainqueur. 

Le bruit court que Xi, en mars 2014, en route pour Paris, les Pays-Bas et Berlin, ferait aussi étape à Bruxelles – il aurait accepté cette invitation faite par Barroso. Une telle visite, dit M. Barnier, exprimerait la « reconnaissance par la Chine de la réalité européenne, en train de se consolider ». Il se trouve qu’elle coïnciderait, début mars, avec la sélection par le PPE de son poulain.

En tout cas, pas par hasard, Olli Rehn, autre commissaire candidat à ce même poste (actuel vice-Président de la Commission, chargé de l’Economie) arrive cette semaine à Pékin et M. Schulze, l’actuel Président du Parlement et candidat du groupe socialiste, cherche aussi une date pour s’y rendre. Aucun doute, pour le futur patron de l’administration eurocratique, le passage à Pékin est une étape incontournable.


Environnement : Pollution – les grandes manoeuvres se mettent en marche

Le 7 janvier, Chen Zhu, ex ministre de la Santé, écrit que le nombre de décès dus à la pollution de l’air ne seraient « que » 350.000 à 500.000 par an. Mais l’auteur d’une étude officielle de 2012 persiste : ils seraient bien 1,2 million par an à décéder prématurément, du smog. Ajoutons les 1,1 million par an de décès liés au tabac, tous adultes, dont la disparition appauvrit les enfants. L’Etat ne peut plus fermer les yeux. 

<p>– Côté tabac, la Commission nationale à la santé et au planning promet d’ici décembre 2014 l’interdiction de fumer en lieux publics. C’est un adieu à la passivité de rigueur jusqu’alors, au nom des taxes du tabac, 865 milliards ¥ (104 milliards de $) en 2013. Mais sous la pression des lobbies, Pékin renonce à tripler la taxe, comme suggéré par une équipe médicale britannique pour le nombre de fumeurs (350 millions et 870 millions de fumeurs passifs, essentiellement femmes et enfants dont 100.000 par an décèdent).

Face à la pollution, l’Etat vient d’imposer un quota par province, de -10 à -25% d’ici 2017 (-20% pour Shanghai) et -30% pour les industries lourdes, par rapport à 2012. Les cadres qui rateront l’objectif seront « invités à s’expliquer », leurs régions seront dénoncées en public, et interdites de subvention. 

L’Etat médite aussi sur les causes de son échec à mobiliser les provinces dans ce combat « vert » : l’une d’elle étant la peur de perdre ses emplois et la mentalité du « après vous ! ». Pour dépasser ce syndrome, l’Etat vient de coupler 4 entités du delta du Yangtzé (Jiangsu, Shanghai, Anhui, Zhejiang), les obligeant à gérer ensemble 10 objectifs tels le recul du charbon et des surcapacités industrielles, ou la promotion de la voiture propre. Le tout lié à des primes de résultat destinées à la poursuite de l’effort. Par ce biais, d’ici 2015, Shanghai va fermer toutes ses petites chaudières, supprimant ainsi 10 millions de tonnes de houille dans les airs. L’investissement central de dépollution de l’air sera de 277 milliards de $ sur 5 ans, visant le sauvetage de 200.000 personnes avant l’heure.

Un autre pôle est constitué au nord, entre Hebei, Tianjin, Pékin, Shanxi et Shandong. Brûlant 43% de toute la houille chinoise, cet épicentre de la pollution chinoise doit d’ici 2017 en économiser 80Mt. En compensation, une prime de 5 milliards ¥ vient de lui être versée, dont 2,6 milliards de ¥ au Hebei. 

En 2013, le Hebei fermait 8347 PME, 8 millions de tonnes de capacité d’acier et 17 millions de tonnes de ciment. De ce fait, sa croissance a été révisée à la baisse, de 8,5% à 8%. Son effort débute à peine : d’ici 2017, sur ses 250 millions de tonnes de capacité d’acier, il est prié d’en couper 60 millions de tonnes. 

Désormais, toutes les industries lourdes, sentant le vent tourner, demandent des technologies (y compris étrangères), pour améliorer leur efficacité énergétique. Les meilleures technologies promettent un « boost » de rendement de 18-22%, amorti en 3-4 ans. Ces groupes là seront les vainqueurs dans la course qui se profilent—mais seuls les plus gros peuvent gagner… Le combat n’est pas égal ! Quoique moins avancée que Pékin, une région comme le Hebei paie pour la capitale : ce sont ses emplois que l’on supprime. Le seul frein, étant la crainte de révolte sociale… 

De plus, la Chine ferme des mines près de Pékin, mais elle les rouvre 500 km plus à l’Ouest : elle vient d’autoriser 15 nouvelles mines, pour 100 millions de tonnes entre Shanxi et Mongolie – autant qu’en 2013. Ce qui revient à déplacer le problème !


Economie : Réforme du crédit : une première, timide salve

En douceur, le pouvoir entreprend de soigner sa finance. Dès le second semestre, le prêt spéculatif était inhibé de manière à limiter la dette des provinces. Dans l’attente des chiffres de décembre 2013, Bloomberg estime l’emprunt national à 8250 milliards de ¥ pour l’année 2013, soit 979 milliards de ¥ de moins (-12%). On peut comprendre le souci de Pékin : la dette de l’Etat qui faisait 128% du PIB en 2008, atteint 218% en 2013, préservant un taux de croissance de 7,6%, et devrait atteindre 271% en 2017, si rien n’est fait. Une fois de plus, l’économiste M. Pettis joue les Cassandre : à long terme, un tel taux de croissance est insoutenable.

<p>Selon une autre source, de janvier à novembre 2013, les compagnies fiduciaires (les trusts, plus forts acteurs du crédit gris) prêtaient 4620 milliards de ¥ de janvier à septembre 2013, dont 70% aux « institutionnels vulnérables » (provinces, promoteurs, industries redondantes – tous fruits du mariage entre une administration inamovible et un crédit débridé sans exigence de rentabilité). En novembre, ces prêts atteignaient 11% de tout le crédit de l’année, avec une hausse annuelle de 50%. Ceci indique bien leur vocation : le refinancement à taux plus élevé, de prêts que les emprunteurs ne parviennent pas à rembourser. 

C’est sur cette toile de fond qu’il faut observer le document n°107, projet de cadre du crédit, encore officieux mais qui circule. Rédaction collégiale de la Banque Centrale de Chine et des tutelles des banques, de l’assurance et de la bourse, il dresse des lignes directrices destinées à être précisées par les tutelles. A travers ce document, l’autorité se déjuge en partie, par rapport à son évaluation de décembre bien plus dure sur les prêteurs de l’ombre. Désormais, le crédit gris est décrit comme « inévitable et bénéfique… au citoyen ordinaire ». 

Ce document distingue les maisons opérant sans licence ni règlements (tel le crédit sur internet), celles licenciées mais mal réglementées, et celles licenciées et mal gérées comme les trusts. Ce sont ces derniers qu’il entend discipliner: les trusts devraient retourner à leur mission première, la gestion d’actifs, et renoncer aux prêts usuraires à risque, en collusion avec les banques. En tout cas, l’administration est claire sur un point : ces prêts, s’ils existent, ne peuvent en aucun cas être garantis mais restent clairement au risque de l’emprunteur. 

En même temps, le Conseil d’Etat annonce la préparation de « 3 à 5 premières banques privées », qui viendront rejoindre la Minsheng comme précurseurs de la banque non-étatique. Parmi les demandeurs, figurent les groupes Suning (1er distributeur national d’électroménager) et Tencent (poids lourd de l’internet social, notamment avec QQ et WeChat). 

Soyons clairs : de prime abord, ce texte a du mal à convaincre. Il est trop souple, trop indirect et évasif, laissant aux tutelles tout loisir de négocier entre elles les modalités d’application, et aux banques et aux trusts, de poursuivre leur fructueuse association. De même, le pouvoir central parle de freiner la croissance de la dette, mais reste muet sur les moyens pour la réduire. A ce jour, il semble encore passif, face aux pressions des banques et de leurs tutelles—comme « timide », face aux pressions des provinces. Au risque de vulnérabilité en cas de forte surchauffe.


Société : Raid sur le village de Boshe : la colère de Dieu

Boshe, près de Shenzhen, a un petit air (trompeur) de paradis, avec ses 1700 maisons proprettes chaulées, aux toits incurvés, ses canaux, la mer, et ses forêts centenaires de litchis… C’est pourtant là que le 29 décembre, à 4h du matin, frappait l’opération « tonnerre » contre cette cité du crime (cf photo). Les hélicoptères dardaient leurs projecteurs et haut-parleurs dans la nuit, les hors-bords zigzaguaient le long de la plage, et les 3000 hom-mes des brigades d’intervention enfonçaient les portes à coups de bottes, suivis de chiens renifleurs. Pour préserver le secret, ils avaient été dépêchés depuis d’autres provinces. 

<p>Deux policiers furent blessés par balle, et un autre renversé par un véhicule de bandits. A ce prix, 77 labos ainsi que 18 « nids » furent détruits. 182 mafieux arrêtés, 100 tonnes de matériaux de base et 260kg de kétamine étaient saisis. Enfin, 2995 kg d‘ice’ pure étaient saisis, d’une valeur de 9 milliards ¥ (1,2 milliard d’€). 

La molécule d’alcaloïde était produite à partir de deux filières : ◊ la plante éphédra une fois distillée, ◊ des gélules de Contact NT, vasoconstricteur produit par GSK à base de pseudoéphédrine. La rentabilité était immense : trois boites de Contact NT à 11,8¥/pièce suffisaient à créer 1 gramme d’ice, revendu entre 2000 et 3000¥. GSK « coopère avec la justice » pour prouver qu’il n’y est pour rien dans ce détournement de son produit. Déjà sur la sellette sur une autre affaire, le groupe pharma britannique n’avait pas besoin de ce souci en plus…

De toute manière, cet extraordinaire scandale démontre que les bandits ont pu trouver en paix tous les produits nécessaires pour raffiner la drogue et la distribuer : l’Etat et la loi n’avaient aucune emprise pendant des années. L’organisation clanique du village explique en partie ce succès du crime sr la société. Les clans se partageaient l’organisation, les fournitures, la production, la distribution (en Chine, et vers Hong Kong et Macao). L’argent achetait le silence et les soutiens : Cai Dongjia, le secrétaire local du Parti, avait pu faire libérer presque tous les trafiquants arrêtés depuis 2011, et quand on l’incarcéra à Huizhou (Canton) 8 heures avant le raid, il était en train de négocier la libération de son cousin Cai Lianghuo, le cerveau de toute cette mafia. 

Si la situation a perduré pendant trois ans, c’est qu’une défense formidable empêchait les descentes de police. À Lucheng, le chef-lieu, 21 policiers et cadres véreux prévenaient par téléphone: « couvrez-vous ce matin, il va pleuvoir ». En chemin, les guetteurs veillaient: les agents étaient pourchassés à coups de cailloux, de rafales d’AK47, voire kidnappés. Arrivés en ville, ils se voyaient opposer un « mur » de femmes, d’enfants et de vieillards.

Raid BosheÉbahis par leurs découvertes, les policiers manquent de bras pour confisquer tout ce fatras de substances et d’alambics. Bien des bandits se sont évanouis dans la nature. Le nettoyage devrait prendre un an, par 400 agents restés sur place. Mais 8 jours après, tous s’étaient repliés –la police, à Boshe, n’est pas en odeur de sainteté ! 

Pour l’avenir, depuis Pékin et Canton, le pouvoir parle – mais un peu tard – de créer d’autres emplois (fermiers, pêcheurs, micro-industrie) pour faire vivre le village tout en le détournant des paradis artificiels. Mais l’environnement, sols et rivières, sont terriblement pollués par la chimie sauvage tandis que la confiance locale est au plus bas : « Même nos filles et nos garçons ne trouvent plus à se marier », déplore-t-on. Toute une ville est à réinventer !


Technologies & Internet : Jeux vidéos : « je joue donc je suis »

Bannies depuis 13 ans de Chine, les consoles de jeu pourront désormais y être fabriquées et vendues librement. Mais cet interdit sélectif des machines made in Japan/USA avait laissé le champ libre aux jeux en ligne (made in China). 

Du coup, la jeunesse s’est habituée à ce type de jeu à bas prix, souvent en cybercafé (cf photo), avec 490 millions de joueurs en 2013 (+20%) et 10 milliards d’€ de recettes en 2012. 

Comme toutes les décisions impopulaires, le ban sur les consoles avait été contourné. Chaque année, 1 million de consoles Sony Playstation-4, Microsoft X-Box et autres Nintendo Wii passaient la frontière sous le manteau. 

De ces imports parallèles résultaient pour la Chine trois effets négatifs : elle ne recevait pas de taxes, ne pouvait imposer ni normes ni censure, et ce marché était devenu une niche pour ‘privilégiés’. Et ceci sans protéger en quoi que ce soit la jeunesse du danger de l’addiction. Tandis qu’en donnant son feu vert tardif (à titre « provisoire », d’ailleurs), la Chine gomme en partie chacune de ces lacunes. 

« Mais de toute manière, dit cet expert, sur les consoles, la messe est dite » : l’avenir est au 3ème larron, le jeu sur mobile, en ligne ou non, qui traverse en une étoile filante le firmament de la toile ludique. Tencent affiche 12% du marché (220.000$), Alibaba prépare sa plateforme, avec loyer gratuit la première année aux développeurs. Dès l’annonce, Ubisoft, le créateur français de jeux vidéos (500 emplois entre Shanghai et Chengdu), bondit en bourse de 7%…


Diplomatie : Le PCC, au Népal – arbitre et grand frère

Menés par leur leader Prachanda, les maoïstes de l’UCP  triomphèrent au  Népal aux élections de 2008. Mais ensuite ils s’épuisèrent en querelles idéologiques et subirent une humiliation au scrutin suivant. Suite à quoi, les deux factions rêvèrent  au retour à la clandestinité et à la guerre entre elles. 

Mais Pékin a tout à perdre avec cette débandade : l’influence sur cet Etat himalayen ‘tampon’, stratégique entre Inde et Chine. 

C’est pourquoi en juin 2013, Yang Jiechi, Conseiller d’Etat, faisait le voyage à Katmandu, suivi mi-décrmbre d’Ai Ping, vice-ministre du Département international du PCC. Ai Ping a su convoquer dans une même salle les frères ennemis pour les adjurer de renoncer à leur course suicidaire. Le prix à payer pour une future remontée, serait de se plier au verdict des urnes, de se réconcilier et de collaborer loyalement à la création d’un Etat de droit. 

Du bout des lèvres, le Président Prachanda promit, au moins, que son Parti participerait aux travaux de la Constitution, et les deux acceptèrent de poursuivre le dialogue. 

Toute l’affaire, pour la Chine, ressemble à un exercice de purgatoire bouddhiste : 34 ans après la mort de Mao, et quoique le malgré que le PCC n’ait jamais osé faire son propre procès en démaoïsation, c’est à lui, héritier de la révolution maoïste, qu’il revient d’enterrer celle-ci hors de de ses frontières, et de conduire des forces népalaises se réclamant de Mao vers une voie bourgeoise de stabilité, de croissance et d’investissement capitaliste. Nul autre que lui ne peut le faire : lui seul, avec son autorité morale rouge, peut se faire entendre de ces gens, ses héritiers !


Défense : Hainan décrète l’interdiction de pêcher en mer de Chine du Sud

Avec entrée en vigueur au 1er janvier 2014, la province de Hainan a édicté une interdiction d’opérer aux navires non chinois, sauf munis d’un permis, sur les deux-tiers des 2 millions de km² de la mer de Chine (cf carte). 

<p>Ce qui prive potentiellement de la totalité de ses droits de pêche en haute mer le Vietnam, Palawan (Philippines) et d’une partie, la Malaisie. Un pas de plus, risque calculé. On y reviendra.


Petit Peuple : Chongqing – « Liu Chonghua a six châteaux… »

En 1965 dans sa banlieue grise de Chongqing, le petit Liu Chonghua trompait l’ennui en rêvant de fées et de princes dans leurs châteaux. 

L’histoire se chargea de le rappeler aux réalités : durant la Révolution culturelle, il dut creuser des fossés, entre autres corvées. De ces années de chien, il contracta une fièvre de revanche, celle de créer par lui-même. 

Dès 12 ans, après l’école, il allait avec son frère gagner trois sous auprès des propriétaires d’un four à charbon de bois. A 16 ans, il vendait des oranges. 

A 24 ans, en 1979, s’étant initié en autodidacte aux arcanes des bains argentiques et de la chambre noire, il ouvrait son premier studio photo, bientôt suivi du second et du troisième. Il y serait encore, si la mairie n’avait fait fermer ses salons, sur demande de concurrents publics jaloux de son succès. 

C’est en avril 1983 que germa l’idée de génie, celle qui propulse tout milliardaire. Un copain l’avait invité et régalé d’un gâteau chimique et fade mais pas cher, à 8 mao. « Euréka, le voilà mon tremplin pour la gloire ! » se dit-il.

Liu Chonghua BoutiqueAvec deux associés, Liu lança Watson Park, sa pâtisserie aux 7 employés, un tricycle de livraison et un petit local loué. Liu ne doutait de rien, et se voyait un peu trop vite arrivé. En juin, l’affaire avait perdu 2000¥ à cause d’un mauvaise gestion—un pactole pour l’époque ! Les conditions de travail étaient précaires : une explosion au gaz causa un mort et un blessé parmi son personnel. Il emprunta plus de 10.000¥ pour payer les soins et les obsèques, et pour compenser les familles.Mais l’inspection de sécurité alimentaire l’avait à l’œil désormais. Elle débarqua a veille de la fête nationale, au moment où la PME chargeait des centaines de gâteaux pour les vendre sur son stand. Les agents prélevèrent la marchandise et posèrent les scellés. Quand ils revinrent le surlendemain pour donner le feu vert (ayant vérifié que la pâtisserie était aux normes), toute la fournée était rassie, et l’occasion perdue…

Ce fut le moment que choisirent les associés pour se sauver. Watson Park avait alors 70.000¥ de dettes. Et pendant tout ce temps, tiquait la pendule des intérêts du prêt usuraire, 10% par mois. A une telle série noire de galères, n’importe qui aurait baissé les bras. Mais pas Liu Chonghua. 

Avec son certificat d’hygiène, il obtint de la banque 30.000¥ en cash, lui permettant de se refinancer à bon prix. Il put ainsi recruter un pâtissier

En 10 ans, bien entouré, il se créa des contacts, trouva de nouveaux clients, inventa des gâteaux haut de gamme qui se vendent « comme des petits pains » (ou presque !) malgré leur prix (jusqu’à 8888¥ la pièce).

Liu Chonghua Usine 2L’usine (digne du roman « Charlie et la Chocolaterie », cf photo à gauche) fait 30.000m² et le parc qui l’entoure 120.000m². Ses 1.000 employés cassent chaque jour 20 millions d’œufs dans 10 tonnes de farine, tandis que sortent de la chaîne 250 000 pièces de toutes tailles et de prix, écoulées dans ses 700 points de vente à travers le Sichuan (cf photo au-dessus). Liu est devenu le symbole de réussite.

L’histoire s’arrêterait là, si Liu n’avait décidé, maintenant qu’ il en a les moyens, de « ranimer un rêve d’enfance » (重溫舊夢 chóng wēn jiù mèng) : il se mis à construire des châteaux, ni de cartes ni de sable, mais de brique et de béton. Il en a déjà six, tous différents, qui lui ont coûté 100 millions de ¥uans. Ils sont inspirés de Neuschwanstein (de Louis II de Bavière), Chenonceau ou la Sagrada Familia de Gaudi à Barcelone. Les murs sont encore vides (Liu s’intéresse plus à la vue qu’aux intérieurs). 

Liu Chonghua ChateauxCeci n’empêche de nombreux visiteurs, du simple curieux aux futurs mariés de venir profiter du décor romantique pour quelques photos.

Son grand regret : l’administration ne lui a jamais pardonné de l’offenser par ses extravagances et a fait abattre une arche de 16 mètres de haut en 2011. Et il reçoit des menaces de mort : à cause de lui, le prix du foncier au Sud-Ouest de Chongqing ne cesse de grimper ! 

Mais qu’importe – Liu persiste et signe. Sa cerise sur le gâteau sera les six nouveaux châteaux qu’il médite, un « Windsor» notamment. 

Liu Chonghua RoyaumeCe qu’il veut, c’est « couper le souffle au monde ». Moins par envie d’étaler ses richesses, que par générosité au service du peuple. «  La Chine a besoin de châteaux, s’écrie-t-il en envolée lyrique, comme un ferment d’une culture pluraliste. Une ville n’a pas besoin que de cubes pour dormir, mais aussi de rêves, comme le gâteau a besoin de levure, pour faire monter son avenir ».


Rendez-vous : Rendez-vous de la semaine du 6 au 19 janvier 2014
Rendez-vous de la semaine du 6 au 19 janvier 2014

5 janvier – 28 février, Harbin : 30 ème édition des Festival des Glaces. Les sculptures ont été réalisées par 10.000 artistes, et sont réparties sur 600.000m²  (cf photos).

10-13 janvier, Sanya : International Boat Show 

14-17 janvier, Pékin : Salon de la fourrure et du cuir