Le Vent de la Chine Numéro 17 (XIX) – Spécial Salon de l’Auto

du 26 avril au 2 mai 2014

Editorial : La Chine au bois dormant

Wal-Mart ferme 29 magasins en Chine, dû à de longs mois de mévente ! L’huile et le porc voient leurs prix chuter de 15%… « C’est du jamais vu ! », commente ce professionnel. En cause, principalement : la disparition des cartes de crédit « cadeau » que l’employeur offrait aux salariés, jusqu’à 40% de salaire « au noir », à dépenser, entre autres, au supermarché. Dépossédée de ce pécule, la ménagère désormais remplit moins son caddie… Sous le vent du boulet de la campagne anti-corruption, les firmes n’osent plus ces pratiques qui flouaient l’Etat de taxes et parts sociales. Du coup, dans le pays, des dizaines de milliards de yuans, budget dormant, disparaissent du radar. 

Pékin veut, on le sait, briser l’opposition aux réformes des ultraconservateurs. Mais en attendant, la Chine se mue en belle au bois dormant. Pour éviter la faillite des provinces, le 1er ministre n’a d’autre choix que de retourner, à petite échelle, aux mauvaises habitudes : rendre aux provinces le droit d’émettre des obligations, et les laisser vendre du terrain aux promoteurs. Au 1er trimestre, elles auraient augmenté leurs ventes foncières de 40% : exactement ce que Li Keqiang avait promis d’interdire, pour prévenir la surchauffe et l’éclatement de la bulle immobilière… 

Tout le monde en Chine, cependant, ne grimace pas. L’industrie de l’équipement sourit : surtout celui dédié à l’environnement, qui bénéficie d’un mini-stimulus -autre recul des engagements du 1er ministre. Un exemple est ce plan de 3,35 milliards de $ au Heilongjiang en 2014, pour la restauration des canaux d’irrigation ; un autre, la centrale thermique « ultrasupercritique » de 2GW qu’EDF va bâtir en 2016 dans le Jiangxi, en JV (49/51%) avec Datang, pour 900 millions d’€. Une centrale plus propre, plus performante, mais malgré tout trop sale pour être admise en Union Européenne… 

Un autre secteur se porte plutôt bien en Chine : le cinéma. 20.000 salles obscures récoltaient 2,6 milliards d’€ de recettes en 2013, et + 30% au 1er trimestre 2014. Or, le cinéma français y trouve un certain succès, avec 5,2 millions d’entrées en 2013. Après « Un plan parfait » avec Dany Boon l’an dernier, l’acteur récidive avec « Volcan » qui sort sur 3000 écrans. Pourtant, le cadre règlementaire protectionniste ne favorise pas les films étrangers : seuls 5 à 7 films européens passent chaque année en Chine, contre une douzaine pour Hollywood. Le 16/04, le Festival international du film de Pékin mettait la France à l’honneur, avec en ouverture « La Belle et la Bête », par le réalisateur Christophe Gans et l’actrice Léa Seydoux (cf photo). Année du 50naire des relations franco-chinoises oblige, la tutelle (SARFT) envisagerait d’ajouter 2 à 3 licences. Surtout, comme Hollywood, 8 producteurs français multiplient les coproductions, dont Jean-Jacques Annaud (« le Totem du loup »), Philippe Muyl (« le Promeneur d’oiseau »), et Luc Besson (Europa Corp et Fundamental Films, un groupe chinois) qui tourne avec Jean Reno, très populaire en Chine.
Contrairement aux Etats-Unis, le public chinois apprécie les superproductions européennes, même les comédies ! Une tendance qui, selon JP. Salomé, président d’UniFrance (l’organisme de promotion des exportations de films) pourrait permettre à terme aux ventes en Chine, de dépasser celles aux Etats-Unis !


Diplomatie : Chine et Japon se regardent toujours en « chiens de faience »

En 1936, l’armateur nippon Daido louait deux cargos à une société chinoise, Zhongwei, lesquels furent réquisitionnés par la marine japonaise durant la seconde guerre mondiale, sans jamais compenser Zhongwei. 

71 ans après, en 2007, une cour shanghaienne condamnait Mitsui OSK Lines, le successeur de Daido, à payer 2,9 milliards de yens (21 millions d’euros) de dommages aux héritiers des propriétaires des cargos. Mitsui fit la sourde oreille…
Le 19 avril 2014, le tribunal maritime de Shanghai faisait alors saisir au port, le Baosteel Emotion (cf photo), minéralier de 320m de l’armateur japonais Mitsui, en vertu du jugement de 2007.

Pour le coup, Mitsui paya en un temps record, la somme étant ridiculement basse, par rapport au coût du navire saisi, et même de ses frais d’immobilisation. Puis, le Baosteel recouvra sa liberté. 

Mais Tokyo crie à la violation du « traité de normalisation » de 1972, dans lequel Pékin renonçait à toute indemnité de guerre de la part de Tokyo. Le gouvernement chinois justifiait l’action en la décrivant comme un « litige commercial ». Cependant cette saisie ouvre la voie à d’autres, voire à une spirale insupportable de rétorsions entre ces deux pays aux échanges commerciaux de 366 milliards de $. 

Cette affaire illustre les mauvaises relations entre les deux Etats. Le 1er ministre nippon Shinzo Abe n’arrangea rien en envoyant 150 élus au sanctuaire négationniste de Yasukuni (21/04), geste blessant envers la Chine et toute l’Asie. 

Seul signe positif en ce climat tendu : le 22/04 à Qingdao (Shandong), 21 pays de la région, dont la Chine et le Japon, s’engagent, après 10 ans de négociations, à respecter un « code maritime » complexe de communications et de signaux pour éviter tout conflit en mer de Chine – sauf, bien sûr, ceux prémédités.


Aviation : Le sort du MH370 fait méditer l’aviation chinoise

Le drame de l’avion malais disparu a choqué la Chine avec la disparition de ses 154 nationaux. Pékin s’inquiète de pouvoir prévenir une telle catastrophe sur ses vols —démarche hasardeuse, tant qu’on ne connaîtra pas le sort du vol MH370 : détournement, défaillance technique… ?

L’armée chinoise propose d’étendre à l’aviation civile son protocole interne de suivi de ses pilotes de chasse : une veste de 200g qui réémet en vol leur rythme cardio-pulmonaire, leur température, mouvements musculaires et position assise. Une camera embarquée suit les mouvements des yeux. Des algorithmes traquent les anomalies dans le comportement et la voix du pilote. Mais les pilotes civils s’y opposent farouchement, reprochant au système d’attenter à leur intimité. Après l’accident du vol Air France 447 en juin 2009, les pilotes d’AF s’étaient aussi opposés à l’apparition de caméras dans leur cabine.
D’autre part, les mêmes experts soulèvent une faille du système : les protocoles et logiciels d’interprétation des données n’en sont qu’aux balbutiements, pas encore exploitables.

China Southern n’a pas oublié les soupçons qui avaient pesé sur les passagers ouighours du MH370 (6 jours après l’attentat de Kunming) : à Urumqi, elle dispense des cours d’ autodéfense au personnel de cabine, suivant en cela Cathay, Dragonair et HK Airlines qui forment stewards et hôtesses au wing chun, wu shu et autres sports de défense… 

Au même moment, 100 pilotes d’Air China, par le biais d’une pétition sur internet, saisissent l’occasion pour rappeler que la sécurité à bord, dépend aussi de leurs conditions de travail : ils réclament une remise à plat de leurs horaires qualifiés d’« infernaux », et de leurs salaires, les comparant à ceux des collègues étrangers dans leur compagnie (622 fin 2012), qui gagnent beaucoup plus en volant beaucoup moins, causant des jalousies et rancœurs, préjudiciables à l’esprit d’équipe et à la sécurité à bord.


Automobile : Qoros, Citroen DS, Valeo : trois voies originales

Qoros3Qoros, un parcours atypique

Dévoilée le 20/04 au salon, la Qoros 3 attira les journalistes par dizaines. Il y avait de quoi. 

C’était le fruit d’une coopération euro-chinoise, menée à la baguette par les Israéliens pour « reprendre à zéro le problème de l’automobile », en intégrant les meilleurs atouts des deux mondes. L’avenir donc—peut-être ? 

Fondée en 2007, Qoros est une JV de Chery et du groupe Israel Corp. Son concept interpelle : sans technologie ni histoire automobile, ces alliés se posent la question originelle, « qu’ attend le client ? », et trouvent comme réponse « des services ». 7 ans après, leur modèle signé par Volker Hildebrand (père de la Golf-3) apparaît séduisant. 

Sous des lignes plutôt sages, le modèle soumis au testeur EuroNCA a fait le meilleur crash-test de 2013 – Qoros est « plus sûr que Mercedes ». 

Dotée d’ un moteur d’1,6l, la limousine est performante en connexion internet, avec écran tactile 8 pouces et plateforme en « nuage » permettant de trouver sa route ou se préparer à l’arrivée. Son prix oscille entre 17.000 et 20.000€ : soit plus qu’une chinoise, moins qu’une européenne. 

Ses premières unités, elle les exporte de Changshu (Jiangsu) en Slovaquie. « C’est, observe ce témoin, pour faire croire aux Chinois que c’ est une Européenne – gage de qualité ». On verra l’an prochain si pour ce produit mutant, il y a un avenir. L’usine a une capacité initiale de 150.000 voitures par an.

La Citroen DS, tout un (nouveau) concept !

Citroen Ds 6 WrAvec DS, PSA veut renouer avec le luxe, négligé depuis 30 ans – depuis la SM, coproduite avec Maserati, inoubliable mais sans lendemain. DS, ce n’est plus l’automobile du Général de Gaulle, mais une marque à part entière, très axée sur la Chine. 

A Shenzhen, la JV avec Chang’An produira 200.000 DS par an. PSA veut en vendre 50.000 dès 2014, chez ses 56 « DS-Stores», qu seront 100 en décembre, et « 150 à 200 d’ici 2018 », dit A. Ribaud, le Directeur général pour la Chine. 

Les « DS Stores » vendent aussi les produits dérivés, sous la férule de G. Campos, maître sellier, «36 ans de maison » (ancien de Vuitton –cf photo) qui commet sous la griffe DS, 100 articles en fleur de cuir : sacoches à PC, mallettes et sacs à main, portefeuilles, châles et cravates. 

Valeo : des équipements à la pointe

Valeo Antivol Sans CléSuivant ses clients européens en 1994, Valeo s’installait en Chine pour créer deux JV d’essuie-glaces et de climatiseurs. Aujourd’hui, son outil local comporte 10 centres de développement et 3 de recherche, 26 usines (+ 7 en construction), toutes aux portes des clients à travers le pays. Il a 13.000 actifs dont 1.500 ingénieurs, et recrute sans cesse. 

Ses 14 lignes de production et centaines d’équipements vont du démarreur/embrayage économique au « radar » de recul, du climatiseur-filtre à air aux phares à LED (5 fois plus économes que les halogènes, et permettant plus de créativité dans le design du phare), des essuie-glaces « aquablade » répratissant mieux l’eau sur le pare-brise…

La manière imbattable pour Valeo de battre les copieurs, est de créer en permanence. Mondialement, le groupe a dépensé 1 milliard d’€ en R&D en 2013, soit 10% du chiffre d’affaires—et 25 à 50% du profit (notre estimation). Le résultat étant un chiffre d’affaire chinois en hausse de 31%au 1er trimestre, face à un marché à +9,2%. Et toujours plus d’affaires avec les constructeurs locaux—s’ils ne peuvent le copier, ils doivent l’acheter !


Automobile : Salon de l’Auto de Pékin 2014 : le rêve et la raison

Au Salon de l’Auto de Pékin, deux tendances annoncent la voiture des 20 prochaines années : l’économie d’énergie et la conduite intuitive (l’électronique embarquée), justifiant ainsi le slogan du salon : « Rouler vers un avenir meilleur ». Ce grand rendez-vous des 20-29/04 (alternant d’une année sur l’autre entre Pékin et Shanghai) afficha sa position de premier salon mondial, avec 2000 exposants sur 230.000m², 1134 modèles et 118 premières sorties… Normal, pour un pays parti de rien, et qui s’est imposé en 20 ans, l’an passé, 1er producteur avec 22 millions de voitures, et 1er usager (le taux d’écoulement était de 84%). 

Quand cette fièvre se stabilisera-t-elle ? En 2020, pas moins de 35 millions d’autos devraient sortir de ses chaînes de production, qui seront écoulées à 70%. Seuls 7% des Chinois étant motorisés, il y a encore de la marge ! Et pourtant, les villes embouteillées et enfumées n’en peuvent déjà plus, et sont toujours plus nombreuses à fixer des quotas : Hangzhou, la dernière en date, vient de limiter sa croissance à 80.000 autos par an. Mais la relation du Chinois à la voiture doit beaucoup à l’onirique et au symbolique : elle est l’ascenseur de la fortune, le sas pour rompre avec les temps de misère. 

Aussi, comme chaque année, le Salon frappe par son affirmation du luxe, n’en déplaise à la crise ou à la campagne anti-corruption. Pas de demi-mesure, ce qui plait est le design raffiné, les matériaux de 1er choix, la puissance, la vitesse grisante : entre la McLaren 650S et ses 329km/h (pour 280.000$), et la Rolls Royce Phantom Pinnacle habillée de 230 pièces en loupe de noyer (plateau d’échec compris), à 1,1 million de $.

Les marques « vent en poupe »

Bmw I8

À tout seigneur, tout honneur : l’empereur est Volkswagen, qui a réalisé en Chine 4,3 milliards € de profits en 2013 (+600 millions), vendu 3,2 millions d’unités (+16,5%). Au 1er trimestre, VW tire vers le haut la moyenne nationale (+14,5%, contre +9,2%). Ayant fait d’emblée, comme tous les constructeurs allemands, le pari du haut de gamme et de la R&D, il en récolte aujourd’hui les fruits et poursuit l’ascension vers le 1er rang mondial. 

D’ici 2018, VW veut investir 18,2 milliards d’€ entre ses 17 usines, ses 2400 points de vente, et ses filiales Skoda, Audi et Porsche, pour porter sa « force de frappe » chinoise à 4 millions d’automobiles par an.

Autre heureux : Volvo, le suédois racheté exsangue par Geely de 1999 à 2010, pour un total de 8,25 milliards de $. Nouvelle filiale chinoise, Volvo a longtemps cherché sa place, mais des années d’efforts lui ont permis de se faire connaître en Chine comme « seule griffe chinoise, seule vraie haut de gamme en Chine ». 

La visite en mars de Xi Jinping à son usine de Gand (Belgique) a été une consécration. En 2013, Volvo réalisait en Chine 61 000 ventes (+46%), grappillées sur les terrains d’Audi, de Mercedes-Benz et BMW. D’ici 2016, il vise 200,000 ventes, au moyen de futures usines à Daqing, Zhangjiakou et (partagée avec la maison-mère) Taizhou (Zhejiang). 

De son côté, Ford monte vite, avec une image de solidité et de qualité. En 2013, 600 000 ventes (+49%) lui permettaient d’arracher à Toyota, le 5ème rang des constructeurs étrangers (4,5% du marché). Ford sort une Escort, spécial Chine (larges sièges arrières, réceptacles à bouteilles de thé glacé…). 

Hyundai Ix25Enfin, Hyundai, le coréen monte sa 4ème usine à Chongqing, qui lui permettra d’atteindre en 2015 (avec sa filiale Kia Motors) une production de 2,3 millions véhicules par an.. Forte diversité, bons prix, produits de niche, tel son 4×4 SUV (un des créneaux-phares du salon) mais de petite taille, la ix25 (cf photo).

Les marques à la peine

Ce sont évidemment les chinoises ! Quoique soutenues par l’Etat et les provinces depuis 20 ans, ces quelques 200 groupes n’ont convaincu ni en qualité, ni en originalité et le prix, leur seul atout, ne compte plus. Aussi Great Wall, Chang ’An, Geely et Chery ont chuté de 10% en 2013 (Chery perdant même 36,5%) puis 7% en 2014, pour ne sauvegarder fin février, que 23% de leur propre marché. Une vraie dégringolade ! BYD, qui se voulait le « pape » de la voiture électrique, n’a vendu que 6000 « Qin » au 1er trimestre. Warren Buffet, son partenaire, doit s’en mordre les doigts. 

Aussi, tous se préparent une seconde vie, avec les atouts négligés durant la première : la coopération avec l’étranger, les énergies nouvelles, la domotique de bord. Chery fait sa publicité sur son déblocage des portes Valeo, Great Wall vante ses systèmes Bosch, Continental, Valeo – un de ces équipementiers remplit chez ces constructeurs locaux 30% de ses carnets de commandes. Broadcom, start-up californienne de connectique embarquée, crée avec 200 firmes du secteur un réseau ethernet et des normes communes.

Les marques japonaises redressent la tête

Nissan Zero Emissions

Après avoir souffert du désamour entre Pékin et Tokyo, les constructeurs japonais sortent renforcés et leur croissance relancée, surtout sur le marché « premium » qui atteindra 2,7 millions de voitures en 2020, 1er mondial. La recette : en dépassant les peurs (de piratage) et les préjugés (culturels), produire local afin d’éviter les lourdes taxes d’importation. Infiniti (Nissan) se prépare à produire dans le Hubei en 2015 (Nissan « zero émisssion » en photo), et Honda, son Acura (Q50, QX50), à Canton. 

Seul Toyota hésite encore à délocaliser sa Lexus NX, préférant l’importer, sous prétexte de : « la qualité avant tout ». Le bilan 2013 est de 70.000 ventes (+16%), mais ne réalise seulement un 5ème des ventes de BMW…Comme pour se rattraper, Toyota s’apprête à produire à 100% en Chine ses modèles hybrides Corolla et Levin. Sur ce pari de la filière « bas carbone, techniquement au point », Toyota vise 2 millions de ventes, et espère reprendre sa place de n°3 national, dépassant Nissan… L’avenir dira si le pari était jouable ! 

La politique automobile chinoise, à l’entrée du virage 

Pour aider ses marques, et pour faire avancer son plan voitures électriques (500.000 ventes par an en 2015, 5 millions en 2020), l’Etat promet de conserver après 2016 des subventions à l’achat (à présent jusqu’à 60.000¥ par voiture électrique, hybride ou à pile à combustible). Les marques chinoises offrent une palette large, entre la luxueuse Denza (BYD, design par Daimler) et la e-car de JAC à moins de 80.000¥, avec autonomie de 130km… Mais l’atout-maître de la « e-voiture », à l’avenir, pourrait être… le droit de l’acheter ! En effet, ce type de voitures reste dispensé des limitations de plaques, contrairement aux conventionnelles. 

Les groupes chinois auraient donc là une chance de remonter la pente. Mais la grande ornière demeure : l’obligation aux étrangers de former avec eux une JV à 50%. La formule leur assure de gros profits, mais au fil du temps, elle s’avère un poison qui les endort : la JV reste en gestion étrangère, le groupe chinois en gestion locale, chaque affaire hermétiquement séparée. Aujourd’hui, l’Etat voudrait supprimer ce système inerte. Mais les groupes chinois, via leur lobby de la CAA, refusent, prétextant « l’intérêt national ». Pékin aurait une autre raison de rendre leur liberté aux constructeurs étrangers. En effet, cette réglementation protectionniste qui prive l’étranger d’une moitié de ses profits, peut servir aux autres pays de prétexte pour protéger leurs marchés, le jour où la Chine voudra exporter chez eux ! En définitive, ce sont des groupes privés comme Geely, qui veulent exporter et qui n’ont pas signé de JV, qui piaffent pour rétablir la liberté de marché et l’égalité de concurrence. 

Renault, mention spéciale

Renault Kwid

Renault a une usine en construction à Wuhan, avec son partenaire Dongfeng, et prévoit ses premières sorties de SUV l’an prochain. Quoiqu’essayant de s’implanter depuis 20 ans, une série peu commune de « malchances » (y compris, disent certains, le « non-soutien » de son partenaire Nissan) fait de lui le dernier arrivé. Toutefois, une stratégie raisonnable et de forts atouts pourraient l’aider à atteindre ses objectifs de 500.000 ventes en Chine, conformes à sa part du marché mondial. Parmi ceux-ci, l’image de champion de Formule 1, une technologie en tout-électrique, et parmi ses modèles 4×4 exposés, une leçon de design avec la Kwid (cf photo).


Petit Peuple : Yancheng (Jiangsu) : vent de panique à la banque (1ère partie)

Le 24 mars, à 17h47, échevelé, le visage gris de poussière, Miao Dongmei, arriva sur son tricycle à essence, à Sheyang, une localité du district de Yancheng (Jiangsu). Grillant allègrement deux feux sur l’avenue du Peuple, il freina en un crissement de pneus, gara son engin à côté du porche de béton gris de la « Banque Rurale municipale », parmi la masse agglutinée d’autres motos et vélos. Il courut quelques pas, puis s’arrêta, interdit : sur au moins 200m, des gens faisaient la queue pour entrer à la banque, tournant et retournant en méandres, comme aux guichets de gare au moment au Nouvel an chinois. 

Miao grimaça, contrarié. C’était la tuile ! Avec la foule et la fermeture des bureaux dans quelques minutes, il n’avait aucune chance de récupérer son précieux argent – ni ce soir, ni sans doute jamais. Car les banqueroutes, c’est la nuit qu’elles ont lieu, quand les chats sont gris – tout le monde sait ça ! Sans conviction, le cœur battant la chamade, il se mit en bout de file. À peine installé, il fut stupéfait de voir 5 personnes, comme lui l’instant d’avant, venir se placer derrière en haletant, puis encore 10 autres, puis 3 autres, et ainsi de suite…

Reconnaissables à leurs accoutrements, certains de ces hommes et femmes venaient de la ville, d’autres des villages avoisinants. Par leurs mimiques et leurs tics incessants, tous donnaient les signes d’une même angoisse. Les paysans venaient avec des paniers d’osier, d’autres des cabas pliants… dans l’espoir de récupérer et transporter leurs lourdes liasses de billets roses à l’effigie de Mao, une fois recomptés et validés par les détecteurs à faux billets de l’établissement. 

Dans la file en attendant, pour se donner du courage, on bavardait en dialecte local. Certains contaient comment à la « Rurale commerciale » de Huanghai, juste à côté, d’autres clients faisaient le même siège, dans le même état d’affolement. Pour la centième fois, une commère répétait le refrain de comment, en janvier, l’ Union des Coopératives de Crédit de Sheyang avait fait faillite, après avoir émis trop de « danbao », garanties de prêts. Certaines des branches de cette coopérative avaient promis des rendements énormes, et dû puiser dans le capital pour payer les intérêts. D’ autres s’adonnaient à la « tontine » de leurs ancêtres, mi-jeu, mi-finance : on se réunissait tous les samedis pour payer la cotisation, puis l’un d’eux, tiré au sort, touchait le jackpot. Tout le monde devait payer jusqu’à la fin du tour complet. Mais bien sûr, après 2 ou 3 semaines, un petit malin qui venait de toucher le gros lot, s’était enfui à la ville, faisant s’effondrer la pyramide. En janvier, la faillite générale avait été due à un télescopage de petites irrégularités : trop de coopératives étaient ruinées, et celles en bonne santé, obligées de dépanner les autres, ne faisaient plus le poids ! 

Dans la foule, chauve sous son chapeau de paille, un grand barbu poivre et sel, contait comment il avait sauvé de justesse ses 30.000 yuans placés aux coopératives : son beau-frère guichetier l’avait appelé sur son portable, pour lui chuchoter de venir dare-dare récupérer sa mise. Et quoique le conseil lui laisse un goût acre dans la bouche, comme la potion amère (liáng yào kǔ kǒu, 良药苦口) à cause de la confiance trahie par ses banquiers, il avait obtempéré sans perdre une seconde, sachant bien que c’était là sa seule chance. Et voilà que ce soir, le scénario maudit se répétait : toute cette foule échaudée tentait de faire de même! 

Les rumeurs les plus diverses circulaient, de bas en haut et de haut en bas. Avec mille variantes et fioritures nouvelles chaque fois, on se racontait l’événement qui avait mis le feu aux poudres : quelques heures plus tôt, un quidam s’était vu refuser 200.000 yuans sur son compte, dont il avait besoin immédiatement. C’était bien la preuve que la banque était banqueroute, non ?
Or donc à ce stade, le fermier Miao eut l’ intuition que les choses n’allaient pas si mal pour lui : à sa montre, il était déjà 18h23, donc 23 minutes au-delà des heures de service. Mais les guichets restaient ouverts, contrairement à la tradition des « bonnets de gaze » (fonctionnaires) chinois qui d’ordinaire, fermaient plutôt en avance qu’en retard. Et cela lui redonna un peu d’espoir, de cœur au ventre : tant qu’y a d’la vie, y’a d’l’espoir… Mais cela suffira-t-il à Miao pour revoir son cher argent, si durement gagné ? La banque, toutes les banques de la ville, de la province vont-elles s’effondrer tour à tour comme un château de cartes , par un effet de dominos ?  Retrouvez le dénouement dans le prochain numéro du Vent de la Chine !


Rendez-vous : Semaine du 28 avril au 4 mai 2014
Semaine du 28 avril au 4 mai 2014

25 avril – 25 octobre, Qingdao (Shandong) : Exposition Horticole Internationale à Qingdao. Sur 240 hectares, l’expo s’attend à jusqu’à 20 millions de visiteurs. Seule région de France représentée, les Pays de la Loire seront présent sur une parcelle de 1500m2 (aménagée par le paysagiste sarthois Feuille à Feuille), sur invitation du Shandong. La ville de Brest était également de la partie avec un jardin de 1300 m2, qui évoquait Brest Métropole océane, ses mers et ses terres.

27-29 avril, Shanghai : Organic Food & Green Food Expo, Salon international de la nourriture Bio

30 avril – 3 mai, Shanghai : Salon de l’immobilier et de l’investissement 

1er – 3 mai, Canton : Salon international du textile et du prêt-à-porter, et salon des articles en cuir

5-7 mai, Pékin : Conférence internationale sur l’ aluminium et le carbone

6-8 mai, Qingdao : Salon international de l’industrie alimentaire et de l’export

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A Noter sur vos agendas : 15 mai 2014, Canton (Sofitel Guangzhou Sunrich) : FORUM D’AFFAIRES SINO-FRANÇAIS organisé par la CCIFC et CCPIT.Contact : hespel.emeline@ccifc.org