Le Vent de la Chine Numéro 13-14 – Spécial Xi Jinping en Europe

du 30 mars au 11 avril 2014

Editorial : Xi Jinping en Europe : bascule diplomatique ?

Du 22 mars au 1er avril, entre 4 pays, 3 institutions internationales (Sommet de Sécurité nucléaire, Unesco, UE), la tournée européenne de Xi Jinping a été prodigieusement féconde. Parmi cette moisson d’images, faisons notre choix : Il y a d’abord eu le temps fort de la rencontre avec Obama en marge du sommet nucléaire à La Haye. Celle-ci exprime un décalage étonnant entre les avis mutuellement critiques des media des deux pays, et la qualité de la relation personnelle. En effet, le climat bilatéral, reflet des opinions, est négatif. Les Etats-Unis reprochent à la Chine ses manquements aux droits de l’homme et son protectionnisme. La Chine déplore l’espionnage de leur NSA (National Security Agency) et leur arrogance de « gendarme du monde ». Mais entre les deux leaders, le ton est tout autre : très cordial, souriant, occultant tout le reste pour se consacrer à ce qui compte, leur mini-sommet en tête à tête sur sol européen. A la veille de son envol pour l’Europe, Xi avait reçu Michelle Obama en « chef d’Etat », lui permettant des visites d’exception et de prononcer des discours réformistes sur la liberté d’expression, et de l’internet.

La face visible de l’étape française de la visite de Xi Jinping, aura été cette moisson de 50 contrats pour « 18 milliards d’€ » – chiffre qui ne décrit qu’imparfaitement la réalité. Trois projets ressortent, on ne peut plus différents, mais dotés de plusieurs points communs. Le principal est leur aspect high-tech, à la pointe de la recherche mondiale : 

Cfosat Satellite1– Jean Yves le Gall, président du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), et Xu Dazhe, patron de la China National Space Administration, signent pour construire, lancer et partager deux s atellites scientifiques. Le CFOSAT (China-France Oceanography SATellite), outil météorologique, observera dès 2015, les océans, les vagues (technique française) et les vents (technique chinoise). Le Space Invariable Object Monitor étudiera les objets statiques dans l’univers et cartographiera les « sursauts gamma », phénomènes les plus énergétiques de l’univers. Or si la maîtrise d’œuvre reste au CNES, l’investissement français sur le CFOSAT reste mince, 40 millions d’€ sur 150, soit moins du tiers—la différence étant le coût convenu du transfert technologique. 

2 – Avec He Yu et Sun Qin, présidents de CGNPC et de CNNC (les grands groupes nucléaires en Chine), Luc Oursel et Henri Proglio, dirigeants d’ Areva et de EDF, signent une palette de coentreprises à long terme : une très importante usine de retraitement de 800 tonnes par an de déchets nucléaires (extraction du plutonium, stockage longue durée des déchets), une usine de production de systèmes de contrôle à commande numérique de sûreté (Areva 49%, CNNC 51%), exploitation des réacteurs EPR de Taishan (CGNPC), une JV pour 600 tonnes par an d’alliage de Zirconium… Ces accords portent sur des montants extrêmement élevés : rien que pour l’usine de retraitement, on parle de 15 milliards d’€. Tandis qu’en centrales nucléaires chinoises, dont l’EPR est une des filières envisagées, Pékin préparerait la construction de 150 unités d’ici 2025 -à plus d’1 milliard d’€ pièce. 

3 – Un laboratoire « P4 », pour l’étude des agents pathogènes ( virus et bactéries de classe 4, les plus dangereux au monde), est en phase avancée de construction à Wuhan, avec l’aide du groupe bioMérieux, dont le président Alain Mérieux recevait à Lyon Xi Jinping, à titre privé (mais entouré d’un ministre et d’un aréopage de grands patrons). Entre les deux hommes, c’est la 4ème rencontre, et l’amitié la plus étroite de Xi Jinping avec un citoyen français. 

Ces trois projets ont aussi en commun une sensitivité évidente en terme de sécurité : au moins deux d’entre eux (le « P4 » et le retraitement nucléaire) ont nourri un débat interne très vif, à Paris, pendant de longues années. La question étant d’établir si, sur ces technologies aux puissantes applications militaires, la Chine devait être considérée comme un partenaire fiable. Ce n’est pas par hasard, comme pour conjurer ses craintes, que Xi Jinping décrivait son pays, le 28 mars, à Paris, comme « un lion qui s’éveille, paisible, plaisant et civilisé ». Pour offrir à la Chine ce centre de retraitement (dont le sous- produit est le plutonium, matière première des bombes atomiques), le principe avait été acquis il y a 10 ans sous Jacques Chirac, puis renégocié sous Nicolas Sarkozy, avant d’être redébloqué sous François Hollande. 

Xi Jinping Peng Liyuan Hollande ParisVu sous cet angle, on doit se demander si ce feu vert tardif résulte d’un choix, ou d’un processus inéluctable. A ce qui nous semble, pour rester dans le club très restreint des «puissances», la France n’a d’autre option que de céder ses plus hauts savoir-faire à la Chine qui les lui réclame. Quitte à espérer qu’elle évolue vers plus d’esprit international dans sa gestion des crises, comme il sied à un pays arbitre du monde. Ici, la France ne s’est donc pas focalisée sur les fréquents gestes d’affirmation territoriale de la Chine, notamment en mer de Chine, face à ses voisins. 

De ce malaise, Pékin bien sûr, elle-même prend conscience. Le drame de la disparition du Boeing de Malaysian Airlines en donne un bon reflet. La Chine en est la 1ère victime. Mais quand s’organise l’effort international de recherche, elle doit constater contre elle une méfiance diffuse, une tentation de mise au ban : ses voisins n’ont aucune envie de laisser sa marine et son aviation militaire pénétrer dans des eaux dont la Chine revendique par ailleurs la souveraineté.
Et c’est à cette lumière qu’il faut jauger la participation de Xi au 3ème Sommet de sécurité nucléaire de la Haye: il s’agit pour la Chine de montrer qu’elle participe, qu’elle est un partenaire fiable et nécessaire.

En conclusion, on voit d’une part, la France céder (peut-être à contrecœur) à la Chine ses bijoux technologiques, de l’autre, la Chine accepter un rôle un peu plus actif et partageur dans la gestion des affaires du monde. En échange, la France obtient « 18 milliards d’€ de contrats », y compris le feu vert pour sa charcuterie sur sol chinois. Ce n’est pas peut-être de la politique grandiose, enthousiasmante, mais c’est gagnant-gagnant. En tout état de cause, c’était à la fois le deal le plus probable, et le seul prometteur d’espoir pour l’avenir, tant au plan commercial et de l’emploi, qu’à celui des échanges Europe-Asie tous azimuts à l’avenir.


Monde de l'entreprise : 50 contrats pour le 50ème anniversaire
50 contrats pour le 50ème anniversaire

Airbus SignatureLors du passage de Xi Jinping en France : 50 signatures pour 18 milliards d’euros, parmi lesquelles :

– La très attendue entrée au capital de PSA de son partenaire chinois Dongfeng à hauteur de 800 millions d’euros, pour 14%  du capital.

– La commande de 70 Airbus pour 7 milliards d’euros (cf photo) : 43 moyen-courriers A320 et les 27 long-courriers A330, auparavant gelés, en rétorsion d’un projet de taxe carbone européenne…

– L’extension de l’usine de Tianjin, base de montage de différents modèles dont l’A320.

Airbus Helicopters et Avicopter (groupe Avic) ont conclu un accord sur la production à parts égales de 1.000 hélicoptères civils EC175/AC352 – une partie sera produite à Marignane, l’autre à Harbin

Safran a annoncé une première commande de 120 moteurs développés avec Avic pour équiper ces hélicoptères.

Coté énergie

Areva va poursuivre les négociations avec CNNC sur la construction en Chine d’une usine de retraitement des déchets nucléaires, dont la lettre d’intention avait été signée en avril 2013 lors de la visite de François Hollande à Pékin.

Total a conclu un accord prolongeant jusqu’en 2019 la livraison de gaz naturel liquéfié (GNL) au pétrolier CNOOC. Il prévoit aussi la possibilité d’un partenariat dans les infrastructures d’importation et la distribution de GNL dans l’Empire du Milieu.

GDF Suez a signé un accord de coopération avec Beijing Enterprise Group, pour développer des projets gaziers et d’efficacité énergétique en Chine. Ce dernier prévoit notamment la construction d’une centrale de production d’énergie en trigénération codéveloppée à Changping, en banlieue de Pékin.

Agroalimentaire : la charcuterie à l’honneur

Xi Jinping Charcuterie Rosette Lyon

– La Chine a fermé son enquête sur les vins européens, qui pénalisait surtout les vins français.

– Brocéliande (Cooperl) qui fait du jambon cuit en Bretagne, Haraguy (groupe Delpeyrat) et son jambon de Bayonne et le saucisson sec de Salaisons du Rouergue du sud-ouest (groupe Sacor) ont reçu l’agrément sanitaire pour exporter leurs produits en Chine. Sept autres entreprises sont sur les rangs pour l’obtenir dans les prochains mois. 

– Les autorités chinoises ont donné leur agrément à une vingtaine de nouveaux sites de conditionnement en viande fraîche de porc et de poulet et à une quarantaine d’entrepôts frigorifiques. 

– Les deux gouvernements ont paraphé un protocole d’accord pour développer l’exportation de verrats reproducteurs, afin d’améliorer la qualité des élevages porcins chinois avec le savoir-faire français en génétique porcine français.

Un éco-quartier à la française à Shenyang

– Fédérés sous le nom de Vivapolis, des groupes comme Alstom, EDF, Transdev, Saint-Gobain, Alcatel-Lucent, Schneider, Veolia, la PME Ennesys (utilisation des micro algues pour purifier l’eau et produire de l’énergie), le cabinet d’architecture Antony Béchu, et Centuria Capital, « chef de chantier », ont signé pour la construction d’un écoquartier de 10km2 (soit trois arrondissements parisiens) d’ici 10 ans, dans la ville de Shenyang, de loin le projet le plus avancé. Un projet similaire est envisagé à Chengdu, tandis que la ville durable de 150 km2 dans le Grand Wuhan est encore en discussion. 

La visite a été pour eux l’occasion de publiciser…

Keolis Lyon Tramway Keolis, filiale de la SNCF, et son partenaire Shentong Metro Group, ont signé la création d’un centre franco-chinois de formation aux métiers du tramway, prévu début 2015 (cf photo). Basé à St-Priest en banlieue lyonnaise, le centre décernera des MBA en management et ingénierie du tramway à des managers chinois. En février 2014, les deux parties avaient créé une joint-venture à Shanghai, après trois ans de discussions. La JV, détenue à 49% par Keolis, répondra à des appels d’offres et exploitera en commun des réseaux de métro automatique, de tram, ou de train à travers l’Asie et même en Afrique.

SITA Waste Services, filiale de Suez Environnement, va animer une coentreprise détenue à 60% pour construire et exploiter une usine de traitement et de valorisation énergétique des déchets dangereux dans la zone de développement économique et technologique de Nantong (Jiangsu). SITA assurera également l’opération et la maintenance de l’unité de à Hengyang dans le Hunan, et sera également impliquée dans le projet de l’usine de Haidian (Pékin).

Degrémont, filiale de Suez Environnement, spécialisée dans le traitement de l’eau, participera à un projet de dessalement d’un million de mètres cubes d’eau par jour pour alimenter la capitale.

Orpea, n°2 européen spécialisé dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes, va accélérer son implantation dans l’Empire du Milieu et annonce la construction d’établissements de haut standard situés au cœur des grandes villes (sites non précisés).

Reflets De FranceCarrefour s’apprête à renforcer en avril sa marque Reflets de France en Chine (cf photo). L’enseigne mettra en valeur cette gamme de produits « made in France » dans ses 235 magasins locaux. Dans 96 d’entre eux, l’assortiment grimpera jusqu’à 76 produits : vins, confitures, crêpes dentelles bretonnes, cassoulet…

Alcatel-Lucent a annoncé la signature avec le géant China Mobile d’un accord de 750 millions d’euros portant sur des équipements très haut débit.

– Enfin, le PMU et France Galop ont fait savoir qu’ils attendent avec impatience l’ouverture de la Chine aux paris hippiques afin d’exporter leur savoir-faire et les prestigieuses courses françaises. Le groupe prospecte ce marché depuis trois ans.


Taiwan : Taiwan-Chine: l’heure des frictions

75% Taiwan Reclame ReexamenDès l’élection de Ma Ying-jeou à la Présidence de Taiwan (2008), puis à sa réélection (2012), les liens avec la Chine n’ont cessé de se renforcer. En 2013, les échanges doublaient à 197 milliards de $. En 2011, un pacte commercial épargnait à Taiwan 13 milliards de $ par an de taxes à l’export, et à la Chine, 3,5 milliards de $ par an. 

En juin 2013, un accord plus ambitieux était signé, ouvrant 80 services chinois aux Taïwanais et 64 taïwanais aux Chinois: les deux « pays » s’entrouvraient mutuellement leurs marchés des banques, des compagnies portuaires, des assurances et hôpitaux

C’était très bien pour la croissance, mais aussi très bien pour un retour ultérieur de l’île à la mère patrie – et c’était le but tacite de Pékin et de Ma, un partisan avoué de la réunification. Or, les populations n’avaient pas été consultées, et ceci ne peut que mal passer à Taiwan : en cette jeune démocratie, vivant à deux pas d’un géant non-démocrate, on vit dans la hantise de perdre sa souveraineté. Aussi dès publication du pré-accord, soumis au vote du Yuan législatif (Parlement), l’opposition du DPP alertait l’opinion en vain : le nationaliste KMT (Kuomintang) de Ma avait la majorité et Ma promettait de soumettre chaque article du pacte à délibération.

Puis la semaine passée, la situation s’est radicalisée. Sur demande pressante de Pékin, Ma annonça soudain que le pacte serait voté avant fin juillet – sans débat de fond. Or, Ma, depuis des mois, pâtit d’une popularité de moins de 10%. Les prochaines élections approchent et Pékin s’impatiente, anxieuse de ne pas voir ses concessions passer aux oubliettes. En revenant sur sa parole donnée, Ma avait parié sur la passivité de la rue : et il perdit. En quelques jours, 75% de l’opinion se désolidarisa. 

Une réponse cinglante suivit : l’occupation le 18/03 du Yuan législatif, par 200 étudiants soigneusement préparés. Cinq jours plus tard, les jeunes allèrent plus loin, occupant les bureaux du 1er ministre Jiang Yi-huah, revendiquant l’abandon pur et simple du projet de traité.  La réponse de Ma Ying-jeou fut sèche : le 24/03, les étudiants étaient éjectés des locaux du 1er ministre, causant plus de 150 blessés. 62 étudiants furent arrêtés. Mais l’occupation du Parlement se poursuit, et l’image du Président en sort bien détériorée : on est retourné aux violences oubliées de l’ère de Chiang Kai-shek. Tentant de regagner la bataille de l’opinion, Ma s’adressa au public (23/03), plaidant l’importance du traité pour la croissance, et offrit aussi aux leaders étudiants de le rencontrer « sans conditions ». 

L’île, clairement, soutient ses étudiants – ils ont été dispensés de cours et 100 professeurs leur ont affiché leur sympathie. Le Président du Parlement, Wang Jin-pyng a demandé à la police de ne pas chasser les jeunes de ses locaux, et Lee Teng-hui, ex-n°1 national, adjure Ma de ne pas les prendre pour des « hooligans ». De telles positions qui frappent, quand on sait que ces deux personnalités sont du même parti que Ma…Ma, visiblement, cherche à étouffer la révolte en douceur. Mais le 27 mars, celle-ci rebondit avec force : la direction étudiante, menée par un jeune tribun, Lin Fei-fan, menace de tenir un rallye national contre le plan, si Ma ne le retire pas. Et de fait le 28 mars, le premier ministre acceptait le principe d’une « révision » de l’accord.

La veille, un journal taïwanais publiait la lettre ouverte de centaines de Hongkongais, avertissant l’île de ne pas suivre l’exemple de Hong Kong, de ne pas se laisser « sinoiser », laisser étouffer sa démocratie par une Chine autoritaire, moyennant une poignée de concessions commerciales. 

Pour la Chine, cela devrait être un avertissement très sérieux sur les limites qu’atteint sa stratégie de rapprochement. La «  diplomatie du carnet de chèques » ne fonctionne plus. Ce que les insulaires attendent, est un vrai dialogue – l’amélioration dans la gouvernance politique.


Energie : Sinopec : Le passage à l’âge adulte

C’est le vent nouveau qui souffle sur la Chine –depuis les grandes entreprises d’Etat.
Sinopec, le n°2 national du pétrole, fait savoir (20/03) qu’ il va vendre 30% de ses meilleurs actifs, une holding de ses 30.000 stations-services, ses 20.000 superettes, ses flottes de camions citernes, de pipelines, ses centres de stockage. 

Le prix « étiquette » serait de 12 milliards d’€, mais la valeur réelle est bien supérieure, ayant assuré en 2013, 37% des profits avant taxes. 

Cette vente est la réponse de Fu Chengyu, patron de Sinopec, à l’appel du pouvoir à diversifier et privatiser cette lourde économie d’Etat. En même temps, Fu avoue ne « pas chercher l’argent, mais des compétences et des idées ». 

Les fonds engrangés permettront au groupe de se recentrer sur son domaine de compétence—l’exploration et la production d’hydrocarbures.
Fu n’aurait rien contre le fait d’ avoir pour actionnaire une des « sept sœurs » multinationales du pétrole, telle Shell. Mais la perspective pour ce(s) investisseur(s) de rester minoritaire, dans la griffe d’un Etat monolithique à Parti unique, fait qu’il aura plus probablement des acteurs financiers nationaux, privés « sur le papier » plus qu’en réalité, assurances ou fonds de pension… 

Il n’empêche, la manœuvre rappelle celle de Total qui, 5 ans plus tôt, rassemblait tous ses actifs chimiques en un seul groupe, Arkema, dont il se séparait, pour se recentrer sur le pétrole, plus directement rentable. 

Ce faisant, Sinopec apparaît en train de tourner la page de sa jeunesse maoïste, où il était supposé avoir un pied dans tout, se rapprochant des autres géants du pétrole mondial, en quête d’excellence, de technologie et de concurrence.


Santé : Médecins et malades : la haine partagée

La violence en milieu hospitalier existe partout dans le monde, témoin de l’exigence croissante des patients concernant leurs droits en matière de soins de santé. Mais en Chine, les agressions sur le personnel soignant augmentent plus vite qu’ailleurs. En 2010, l’Association Nationale des Hôpitaux recensait 17.000 cas, soit 27 cas par hôpital – 7 de plus que 4 ans plus tôt. 

Parmi les derniers cas d’agressions : un médecin est tué à coups de barre de fer au Heilongjiang, le 18 février ; à Nankin, le 25 février, une fonctionnaire de 53 ans rend paraplégique une infirmière de 20 ans à coups de parapluie ; à Chaozhou (Canton) le 5 mars, 100 hommes encerclent et baladent de force, pendant 30 minutes, un médecin qu’ils accusent de n’avoir pas sauvé leur copain d’un delirium tremens… Pire est le chancre du yi nao (医闹) : un malade souhaitant se venger passe un contrat avec des bandes organisées qui viennent sur place rançonner, menaçant médecins et équipements. Dès 2006, 73% des hôpitaux en étaient victimes.

La crise vient de l’inadéquation entre soins prestés et demande. Écart lui-même du à l’abandon en 1985 par l’Etat de la prise en charge des hôpitaux. En 2013, les 22.000 hôpitaux chinois ont fourni 7,3 milliards de consultations – 191 millions de patients ont renoncé en cours de route à recevoir leurs soins, et 70.000 ont porté plainte. Le système est dépassé. Les attentes sont longues, et souvent en vain. Mal payés, faisant jusqu’à 100 consultations par jour, les médecins survivent en taxant illégalement les malades (hongbao) ou le laboratoire (huikou). 

De ce fait, selon divers sondages, la confiance mutuelle est au plus bas, à 30% chez les patients et 26% chez les médecins. 71% de docteurs changeraient de métier s’ils pouvaient, et 77% interdisent à leurs enfants d’en faire leurs études. 78% décrivent la relation aux malades « tendue » ou « très tendue ». Plus de 50% avouent avoir connu au moins une dispute depuis 12 mois – suivie de voies de fait, pour presque un quart d’entre eux. 

Wenling Zhejiang Manif Anti Violence Hopitaux Oct 2013

Ce désarroi est si fort que 30.000 soignants signaient en mars une pétition appelant à de meilleurs rapports avec les malades, et le thème faisait l’objet d’un débat très suivi lors de la session du Parlement début mars. Shu Xiaomei, députée, médecin, y réclamait le renforcement des appariteurs (gardes privés) en hôpital. Xi Jinping approuvait, invitant la justice à réprimer les fauteurs « selon toutes les rigueurs de la loi ». Li Bin, la ministre, tenait à peu près le même discours. Hôpitaux et pouvoirs publics n’ont pas attendu l’invitation pour renforcer leur défense. Tout hôpital de plus de 2000 employés compte « au moins 100 gardes » selon les instructions centrales – petites armées équipées de tasers et matraques à crochets, sans compter leurs détectives privés. Certains médecins et infirmières sont même formés au Taekwondo. 

D’autres moyens sont testés : des assurances en cas d’erreur médicale. Mais elles ne proposent de tels services qu’avec méfiance. Il y a aussi les « comités de litigation », qui auraient traité 53000 cas en 2013, dont 88% « réglés ». Mais on en doute : médecins comme patients ont besoin de plus que des bonnes paroles pour régler les bouffées de rage quand elles explosent. Dans la même veine, les hôpitaux lancent des assistants sociaux et experts en gestion des conflits. Des bonus vont aussi compléter les salaires des hommes en blanc, attribués par les « votes » des patients en fonction de leur cote d’amour. 

Cependant, selon le professeur He Jingwei de Hong Kong, la solution au problème de la santé chinoise passera par une refonte du système. Deux voies d’avenir sont envisagées : 1 – vers une santé publique reconvertie en prestataire de services, non tournée vers le profit, et ‚2 – vers la naissance d’une santé privée, avec liberté aux soignants d’exercer à temps partiel dans les deux branches. Ici, deux nouvelles. La bonne, est que ces deux voies sont celles de la réforme engagée depuis 2009. La mauvaise, est qu’elle n’en est qu’aux balbutiements, et faute de moyens, il faudra encore attendre longtemps.


Architecture - Urbanisme : Vers un déménagement de Pékin aux environs ?

Arrivant à Pékin en 1949, Mao Zedong avait tranché : la capitale de la République populaire de Chine serait la cité impériale, nulle part ailleurs. Cependant Xi Jinping et Li Keqiang tentent actuellement d’effacer à la fois la parole du père fondateur et la résistance des citadins, pour déplacer vers le Hebei une partie de la capitale. 

Selon le plan dévoilé, sous la coordination de la grande région «Jing-Jin-ji » (Beijing, Tianjin, Hebei), la ville de Baoding recevrait des administrations, universités, hôpitaux et centres de recherche, et celle de Langfang accueillerait les industries de services et high-tech. 

Située au sud de la capitale, Baoding, (11 millions d’habitants) se trouve à 150 km et 40 minutes par TGV, et Langfang (4 millions), à une vingtaine de minutes par TGV.  Un argument essentiel est l’environnement. Avec 21 millions d’âmes, Pékin boit 3,6 milliards de m3 d’eau par an, bien plus qu’elle n’en reçoit. Sa table aquifère, en 2010, était à moins 21m, 10m de moins qu’en 2004. 

Il s’agit de rompre la spirale de hausse de la population de 470.000 arrivants par an, et d’écarter les industries. 1200 pollueurs majeurs devront quitter Pékin sous trois ans—pour le Hebei, en partie ! La transplantation aiderait aussi à régler le problème aigu du prix du foncier : 12.000¥ du m² à Baoding, c’est le prix pékinois de 2004. 

À peine annoncée, l’action provoque, bien sûr, une levée de boucliers : selon Wang Jinying, doyen à l’université du Hebei, « aucun institut pékinois en son bon sens, n’acceptera de quitter la ville la mieux équipée du pays ». Comment éviter de faire que ce plan, sur le fond indispensable, ne se transforme en vœu pieux ? 

Xi Jinping a deux arguments : 1- son autorité inégalée en 30 ans, parmi les chefs du pays successifs. Ses campagnes de masse « anti-corruption » et « service du peuple » n’ont pour but final que son renforcement ; ‚ et par des plans d’aménagement de Baoding et de Langfang: les fonds commencent déjà à se distribuer, les planificateurs à plancher. Mais la route sera longue, et la bataille nullement gagnée .


Diplomatie : Les dernières étapes du périple de Xi Jinping : l’Allemagne, la Belgique et l’UE

Les 28-29/03, Xi Jinping poursuivait son voyage en Europe par une escale de 48h chez son premier partenaire commercial européen : l’Allemagne.
Comme attendu, les contrats signés lors de la visite du Président chinois relèvent principalement du secteur automobile :

Daimler avec son partenaire BAIC vont investir 1 milliard d’€ dans leur JV pékinoise, visant à doubler la production locale à 200.000 véhicules d’ici 2015.
Volkswagen va élargir sa coopération avec SAIC, aux véhicules hybrides et aux piles à combustible. Avec FAW, son autre partenaire chinois, Volkswagen a annoncé vouloir accroitre la production de leur JV. Cela passera par une nouvelle usine dont le lieu n’est pas encore connu.
BMW signe un accord de « coopération stratégique » avec le groupe Brilliance, qui est son partenaire en Chine (Shenyang, Liaoning) depuis plus de 10 ans.

Mais aussi…

Siemens signe un accord avec Huaneng Power International et Shanghai Electric Group, pour développer conjointement des turbines à gaz, centrales thermiques et éoliennes
Bayer investira 100 millions d’euros pour augmenter ses capacités de production pékinoises

Le moment fort de cette visite fut la signature d’une lettre d’intention entre la Bourse de Francfort et la Bank of China, et entre la Banque fédérale allemande, Bundesbank, et la Banque Centrale chinoise (PBOC), sur la compensation et le règlement de transactions en renminbi. Frankfort devient donc la première place financière européenne à accueillir une chambre de règlement et compensation du yuan. Un accord très similaire fut signé trois jours après avec Londres le 31/03 – Paris attend son tour.

Xi Jinping Allemagne Duisbourg Train CargoXi Jinping fit également un saut dans le « Land » de R hénanie-du-Nord-Westphalie (800 entreprises chinoises y sont installés), où il inaugura un consulat à Düsseldorf et assista, au port de Duisbourg (1er port intérieur au monde), à l’arrivée du train-cargo qui parcourt 11,179 km en seulement 16 jours, depuis Chongqing, et achemine, à aller comme au retour, des pièces pour HP ou Volkswagen. 

Deux fois plus rapide que le bateau et 50% moins chère que l’avion, cette « nouvelle route de la soie » ouverte l’été 2011, connait un succès certain, ayant permis de porter à trios le nombre de rotations hebdomadaires.

Xi Jinping Allemagne Football Peng Liyuan Berlin 29 Mars

Anecdote : en grand fan de football, Xi Jinping assista à Berlin, à un match amical entre deux équipes de juniors (10 ans), l’une allemande, l’autre originaire de la province du Shaanxi, en Allemagne dans le cadre d’un programme d’échange. Ce fut l’occasion pour Xi de rappeler que l’avenir du football chinois est dans les mains de sa jeunesse, et qu’il compte particulièrement sur le nouvel entraineur français de l’équipe nationale chinoise ( Alain Perrin, qu’il avait rencontré à l’Elysée quelques jours plus tôt) pour relever le niveau. De passage aux Pays-Bas une semaine avant, Xi a déclaré (22/03) au célèbre gardien néerlandais, Edwin van der Sar, qu’il espère que les échanges footballistiques entre les deux pays puissent se développer à l’avenir. 

Dernière étape en Belgique

Xi Jinping Roi PhilippeDernière étape de son périple sur le vieux continent (30/03-01/04), Xi Jinping était en Belgique, reçu par le roi Philippe et le Premier ministre Elio Di Rupo. 

Onze accords belgo-chinois ont été signés, de l’enseignement aux télécoms, mais aussi :

– un traité sino-belge d’entraide judiciaire en matière criminelle,
– un protocole pour l’exportation de produits d’alimentation animale vers la Chine.
– un projet d’incubateur technologique à Louvain-la-neuve : un complexe de 73,000 m2, dédiés à la recherche (nanotechnologies, développement durable, informatique…) qui sera financé par la partie Chinoise à hauteur de 200 millions d’euros. Il hébergera 50 entreprises chinoises, créera 1300 emplois en Belgique et accueillera 700 expatriés chinois. Son ouverture est prévue pour 2016.
– l’Antwerp World Diamond Centre (AWDC) et la Shanghai Diamond Exchange (SDE) ont conclu un accord visant développer leurs échanges de 10% chaque année. L’an passé, Anvers exportait 1,9 million de carats de diamants (valeur de 3,7 milliards de dollars) vers la Chine, tandis que les importations chinoises vers Anvers s’élèvaient à 2 millions de carats, pour une valeur de 3,4 milliards de dollars.

Xi Jinping Rompuy

Bien sûr, Xi ne manqua pas de saluer les deux pandas prêtés par la Chine pour 15 ans, au zoo de Pairi Daiza à Brugelette.

Mais surtout, Xi Jinping devint le premier président chinois à visiter les institutions européennes, et, geste inimaginable il y a encore quelques mois, l’UE et la Chine s’engagèrent à accélérer les préparations d’un accord de libre-échange

Mais avant de démarrer les négociations, l’UE réclame qu’un accord sur la protection des investissements soit signé.

Xi Jinping Volvo Belgique GandLe dernier jour de sa visite, Xi Jinping s’est rendu à Gand pour visiter l’usine du groupe Volvo (racheté par Geely en 2010) et a dévoilé, avec le roi Philippe, la 300.000ème berline produite sur le site, destinée au marché chinois. 

Enfin, il donna un discours à Bruges, au Collège d’Europe, et inaugura un centre de recherche « Union européenne-Chine », financé par le Fonds InBev-Baillet Latour.


Petit Peuple : Lukou – Shenzhen : Quand deux sœurs échangent leurs maris (partie 2)

Echange D'epouxRésumé Partie 1 :  A Lukou (Hunan), Liu Li, jeune femme, avait épousé Feng Sheng et Liu Xiang, sa sœur, avait pris Wang Yang pour époux. Mais bientôt, les vicissitudes de la vie les amenèrent à échanger leurs maris – Liu Li et son nouvel amant habitaient à Shenzhen, tandis que la cadette et Feng Sheng restaient au berceau familial. 

L’équilibre instable du clan se rompit en 2007, quand Liu Xiang eut son second enfant, de son second mari, sans être divorcée du premier. La vieille mère fut chargée d’aller à la mairie de Lukou, enregistrer ce nouveau-né…

Acte VI : Disons le tout net, les permutations successives de maris par ses filles avaient fait perdre le nord à la vieille mère. Aussi, ne lui jetons pas trop vite la pierre : bien d’autres auraient pu s’y perdre… Qui plus est, en Chine rurale, la loi, l’administration et le cancan ne sont pas tendres avec les affaires extraconjugales, encore moins avec les entorses au planning familial. Dans la situation scabreuse où les deux sœurs s’étaient mises, le clan entier risquait son honneur et sa réputation. 

Aussi, alors que la grand-mère faisait la queue, tout comme d’autres, venus comme elle mettre à jour leur état civil, elle perdit les pédales devant tous ces curieux qui tendaient l’oreille pour ne pas perdre un mot de ce qu’elle allait à présent dévoiler.

Face à une préposée aussi avenante qu’une porte de prison, au lieu de déclarer Liu Xiang comme la mère du petit Feng Tao, comme elle aurait dû, elle s’entendit, stupéfaite, prononcer le nom de l’aînée, Liu Li, sa fille de Shenzhen. 

D’un seul tour de passe-passe, cela réglait bien des choses. Aux yeux du village, le nouveau-né était tout ce qu’il y a de plus légal, fruit des amours de Liu Li et de Feng Sheng, encore son mari devant la loi, pour quelques semaines encore. Aussi, la mamie ne devina pas les conséquences burlesques qui résulteraient de son improvisation fautive… 

Acte VII : Pendant ce temps à Shenzhen, la vie suivait son cours. Enfin libéré de son mariage avec Liu Xiang, Wang Yang et Liu Li purent enfin officialiser leur union en mars 2008, célébrée dans un modeste restaurant en présence de quelques amis. Neuf mois plus tard, presque jour plus jour, se présenta au berceau une adorable petite fille, qu’ils allèrent déclarer en toute sérénité. C’était leur droit : le 1er enfant de Liu Li ayant été d’un autre mari, il ne comptait pas selon la règle d’« un enfant par couple ». 

Seulement voilà, au bureau de la population, quand ils vinrent faire l’enregistrement, une surprise de taille les attendait : après un regard routinier sur son écran, le rond de cuir leur « rappela » qu’ils en étaient à leur second enfant, depuis l’enregistrement du 1er fils de Liu Li à Lukou, en 2007. Ils allaient donc devoir s’acquitter de la plus salée des amendes : un à deux ans de leurs salaires cumulés. 

Acte VIII : Pour le couple sûr de son droit, il n’était pas question de se faire taxer pour les autres, fussent-ils leurs ex-conjoints. Ils descendirent donc à Lukou pour tenter de faire rectifier la déclaration malicieuse de la mamie. Mais là, ils ne rencontrèrent que des cadres bornés et soupçonneux, arc-boutés sur le déni de l’erreur que Liu Li et Wang Xiang tentaient de leur démontrer. Rien n’y fit – ni patience, ni longueur de temps, ni les accès de colère théâtrale qui leur fit palpiter le cœur et « surgir la sueur froide dans le dos » (hàn liú jiā bèi, 汗流浃背). 

Acte IX : Après plusieurs mouvements pendulaires des malheureux parents entre Lukou et Shenzhen, une police excédée émit son verdict comminatoire : les quatre parents et Feng Tao, le garçonnet à la source du litige, devraient se plier à un test ADN, dans le même centre d’analyse, pour qu’on y voie clair.

Or, Liu Xiang et Feng Sheng ne comptaient pas assumer leur responsabilité : Liu Li et Wang Yang étaient les demandeurs, pas eux ! Alors ils n’avaient qu’à faire le test à Changsha, capitale du Hunan, et tout payer pour eux cinq.

Ce qui fut fait en 2014. Une fois les résultats émis, Feng Tao put changer de mère légale, et le couple de Shenzhen put finalement enregistrer leur fillette. Et tout rentra dans l’ordre – ou presque…
Sauf que Wang Yang et Liu Li réclament justice. Ils ont dû payer le transport, l’hôtel, se passer de trois jours de salaire, le tout pour 10.000 yuans…Qui va payer tout cela ? Pourquoi l’Etat ne paie t-il pas pour les expertises qu’il réclame, et pourquoi pas Liu Xiang et Feng Sheng, les responsables de la faute au départ ? 

Sur l’épineuse affaire, les juristes, les cadres s’interrogent – et la presse jubile devant cette savoureuse affaire à la Clochemerle, version chinoise méridionale !


Rendez-vous : Les rendez-vous du 31 mars au 13 avril 2014
Les rendez-vous du 31 mars au 13 avril 2014

29 mars – 2 avril : Hainan Rendez-vous, Salon de l’industrie du luxe (aviation, yatch, immobilier)

31 mars – 1 avril : Shanghai, Première Vision China, Salon du textile européen

31 mars – 3 avril : Shanghai, Expo Build, Ecobuild, Salon du bâtiment et de la construction écologique

31 mars – 3 avril : Shanghai, Expo Coffee & Tea 

31 mars – 3 avril : Shanghai, Expo FineFood, Salon de l’agroalimentaire pour industrie hôtelière

31 mars – 3 avril : Shanghai, Hotelex + Design & Deco, Salon de fournitures hotelières

8-10 avril : Shanghai, China Power & EPower, Salons de la production de l’énergie

8-11 avril : Hainan Boao Forum