Le Vent de la Chine Numéro 8

du 3 au 9 mars 2013

Editorial : Réforme monétaire : « nuit et nuages » au sommet !

Improbable et pourtant bien réelle, la croissance chinoise depuis novembre, surprend le reste de la terre. Elle ne doit rien au hasard, explique (25/02) Jing Ulrich, Présidente des « marchés globaux » chez JPMorgan : pour la seconde fois en 5 ans, l’économie chinoise est inondée de crédits, 2 540 milliards de ¥ en janvier, +160% sur 12 mois, lui permettant de résister à l’érosion de son export. 

Par rapport à 2008, une différence apparaît : seuls 40% de ces fonds viennent directement des banques. Le reste provient du « crédit de l’ombre ». Mizuho Securities évalue à 28 trillions de yuans leur masse globale (quadruplée depuis 2008), dont 40% en gestion de fortune (chez les banques, mais n’apparaissant pas dans leur bilan) 40% en prêts non-bancaires, 20% en prêts clandestins. Une bonne part de ces fonds sont le reliquat du stimulus public de 2008, aujourd’hui éparpillé dans la nature. Pour l’instant, ils maintiennent une activité florissante, enviée par le reste du monde mais au risque de multiplication des affaires insolvables. Exemple : l’ilot Phœnix (Hainan – cf photo) aux tours style « Dubaï », qui se sont vendues 150.000¥ par m2, n’en valent à présent plus que la moitié. 

Aussi l’Etat met les bouchées doubles pour calmer ce marché spéculatif. Il prépare une taxe foncière. Le 18/01, la Banque Populaire de Chine (BPdC) annonce un tableau des opérations à 7 jours, les SLOs (Short-Term Liquidity Operations), afin de les rendre visibles, tout en faisant un pas vers la libération des taux d’intérêt. Un autre fer au feu est le contrôle de la gestion de fortune et des instruments de dépôts des banques, aujourd’hui non inscrits en leur bilan. Faibles en 2008, ces placements feraient 10% des actifs des grandes banques, 20% des petites. Désormais, ils devraient être inscrits auprès du régulateur local, moins pour les taxer que pour les protéger par une vision globale, permettant d’en voir les risques. 

En même temps, on assiste aux nominations dans la haute finance, entièrement aux mains du PCC. Surprise : à 65 ans, âge de la retraite obligatoire, Zhou Xiaochuan, l’antique gouverneur de la Banque Populaire de Chine, est reconduit grâce au subterfuge administratif d’une promotion comme vice-Président de la CCPPC. Or, il était officieusement partant. Ce maintien est expliqué par le besoin de stabilité en une époque trouble, que peut offrir un expert blanchi sous le harnois. Avec doigté, Zhou accélérerait la dérégulation du yuan, et aiderait ces firmes publiques à se débarrasser de leurs prêts faillis, aux moins mauvaises conditions. 

Une autre raison se propose, plus plausible, plus gênante aussi : il n’y a pas d’ accord au Bureau Politique, ni sur des hommes, ni sur une politique financière-économique d’avenir. Aussi Zhou est-il re-conduit, mais avec moins de latitude qu’ avant, car Xiao Gang, l’ex-patron de la Banque de Chine, devrait reprendre le poste de Secrétaire du Parti à la Banque Populaire de Chine (que Zhou exerçait aussi jusqu’alors).

Dans la foulée, trois autres quasi-retraités gardent leur place à la tête de grandes banques : Guo Shuqing (CSRC – China Securities Regulatory Commission), Chen Yuan 68 ans (CDB – China Development Bank), et Li Ruogu, 62 ans (Exim Bank). Confirmant ainsi cette impression de gel de la politique monétaire ! 

Une prédiction de l’experte de JPMorgan semble cependant encourageante, conforme aux annonces du futur 1er ministre Li Keqiang : pendant 10 ans, le modèle de croissance par l’investissement public devrait évoluer, sans disparaître. Pain béni des provinces et des entreprises d’Etat, les grands chantiers d’infrastructures demeureront, mais ils changeront de finalité. L’essentiel des 30 à 40% de dividendes des Grandes Entreprises d’Etat remis en impôt à l’Etat, n’irait plus en investissement de soutien à l’export, mais au bien-être populaire, notamment dans l’urbanisation, l’environnement et la couverture sociale. Ainsi, la Chine s’engagerait dans une nouvelle voie davantage durable, sans affronter l’oligarchie, qui veut gagner du temps et garder ses privilèges. 

La question étant de savoir si ce pays fort déséquilibré par 10 ans de non réforme, peut se permettre d’attendre longtemps sans combattre ces Etats dans l’Etat, et sans se doter d’une politique claire et cohérente. Pourtant, un expert exprime sans illusion son intuition : « la réforme, la rupture, ne viendra pas de cette équipe-là » ! 


Diplomatie : Pékin – Moscou : quand le gaz va, tout va…

Lundi 25/02 à Pékin, Chine et Russie célébraient un accord « historique ». Moscou s’engageait à livrer 38 miliards de m3 de GNL par an dès 2015, au départ d’un terminal Gazprom à Vladivostok, et d’un autre à Yamal (joint-venture de Novatek et Total). Sous réserve de validation fin mars par Xi Jinping et Vladimir Poutine à Moscou, cet accord pourrait être le plus important jamais passé entre les deux pays, rompant avec 7 années de palabres stériles. 

Depuis 2006, la Chine revendiquait des livraisons de Sibérie de l’Ouest (Altaï) en dessous des cours mondiaux, pour soutenir sa politique d’énergie subventionnée. Mais la Russie, inconfortable à l’idée de trop s’engager dans cette alliance, tergiversait et tentait de signer avec la Corée du Sud ou le Japon. 

Finalement, c’est sur les puits de Sibérie de l’Est que se conclut l’affaire. Alors, pourquoi V. Poutine a-t-il changé d’avis ? Pour deux raisons : 
1. L’incident de l’Ukraine en 2008 l’y a incité. Quand il avait coupé en plein hiver le gazoduc vers l’Europe pour forcer l’Ukraine à payer sa part. Les pays de l’UE avaient alors perçu la nécessité de diversifier leurs achats et de réduire leur dépendance envers un voisin peu sûr. Cinq ans plus tard, les effets sur les carnets de commande russes se font sentir. ‚
2. En exploitant leur gaz de schiste, les Etats-Unis ont changé la donne, cessant d’importer pour devenir exportateur, et infléchissant à la baisse les cours mondiaux. 

La Chine elle, peut miser sur ce gaz propre pour ses engrais, et sur sa production thermique pour réduire sa dépendance au charbon. Elle importera 78,5 milliards de m3 en 2014 : si les négociations sur le gazoduc « Altaï » (qui se poursuivent) aboutissent, l’essentiel de ces livraisons pourraient venir de Russie. 

Détail insolite : la rencontre préparatoire voyait face-à-face Arkady Dvorkovich et Wang Qishan, son homologue vice 1er ministre (pour quelques jours encore). Mais après le Plenum de l’ANP, sous les ordres du 1er ministre Li Keqiang, Wang tiendra un poste aux antipodes : la présidence de la CCID, police (anti-corruption) du Parti. Quand on sait qu’il guerroyait depuis 2011, âprement mais en vain, pour cette place qu’occupe Li, et qu’il est de l’écurie conservatrice de Jiang Zemin, alors que Li est de celle réformiste de Hu Jintao, cette insistance à exercer jusqu’au bout une fonction d’économie internationale, permet de deviner une source du blocage au renouvellement des ténors de la banque (cf édito), et de la réforme financière, pour l’instant dans les limbes…

Entre les deux pays, la coopération envisagée dépasse de beaucoup les livraisons de gaz. D’ici fin mars, il est question que la Chine fournisse 30 milliards de $ en avance sur pétrole, dont les livraisons doubleraient à, au moins, 26 millions de tonnes par an ; assez pour construire le vieux projet de raffinerie à Tianjin (JV de Rosneft et CNPC) ; la Sibérie pourrait passer premier fournisseur mondial de charbon à la Chine, et d’autres coopérations (nucléaire, renouvelables, aluminium) piaffent dans les starting blocks… 

La coopération entre ces deux géants n’aboutira pas sans mal, vu les siècles de méfiance qui les sépare. Mais les intérêts en jeu sont assez grands (l’objectif d’échanges de 100 milliards de $ pour 2015 sera aisément atteint, étant déjà à 88 milliards de $ en 2012, avec une croissance de 11% malgré la crise), pour faire de ces voisins d’authentiques alliés du fait de leur immense complémentarité dans le domaine de l’énergie. 


Société : S’arrachant à l’obscur, la moitié du ciel reprend sa liberté

L’enquête conjointe de l’université Tsinghua et du magazine Xiaokang, jette un regard cru sur la santé des ménages de cette dernière décennie. En 2009, les divorces (2 millions) frisaient le double des mariages (1,2 million) et la tendance s’emballe en 2012, avec 2,87 millions de divorces (+7,65% sur 2011).

Le sondage éclaire les critères chinois du bonheur en couple : en n°1, l’amour, puis le désir d’échanger et de se comprendre, la loyauté, l’enfant, le revenu. Enfin, le sexe (n°7), la discrétion de la belle-mère (n°8), d’autres membres de la famille (n°9), et l’achat de la maison (n°10).

L’étude le révèle, plus de 50% des époux se parlent moins d’1 heure par jour, et 42% se disent prêts à tromper l’autre, malgré le risque de briser l’union. Les couples seraient heureux les trois premières années, et malheureux de la 7ème à la 10ème. 

Une autre cause de rupture est « l’enfant ». 70% des femmes y reportent leur quête de bonheur, et le couple lui sacrifie trop. Malgré tout, même insatisfaits l’un de l’autre, les partenaires conservent une vision romantique, ressentant à 62% que l’amour est « plus important » que l’argent, et déclarant à 80% qu’ils ne changeraient point de partenaire, si c’était à refaire. 

Pour les auteurs, la véritable cause de la mort des couples, ou de leurs difficultés, est dans l’incapacité (induite dès l’école) à communiquer, faire des compromis, faire de deux individus un couple. Cette situation est toute nouvelle –due à l’arrivée en ville, laquelle éveille à la personnalité individuelle. Ainsi, la moyenne nationale des divorces reste basse, à 2,29%, mais dans les métropoles, elle grimpe hyperboliquement : Pé-kin (39%), Shanghai (38%), Shenzhen (36%), Hong Kong (34%).

La grande absente de l’enquête est la violence conjugale. En 2011, la Fédération des Femmes l’estimait présente dans 25% des foyers et la Société du Droit, dans 35%. Une violence surtout masculine, cause probable des 70% de divorces initiés par la femme. La violence peut être due à l’infidélité (l’exigence du mari d’imposer sa double vie). Elle peut aussi refléter son exaspération de voir sa conjointe vivre sa vie professionnelle, et y réussir mieux que lui. Tout se passe comme si, discriminée depuis toujours, la Chinoise remontait la pente à force d’assiduité dans ses études et sa carrière, et causait ainsi un conflit chez son partenaire mâle resté convaincu de sa supériorité naturelle. 

Exemple flagrant : l’administration dénomme formellement une femme de 27 ans, non mariée, shèngnǚ (剩女), « dont personne ne veut », et lui recommande de « se retirer du marché du mariage » (mots épinglés par la Fédération des Femmes). En oubliant les 40 à 50 millions de paysans restés célibataires, victimes de 30 années d’avortement sélectif, qui cherchent désespérément compagne… 

Tout ceci aide à comprendre pourquoi aujourd’hui toujours plus, « la moitié du ciel » (expression de Mao désignant la femme) reprend sa liberté, s’arrachant au Moyen-âge dans lequel elle était jusqu’alors asservie ! 


Société : Tibet : le dernier stratagème

Au Tibet (Région Autonome), le calme règne, sous la poigne du nouveau gouverneur Lobsang Gyaltsen. Cette paix précaire permet à Liu Xiaoming, ambassadeur de RPC au Royaume-Uni, d’affirmer que « la page est tournée… le Tibet ne se ferme pas au monde » : affirmation audacieuse, que dément immédiatement un refus de visa pour le Pays des neiges à Guy St Jacques, son collègue canadien à Pékin. 

La situation est plus dure au Tibet extérieur : au Sichuan (14-17/02), 3 tibétains se sont immolés, portant à 105 le nom-bre des suicides depuis 2009. Le 27/02, la police arrêtait 5 locaux, surtout moines, accusés d’avoir incité ces gestes. 

Le régime tente tout pour reprendre le contrôle. Dernier moyen : fermer les yeux sur l’arrivée en masse (200 à 300 dans la seule Xining, Gansu) de missionnaires protestants américains, dans l’espoir de conversions en masse, qui fassent contrepoids au bouddhisme lamaïste. Ces jeunes prosélytes arrivent isolés, ouvrant restaurants et chambres d’hôtes. Ils offrent cours d’anglais et de formation, séances de cinéma, tout en distribuant bibles et tracts en tibétain. Ils ont leurs chaînes de radio comme « Good news for Tibet », leurs associations comme « Joshua Project ». 

Jusqu’à ce jour, selon les sources, ils n’ont pas grand succès : leur critique du lamaïsme est mal vécue. Mais leur arrivée au Tibet altère la perception locale de l’étranger : non plus protecteur de leur foi, mais faisant partie commune avec le régime, pour tenter de la remplacer ! 


Politique : Avant le Plenum : Xi Jinping, Li Keqiang, et la boule de cristal

La seconde session du Comité Central s’est achevée (26-28/02) : le rideau peut se lever sur le Plenum de l’ANP, le 05/03, où Wen Jiabao le 1er ministre, fera son ultime discours d’ouverture, laissant son successeur, Li Keqiang, avec le nouvel homme fort, Xi Jinping, adopter le dernier programme quinquennal. Ce tandem n’agit pas les mains libres : face à lui, cinq apparatchiks implantés au dernier moment par le vieux leader Jiang Zemin, font corps contre leurs rêves de réforme.

Yang Jiechi, l’ex-MAE, passe Conseiller d’Etat en charge de la diplomatie. Or en novembre encore, Wang Huning était pressenti pour ce poste. Pour les affaires étrangères, le manque à gagner est lourd :  Yang passe pour un exécutant plus qu’un concepteur, contrairement à Wang, débordant d’idées –un « Jacques Attali » chinois. ‚
Si Wang, qui venait d’accéder au Bureau Politique, était passé Conseiller d’Etat, la diplomatie serait entrée à l’organe suprême, dont elle est absente depuis 30 ans (au contraire des militaires qui y pèsent lourd). Ex-étudiant de Berkeley et francophone, Wang Huning était l’homme des Etats-Unis et de l’UE, à même de soigner les relations avec l’Ouest…
Mais c’est Wang Yi, ex-ambassadeur au Japon et expert de la Corée du Nord, qui sera nommé ministre des Affaires Etrangères. On devine ici une priorité qui émerge, car la Chine attend de l’Asie ses plus gros soucis, avec une Corée du Nord toujours plus incontrôlable, et un Japon viré à droite, irrité par la fièvre nationaliste chinoise et ses prétentions sur les îles Senkaku-Diaoyu. D’ailleurs, suite à son expansion maritime militaire, Pékin n’a plus qu’un allié en Asie : le Cambodge de Hun Sen… Face à tels soucis, Wang Yi est l’homme de la situation !

Second pilier de ce Plenum inaugural de l’ère Xi Jinping : la réforme du Conseil d’Etat, telle que fuie en octobre, visait une réduction de 28 à 17 ministères. C’était un choix surtout politique. Il s’agissait de réorienter les invests d’Etat vers le social : offrir une « nouvelle division du travail entre pouvoir, investisseurs et groupes sociaux », métamorphoser l’Etat dans un sens de « service, cultivant intégrité et compétence », et « redistribuer la richesse publique selon d’autres critères ». 

Sans en avoir l’air, Xi et Li veulent aussi démanteler des places fortes d’intérêts conservateurs. Héritage de Mao, chaque ministère est un pré carré, « pesant » des milliards $ par an, source de prébendes à distribuer aux fidèles. Pour débloquer les fonds d’une politique sociale, il faut faire sauter le verrou des lobbies, eux-mêmes aux mains des familles historiques. 

Mais à présent, que reste-t-il de ce grand plan ? Corrompu notoire, le ministère des Chemins de fer serait refondu avec les autres Transports (aérien, routier, maritime). La Culture engloberait les tutelles de la presse, du livre, du cinéma. Mais quid des autres ? Du super ministère de l’Agriculture, de l’Energie ? Sur ces domaines et d’autres, la rumeur est moins qu’optimiste. 

Au moins, Xi Jinping le meneur de jeu, a un atout en main. Il vient d’obtenir l’appui de la « fraternité des enfants de Yan’ an » (le club des petits princes, fils des leaders historiques) pour avoir « rectifié le cours du Parti à un moment critique de vie ou de mort ». Ainsi, Xi Jinping a derrière lui les libéraux (pas si contents, ni rassurés, mais solidaires par clairvoyance), les militaires, et les gauchistes – tout le monde. 

D’ici 2015, trois tests permettront de vérifier la réalité de sa volonté de réforme : sa capacité à imposer aux apparatchiks la déclaration de leur patrimoine, à faire ratifier la convention internationale des Droits de l’Homme, et à démanteler les láojiào (劳教) – camps de rééducation de triste mémoire.


Environnement : ANP : L’environnement, toujours à la trappe

« Les amendements (à la loi de l’environnement) ne dénotent nulle intention de la renforcer, mais se range au côté des pollueurs », déplore ainsi (26/02) Wang Jin, prof à Beida, à l’aube du Plenum de l’ANP du 05/03. La loi de 1989 est clairement obsolète, mais le nouveau texte conserve aux tutelles économiques le pouvoir de véto sur les décisions des autorités « vertes », au nom de la « croissance ».

Sous l’emprise des lobbies, le régime ignore la leçon du smog récurrent en Chine du Nord depuis déc. (500 particules de µ 2,5 par m3 le 28/02 à Pékin) : au nom du « Secret d’Etat », le ministère de l’Environnement réserve les résultats de son enquête (2006-2011) à 1 milliard de ¥ sur la pollution des sols. Il est vrai que tout cadre qui défend trop l’environnement, voit sa carrière brisée, comme il advint à Pan Yue, vice-ministre, écarté en 2009 suite à son combat pour un « PIB vert ». 

Aussi en guise de combat contre la pollution, Pékin fait cette offre un peu dérisoire de bannir les barbecues – provoquant des haussements d’épaules. Plus sérieusement, il propose un cadre de contrôle de la toxicité chimique, et d’enregistrer d’ici 2015 tous les circuits de 58 substances nocives, ainsi que les évaluations systématiques des risques maximaux sur les riverains – début bien timide, et très en deçà des flamboyantes déclarations d’intentions dans la presse la semaine passée (taxe des firmes émettrices de CO2, crédits carbone, hausse du coût de l’énergie -cf VdlC n°7)… Comme quoi il y a loin de la coupe aux lèvres !


Petit Peuple : Qidong, Jiangsu : mère à louer !

Mi-janvier 2013, à quelques semaines du Chunjie, passage à l’année du Serpent, la Chine entière dépensait des fortunes en cadeaux et banquets. Madame Huang Juhong, 42 ans, les préparait d’une toute autre manière à Qidong (Jiangsu).

Sur le web, on trouve nombre de petites annonces postées par de jeunes hommes et demoiselles, proposant leur talent d’acteur, en l’échange de quelques milliers de yuans, afin de jouer les faux fiancés lors des retrouvailles familiales du Chunjie – service particulièrement appréciés des célibataires endurci(e)s ou des homosexuels pour ne pas à avoir à justifier leur choix de vie hors normes.

Mais Huang n’était point en quête d’un petit ami temporaire, mais plutôt d’une mère à louer.
Pourtant on s’en doute, ni ses enfants, ni son mari n’avaient la moindre chance d’avaler une si grosse ficelle !
C’est que Huang avait un drame à rattraper. En 2009, âgée de 74 ans, sa mère sérieusement malade, avait été hospitalisée.

Selon la coutume, c’est elle, la cadette, qui avait officié à son chevet pour la nourrir, la laver, la forçant à prendre les médicaments prescrits par les médecins. Mais elle était loin d’imaginer que cette piété filiale enverrait sa mère ad patres, rejoignant les centaines de milliers de décès annuels en Chine, par erreur médicale.

Cette disparition, Huang ne pouvait se la pardonner. Sa souffrance était double, par le sentiment rongeant de culpabilité, et par l’absence de l’être aimé – le trou dans l’eau qui jamais ne se referme…

Son mari, directeur d’usine, avait tout essayé pour lui rendre le sourire. Mais rien n’y avait fait, ni les massages, ni les sorties, ni les cours de danse : elle restait inconsolable…

Qui avait eu l’idée de cette petite annonce ? En tout cas, c’était la dernière chance de Huang et ses critères étaient très précis : être née, comme sa propre mère, autour du 23 septembre 1934 ; ne pas avoir d’enfant (ou qu’il vive au loin) ; et être libre au Chunjie, du 9 au 15 février. En échange, la prime était belle : 10 000 ¥ (en une enveloppe rouge) et le billet d’avion jusqu’au Jiangsu.

Et c’est à ce moment qu’advint la divine surprise : à peine l’annonce passée, une centaine d’offres affluèrent. Raison sans doute prosaïque. En ce pays, des millions de vieilles dames survivent sans pension digne de ce nom. Et si une riche famille était prête à offrir une semaine nourrie logée, ambiance tendre, avec en prime, ce magot à la clé, et bien, à ce prix, on n’aurait pas d’enfant et on serait née le jour-même demandé, sans faute, pour jouer la maman-ersatz d’une femme mûre !

Après dépouillement, c’est une certaine Tian Fengying originaire de Xi’an (Shaanxi) qui remporta le titre.

Pour conclure l’affaire, dès le 30/01, Huang sautait avec sa belle-sœur dans le premier avion pour Xi’an, apportant la moitié du montant en arrhes et quelques jolis vêtements achetés à Shanghai, en cadeau.

Au premier regard, Huang sut que son choix était le bon –les larmes aux yeux, elle avoua à la septuagénaire que « le destin les avait réunies » : Tian était le sosie de sa mère. Huang elle, était aux anges, voyant se dissiper sa hantise que l’autre revienne sur sa parole.

Vinrent les vacances tant attendues.

Même si chez Huang, nul n’était dupe, tous jouèrent le jeu et accueillirent Tian avec tous les égards dus à la « fausse » matriarche du clan. Huang vécut ces jours sur un petit nuage, retrouvant enfin la douceur perdue, la chaleur dissipée, et se sentant pardonnée.

Puis le rêve prit fin : le Chunjie passé, Tian dut repartir. La séparation fut digne. Huang jura de revenir la voir « dès qu’elle aurait le temps ». Car il est vrai que « de toutes les vertus, c’est la piété filiale qui prime » (百善孝为先, baishàn xiàowéixiān).

C’est ainsi que Huang retrouva une mère pour le restant de ses jours (ou du moins, ceux de l’ancienne !)…

On ne peut taire ici les critiques accusant Huang de manquer de respect envers sa défunte, en se jetant dans les bras de la première inconnue qui lui ressemble. Mais à ce qui nous semble, ces esprits chagrins sont réfutés par la médecine antique, qui spécifie : « quand on a mal au foie, on mange du foie ». Alors, quand on souffre de la mère, on soigne par la mère ! Ce serait le seul remède utile, dicté par la nature, le bon sens et les anciens.


Rendez-vous : Rendez-vous de la semaine du 4 au 10 mars 2013
Rendez-vous de la semaine du 4 au 10 mars 2013

4-6 mars, Canton : Printing South China : Salon de l’imprimerie de presse

4-6 mars, Canton : PVP China, Salon des pompes, valves et tuyaux

4-6 mars, Canton : SIAF, salon de l’automatisation des procédés

4-6 mars, Canton : Sino Print / Sino Label, Salon de l’imprimerie

4-6 mars, Canton : Sino Pak, Salon de l’emballage

4-6 mars, Canton : Water China, Salon de l’eau et du retraitement