Le Vent de la Chine Numéro 40
Le lecteur sera peut-être surpris par le sujet sérieux de notre dernier éditorial de l’année : la dette – celle du niveau central, des provinces, et celle privée. Pourtant, un tel choix est dicté par la nécessité, car de cette dette dépendra l’an prochain tout le reste : la capacité chinoise aux concessions, tant concernant le changement climatique, que l’apaisement de la crise avec le Japon, des avancées sur les pensions, les droits des travailleurs, etc…
Quel est l’endettement réel la Chine ? C’est un secret d’Etat. Lancé l’été 2013, un audit des finances publiques devait être publié en octobre – mais l’Etat a « oublié » de le faire –ce qui n’est pas bonne nouvelle.
La dette des provinces est très lourde (entre 9.700 et 20.000 milliards $) En obligations, les firmes devront rendre 2600 milliards de ¥ (427 milliards de $) en 2014 (+19%). Et il y a surtout les produits de gestion de fortunes (WMPs), qui explosent, pour atteindre 10.000 milliards de ¥ à repayer – ces produits servent à prêter aux provinces et aux firmes (privées et publiques), se substituant aux crédits propres des banques en voie de « désertification ».
Cette boule de neige de dettes fut initiée en 2008 par Wen Jiabao, le 1er ministre de l’époque, pour protéger la Chine de la crise mondiale. Une fois grillés dans des projets d’investissement, une bonne part de ces crédits passés dans des poches privées, repartirent dans des WMPs, d’un bien meilleur profit que les banques et la bourse – firmes et provinces contournant par ce biais les consignes d’austérité de Pékin. C’est d’ailleurs pour cela que l’Etat annonçait (cf. VdlC n°39) un plan de restriction du crédit interbanques, plateforme d’échanges hors contrôle de ces WMPs.
Mais aujourd’hui après 5 ans de vaches maigres, cette finance grise entre dans la zone dangereuse, celle où les défauts d’ emprunteurs risquent de se multiplier. Selon Guosen Securities, sur une moyenne de 10 ans, les firmes chinoises ont un taux d’endettement de 93% de leurs actifs, contre 70% dans le reste de l’Asie. Or, la conjoncture mondiale ne permet pas à ces firmes de rembourser leurs dettes…
Elles doivent donc s’endetter toujours plus –et à taux toujours plus élevé. Face à ce cercle vicieux, l’Etat a réagi avec vivacité par une batterie de mesures :
– « laisser faire le marché » – ne plus secourir les firmes (PME) en faillite en 2014,
– « noter les provinces selon leur dette » – lors de la promotion de leurs leaders,
– ouvrir dès janvier un fonds d’assurance bancaire financé par 0,015 à 0,02% des profits pour garantir 500.000¥ par compte d’ entreprise ou individuel, en cas de crash,
– rouvrir la bourse après 18 mois de hiatus : 11 milliards de $ en capitalisations nouvelles, pour ranimer la demande,
– le 12/12, les 5 grandes banques ont écoulé 19 milliards ¥ (3,1 milliards de $) de « certificats de dépôt négociables » au taux d’intérêt fixé par la loi de l’offre et de la demande : d’un titre minimal de 50.000¥, ils obtinrent des taux dépassant 5%, faisant exploser le taux officiel actuel de 3,3%. C’est une accélération manifeste de la libération des taux, vers la convertibilité.
– réformer la taxation en faveur des provinces, qui supportent 85% des dépenses publiques et ne recevant que 50% des recettes. L’Etat devrait renforcer ses financements dans la justice (lui donner les moyens de résister aux pressions locales), l’environnement et les infrastructures interprovinciaux, la sécurité des aliments…
L’idée est claire : tolérer des faillites isolées, éveiller firmes et provinces à la nouvelle gouvernance, prévenir ainsi tout éclatement de bulle. Si Pékin réussit ce pari, ce sera la dernière entaille (mais non l’ultime) au principe de l’économie d’Etat.
Par bonheur, la Chine a aussi de bonnes nouvelles. Guotai (3ème courtier boursier) voit le PIB, après avoir crû de 7,6% en 2013, se maintenir à 7,3% en 2014. L’export reprend, à +12,7% en novembre. D’après Liu Ligang, chef économiste à Australia & New Zealand Banking, le surplus commercial de 2013 ferait 240 milliards $, meilleur chiffre depuis 2008. Indice que si l’heure est à la consolidation, elle n’est pas à la panique : patiente mais fidèle, la reprise attend derrière.
We are glad to announce the release of the final part of our report “ Xi Jinping, the new era ” following the highly-anticipated Third Plenum of the XVIII. Congress (from 9 to 12th of November 2013).
All three parts together provide an overall, holistic view on the team that is set to rule and change China for 10 years. Therefore it is an indispensable tool for company decision making, understanding stakes, and finding clarity on the background and views of given top level cadres.
It was the missing piece of the puzzle of this country’s leadership until 2022, end of the second five-year legislature under Xi Jinping. The aim of this brief study is to analyze the results of the Plenum, its significance, and last but not least, the style of this new leadership.
Firstly, we will present 12 key reforms by sector – introduced, voted or decided since September 2013, not exclusively during the Plenum.
Secondly, two new organs were introduced: “the National Security Committee” & “the Leading group on the Comprehensive Deepening of Reform”. They definitely are the two innovations of the Xi Jinping’s era.
Finally, we will take a broader look at Xi Jinping’s overall strategy and the forces ratio behind it – particularly by promoting his allies and keeping his enemies at bay.
In annexes:
Annex 1: Liu He’s profile – the architect of the reforms
Annex 2: Shanghai Free Trade Zone – fact box
Annex 3: Ai Baojun’s profile – Head of the Shanghai Free-trade zone
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Extracts of »Third Plenum : Reforms or More Power in Xi Jinping’s hand ? »
The Third Plenum : Reforms or More Power in Xi Jinping’s hand ?
Introduction
A ) Key reforms by sector
– Economy
– Finance
– Consumer
– Environmental protection
– Family planning
– Health
– Old age care
– Pensions
– Rule of law
– Labor camps
– Petitioning system
– Corruption
Key reforms by sector
B ) Fundamental changes, two new governing bodies
– The National security committee
– The Leading group on the comprehensive deepening of reform
fundamental changes, two new governing bodies
C ) Xi Jinping’s overall strategy
– The judiciary reform
– Promoting allies and keeping enemies at bay
- Adopting a more robust foreign policy
Conclusion
Annex 1: Liu He’s profile – the architect of the reforms
Annex 2: Shanghai Free Trade Zone – fact box
Annex 3: Ai Baojun’s profile – Head of the Shanghai Free-trade zone
Depuis quelques mois déjà, des rumeurs couraient quant à la mise sous enquête de Zhou Yongkang – aujourd’hui confirmées. L’ex-responsable des polices durant 10 ans, est au secret (« shuanggui ») pour corruption.
Une autre accusation existe, en interne : avoir instigué une tentative de coup d’Etat en mars 2012, pour empêcher la passation de pouvoir de l’équipe Hu Jintao/Wen Jiabao à celle Xi Jinping/Li Keqiang au profit de Bo Xilai.
Après la chute de ses alliés, nombre de haut cadres de la CNPC et Jiang Jiemin (ex patron de la SASAC), ce lieutenant de Jiang Zemin est donc « lâché » par le clan conservateur, qui ne peut plus le protéger.
Toute la question est de savoir s’il y aura procès (qui briserait la règle implicite de ne pas s’attaquer aux dirigeants en retraite politique et prometterait un grand déballage de secrets d’Etat) – improbable, vu les risques !
– Le 3/12, l’agence américaine Millward Brown publie son classement annuel des 100 marques chinoises à la plus forte image—basé sur un sondage de 300.000 usagers, et les bilans financiers des groupes. En Chine-même, comme en 2012, China Mobile arrive 1er avec 61,4 milliards $ de capitalisation (+21%), devant ICBC et Tencent (qui gagne deux places). Au palmarès mondial, c’est Apple qui remporte la palme – China Mobile se hissant en 10ème place.
– En Chine, 71% du tableau reste l’apanage des firmes d’Etat (China Construction Bank, Agricultural Bank of China, Bank of China, PetroChina, Sinopec) poussés par leurs résultats financiers. Mais la part des entreprises privées augmente, reflétant leurs efforts de communication, délaissant les média traditionnels (TV, publicités papier, affichages, journaux…), au profit des media interactifs (internet, micro-blogs…).
– Un effort sensible sur la qualité commence à payer : la crise de confiance s’estompe en Chine, notamment auprès des consommateurs de produits laitiers tels Mengniu ou Yili, durement touchés suite au scandale de 2008 (lait à la mélamine).
– Ainsi, les secteurs qui gagnent le plus en valeur sont : la santé, l’alimentation, les nouvelles technologies, les agences de voyage et compagnies aériennes (Air China, CTIS, Ctrip). Baidu remporte le trophée de la marque auquel les consommateurs font le plus confiance. Par contre les spiritueux souffrent de la campagne de frugalité de Xi Jinping, pour l’instant trop connotés de corruption.
Autre point noir de l’enquête : les marques chinoises ne se « différencient » pas assez face aux étrangères -un facteur-clé pourtant dans la décision d’achat…
– C’est surtout à l’étranger que le bât blesse : seuls 14% des acheteurs anglais peuvent citer une seule marque chinoise, et 6% des Américains. Ces marques réussissent mieux dans les BRICS, avec 29% au Brésil, 27% en Russie, 22% en Inde (où la croissance a été la plus forte sur 2 ans) et 20% en Afrique du Sud. Un consommateur sur 2 en Inde et en Afrique du Sud se déclare prêt à acheter chinois (contre 1 sur 3 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni) – résultat qui s’éclaire par les investissements chinois (cf Vent de la Chine n°14) des dernières années en ces pays, comme les constructeurs auto en Amérique Latine (Chery, Geely, Great Wall Motor…).
Lenovo (n°1 mondial du PC), n°24 du palmarès des marques mais n°1 du classement des revenus provenant de l’export avec 57%, a su tirer son épingle du jeu en rachetant en 2005 la division PC (et tablettes) d’IBM, ce qui lui assura des produits innovants, de qualité, à prix raisonnables. Depuis, ce géant a fait de l’anglais sa langue de travail et s’attaque au marché du téléphone mobile.
Autre réussite, celle de l’électroménager avec des marques telles HiSense (n°4 – TV), Midea (n°7), Gree (n°10-climatisateurs), ou Haier (n°14 -produits blancs). Toutes ont une stratégie propre : HiSense vend dans plus de 100 pays, avec l’allemand Loewe en Europe, avec son usine sud-africaine pour l’Afrique, et offre une « clim » programmable par internet, en coopération avec Sina Weibo. Midea produit en JV en Egypte, Inde, Brésil et Vietnam, et sollicite un coaching international pour former son personnel. Tandis qu’Haier, après avoir racheté des concurrents allemands et US pour monter en qualité (cf Vent de la Chine n°34-35), bouleverse son management pour mettre la créativité au pouvoir.
Ainsi ces marques chinoises partent à l’assaut du monde pour imposer (comme Japon et Corée avant elles) une rupture d’image – l’entrée du « made in china » dans la cour des grands.
De tous temps en République Populaire de Chine, entre journalistes étrangers et leurs interlocuteurs au ministère des Affaires Etrangères, les rapports ont été complexes tissés de sentiments contradictoires, méfiance et respect. Aujourd’hui au département de tutelle des correspondants, les cadres sont jeunes, éduqués et courtois, anxieux de coopérer chaque fois que possible.
Or, c’est tâche difficile, par les temps qui courent : 24 journalistes du New-York Times et de Bloomberg attendent leur ré-accréditation, parfois depuis plus d’un an, pour Ph. Pan, chef de bureau du NYT, et de Ch. Buckley, grand reporter.
De même, en 24 mois, quatre collègues anglophones ont dû quitter le pays, faute de voir leur visa renouvelé. Tous ces professionnels étaient très engagés dans les droits de l’Homme, comme P. Mooney, le dernier éconduit et Melissa Chan, reporter à Al Jazeera. Elle était chinoise ethnique : difficile à repérer sur le terrain, et de plus très regardée au Proche Orient. Or, elle contredisait trop souvent par ses reportages critiques l’image positive que la Chine souhaite cultiver dans la région.
Dans le cas des 24 journalistes de Bloomberg et NYT, Pékin bloque les visas, suite à leur révélation en 2012 de la fortune des familles de l’ex-1er ministre Wen Jiabao (2,7 milliards de $, selon NYT) et de Xi Jinping (376 millions de $, selon Bloomberg).
En novembre, Bloomberg avait gelé la publication de deux longues enquêtes sur les liens entre un milliardaire local et des familles de dirigeants, et sur le recrutement de fils de la nomenklatura par des grandes banques étrangères. Faute d’avouer la vraie raison à ce gel, Bloomberg avait été accusée de compromission – un des auteurs avait démissionné. Cela créa une tension extrême avec l’Etat chinois.
L’oligarchie dirigeante se défend, faisant jouer la discipline collective, et sa situation est tout sauf confortable. La Chine ne peut empêcher une presse étrangère courageuse et sans complexe, soutenue par sa classe politique, d’enquêter sur des agissements qui faussent le marché. Faute de réagir, son image déjà fragilisée par l’affaire Bo Xilai, serait dynamitée auprès de son opinion—qui de plus en plus, lit l’anglais, accède aux sites bannis via VPN, et les rediffuse via Weibo.
Mais si la Chine expulse un ou plusieurs de ces journalistes, les rapports avec les Etats-Unis souffriront, surtout côté Congrès, à un moment où, du fait de son bras de fer maritime avec plusieurs pays, elle a besoin de tous ses alliés…
Aussi, la plupart des observateurs espèrent et croient à un dénouement paisible. Le temps commence à manquer, cependant : si le refus de visa se prolonge, le premier des 24 journalistes devra plier bagages le 17 décembre…
En tout état de cause, ce lièvre soulevé par la presse anglo-saxonne ne s’arrêtera pas là : dans le cadre de la loi fédérale des pratiques commerciales délictueuses, le procureur général de New York et la SEC (haute autorité de contrôle des affaires financières-judiciaires) enquêtent sur les recrutements passés de gaoganzidi (高干子弟, fils de la haute société chinoise) par J.P. Morgan, Citigroup, Morgan Stanley, Goldman Sachs, Crédit Suisse et d’autres. Ces recrutement sont légaux en soi, sauf s’il peut être prouvé qu’ils ont directement inspiré l’octroi de marchés à ces banques, au détriment d’autres.
Enfin pour Pékin, l’avenir pourrait résider dans… la campagne anti-corruption, seule à même de nettoyer cette situation dont la révélation est le métier de la presse étrangère. Sur le fond, celle-ci ne peut être coupable d’avoir fait son travail –pour le bien-être et la stabilité générale, à long terme.
Les choses s’accélèrent pour PSA, négociant l’entrée de son partenaire chinois Dongfeng dans son capital.
Reuters croit savoir (info démentie par le groupe) qu’un accord aurait été validé le 10/12 en Conseil de Direction, pour un apport de 3,5 milliards d’€, contre 20% de parts pour l’Etat français et 20% pour Dongfeng, à un tarif lourdement raboté (-40%), de l’ordre de 6,85€, la part.
Déjà, Dongfeng aurait obtenu le départ (en retraite) du PDG Philippe Varin, « poulain » de la famille Peugeot (remplacé par Carlos Tavares, ancien n°2 de Renault) et l’épuration préalable de 1,1 milliard € de dettes (effective au 12/12).
Autre condition (peut-être) remplie : la cession par General Motors de ses 7% de parts chez PSA. GM avait déjà refusé tout achat supplémentaire, et par contre, il pouvait mal voir les éventuels transferts de technologie de PSA à Dongfeng, son concurrent en Chine. Par contre, GM s’est dépêché de préciser qu’avec PSA, la coopération « demeurait forte… en coproduction, achats croisés et logistique ».
Sur ce deal, Barclays reste sceptique, craignant que l’argent frais, dans un groupe otage des syndicats, soit dépensé en frais courants et non pour la croissance future !
PSA Chine au demeurant, franchit cette année la barre des 500.000 ventes (+28%) et dévoile de nouveaux modèles très en vue, comme la DS 5SL, mi coupé-mi berline, haut de gamme (ortie le 19/12).
Le 8 décembre à Pyongyang, Jang Song-thaek (67 ans)
fut embarqué par deux policiers, arraché à une séance du Comité Central (cf photo). Moins de 100 heures plus tard (12 décembre), il était exécuté après un procès fantoche pour « haute trahison ». C’était la mise en scène imaginée par Kim Jong-un, l’héritier dynastique, pour faire savoir au monde qui était le seul maître à bord. Jang, sa victime, avait été le n°2 du régime, et son oncle.Le déclin de Jang devint net le 12 novembre, quand deux de ses aides furent arrêtés et passés par les armes. Puis la rumeur courut : début septembre, son bras droit, décideur financier national, s’était sauvé en Chine, exfiltré par les Sud coréens.
Sur les causes de cette chute, il se peut que son épouse Kyong-hui (sœur de Kim Jong-Il, le « cher leader » décédé en décembre 2011) ait cessé de le défendre, lasse de ses infidélités. En tout état de cause, la raison essentielle est ailleurs. Kim Jong-un, une fois sur le trône, souffrait d’être un prince d’opérette, le vrai pouvoir restant aux mains d’une brochette de vieux militaires. Or en 24 mois, il a réussi à éliminer 5 des 7 membres du Comité Permanent, grâce à l’adage de « diviser pour régner ». Depuis son avènement, Kim Jong-un n’a cessé de promouvoir Choe Ryong-hae, n°2 de l’armée, et grand rival de Jang. Avec Choe, il soutenait la ligne politique « Byungjin », qui veut mener en pa-rallèle croissance économique et course à la bombe atomique.
Au diapason des USA sur ce dossier, la Chine tente d’amener Pyongyang à renoncer à son programme militaire. Jusqu’à présent, Jang aux commandes, s’efforçait d’attirer les capitaux étrangers, et venait de faire annoncer la création de 14 zones industrielles, au profit premier des capitaux chinois. Il était l’homme de confiance de Pékin, où il se rendait souvent et était reçu à tous les niveaux.
Mais à cette dénucléarisation, l’armée n’avait rien à gagner. Aussi, le jeune dictateur s’est appuyé sur les officiers pour « dé-capiter » la vieille garde. Choe a offert à Kim Jong-un la tête de son rival, et Kim à Choe, le maintien des budgets de tirs nucléaires (quoique selon Séoul, ce choix se soit traduit par un recul du PIB sur 4 des 7 dernières années). Après le dernier (3ème) test en février 2013, Xi Jinping avait accusé Kim Jong-un d’« actes irréfléchis », à seule fin de « profit personnel ».
Cette critique, mal ressentie par le petit empereur, a pu jouer son rôle dans la décision de mise à mort du régent. Jang, est accusé d’avoir bradé le minerai de fer coréen aux Chinois – plus de la moitié des échanges bilatéraux.
L’exécution est ressentie à Pékin comme un geste de défi vis-à-vis d’une Chine perçue comme géant envahissant. Ce qui rappelle en 2012, le désamour de la Birmanie, autre pays satellite totalitaire, que la Chine protégeait (des sanctions de l’ONU) mais exploitait en même temps. Ce sursaut de rébellion contre des rapports inégaux, remet aujourd’hui en cause un modèle chinois, d’échanges avec ses voisins.
Signe du désarroi : sans délai, la presse chinoise veut inviter Kim Jong-un à Pékin en visite officielle, qui n’a pas encore eu lieu. Aussi ce bras demi-tendu semble un indice : quand la Corée du Nord s’enfièvre, la Chine ne peut s’offrir le luxe de jouer l’offensée, mais doit d’urgence reprendre l’initiative et discuter.
Après Shijiazhuang (Hebei) et Xi’an (Shaanxi), Shenzhen (cf photo) s’équipe de c entre d’accueil pour bébés non désirés.
Dans une rue discrète, une cabine chauffée, dotée d’un incubateur ventilé et d’une alarme différée permet aux nurses de venir réceptionner le nourrisson en respectant l’anonymat de la mère – pas de caméra. Malgré le coût (jusqu’à 120.000 ¥), ces équipements essaiment dans les grandes villes, première réponse de l’Etat à un problème social ignoré durant deux décennies.
À Shenzhen depuis 1992, le centre social a recueilli 3500 nourrissons laissés par des jeunes filles migrantes, sans éducation ni famille sur place, et très pauvres, elles-mêmes abandonnées par leurs compagnons. Si elles se déclarent, ces filles-mères n’ont d’autre perspective que de se retrouver poursuivies et taxées par l’Etat, au lieu d’être aidées. Aussi avec déchirement, faute de choix, elles abandonnent leur enfant – voire lui ôtent la vie.
A Shenzhen, les migrantes en âge de procréer sont 5 millions. 90 enfants ont été retrouvés depuis janvier –dans des cartons, toilettes publiques, poubelles – parfois déjà morts… Aussi des ONG telle « Modern Female Workers » (Shenzhen) se félicitent du début de réaction publique: « pour les enfants et les mères », dit un volontaire, « ce sera une 2nde chance dans la vie ».
Seule objection : 35% des citadins payeurs d’impôts redoutent une avalanche d’abandons suite à l’arrivée des cabines d’accueil, et 17% s’y opposent. Il faut espérer qu’ils changent d’avis un jour !
NB : selon le China Daily (11 février 2014) , la première cabane de Canton a accueilli 51 enfants durant les 13 premiers jours – des poupons comme des jeunes enfants de 5 et 6 ans.
Au marché de Wangcang (Sichuan), le 6 novembre, les commères faisant leurs emplettes, étaient témoins du spectacle insolite de deux hommes faisant la course en zigzag, le second s’égosillant à crier « au voleur ! ». Li le poursuivant, était handicapé par ses courtes jambes et son petit bedon. Lou, le poursuivi, n’avait aucun mal à garder la distance dans sa tenue de sport gris argentée.
A ce que l’on apprit,ces hommes, bizarrement, étaient de vieux amis, même si Lou n’avait pas mérité la confiance de Li. De passage chez ce dernier, il s’était mis à fouiller sans vergogne alors que Li avait le dos tourné. Lou avait trouvé une liasse de billets roses, l’avait compulsivement empochée avant de prendre la poudre d’escampette. Il y en avait pour 13.000¥. Li, qui s’était tout de suite aperçu du larcin, le coursait. Mais face à Lou, il n’était pas de taille, surtout en criant comme il le faisait durant sa poursuite, perdant son souffle. Bientôt, l’écart s’était creusé à 150m, et le poursuivant, rouge comme un coq, transpirant à grosses gouttes, s’était arrêté reprendre haleine.
Lou commit alors sa première erreur, péché d’orgueil et de méchanceté. Revenant sur ses pas, il ajouta l’insulte au crime en humiliant l’ami qu’il venait de trahir : « alors, comme ça, on m’ poursuit plus ? ». A ses moqueries, il ajouta des coups de poings : « tiens, prends ça, quand on est un gros lard, on s’la ramène pas ». Puis il s’en alla sans se presser, fier de son sale coup.
Li joua alors sa dernière carte, appelant le 110, la police. Sa chance fut que le commissariat était désœuvré : deux inspecteurs sautèrent dans une voiture de service. En une minute, ils arrivèrent sur les lieux, rejoignant au cœur de l’attroupement, le pauvre Li, le front saignant, qui geignait d’une voix éraillée : « là-haut, regardez » ! A l’horizon, sur la colline de Nanyang, une petite tâche rétrécissait à chaque enjambée. La butte étant inaccessible en voiture, le voleur ne risquait plus grand chose.
Ce qui n’empêcha Zhao, un des agents, de démarrer au petit trot, laissant son collègue sortir du coffre la boîte à pharmacie pour soigner l’agressé. Les mains sur les hanches, le voleur s’était arrêté pour ne rien perdre du spectacle. Par provocation, il attendit même jusqu’à ce que son poursuivant soit à portée de voix, pour lui balancer une bordée de jurons triviaux et peu amènes : « O le nullard, c’est pas ton jour de chance. Si tu crois pouvoir m’attraper, même en rêve, tu l’feras pas ! Essaies toujours, il est pas né, celui qui me mettra la main au collet »…
Entendant ces paroles, Zhao ravala sa bile, mais se garda de répondre, préférant garder ses forces. Acceptant le challenge, Lou finit par redémarrer à son tour –à petits pas– goguenard. De temps à autre, tout en grim-pant le raidillon, il se retournait pour lancer une vanne. Il accéléra un peu, et après 3 minutes, se retourna, certain d’avoir largué Zhao. Mais quelle ne fut pas sa surprise : loin d’être distancé, Zhao avait réduit l’écart – il n’était plus qu’à 400m. Lou se mit alors à courir – finies les boutades vaseuses. Cette fois, son cœur battait la chamade. Il n’osait même plus tourner la tête, et il avait bien raison ! 8 minutes plus tard, le limier était sur ses talons, et Lou n’avait d’autre choix que de ralentir, ses mollets risquant la crampe.
Quittant le chemin, il tenta une manœuvre désespérée : se jeter dans les fourrés, les traverser, y disparaître. Mal lui en prit : il accrocha son pantalon dans un inextricable lacis de ronces…
C’était là sa seconde erreur, car pour se libérer, il dut l’abandonner et poursuivre en caleçon. Le pire est que cette ultime ruse ne lui servit à rien. Tout ce qu’il obtint, quelques pas plus tard, fut de se trouver plaqué au sol par un Zhao d’une force surhumaine, resté frais comme un gardon, et qui le ramena en ville dans cette tenue peu glorieuse. A présent, c’étaient sur lui que cascadaient les rires des badauds.
Epilogue : dans sa poche, la police recouvra le magot dérobé, le rendit à son propriétaire légitime. Dans sa cellule où Lou restera quelques mois, son vainqueur lui rendit visite et lui révéla la source de son malheur. Car à vrai dire, il n’aurait pu plus mal tomber avec un tel poursuivant : Zhao se trouvait être champion de course à pied des policiers de la ville, au pic de sa forme. Quelques semaines plus tôt, il avait fini second au crosscountry de 3km, sous handicap de 25kg, bouclé en 12’30’’.
Aussi depuis, Lou médite sur sa vanité, de s’être aussi inconsidérément « vanté de son jeu de sabre devant le général Guanyu » (关公面前耍大刀 , guān gōng miàn qián shuă dà dāo) – ce soldat antique étant passé à la postérité comme le maître de cet art de combat. En français, on dirait que Lou avait reçu sa punition pour « s’être paré des plumes du paon » !