Le Vent de la Chine Numéro 37

du 17 au 23 novembre 2013

Editorial : Clôture du Plenum – Xi Jinping joue au « go »

C’est du grand jeu de Wéiqí (圍棋, version chinoise du « Go »), auquel on a assisté au 3ème Plenum du PCC (09-12/11). À ce jeu, la victoire s’acquiert au final, en paralysant l’adversaire. 

Lors du meeting des 376 édiles du Comité Central, les chances de Xi Jinping et de son Premier ministre Li Keqiang, d’imposer leurs réformes de l’Etat semblaient faibles face aux vieux conservateurs majoritaires au Comité Permanent (l’organe suprême), aux militaires, à la police et aux consortia publics – tous ligués contre le changement. Peu avant la clôture, la SASAC, tutelle des consortia, démentait dans la presse, la nouvelle d’une ouverture prochaine de 15% des parts des grands groupes d’Etat au capital privé.

Et de fait, le communiqué final confirmait la priorité des consortia dans l’économie. L’espoir de Li de grignoter leurs monopoles et leur accès prioritaire au crédit, était déçu. De même, les promesses faites durant l’été, d’ouverture en tous secteurs, prenaient des rides, reformulées en termes vagues et non contraignants, telle celle d’accorder au marché un « rôle décisif » d’ici 2020. Le texte ne faisait plus que suggérer les ravalements de façade attendus en matière de taxation, santé, éducation, propriété paysanne, et de taux d’intérêt. Les réformes judiciaire et politique n’étaient citées que pour mémoire, et les questions du hukou et de la dette des provinces étaient purement oubliées. 

En bref, Xi et Li semblaient avoir laissé leurs adversaires serrer la réforme dans un corset technocratique – comme depuis 20 ans. Le flou du texte trahissait l’absence de consensus au sommet. Même les slogans d’autocritique et de frugalité manquaient à l’appel ! Les observateurs désignaient la cause de cette « défaite » : la légère reprise de l’économie, qui permet aux conservateurs d’attendre au chaud. On ne change pas une politique qui gagne…

Nonobstant, quelques phrases lapidaires en fin de communiqué, viennent changer toute la perspective, en annonçant la naissance de 2 organes. Le Conseil National de Sécurité (CNS) et l’Equipe Centrale d’Approfondissement des Réformes forment une paire symétrique et complémentaire, l’une touchant à l’armée, la police et la diplomatie, l’autre à l’économie. Toutes deux doivent coordonner et déréguler les politiques, dépassant les rivalités sectorielles. Surtout, elles donnent les rênes à Xi Jinping, qui les dirigera directement, en contournant les organes en place : NDRC, Commission Militaire Centrale et surtout, le Comité Permanent. 

Le CNS apparaît bâti sur le modèle de la NSA (l’agence de sécurité des Etats-Unis, qui restent le modèle en Chine). Il doit coordonner armée, police, diplomatie, et tout organe se mêlant de sécurité et d’affaires étrangères. Il s’agira ainsi de repenser, dans l’intérêt à long terme du pays, des politiques telles celles d’expansion vers les mers du Sud, vers le Proche-Orient ou en Afrique. 

Détail essentiel : si le CNS doit avoir Xi pour Président, son patron technique pressenti est Wang Huning , proche de Xi, un politologue de formation, francophone et anglophone, bon connaisseur des USA. Ainsi pour la première fois dans l’histoire de Chine socialiste, la diplomatie (et la conduite militaire) reviendra aux mains de professionnels plutôt que d’idéologues et militaires, comme jusqu’à présent. 

Sur l’Equipe Centrale des Réformes économiques et sociales, on sait déjà qu’elle sera présidée par Li Keqiang et dirigée par Wang Yang, l’ex-secrétaire de Canton, réformiste notoire, et qu’elle supplantera la NDRC (laquelle n’est pas spécialement connue pour ses audaces en matière d’innovation sociale). C’est déjà beaucoup, et si elle a le pouvoir décisionnel, bien des réformes sont à espérer. 

Avec de tels outils, un tournant de gouvernance devient possible. Comme au jeu de Wéiqí, les adversaires au Plenum ont été paralysés. Ou encore, pour paraphraser une expression française, Xi a « mis les bœufs avant la charrue » : plutôt que d’aller guerroyer sur des dossiers litigieux, avec une majorité au mieux incertaine, il mise sur la restauration d’un exécutif fort, pour arracher le pays à la paralysie décisionnelle et réformatrice qui le mine depuis 20 ans.


Dernière minute : Plenum – Trois pas en avant : fin des camps de rééducation, assouplissement du planning familial et vers l’indépendance judiciaire
Plenum – Trois pas en avant : fin des camps de rééducation, assouplissement du planning familial et vers l’indépendance judiciaire

Le communiqué final du 3ème Plenum a été publié dans son intégralité ce vendredi 15 novembre et présente trois points de réformes majeures :

– les camps de rééducation (« laojiao », introduits en 1957, où l’on peut être envoyé pendant trois ans sans procès) seront abolis. De plus, le système actuel de pétitions sera également réformé (les cas déjà clos pourront être réouverts sur demande). Rappelons au passage que la Chine a été élue le 12 novembre (ainsi que la Russie et Cuba) pour sièger au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU.

– l’assouplissement du planning familial : les couples dont l’un des époux est lui-même enfant unique,seront autorisés à avoir deux enfants. Auparavant, il fallait que les deux époux soient eux-mêmes enfants uniques pour éviter une lourde amende de « second enfant ». La réforme sera graduelle et commencera dans les provinces où le taux de natalité est bas, avant d’être portée au niveau national. La possibilité pour tous les couples d’avoir un deuxième enfant pourrait devenir réalité à partir de 2020.

– un pas vers l‘indépendance judiciaire en libérant des tribunaux des comités judiciaires du Parti.

Plus d’informations bien sûr, dans notre prochain numéro du Vent de la Chine (n°38) !


Dernière minute : Philippines – Pékin et sa deuxième mise
Philippines – Pékin et sa deuxième mise

Suite au terrible cyclone Haiyan et aux 2.300 morts aux Philippines, Pékin et sa Croix Rouge, le 11 novembre, offraient à Manille 100.000$, une misère (soit 0,0017% du montant dépensé par les internautes pour la fête des célibataires, le même jour).

Puis le 14 novembre, Xi Jinping rectifie le tir, offrant 1,64 million de $ (principalement en tentes et couvertures).
Mais l’effort demeure modeste face à l’Australie qui donne 30M$, les Etats-Unis 20M$, Londres 24M$, et même Ikea 2,7M$ – quasi le double ! 


Société : La Chine heureuse ou pas ?

Heureuse, la Chine

Un sondage officiel de 2010 (3500 personnes, 24 villes) concluait par « oui » à 90%, dont 75% de « très heureux » ou « plutôt heureux ». Le 3ème âge l’était plus que la jeunesse, les femmes plus que les hommes, et les cadres plus que tous ! L’Institut Pew (USA) en 2012 reportait des tendances similaires, avec 83% de Chinois satisfaits de leur situation économique (contre 20% en Europe), et confiants en des lendemains qui chantent pour leurs enfants.

Mais en septembre 2013, l’université Columbia (NY) dévoile son propre indice du bonheur planétaire : la Chine n’arrive que 93ème. Les 1ers sont les Scandinaves, les derniers l’Egypte et l’Afrique sub-saharienne.

Pire, cette semaine, Gallup dévoile son indice du bonheur en entreprise dans 140 pays, de 2011 à 2012. Il considère trois classes : en 1er, ceux qui Œ« croient passionnément en leur travail », en second, ceux qui Œ« dorment au travail », et en troisèmeŽ ceux qui « le dénigrent ou le sabotent ».
Concernant la Chine, le résultat est très négatif, avec 64% évalués en seconde position, 26% en troisième positionŽ, et seulement 6% en premièreŒ. Le meilleur résultat mondial, selon Gallup, se trouve en Amérique du Nord avec 29% en première positionŒ. 

C’est clair, la Chine a un déficit de dialogue en entreprise, et un manque de motivation au travail. R. Easterlin, professeur d’économie aux USA, croit qu’une fois les besoins essentiels assouvis, le bonheur national n’augmente plus. Pour lui, le nuage noir n°1 des citoyens chinois, résiderait dans le manque de couverture sociale…


Politique : Un « parti tout neuf » pour Bo Xilai ?

Trois jours avant le Plenum, le 06/11, Mme Wang Zheng (photo), professeur d’économie internationale au Beijing Institute of Economics & Management, franchit une ligne de non-retour en annonçant aux agences étrangères, par téléphone, la création d’un nouveau parti nommé « Zhi Xian » ou de « la Constitution, l’autorité suprême ». 

Pour ne rien laisser dans le doute, l’intellectuelle annonça que le poste de Président de la formation d’opposition était offert à vie à… Bo Xilai ! A cette date soigneusement choisie, c’était en soi une triple provocation : elle fondait une structure politique potentiellement rivale du parti au pouvoir, elle lui donnait un nom « démocratique » réclamant le respect de la Constitution, ce que Xi Jinping a lui-même dénoncé cet été à travers un très conservateur « document n°9 », et elle proposait pour sa présidence un homme condamné à la perpétuité, ex-rival n°1 du Président. 

Plusieurs questions se posent donc, au Parti comme aux observateurs : que prétendent faire Wang Zheng et ses amis avec ce parti Zhi Xian ? Le pouvoir va-t-il le dissoudre et arrêter ses auteurs ou bien prétendre ignorer toute l’histoire ?

La naissance a été formalisée par l’envoi de courriers au siège du PCC, et aux 8 mini-partis tolérés par le régime. Ce qui donne un indice, tout comme ce nom choisi, et comme le profil libéral de Wang Zheng : se réclamer de Bo Xilai, pour ces fondateurs, ne signifie pas qu’ils en partagent toutes les valeurs. Ce qu’ils cherchent à promouvoir, dit-elle, est le pluralisme et le droit à la critique, qui sont enchâssés dans la Constitution : aujourd’hui peu appliqués, ils deviennent toujours plus nécessaire dans un Etat en voie de sophistication. 

Citons ici Reuters : « Wang Zheng a rejoint le nombre croissant de Chinois disposés à s’élever… pour leurs droits, y compris les environnementalistes et des mouvements tels les ‘Nouveaux Citoyens’ qui veulent faire pression de l’intérieur pour faire avancer le système ». Il n’est donc pas question de contester le droit du PCC à gouverner, mais de militer pour le respect de la Constitution à propos des libertés fondamentales (de rassemblement, d’opinion…), et en faveur d’élections qui existent en Chine, mais encore limitées au niveau de base dans les campagnes. Wang Zheng a écrit à Xi Jinping, mais sans le critiquer, et elle se garde de revendiquer une démocratie de style occidental, ce qui précipiterait sans doute son arrestation. A vrai dire, c’est déjà beaucoup – plus d’un dissident a été incarcéré après avoir osé ce type de démarche, tel Xu Zhiyong, fondateur des « Nouveaux Citoyens ». Pour l’instant, Wang Zheng n’est pas privée de liberté, mais sous surveillance étroite. 

Détail qui confirme l’aspect « amateur » voire « naïf » de ce parti : Bo Xilai apparemment non consulté sur cette présidence offerte, n’a pas donné sa réponse. Par contre, dès l’annonce de cette formation, une série de défenseurs notoires du leader déchu ont pris leur distance et suggéré que l’initiative était en désaccord avec sa philosophie politique. Imprégné de la discipline collégiale du Parti, l’ex-maître de Chongqing n’aurait jamais accepté de se commettre à soutenir une formation rivale.

Enfin, selon Han Deqiang, universitaire, le Parti ne peut regarder cette apparition sans « grande nervosité ». Aussi, sa réaction sera valeur de test sur son actuel degré de tolérance sur toute opposition à son monopole du pouvoir.


Energie : Pérou, Arctique – la chasse à l’or noir

CnoocPourquoi la Chine ressort-elle le 06/11 sa colère contre la Norvège, sur l’affaire du prix Nobel de la Paix octroyé en 2010 à Liu Xiaobo

A Stavanger devant un parterre d’hommes d’affaires, Zhao Jun, l’ambassadeur, martèle que «c’est à la Norvège de faire le 1er pas». Mais sept jours après, tout s’éclaire : Oslo doit décider à la fin du mois, d’octroyer à la Cnooc une licence d’exploration au large de l’île Jan Mayen, dans l’Arctique.
Le moment est propice, pour la Chine : le pouvoir vient de basculer en Norvège, en faveur des conservateurs. Et la Cnooc a déjà fait une percée dans l’Arctique, grâce à l’Islande qui lui a octroyé une licence en JV. 

D’après le US Geological Survey, la région polaire pourrait détenir 90 milliards de barils d’équivalent pétrole, dont des centaines de millions dans la zone norvégienne guignée par Cnooc. En échange, la Chine rouvrirait son marché au saumon norvégien.

Le 13/11, le brésilien Petrobras cède à la CNPC, pour 2,6MM$, trois champs pétroliers et un de gaz au Pérou (les lots « X » et « 58 », 0,8Mt/an, et les 46% qu’elle possède sur le lot « 57 », non développé).
Petrobras doit vendre pour se désendetter et se recentrer sur Libra, son méga-gisement (8-12 milliards de barils) au large de ses côtes par –3000m de fond dans une gangue de sel. 
CNPC et Cnooc, depuis octobre, viennent chacune de s’assurer 10% de Libra, au sein d’un consortium avec Petrobras, Total et Shell. Et c’est ainsi qu’avec l’Arctique et Libra, la Chine est déjà solidement présente, dans les deux zones mondiales les plus prometteuses.


Technologies & Internet : 11 novembre : nuit d’emplettes, contre le célibat

Alibaba Qg HangzhouLe 11 novembre, Chine et Europe étaient en fête. Tandis que l’Occident célébrait la fin de la 1ère guerre mondiale, la Chine, elle, fêtait ses célibataires. 25 ans plus tôt, la fête chinoise n’existait pas. 

Dans les années ‘90, des étudiants l’avaient inventée pour rire, trouvant une similitude entre les 4 chiffres « un » de ce 11/11 avec des « branches mortes » (光棍, guānggùn), qui sont le symbole des vieux garçons et vieilles filles. Puis cette improbable fête prit son essor, suivie par des millions de personnes.

Durant ces 24h, on assista à des soldes titanesques des boutiques en ligne : jusqu’à 70% sur des milliers de produits d’appel. En 6 minutes 7 secondes, 1 milliard ¥ de transactions fut atteint. Une folie collective s’empara des jeunes qui rivalisèrent sur leurs smartphones, de commandes futiles, même non démarquées : « nous nous entrainions les uns les autres, se rappelle une étudiante, si nous ne le faisions pas, nous craignions de rater notre chance ». 

Résultat : à son QG à Hangzhou, Alibaba (Taobao, Tmall…) a vu passer 402 millions de visiteurs virtuels, et encaissé 5,75 milliards $ (+83% par rapport au précédent record de 2012). Chez Tmall, pour le compte de 20.000 vendeurs en ligne, 2 milliards de dessous sont partis, et 1,6 milliard de soutien-gorge. Il faut préciser ici que 71% des acheteurs sont des femmes. La poste annonçait 323 millions de colis dans la semaine et Shentong (150.000 agents) a engagé 45.000 hommes et 4.000 véhicules pour la semaine . Les coursiers sont à la noce : ils travaillent double (100 colis/jour en moyenne), pour le double de salaire (6000¥).

Face à ce défi, le commerce traditionnel est divisé. Les uns acceptent de jouer le jeu, et s’associent au carnaval des soldes sur internet du 11/11. Les supermarchés du club xujiahui.com (Shanghai) déclarent avoir engrangé ce jour-là 30 fois plus que la moyenne, profitant de leur atout naturel : nombre de clients préfèrent voir et toucher le produit, puis l’emporter une fois payé. Mais d’autres chaines de distribution, préfèrent boycotter : anxieuses de ne pas brader leur image, ni devenir figurants passifs à la traîne du commerce en ligne.
De la sorte, ces soldes d’un jour confirment l’essor d’un commerce en ligne employant 2,2 millions d’actifs en 2012, et générant pour 1300 milliards de ¥ de chiffre d’affaires, soit +65%.

Mais revenons au célibat, prétexte de l’événement, mal considéré dans la société chinoise contemporaine. A tel point que certaines jeunes femmes louent sur Taobao des « fiancés » à présenter à les parents pour 500 à 8000 ¥ par jour (hors frais de déplacement). II est aussi mal vécu chez ces 32 millions de garçons, privés de compagne dès leur naissance par la pratique de l’avortement sélectif. 

L’impression qui se dégage est celle d’une Chine n’ayant pas oublié sa misère d’hier, rêvant d’acquérir villas et voitures de luxe… Elle compte 180 millions de célibataires, qui investissent tout dans leur carrière, sans se donner le temps de trouver l’âme-sœur. Mais ils souffrent quand même d’un manque affectif. Aussi le 11/11 est un festival d’achats compulsifs pour compenser ce manque. Solution illusoire, mais tout le monde joue le jeu, étudiants, dirigeants, commerçants. 

Maladroitement, la grande famille chinoise tente de réconcilier chez ses enfants, le besoin d’amour et le rêve de faire fortune.


Agroalimentaire : Sur les OGM, une Chine divisée en deux camps

Riz YunnanEn matière de cultures OGM, deux opinions se déchirent – dans la société et dans les administrations.

 Moyennant un programme de pointe, de qualité mondiale, le pays a mis au point et certifié deux souches de riz génétiquement modifié. Mais le ministère de l’Agriculture retarde le visa de commercialisation et faute de déblocage d’ici le 31/12, le certificat expirera. D’où une intense campagne en cours, pour tenter d’obtenir le feu vert. 

Côté partisans, le professeur Zhang Qifa, « père » du riz OGM chinois, évoque le gâchis de milliards ¥ investis dans la recherche de semences nouvelles, et les 3,4 millions de tonnes d’import prédits en 2013-2014 par les Etats-Unis. Vu l’incapacité du terroir chinois à produire plus, et celle des pays producteurs à suivre la demande mondiale, le pays n’aurait pas d’alternative aux OGM. 

Mais les adversaires ne désarment pas, et les préjugés patriotiques n’arrangent rien.
Peng Guangqian, n°2 au Comité National de Sécurité Alimentaire, voit en l’OGM un nouvel opium dont l’Occident (Monsanto, DuPont, leaders de cette technologie) voudrait « empoisonner » la Chine. Li Jiayang, vice-ministre de l’Agriculture, voit son passé d’ancien consultant chez DuPont dévoilé par la presse, et est soupçonné d’« intérêt personnel ». Au Heilongjiang, un cadre professionnel accuse l’OGM de favoriser le cancer et la baisse de fertilité masculine…

En un coup de tonnerre, la commune de Zhangye (Gansu) annonce (25/10) l’interdiction sur son sol de toute plantation ou usage d’OGM. Devenu la 1ère ville chinoise « libérée du génétiquement modifié », Greenpeace l’en félicite. Ses motivations sont pourtant faciles à comprendre : Zhangye produisait l’an dernier 29% de la récolte nationale de maïs-semence (461.000 t), et ce ban est un moyen de protéger cette position à l’avenir. 

Pour l’instant, la Chine permet l’importation d’OGM de maïs, soja, canola et coton, non destinés à la consommation humaine. Mais une rumeur toujours plus forte assure que des volumes toujours plus importants de maïs OGM seraient déjà passés dans la chaîne alimentaire, et 80% du soja en Chine étant importé en OGM (comme aliment pour le bétail), on voit mal comment une partie ne se retrouve pas dans nos assiettes.

En attendant, suite à la météo défavorable de 2013, en divers points du pays (records de gel, puis de sécheresse, puis de crues), Pékin se préoccupe du potentiel d’autosuffisance alimentaire. Aujourd’hui élevé, grâce à un savoir-faire simple et minutieux, ce potentiel risque de reculer du fait de la stagnation de rendements poussés à leurs plafonds. 

Aussi Li Keqiang était les 4-6/11 à Fuyuan (Heilongjiang), un des greniers à céréales du pays, pour relancer l’enthousiasme et faire le point sur la réforme agraire-test, lancée régionalement en mars. Basée sur l’agrandissement des exploitations, elle misera sur les coopératives, qui sont déjà en plein essor : à 680.000, elles avaient augmenté de 30% en 2012. La réforme prévoit une baisse du seuil de chiffre d’affaires attendu des groupements de paysans pour leur octroyer ce statut, lequel leur permet d’accéder à une aide logistique et au crédit public pour se mécaniser et former. 

A ce plan, manque évidemment encore le chaînon essentiel : le droit au paysan de vendre (à son vrai prix) sa terre, ou de l’hypothéquer. Ce droit est un des points clés de la réforme du 3ème Plenum.

Sans doute pas par hasard, après le Zhejiang, Canton et Chongqing, l’Anhui annonce cette semaine un plan concernant 20 de ses districts, pour autoriser cessions ou hypothèques de terres non-cultivables, entre les paysans ou bien à une compagnie promotrice. À terme, une bourse spécialisée doit voir le jour.
Commentaire de Dan Gaoying, de la CASS : « les expropriations arbitraires cessent d’être rentables pour les pouvoirs locaux. Ils sont obligés de passer à autre chose » – ce qui, enfin, prendrait en compte l’intérêt du paysan.


Petit Peuple : De Chengdu à Istanbul – le voyage initiatique de Song Wenqiang

En plein Rajasthan, sous un figuier banyan, dans le jardin d’un temple en ruine, Song Wenqiang se réveilla l’échine raide. Les premiers rayons de soleil sur les statues de Shiva, et les feuilles de laurier-rose se posant sur son visage, le revigorèrent. 

Pour commencer sa journée, il saisit son harmonica et joua ses plus belles notes, répondant à celles des merles et des Bulbul orphée. Rassemblant ses bagages, Song se rendit à la fontaine. Une fois débarbouillé, il regagna la rue où pour trois sous, il acheta un gobelet de thé et deux chappattis bien chauds comme petit déjeuner.

Il n’aurait échangé sa place pour rien au monde, et surtout pas pour celle d’ingénieur électronique, dont il avait reçu le diplôme à l’issue de ses études à Chengdu, sa ville natale.

Comment Song en était-il arrivé là, que faisait-il ainsi, vivant en bohème, loin des siens ?

Il avait pris sa décision quelques mois plus tôt, en janvier 2013, le jour de son 27ème anniversaire, puis s’était envolé pour le Laos avec 20.000 ¥ en poche. C’était un cadeau fait à lui-même, pour réaliser son rêve d’adolescent : un tour du monde, qui débuterait au Laos, puis la Thaïlande, l’Inde, Sri Lanka, Iran, Arménie, Géorgie, Turquie… 

En plus de son sac à dos, il portait à chaque bras un sac de marin contenant son trésor de guerre – des kilos de bijouterie bas de gamme, et de chinoiseries achetées en gros. Petit Poucet chinois, il allait semer sa brocante sur la route et la vendre pour acheter de quoi vivre. Il avait repris l’idée aux Tibétains qu’il voyait jour et nuit vendre des masses impressionnantes de leurs bricoles, aux portes de son université à Chengdu. 

Toute sa vie, il se souviendrait de sa première vente, sur un trottoir de Luang Prabang au Laos. Néophyte dans l’art de la négoce, il s’était fait rouler par une cliente roublarde. N’empêche, sur trois colliers, il avait gagné 50.000 kips (5€), de quoi tenir deux jours. Puis de ville en ville, en autostop et parfois en avion, il poursuivit son voyage, choisissant chaque soir un nouvel emplacement, étalant sur un bout de drap ses bracelets, porte-clés de fausse ambre et boucles d’oreilles émaillées. 

Se rappelant les prix d’achat, il s’efforçait de vendre à profit, négociant avec ses doigts pour suppléer l’absence de langage. Chaque fois que possible, il s’amusait à bavarder avec trois mots d’anglais, découvrir les gens. Parfois, la parlotte se prolongeait : avec les plus sympathiques, il repartait et passait la soirée, la nuit. Ainsi, son périple fourmillait de souvenirs merveilleux, « aussi innombrables que les grains de sable du Gange »  - 恒河沙数, hénghé shāshù. 

Seule déception : avoir perdu deux semaines de voyage en Inde, coincé en Thaïlande dans l’attente d’un visa.
Mais son plus grand danger, venait des policiers et autres agents de la loi embusqués sur son chemin.
A la douane géorgienne, des hommes mal rasés, dans des tenues ayant connu des jours meilleurs, le taxèrent de 300$, prenant pour prétexte sa quincaille. A Istanbul, un soir qu’il venait de poser son étal, quatre hommes jeunes en uniforme bleu marine sautèrent lestement d’un camion qui venait de freiner sur un crissement de pneus, bondirent sur sa camelote dans l’intention évidente de la saisir… Mais Song agrippa son bien, le défendit bec et ongles, bredouillant le sésame qu’il s’était inventé en anglais au fil des jours : « je suis citoyen de la République Populaire de Chine – laissez-moi tranquille, ou j’appelle mon ambassade ! » Bluffés de tant d’audace, les pandores le laissèrent filer…

De la sorte, Song avait pu découvrir 8 pays, montagnes et déserts, parcouru des dizaines de milliers de km à bord de véhicules hétéroclites, du coupé de jeunes mariés au camion semi-remorque, en passant par le tracteur chargé de bovins, logeant parfois chez ses mécènes—les remerçiant le lendemain d’une bague plaquée argent ou d’un petit Bouddha.

Fin septembre à Istanbul, pour la première fois, la lassitude des nuits trop courtes et de l’hygiène précaire prirent le dessus. Ses chemises étaient élimées et sales. Son stock était épuisé, et ses finances ne valaient guère mieux. Il fut alors tenté de jeter l’éponge : se rendant à une agence, il demanda un vol pour Chengdu. Mais ce fut pour constater qu’il n’avait pas les 3000¥ nécessaires. 

Avec stupeur ravie, il réalisa que cette découverte, au lieu de le désespérer, le soulageait. C’était poursuivre l’aventure qu’il voulait, et non rentrer à la maison ! En cet état d’esprit semi-extatique, il se remit en chemin, pour poursuivre son tour du monde. Sur sa feuille de route, les étapes sont tracées : Liban, Egypte, Zanzibar, Afrique du Sud, puis le grand saut vers la Nouvelle Zélande

Comment paiera-t-il ? Nulle importance, car la route lui a déjà délivré son secret : la peur de la faim, la peur du danger, ne sont qu’illusion. Une fois dépassées, plus rien ne peut l’arrêter. A chaque jour suffit sa peine. Song fera ce qu’il devra et en retour, les Dieux du voyage pourvoiront à ses besoins.

En plein Rajasthan, sous un figuier banyan, dans le jardin d’un temple en ruine, Song Wenqiang se réveilla l’échine raide. Les premiers rayons de soleil sur les statues de Shiva, sur les feuilles de laurier-rose et sur son visage, le revigorèrent. Pour commencer sa journée, il saisit son harmonica et joua ses plus belles notes, répondant à celles des merles et des Bulbul orphée. Puis rassemblant ses bagages, Song se rendit à la fontaine. Une fois débarbouillé, il regagna la rue où pour trois sous, il acheta un gobelet de thé et deux chappattis bien chauds comme petit déjeuner

Pour rien au monde, il n’aurait échangé sa place, et surtout pas pour celle d’ingénieur électronique, dont il avait reçu le diplôme à l’issue de ses études à Chengdu, sa ville natale.

Comment Song en était-il arrivé là, que faisait-il en cette vie de bohème, loin des siens ? Il avait pris sa décision quelques mois plus tôt, en janvier 2013 : le jour de son 27ème anniversaire, il s’était envolé pour le Laos avec 20.000 ¥ en poche. C’était un cadeau fait à lui-même, pour réaliser son rêve d’adolescent : un tour du monde qui débuterait au Laos et poursuivrait par la Thaïlande, l’Inde, Sri Lanka, Iran, Arménie, Géorgie, Turquie… 

En plus de son sac à dos, il portait à chaque bras un sac de marin contenant son trésor de guerre – des kilos de bijouterie bas de gamme, et de chinoiseries achetées en gros. Petit Poucet chinois, il allait semer sa brocante sur la route et la vendre pour acheter de quoi vivre. Il avait repris l’idée aux Tibétains qu’il voyait jour et nuit vendre des masses impressionnantes de leurs bricoles, aux portes de son université à Chengdu. 

Toute sa vie il se souviendrait de sa première vente, sur un trottoir de Luang Prabang au Laos. Néophyte dans l’art de la négoce, il s’était fait rouler par une cliente roublarde. N’empêche, sur trois colliers, il avait gagné 50.000 kips (5€), de quoi tenir deux jours. Puis de ville en ville, en autostop et parfois en avion, il poursuivit son voyage, choisissant chaque soir un nouvel emplacement, étalant sur un bout de drap ses bracelets, porte-clés de fausse ambre et boucles d’oreilles émaillées. Se rappelant les prix d’achat, il s’efforçait de vendre à profit, négociant avec ses doigts pour suppléer l’absence de langage. 

Chaque fois que possible, il s’amusait à bavarder avec 3 mots d’anglais, découvrir les gens. Parfois, la parlotte se prolongeait: avec les plus sympathiques, il repartait et passait la soirée, la nuit. Ainsi, son périple fourmillait de souvenirs « aussi innombrables que les grains de sable du Gange» – 恒河沙数, hénghé shāshù. 

Seule déception : avoir perdu deux semaines de voyage en Inde, coincé en Thaïlande dans l’attente d’un visa. Son plus grand danger, il l’apprendrait vite, venait des policiers et autres agents de la loi embusqués sur son chemin. 

A la douane géorgienne, des hommes mal rasés, en des tenues ayant connu des jours meilleurs, le taxèrent de 300$, sous prétexte sa quincaille. A Istanbul, un soir qu’il posait son étal, 4 hommes jeunes en uniforme bleu marine sautèrent d’un camion qui freinait sur un crissement de pneus, bondirent sur sa camelote… Mais Song défendit son bien bec et ongles, bredouillant le sésame qu’il s’était inventé en anglais au fil des jours : « je suis citoyen de la République Populaire de Chine – laissez-moi tranquille ou j’appelle mon’ambassade » – bluffés de tant d’audace, les pandores le laissèrent filer !

De la sorte, Song avait pu découvrir 8 pays, leurs montagnes et déserts. Il avait parcouru des dizaines de milliers de km à bord de véhicules hétéroclites- du coupé de jeunes mariés au semi-remorque, au tracteur chargé de bovins. Il logeait parfois chez ses mécènes -les remerciant le lendemain d’une bague plaquée argent ou d’un petit Bouddha.

Fin septembre à Istanbul, pour la première fois, la lassitude des nuits trop courtes et de l’hygiène précaire reprirent le dessus. Ses chemises étaient élimées et sales. Son stock était épuisé, et ses finances ne valaient guère mieux. Se rendant à une agence, il demanda un vol pour Chengdu. Mais ce fut pour constater qu’il n’avait pas les 3000¥ nécessaires. 

Avec stupeur ravie, il réalisa que cette découverte, au lieu de le désespérer, le soulageait. C’était poursuivre l’aventure qu’il voulait, et non rentrer à la maison. En cet état d’esprit semi-extatique, il se remit en chemin, pour poursuivre son tour du monde. Sur sa feuille de route, les étapes sont tracées : Liban, Egypte, Zanzibar, Afrique du Sud, puis le grand saut vers la Nouvelle Zélande ! 

Comment paiera-t-il ? Nulle importance, car la route lui a déjà délivré son secret : la peur de la faim, la peur du danger, ne sont qu’illusion. Une fois dépassées, plus rien ne peut l’arrêter. A chaque jour suffit sa peine. Song fera ce qu’il devra et en retour, les Dieux du voyage pourvoiront à ses besoins.


Rendez-vous : Rendez-vous de la semaine du 18 au 24 novembre 2013
Rendez-vous de la semaine du 18 au 24 novembre 2013

14-17 novembre, Shanghai : ART Fair, Salon de l’Art

16-21 novembre Shenzhen : China Hi-Tech Fair & ELEXCON, électronique

19-21 novembre Shanghai : TEXCARE Asia, Salon du traitement des textiles 

20 novembre Pékin, EU-China Urbanisation Forum, suivi le 21 novembre du 16.ème EU-China Summit 

21-23 novembre Canton : Salon de l’Automobile

21-24 novembre Canton : Coffee Expo / Tea Expo, Salon du café, et du thé

28-30 novembre Canton : INTERWINE, Salon du vin, bière, et équipements de boisson