Le Vent de la Chine Numéro 31

du 21 septembre au 12 octobre 2013

Editorial : Malgré la fête, la Chine retient son souffle

Voici venir la Fête nationale, souvenir du 1er octobre 1949 où Mao consacra la naissan-ce de la RPC. Elle est précédée, ce 19/09, de la Fête du Zhongqiu (中秋) ou Mi-automne, qui marque le repos des paysans, une fois leurs greniers remplis avant l’hiver. 

Les « gâteaux de Lune » (月饼/yuèbǐng), cadeau de circonstance, doivent renfermer un jaune d’œuf de cane, symbole de ce jour de pleine lune et de fertilité. Mais en 2013, pour la 1ère fois, le pays semble délaisser cette délicatesse antique. Pour décourager la corruption, il est désormais interdit d’en acheter sur les deniers de l’Etat et embarrassant d’en recevoir – surtout si le coffret renferme des liasses de billets ou si les « biscuits » offerts, se révèlent (et cela arrive) en or ou argent massif.

Et puis on finit par se l’avouer, ces yuebing sont quelque peu bourratifs : les Hongkongais s’apprêtent discrètement à jeter 2 millions de mooncakes inmangés, la Chine bien plus… Les écolos fustigent le gâchis de ces 280.000 tonnes de vivres, hors de prix. On voit alors à Changsha (Hunan) une entreprise de décoration sauter le pas : en guise de galettes, elle offre à ses 300 employés, des poules vivantes. C’est ainsi que se dessine la fin d’une tradition d’une Chine rurale, devenue citadine. 

La croisade de Xi Jinping se poursuit

Poursuivant sa croisade anti-hédonisme, Xi Jinping s’adresse à l’APL (17/09), l’enjoignant d’assainir le recrutement, la formation des 2,25 millions de soldats. Xi poursuit les arrestations des bloggeurs aux « comptes vérifiés » big V’s»), suivis par des millions d’internautes. Un des derniers arrêtés (13/09) est Wang Gongquan, le fantasque financier bouddhiste, à qui l’on semble reprocher d’avoir trop défendu le xiànzhèng (宪政 – constitutionnalisme), thème en vogue parmi les citoyens en quête de participation à la vie publique. Ces derniers mois, différents média du Parti dénoncent le xianzheng, tel Dangjian qui l’accuse de vouloir « abolir le leadership du Parti, saper l’administration socialiste ». Les actions civiques, aussi, sont poursuivies : à Kunming (Yunnan), Dong Rubin est arrêté (10/09) pour avoir, avec quelques milliers d’autres, mis en échec un projet pétrochimique. Et une liste circule au sein de l’appareil, des « sept sujets tabous » interdits de publication et d’enseignement. Parmi ceux-ci figure, en bonne place, l’indépendance judiciaire !

Cette campagne à l’éventail large, s’en prend aussi aux acteurs de bavures policières. Suite au décès d’un ingénieur accusé de corruption en avril à Wenzhou (Zhejiang), ses 6 tortionnaires du tribunal local et de la CCID (police interne du Parti), sont jugés (16/09) et risquent la peine de mort.
Tel est le climat, à quelques semaines du 3ème Plenum, qui doit avaliser des réformes de fond. Li Keqiang, 1er ministre, auteur de ce plan, garde un optimisme de façade, tout en avertissant : « on entre dans les hauts fonds – s’agissant d’une réforme systémique où tout se tient, c’est le moment critique ». Selon une autre rumeur, Liu Yunshan, patron de la propagande au Comité permanent, est un élément de frein aux réformes, et de durcissement. Il n’est sans doute pas le seul : le « carré d’acier » des ultraconservateurs fait bloc. 

Ballet diplomatique sur la question syrienne

Un ballet diplomatique a agité la planète, sur la Syrie et ses armes chimiques dont le rapport de l’ONU incrimine (à mots couverts) B. el-Assad. Laurent Fabius, puis son homologue John Kerry, étaient à Pékin (14, 19/09) pour plaider le « lâchage » du leader syrien. La Chine (18/09) admet l’utilisation de gaz sarin à Damas le 21 août 2013 (et ses 1500 victimes), mais non l’identité de son auteur. Mais si Damas avait commis le crime, Pékin reconnait que ce serait la « ligne rouge dépassée », rendant impossible le maintien de son soutien. 

Les présomptions se multiplient, suite à la déclassification de données des services secrets français. Avec Washington et Londres, Paris rédige une résolution « forte » pour détruire les 1000 tonnes de stock de gaz sarin, puis stopper les violences. Le vote au Conseil de Sécurité aura lieu le 24/09. Selon nos sources, Pékin suivra Moscou qui pourrait renoncer à un 4ème véto sur ce dossier. Question de fond : la résolution s’appuiera-t-elle sur le chapitre 7 de la Charte de l’ONU, autorisant le recours à la force ? Le monde, Chine incluse, retient son souffle.


Dernière minute : Que penser de la perpétuité de Bo Xilai ?
Que penser de la perpétuité de Bo Xilai ?

Au tribunal intermédiaire de Jinan (Shandong), ce dimanche 22 septembre, voici donc Bo Xilai menotté, condamné à la perpétuité, criant à l’injustice et qui fera appel quelques heures après le verdict..

Notez son étrange sourire, un peu illuminé, qui contraste avec le souci visible des deux figurants policiers. Comme si ces derniers étaient embarrassés de ce travail impopulaire qu’on leur fait faire. Notez aussi leur taille qui n’a rien de banale et qui a été choisie dans un souci de mise en scène (2m10 chacun, contre 1m86 pour le leader déchu). Bo Xilai devait aussi prononcer la phrase historique, soigneusement ciselée durant ses mois en cellule : « je suivrai les pas de mon père : en prison, j’attendrai ma réhabilitation » qui, à ses yeux, doit suivre, inéluctable. En attendant, Bo Xilai passera ses jours dans l’agréable prison de Qincheng, au Nord de Pékin – établissement pénitentiaire qui ne reçoit que des VIP, aux cellules de 20m2 avec salle de bain privative, canapé, bureau, et proposant la cuisine de chefs étoilés aux repas.

Pourtant, la perpétuité, c’est sévère, pour 11 millions de $ d’argent litigieux (le plus fort des chefs d’accusation). Un peu plus de la moitié des personnes sondées par le journal Morning Post s’attendaient à « 20 à 25 ans », et seulement 16% à la prison à vie.
Les commentateurs locaux avancent comme raison la défense rebelle qu’avait livré l’accusé durant l’audience, ses dénégations pied-à-pied et même sa manière de tourner en ridicule certains arguments des magistrats. 

Mais l’affaire est beaucoup trop sérieuse pour rédiger un verdict sur de simples humeurs. La vérité est que les véritables chefs d’accusation sont restés occultes. Même l’assassinat de Neil Heywood, le ressortissant britannique, par sa femme Gu Kailai, joue un rôle marginal. L’arrestation et le procès avaient deux raisons – qui n’en sont qu’une. Jusqu’en mars 2013, courait la rumeur d’un coup d’Etat en préparation, avec Bo Xilai à sa tête.

Même Wen Jiabao, le 1er ministre sortant, en faisait état. Et même sans coup d’Etat, une fois au Comité Permanent où il devait être élevé, Bo avec son charisme et sa popularité (son populisme), avait de bonnes chances de supplanter le Président Xi Jinping. C’est surtout pour cela qu’il fallait qu’il tombe, vu le danger qu’il représentait comme rival du n°1 au pouvoir.

Et pourquoi pas, dans ces conditions, la peine de mort, avec ou sans deux ans de délai de grâce ? Là, c’est plus clair : Bo n’était pas seul. Il y avait derrière lui la faction des « petits princes », des fils de la haute, dont il était co-leader, avec Xi Jinping. Il avait aussi en soutien le « club de Shanghai » de Jiang Zemin, et le « gang des pétroliers » de Shengli (les patrons des grands groupes d’hydrocarbures) dirigé par Zhou Yongkang. Toutes ensemble, ces mouvances pouvaient représenter une majorité décisive. Xi et Li pouvaient manoeuvrer pour obtenir des votes dans les instances secrètes, contre ce magma : mais pas en l’attaquant frontalement, par un jugement suscitant l’inquiétude et la rébellion générale.

Très justement, les juristes font valoir que cette perpétuité, appliquée à un crime qui n’est pas de sang (il ne s’agit que de corruption et d’abus de pouvoir), peut aboutir à une grâce au bout de 10/15 ans. Alors, en 2023, Bo aura 74 ans. Il ne pourra – probablement- plus remonter. Mais il finira ses jours en liberté – et c’est le deal.

Dernier point : le 3ème Plenum : désormais, ce mini-congrès du Parti (du Comité Central) peut s’ouvrir. Après avoir cassé le gang de Shengli et fragilisé Zhou Yongkang qui était l’homme fort de la contre réforme, Xi, Li et d’autres leaders réformateurs peuvent apparaître forts, et capables de casser le front du refus. Aujourd’hui même, les trois grands dossiers du plan de réforme, qui doivent être soumis au Plenum, apparaissent bloqués (à savoir la réforme du crédit, celle du droit du sol, et celle des futures « zones commerciales franches » déréglementées, à commencer par Shanghai). Mais cette force exprimée par le verdict de Bo, et cette capacité décisionnelle augurent d’une énergie, d’une majorité nouvelle : le pays entame tout juste un grand tournant, et des espoirs -ténus- sont permis.


Juridique : Tempête juridique en bateau de croisière

Le 11/09, le Henna, paquebot de HNA Tourism (Hainan Airlines), s’embarquait pour 6 jours avec 2300 matelots et passagers, destination : Incheon (Corée du Sud). Mais la croisière n’alla jamais plus loin que Jeju, l’île coréenne où le « liner » faisait escale le 13/09. Un juge l’y attendait, avec injonction en main de déposer 2,7 millions de $ au tribunal de Jeju – le navire restait à la chaîne. 

L’action émanait de Shagang Shipping de Hong Kong. Dans les années glorieuses où les transports maritimes manquaient, Grand China, maison-mère de HNA Tourism avait loué chez Shagang, un minéralier de 180.000 tJB. Mais une fois la récession venue, en 2008, HNA cessait de payer les traites. 

Shagang avait porté le différend auprès d’une cour d’arbitrage londonienne, qui lui avait octroyé 58 millions de $ de dommages. Comme HNA continuait à ne pas payer, Shagang avait fait saisir le paquebot !

La saisie sema la zizanie à bord. HNA paya immédiatement mais c’était le week-end. L’argent n’arriva au tribunal que le lundi. Les passagers n’avaient été informés qu’après 20h à quai : la colère gronda. Cinq charters de HNA vinrent à Jeju reprendre les 1100 passagers souhaitant voler sur Pékin. Les 500 autres restèrent à bord, pour reprendre la croisière. 

Cette saisie à l’étranger suite à un litige entre compagnies chinoises (Shagang est originaire du Jiangsu) est une première juridique.


Monde de l'entreprise : Danone à nouveau pris pour cible
Danone à nouveau pris pour cible

Après ses déboires avec son ex-filiale Wahaha jusqu’aux années 2000, puis une amende en juillet (172 millions de ¥) pour prix excessifs, Danone est accusé par la CCTV d’avoir payé un hôpital de Tianjin, jusqu’à 10.000¥ par mois par obstétricien pour conseiller aux jeunes mamans son lait maternisé Dumex. 

La dénonciation suit une technique similaire à celle employée pour le groupe britannique GSK. Sans doute dévoilée par l’enquête administrative, l’affaire est mise en scène par un média, qui diffuse les aveux d’un cadre local du groupe. Curieusement, Danone se retrouve ici doublement frappé, au confluent des deux campagnes de l’été : celle sur le lait (pour prix excessif) et celle sur la corruption des hôpitaux. 

Après l’annonce, le groupe « extrêmement choqué » a lancé une enquête interne, pour y voir clair et contenir la perte d’image. Car l’enjeu est lourd. En 2012, la nutrition infantile assurait 20% de ses revenus mondiaux, et il détenait 9,2% du marché chinois du lait pour bébé, qui s’élevait à 12,4 milliards de $. Suite à cette affaire, le ministère de la Santé rappela aux hôpitaux l’interdiction d’inciter les mères à se détourner de l’alimentation au sein, préférable à celle au biberon ! 

En même temps que Danone, c’est au tour du suisse Novartis d’être accusé une seconde fois de corruption, par dénonciation. 200 hôpitaux auraient été payés pour favoriser l’emploi de son implant oculaire Alcon. 


Politique : Macao, Hong Kong, Taiwan – trois régions en quête d’avenir

Macao, Hong Kong et Taiwan voient s’agrandir le fossé entre leurs opinions, à propos de la Chine, et de leurs élections locales, passées ou à venir. Partout, le parti pro-Chine est aux manettes – les électeurs reconnaissent l’ombrelle économique chinoise, protégeant leur bien-être contre vents et marées de la récession. Mais ils ressentent aussi un déficit en démocratie participative – partout se reflète un malaise envers Pékin.

Macao vivait le 15/09 le renouvellement partiel de son Leal Senado, avec 14 sièges à pourvoir. Les démocrates de l’opposition, sur leurs trois sièges, en ont gardé…deux ! Le corps législatif comptant 33 sièges (dont 19 discrétionnaires nommés par le gouverneur), l’opposition pèse donc… 6% de l’Assemblée. 

Depuis le retour de Macao à la mère-patrie en 1999, une faveur électorale est accordée aux grandes fortunes patriciennes et aux proches de Pékin. Depuis cette date, les casinos, jusqu’alors verrouillés par Lisbonne, s’y sont multipliés. En même temps, l’argent des joueurs du continent a afflué : le niveau de vie s’est envolé… 23% du PIB vient du jeu, et le taux d’emploi est à 100%, même sans diplôme, favorisant de mauvaises habitudes – revers de la médaille… Aussi lors du scrutin, des électeurs furent transportés aux bureaux de vote par bus spéciaux, nourris, voire payés : deux acheteurs de votes furent arrêtés, ainsi que 14 photographes qui filmaient la façon dont votaient les gens. Quant aux électeurs désabusés face à cette mascarade, ils étaient 152.000, 5% de moins qu’en 2009. 

Hong Kong se prépare au grand rendez-vous de l’élection du Chief Executive au suffrage universel, selon les accords scellés par Deng Xiaoping et Margaret Thatcher en 1984. Mais ni Pékin, ni l’actuel gouverneur Leung Chun-ying ne veulent en discuter. De ce fait, la patience des 6 millions d’insulaires est au plus bas. Le 13/09, la publication au Morning Post de la lettre ouverte de H. Swire, ministre britannique des Affaires étrangères qui soutenait cette réforme au nom de la « liberté de choix », eut l’effet d’une « bombe ». C’était une ingérence, mais elle était volontaire. Londres exprimait ainsi son impatience, et avertissait que tout déni de l’engagement ne resterait pas sans suite. La réponse de Pékin fut cinglante : Leung déclara que « HK n’avait pas besoin de l’aide de Londres », et que le Traité de retour, n’avait jamais promis le suffrage universel.
NB : Leung est mal aimé à Hong Kong, mais aussi à Pékin : appartenant à la faction de Jiang Zemin, il n’est pourtant pas aimé de Xi Jinping, ni de son prédécesseur Hu Jintao. Délicate position !

A Taiwan, le DPP d’opposition se cherche. Conscient d’avoir raté les élections de 2012 faute d’avoir su offrir à ses électeurs une politique claire sur la Chine, il cherche désormais l’alternative-miracle à la stratégie du KMT, de coopération tous azimuts : une formule qui plaise aux Taiwanais (pro-indépendance), aux USA (qui ne veulent pas d’ennuis), et à Pékin (impatient de récupérer la souveraineté sur l’île).
Heureusement pour le DPP, le KMT est davantage en difficulté, avec le Président Ma Ying-jeou et ses 9,2% de voix favorables – un score que même Chen Shui-bian, son prédécesseur (DPP) en prison pour corruption, n’a pas connu.

Un aspect du problème peut s’expliquer par le fait que la Chine a toujours traité ses enclaves avec « la carotte » (paternalisme économique) et « le bâton » (refus rigide de toute participation des masses à la désignation des leaders). Peut-être l’avenir serait-il dans l’ouverture et la reconnaissance de la spécificité des enclaves, de leur besoin d’autodétermination qui ne menace pas l’existence du régime.


Education : Rentrée des classes : le grand chambardement

Le 4 septembre 2013, 97 millions d’enfants prenaient le chemin de l’école à travers les 30 provinces et villes chinoises. Mais cette année, une révolution les y attendait : une circulaire du ministère de l’Education, interdisant aux enseignants de donner des devoirs aux enfants des 6 premières années (durant le primaire).

Un déficit général en sommeil

La directive faisait suite aux alarmes des médecins depuis de longues années. En 2012, Shen Xiaoming, professeur au centre de médecine pédiatrique de Shanghai (et accessoirement vice-maire de la ville), avertissait que 70% des enfants subissaient une chute brutale de leurs heures de sommeil à partir de 6 ans, dès le début de leur scolarité. C’était la conclusion d’une enquête médicale réalisée par son équipe sur 30.000 enfants de moins de 18 ans sur une période de 15 ans, dans 9 métropoles du pays. Le manque à gagner, poursuivait Shen, se mesure en une capacité de mémorisation, de concentration et de communication, diminuée. Les notes des écoliers chutent et leur santé est menacée par les deux fléaux que sont : la surcharge pondérale (chez 20%, celle-ci se traduisant ensuite par un pré-diabète chez 30 à 40% des jeunes adultes), et la dépression (30%). 

Il manque aux jeunes 1 à 2 h de sommeil par nuit, les ados shanghaïens dormant après 23h et se levant avant 7h, alors que la durée de sommeil conseillée est de 9h, voire plus pour les petits. Trois causes tiennent ces jeunes éveillés, dont une inattendue : le temps de transport à l’école, les devoirs, mais aussi l’insomnie due au stress. C’est ce qui ressort d’une autre étude récente faite à Zhongshan (Guangdong) sur 1000 enfants, dont 365 ne trouvent pas le sommeil. Il faut dire que la société, médecins exceptés, vote aveuglément pour un système scolaire « marche ou crève » basé sur le bachotage. 

Dès 3 ans, à la maternelle –pour ceux qui ont la chance d’y accéder – 60% du temps va à l’anglais et aux mathématiques, et seuls 40% au jeu, sport, chant, dessin… Puis jusqu’à l’année du Gaokao (bac), les tests se succèdent, permettant un écrémage féroce : en 2010, les élèves du primaire et secondaire étaient 200 millions, les étudiants seulement 31 millions, soit 15%… Pour garantir à leur enfant la meilleure chance d’être de ces 15%, les parents le soumettent à des cours de soutien et exercices volontaires, telles les « olympiades des mathématiques », concours national organisé chaque année. De la sorte, les jeunes n’ont presque aucun temps libre, week-ends et congés étant monopolisés par ces leçons supplémentaires.
Aussi la circulaire du ministère apparait une action fort sensée. D’autant qu’en plus des devoirs, elle bannit aussi les cours de soutien, proposant de remplacer tout cela par des visites de musées ou de bibliothèques, et une heure de gym par jour.

Une sourde opposition

Mais la directive rencontre une sourde opposition. Soumise aux avis de la population, elle a reçu 5956 commentaires en 8 jours, dont une fraction déterminée à la récuser. Il y a d’abord des parents inquiets de voir leurs enfants échouer pour cause de mauvaises notes aux tests, surtout si toutes les provinces ne jouent pas le jeu. Certains jeunes pensent de même, telle cette petite cantonaise qui demande : « et si j’arrête les exercices alors qu’ailleurs, d’autres continuent ? » Au passage, cette inquiétude en dit long sur le bas niveau de confiance des Chinois face à l’administration, et à sa capacité de faire régner la loi. 

Des intérêts cachés

Cependant le plus fort adversaire de l’abolition, sont les écoles et les professeurs, dont les cours privés, payants, sont une part non négligeable de leurs revenus. Quant aux écoles, aux meilleurs taux de réussite, elles peuvent alors imposer des droits d’entrée importants, plus ou moins illégaux. D’ailleurs, la directive prétend abolir les conditions « non transparentes » d’entrée, comme les dessous de table... Cependant, ce conflit d’intérêt rend difficile l’application du texte, vu l’autonomie dont jouissent les établissements scolaires dans leur fonctionnement : l’Etat ne légifère que dans les programmes des cours. 

Deux problèmes graves du système scolaire chinois : 

★ l’orthographe chinoise (la rédaction en idéogrammes) est en recul avec l’arrivée des traitements de texte qui ne laissent au jeune que le rôle de détecter sur écran le caractère exact. De ce fait, on oublie très vite l’écriture, pour ne plus savoir que lire.
A ce sujet, l’appel (09/09) à supprimer les cours d’anglais dispensés dès le primaire, fait polémique. Certains affirment que ceux-ci causeraient du tord à la langue chinoise. 

★ De l’aveu officiel (05/09), 400 millions de Chinois ne parlent ni ne comprennent le putonghua (mandarin), 400 autres millions le parleraient mal, et seuls 30% s’exprimeraient avec aisance. Du fait de la multiplicité des dialectes, le min. de l’Education croit qu’ il ne parviendra « probablement jamais » à l’unification du pays sous la langue mandarine.

Une autre facette de la réforme qui déplaira aussi aux professionnels, prétend réduire l’importance des tests et du contrôle continu dans l’évaluation des élèves, afin de diminuer leur stress. Dans le système en cours d’évaluation dans toutes les provinces depuis septembre, les notes seraient remplacées par 5 indicateurs pour chaque élève, à savoir le développement moral, académique, la discipline, l’application et la créativité. 

Pourquoi changer un système inchangé depuis 1949 ? C’est que de nombreux signaux d’alarme inquiètent pédagogues et administrateurs. Outre le stress, la pré-obésité et la myopie très répandue (due à l’étude des idéogrammes), une crise s’annonce du fait du refus des écoles des villes d’accepter les enfants des migrants. Le 10/09, un agriculteur du Guangxi s’est suicidé à la bombe devant une école de Guilin (2 morts, 44 blessés), après avoir essuyé le refus du directeur d’enrôler son fils, ne disposant pas du permis de résidence local (hukou). Ces migrants, dont les enfants composent jusqu’à 40% de la jeunesse des métropoles, sont privés de hukou et donc, des bonnes écoles. Or de plus en plus de migrants ne supportent plus cette discrimination et passent aux actes… 

Autre syndrome pour les parents riches : les études à l’étranger. En 2012, le nombre de jeunes aux études hors frontières s’élevait à 339 700, avec une hausse de 19% sur 12 mois. Mais l’institut Nielsen, commissionné par HSBC, a interrogé 1000 pa-rents de 7 grandes villes chinoises sur leurs intentions d’études à l’étranger, et constaté que ce volume allait septupler d’ici 10 ans, ce qui donnerait donc 3 à 4 millions de lycéens et étudiants chinois hors frontières. Quand on sait que selon les pays d’accueil, 50% à 66% ne rentrent pas, la Chine a des soucis à se faire.


Petit Peuple : Changsha – Le solitaire censeur pornographique

À Changsha (Hunan),Liu Xiaozhen fit carrière disciplinée en une officine publique. Durant ces 30 à 40 ans de bons et loyaux services, il s’était forgé une bonne réputation, car mis à la retraite en 2003, il se vit offrir une place que l’appareil réserve d’ordinaire à ses cadres les plus sûrs : pourfendeur de pornographie sur internet. Parmi ce corps d’inspecteurs, à force d’efforts et de peine, il devint vite (comme en tout ce qu’il entreprenait), un des meilleurs. Il exerça ses fonctions sans le moindre état d’âme : en 2008, il publiait, et l’Etat le laissait faire, un article sur les arcanes de ce métier de l’ombre.

Pour sélectionner ses candidats, expliquait Liu, l’administration est exigeante. Il lui faut la preuve d’une vie sans faute, et elle recrute à un âge où l’ appel de la chair s’estompe. Le candidat doit aussi être marié (une épouse à ses côtés, pour que l’homme soit tenu en main, au cas où). Il est enfin mis à l’épreuve : on lui fait visionner les films les plus scabreux, tandis que les recruteurs scrutent ses réactions à l’affût de signes de plaisir – histoire de s’assurer qu’ils ne laissent pas entrer le loup dans la bergerie.

En juin, Liu a accordé une rare interview à sa TV provinciale. L’impression qui s’en dégage est celle d’un immense sérieux (aucun sens de l’humour), couplé à une tristesse abyssale, vieille et fidèle compagne. Jamais sourire n’affleure ses lèvres. Il porte un veston noir, une chemise blanche, une cravate noire, comme une armure contre ces dragons qu’il pourfend tous les jours. 

Sa désillusion s’explique bien sûr par sa tâche insensée. Son défi est aussi fou que la charge de Don Quichotte droit sur les moulins à vent. Lui, c’est con-tre la libération des mœurs qu’ il se bat, sabre au clair. De lui et de quelques collègues, on attend qu’il rattrape 25 ans de dérive d’une société entière vers la luxure et l’hédonisme, que des générations de policiers et de censeurs, d’éducateurs socialistes et de cadres de la culture, n’ont pas su empêcher. Rien des dizaines de milliards de dollars d’investissement public n’ont pu empêcher le barrage du sexe de céder, les Chinois de se dévergonder, l’infidélité et l’aventure de gagner du terrain au grand jour. Pour tuer la misère sexuelle, des dizaines de films illégaux sortent chaque jour, d’Urumqi à Hainan, dont des dizaines de milliers de copies se vendent sous le manteau et seule une mince fraction est saisie.

Au Hunan, 13.000 DVD furent saisis au 1er trimestre -grâce à Liu et ses 3 bras droits. En avril, à corps défendant, ce sont 700 films qu’ils durent vi-sionner : « même si vous ne voulez plus regarder, dit-il en un soupir, vous devez continuer », pour pouvoir classifier entre « obscène, pornographique ou autre », base juridique pour punir- jusqu’à 3 ans de prison ferme. 

« Au début, avoue-t-il candidement, regardant ces cochonneries, je rougissais comme un gamin, mon cœur palpitait ». Mais s’étant aguerri depuis, il « distribue » chaque mois des siècles de prison, tout à sa mission de sauver des âmes et nettoyer l’internet de ses vices, (涤瑕荡秽, dí xiá dàng huì, « laver les raies du jade »).

Le salaire n’est pas mauvais pour faire l’inquisiteur – 25.000 euros par an : l’Etat sait récompenser ses fidèles serviteurs. Mais c’est aussi le salaire de l’opprobre. Car loin d’être remercié par le public, qui est sa clientèle finale, Liu voit trop souvent les bloggeurs et autres surfeurs le noyer de sarcasmes, lui demandant s’il a jamais été jeune, ou ce qu’il comprend à l’amour, à la légitime attente de tous les humains que le corps exulte ? 

D’autres, perfides, déplorent que le pays ne mette autant d’énergie à traquer la pollution de l’air et des aliments, que celles des émois, des sens et de l’exultation. 

Enfin, dans ces multiples piques, on croit remarquer un sourire de compassion presque : dans ces vieillards cacochymes, et dans leur combat anachronique contre ces plaisirs qu’ils n’ont jamais connu, la jeunesse ne se reconnait pas. Elle les voit comme ce qu’ils sont : une génération de vieux solitaires et aigris. Elle sait par contre qu’elle vient de renouer avec l’histoire, le flux normal des émotions et des passions de leurs ancêtres, après cet intermède stérile des deux ou trois générations de la Révolution. Souriant plutôt que de s’indigner de la tentative de censure autoritaire, elle poursuit sa marche !


Chiffres de la semaine : 800 magasins, 16 milliards de yuans, 280 000 tonnes…

Carte Implantation Cache Cache Chine800 magasins Cache-Cache en Chine

  • 800 : c’est le nombre de magasins Cache-Cache (groupe Beaumanoir) en Chine. La marque vient d’ouvrir sa 800ème boutique à Tianjin (12 millions d’habitants) – la plus grande du réseau avec ses 500 m2

Avec 1500 magasins à travers le monde, dont 2/3 en franchise, l’enseigne ouvre chaque année 200 à 250 boutiques, la plupart en Asie.

Mooncake16 milliards de yuans de ventes de mooncakes

  • 16 milliards de yuans : c’est le montant estimé des ventes de « gâteaux de lune » cette année, soit une baisse de 20% par rapport à l’an dernier (source: China Association of Bakery and Confectionnery Industry).
  • 280 000 tonnes : c’est le poids de l’ensemble des « gâteaux de lune » produits cette année (source: China Association of Bakery and Confectionnery Industry).

Rendez-vous : De la Semaine du 23 septembre au 13 octobre 2013
De la Semaine du 23 septembre au 13 octobre 2013

22 septembre – 6 octobre, Pékin et Shanghai : TENNIS : China Open, suivi du Shanghai Masters du 6 au 13 octobre

23-25 septembre, Shanghai : Marinetech Summit – conférence sur les technologies maritimes

24-28 septembre, Pékin : PT/Expo Com – Salon des télécommunications

26 septembre, Shanghai – Jing An Shangri-La Hotel : première vente aux enchères en Chine de Christie’s pour 42 œuvres, d’un montant estimé à 100 millions de Y

10-12 octobre, Pékin : CIOTC / CIPTC – Conférence sur les technologies du pétrole offshore, pétrole et gaz