Le Vent de la Chine Numéro 25-26

du 13 juillet au 30 août 2013

Editorial : Xi Jinping et Li Keqiang : que vont-ils oser cet été ?

China Railways Corruption Proces Liu ZhijunL’été, la ville se vide… C’est le moment pour l’équipe au pouvoir de faire passer ses décisions difficiles, alors que les opposants, clans et mouvances sont « à la plage ». Aussi pour ce dernier numéro avant la césure estivale, observons ce que préparent Xi Jinping, chef du Parti et Li Keqiang, patron du Conseil d’Etat. 

Ces temps-ci, le chef de l’Etat est hyperactif, multipliant les meetings et les propositions en tous domaines. Il s’agit de préparer les propositions au Parti, lors du 3ème Plenum du XVIII. Congrès en novembre. Mais s’agissant de déboulonner les privilèges pour sustenter le programme d’urbanisation, Xi se voit opposer une cuirasse de refus universel. Les 22-25 juin, c’est un sommet contre formalisme, extravagance, abus de pouvoir et indiscipline, pour remettre sur ses rails un appareil perclus de corruption

Lors des promotions des hauts cadres, il propose de tenir compte de la croissance brute mais aussi du respect de l’environnement et du bien social. La presse en a parlé librement et avec force de détails – un signe de confiance en la capacité de Xi à rassembler. Mais on attend toujours des résultats concrets… Ainsi, 15 jours après, le verdict contre Liu Zhijun (cf photo), l’ex-ministre des Chemins de fer (08/07) n’est pas des plus probants sur la volonté de discipliner les cadres corrompus. Surnommé « Monsieur 4% » pour la part qu’il prélevait sur des contrats de TGV en  milliards de $, cet apparatchik écope de la peine de mort, mais assortie du sursis, ce qui lui permet d’espérer la sortie « médicale » dans 6 ans. Suite à ce verdict ambigu, on peut se demander si Pékin ne va pas mettre à profit cette trêve balnéaire pour boucler le procès de Bo Xilai, assorti d’un jugement de la même texture mi-sévère mi-douce, s’évitant ainsi un battage de presse et une déchirure dans l’opinion. 

Sur le dossier de la recentralisation du pouvoir, Xi progresse. À son arrivée, seuls 2 gouverneurs provinciaux sur 32 étaient nommés par Pékin. Ils sont à présent 11 sur les 22 nommés dernièrement, ce qui permet d’espérer un retour de la discipline, notamment dans les politiques à la traîne, tels l’environnement et la finance. 

 Autre sommet, autre blocage : les 2-5 juillet, se tenait à Pékin un meeting entre Banque Centrale, CBRC et les banques, où Xi Jinping tentait de faire accepter la dérégulation des taux d’intérêts. Ce furent les géants bancaires des « 4 soeurs » qui bloquèrent, au nom des marges que ces taux leur assurent, alléguant la crainte de perdre le contrôle de la situation. Fin juin, en panne de cash, ICBC et Banque de Chine avaient dû cesser leurs prêts.

Nonobstant cet échec, Xi semble confiant de pouvoir, lors d’un autre sommet financier en octobre, ôter aux provinces le contrôle des ventes foncières et leur rendre pour compenser une source de finance par obligations (déjà permises aux provinces les plus riches, Shandong, Jiangsu, Guangdong, Zhejiang, Shanghai et Shenzhen) et la taxe foncière aujourd’hui limitée à Pékin et Shanghai. S’il réussit, il aura doté le pays d’un nouveau principe de taxation, plus durable. 

Ainsi, le combat n°1 de Xi est la finance, et ce sont les banques qui bloquent. On soupçonne en fait qu’elles agissent pour le compte de leurs gros clients (mairies, GEE), avec qui elles ont partie liée. Ces clients sont les privilégiés de ce système de crédit étatique, discriminatoire et à bas taux. La dérégulation leur ferait payer leur crédit à son juste prix, en fonction de la rentabilité objective (souvent faible) du projet. De la sorte, ils devraient repenser pour la première fois leurs investissements en terme de rentabilité et de valeur sociale : la masse monétaire irait davantage vers ceux qui génèrent les emplois – PME et secteur privé.

 Cet été, on peut aussi s’attendre à voir Xi Jinping enterrer le contentieux avec l’UE sur les panneaux solaires, en offrant un engagement volontaire de prix minima et de quotas ; améliorer le climat avec le Japon – il fait déjà réguler le cinéma de manière à tempérer les bouffées de xénophobie ; et travailler à la relation avec Hong Kong, aujourd’hui tendue pour cause de démocratie: Zhang Xiaoming, le représentant national sur le Rocher, invite le Legco (Parlement) à déjeuner pour aborder « toutes les questions », depuis trop longtemps escamotées !


Automobile : Renault, la « fée électricité » débarque

Renault attend ce mois-ci le dernier feu vert à son retour en Chine, pour s’installer à Wuhan (Hubei). Pour un investissement d’1,2 milliard de $ en JV avec Dongfeng, le n°2 chinois, il sortira dès 2014, 4X4 et fourgonnettes (pour ce type de véhicule, Renault disposait d’une licence depuis les années ’90). La capacité annoncée est de 150.000 par an.

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Pékin a accepté, quoique la capacité chinoise doive déjà atteindre 30 millions en 2017, deux fois la demande américaine. C’est contre la promesse de produire aussi des véhicules électriques (EV) dont Renault détient 51% du marché européen. Quoique subventionnés, les EV ne décollent pas, faute d’une batterie qui assure une autonomie de 700 à 800km. En Chine même en 2012, les ventes plafonnaient à 12 552. Mais Pékin compte sur son immense marché pour stimuler la recherche et baisser les coûts. Selon McKinsey, en 2017, elle en produirait 273.150 –dont une part chez Renault à Wuhan, qui doit encore choisir quel modèle offrir parmi les 4 de sa gamme (Zoé, Kangoo, Fluence, Twizy).

Ce faisant, Renault prend des risques : l’absence d’un réseau national de recharge (mais différents projets sont en cours, dont celui de State Grid) et le piratage… Mais Renault n’a pas le choix : avec 60% de son marché en Europe qui, selon le PDG Carlos Ghosn, va encore se contracter pendant 2 ans, il est impératif de se redéployer. 


A la loupe : Progrès social : « à travail égal… »

Toute loi sociale qui s’installe fait grincer des dents. Entrant en vigueur au 1er juillet 2013, la version révisée de celle du contrat de travail ne fait pas exception, provoquant une litanie de plaintes des patrons, mais aussi des experts et même des ouvriers ! Prétendant protéger les travailleurs migrants, le texte remplace la liberté d’emploi par une régulation sociale. En effet, nombre de boulots mal payés sont exercés par des migrants qui y trouvent une opportunité d’entrer en ville. Mais les firmes y trouvent leur compte aussi, en compensant par leurs petits salaires la hausse des autres charges. 

Or la nouvelle loi spécifie que ces « waidi » (« extérieurs ») ne peuvent travailler qu’en temporaire ou auxiliaire, ne peuvent constituer plus d’un pourcentage minoritaire (10%, selon certains), et doivent recevoir à travail égal, salaire égal. « Impossible », déclarent les agences de placement, qui évoquent une demande souvent de 50%, voire 90%. Tandis que l’ouvrier migrant de son côté, se demande comment prouver au patron qu’il fait un « travail égal »… 

Le progrès toutefois est indéniable, avec ce principe de l’égalité de traitement entre travailleurs à même performance. Cela représente bien du travail en perspective pour les tribunaux chinois…à condition qu’existe un syndicat assez volontaire, pour assister dans la plainte le migrant spolié…


Politique : Li Keqiang – une marche courageuse et solitaire

Kangbashi OrdosParalysé par ses problèmes à court terme, Li Keqiang ne parvient pas à lancer ses grands plans à long terme. Début juillet, les indicateurs économiques virent au rouge. En juin, la Chine a exporté 3,1% de moins – du plus vu depuis 17 mois – et l’import a baissé de 0,7%. On voit aussi la ville d’Ordos (Mongolie Intérieure) en quasi-faillite après avoir créé des quartiers-fantômes, tel Kangbashi (cf photo) qui attend encore le premier de ses 300.000 habitants. En 2012, pour un revenu de 4,5 milliards $, Ordos a 39 milliards $ de dettes et survit grâce à des emprunts locaux (soent sur le marché gris, à taux usuraire) pour payer ses cadres. Le danger toutefois d’un « effet boule de neige » à toute la nation est négligeable : Ordos est une ville enclavée, ce qui explique l’absence de marché et l’erreur d’inexpérience dans cet investissement. Mais à l’échelle nationale cet accident n’est pas transposable.

Fin juin sur ordre de Li Keqiang, la Banque Centrale avait sevré le marché d’argent frais – une mesure désespérée pour forcer les provinces et conglomérats (premiers bénéficiaires du crédit) à épargner. En juin, les prêts atteignaient 800 milliards ¥ contre 900 milliards ¥ un an plus tôt. Mais le résultat fut un début de panique en bourse, et une baisse de la croissance attendue (à présent, les analystes la fixent typiquement à 7,4 % cette année, et 7,1 en 2014). L’inflation en juin n’a monté que de 2,7% , loin de l’objectif annuel visé de 3,5%, réduisant d’autant la capacité de l’Etat de relaxer les taux d’intérêts.Pire: la collecte d’impôts est « décevante », à+ 0,1% de janvier à mai, loin de la croissance du PIB. Cela a forcé le Conseil d’Etat à taper dans ses réserves pour financer ses projets prioritaires tels la construction de 10 millions d’appartements sociaux par an. En somme, les prédictions d’une reprise douce pour 2013 sont désormais démenties, et Li (avec Xi Jinping) a fait le choix de forcer le pays à adopter un rythme de croissance plus supportable. 

Détail qui frappe : le silence de Li Keqiang sur le fer de lance de sa politique, son programme d’urbanisation, la construction d’écoles, d’hôpitaux, de métros destinés aux 250 millions de migrants actuels, privés jusqu’à présent de ces services réservés aux « résidents légaux ». Mais les provinces renâclent à payer et redoutent ce changement de fonctionnement qui induirait l’effondrement de leurs privilèges.

Au moins, un premier pas de ce programme vient d’être franchi avec le feu vert à Shanghai (03/07) pour créer sa zone de libre échange : un programme à très long terme (jusqu’en 2049) qui ouvre 28 km² d’espace dérégulé et offre la libre convertibilité des comptes capitaux et une absence de douanes (pour la réexportation) et de toute tutelle financière. Cadeau de naissance, la zone obtient le monopole intérieur des consoles de jeu made in China (jusqu’alors prohibées). C’est un programme-test pour stimuler l’innovation financière. Avec une telle liberté, Shanghai rêve de supplanter Hong Kong comme hub financier d’Asie. Si elle réussit, d’ autres zones de libre échange suivront dans le pays : Canton, Tianjin, Chengdu ? 

La réforme pourrait avancer cet été dans un domaine : l’énergie. Sur le terrain de la tarification, les industries vont payer 15% de plus leur gaz, et un nouveau tarif s’appliquera à l’électricité nucléaire, reflétant mieux le marché. Les renouvelables accèdent au marché bien plus vite que le nucléaire, et doivent assurer 20% de l’électricité du pays en 2015. Enfin la rumeur prédit le démembrement du State Grid (monopole de distribution) en 5 entités, ce qui serait tout un symbole. En effet, le State Grid est la plus riche et puissante entreprise du pays !


Monde de l'entreprise : Rongsheng, trop gros pour mourir
Rongsheng, trop gros pour mourir Chantiers Navals Rongsheng

Tempête pour les 20.000 métallos (dont 8000 juste mis à pied) du chantier naval Rongsheng à Nantong (Jiangsu) : caisses et carnets de commande sont vides (-23% en mai et –50% de chiffre d’affaires). 

Rongsheng est à l’image des 483 chantiers navals chinois qui depuis 3 ans voient s’évaporer les commandes tandis qu’en face, le rival coréen va assez bien pour augmenter ses prix. Au 1er semestre, en valeur, les commandes de part et d’autre accusent un abîme de différence : 21,7 milliards de $ par chantier chinois (en moyenne), 196 milliards de $ par chantier coréen… 

Les armements coréens reçoivent le fruit d’un investissement lourd en R&D, qui leur permet d’offrir le bateau le plus propre, silencieux et frugal—grâce à l’électronique, permettant aux machines de suivre les mouvements de la mer. 

Résultat : même l’armateur chinois CSCL « trahit » les chantiers compatriotes, simplement pour rester concurrentiel, et commande pour 683 millions de $, cinq porte-conteneurs les plus grands du monde, de 18.400 « boites » ! D’ici 5 ans, estime un haut cadre chinois, un tiers des chantiers chinois auront disparu. 

Que fera l’Etat? Avec la province du Jiangsu, il semble s’apprêter à « repêcher » Rongsheng, car il est le 1er chantier privé du pays. Mais Pékin ne dépannera pas tout le monde… Seuls seront sauvés ceux « trop grands pour mourir » -mais rien ne prouve que cette ultime subvention apprendra à ce conglomérat socialiste à faire les navires du XXI. siècle, et permettra de sauver Rongsheng du gouffre ! 


Monde de l'entreprise : Frappes sur le lait, laboratoires et Tetra Pak : contre l’étranger ou pour la concurrence ?

Quels points communs en Chine entre les industries laitière, pharmaceutique (cf photo d’une pharmacie à Hefei, Anhui) et Tetra Pak, le géant de l’emballage ? Réponse : elles sont toutes liées au secteur de la santé, sont dominées par de grands groupes, et (au 02/07) sont sous enquêtes administratives comme le pays n’en a jamais connu. C’est la première fois que les inspecteurs s’intéressent non pas à la qualité des produits mais aux pratiques commerciales. 

Côté lait, tous les ténors étrangers du lait maternisé (Nestlé, Danone, Abbott...) sont contrôlés, en même temps que Beingmate (Zhejiang) et Biostime (Canton) – lequel vient d’acheter 20% de parts de la coopérative d’Isigny (France) lui commandant une usine en Normandie (100 emplois) pour presque tripler sa production et le fournir en lait infantile. Ces groupes sont « vérifiés » mais non accusés. Pour comprendre, il faut se rappeler le terrible scandale du lait à la mélamine de 2008. Depuis, la confiance de la population envers le « made in China, by China » est au plus bas, et l’étranger a doublé sa part de ce marché, à 60%. 

La tendance s’accélère : de janvier à avril, l’import atteignit 60.000 tonnes (+164%). Or, depuis 2008, les prix (en importé) ont augmenté de 30%, faisant peser sur le panier de la ménagère un coût de moins en moins supportable. Pékin a donc « émis le souhait » de voir ces prix allégés. Vœu instantanément exaucé : toutes les marques concernées baissèrent « volontairement » leur prix du lait en poudre de 5 à 20%. 

D’autre part, Li Keqiang veut porter à 5 hectares la taille des fermes familiales (par redistribution des terres des migrants). Il veut aussi extraire du circuit 25 à 35 des 127 groupes laitiers. Aussi cette frappe nous apparait comme moins dirigée contre l’étranger que contre la tranche des producteurs qui contrôlent 60% du marché. Et Pékin pourrait bien poursuivre sa campagne auprès de tous les autres acteurs, dans le cadre de la restructuration annoncée.

Côté laboratoires, 60 firmes locales et étrangères sont sur le grill, soupçonnées de corrompre les médecins et les cadres, afin de faire prescrire leurs médicaments et faire vendre par l’hôpital à prix très élevé. Un groupe risque plus gros que d’autres : GlaxoSmithKline (Grande Bretagne) qui a été dénoncé, et dont des responsables à Changsha (Hunan) viennent d’avouer (11/07) une fraude généralisée. 

Côté Tetra Pak, une enquête est ouverte pour abus de position dominante. Il est accusé, lui aussi, de collusion avec ses clients et les cadres : peut-être pour conserver ses marchés face à une concurrence locale « clone » qui se développe à la vitesse de l’éclair… On en saura plus, plus tard.
Signalons enfin que des ententes avaient été déjà réprimées début 2013, entre producteurs de panneaux solaires vendus en Chine, et producteurs d’alcool (entente Moutai-Wuliangye) – indice que cette campagne, loin d’être purement anti-étrangère, est une manœuvre préliminaire du grand plan de Li Keqiang pour combattre la vie chère. 

Dans ces trois secteurs, il s’agit d’établir (peut-être pour la première fois) une vraie concurrence au plan national et ainsi, de baisser les prix au profit du consommateur. Il s’agit aussi de moraliser les rapports entre producteur, distributeur et revendeur – une condition essentielle au succès de la réforme de la santé, dans les hôpitaux comme sur les marchés. Notons qu’il s’agit là d’un pas important vers la création d’un marché intérieur.


Diplomatie : Pékin – Pyongyang : la confiance règne !

Concernant la Corée du Nord, Pékin vient d’adopter une mesure conservatoire, à la fois bien étrange mais aussi éclairante : tous les chalutiers chinois sont bannis des eaux de la côte Est de la péninsule, pour leur propre sécurité. Et ce, en raison d’un détail technique, soudainement pris pour prétexte : ces navires de pêche travaillent en flottilles et pour ne pas perdre de temps en navettes, se font ravitailler en carburant et en glace, permettant de s’éviter les navettes. 

Or en juin, Pyongyang a interdit ce ravitaillement : le carburant doit maintenant provenir de Corée du Nord. Prétention incongrue, folle même, car tout fuel, en ce « pays du matin calme », provient de Chine, souvent à titre gracieux !

Mais Pékin prend l’avertissement très au sérieux, et suspend la licence sur cette zone qui appartient au capricieux petit allié. En mai dernier, un de ses navires avait été kidnappé et retenu durant 15 jours par la marine de Kim Jung-un… 

L’action agressive de Pyongyang explicite probablement son exaspération à voir la Chine s’entendre avec les Etats-Unis et Corée du Sud dans l’espoir de la forcer à renoncer à son programme nucléaire, et au gel par plusieurs banques chinoises des avoirs du régime totalitaire. Mais sur cette péripétie, une conclusion s’impose : entre ces deux frères socialistes, la confiance règne !


Sport : En Chine, le tennis monte au filet

Pour la jeunesse chinoise, le tennis est une révélation—peut-être le successeur de la gym obligatoire matinale que pratiquaient leurs parents sous Mao. Portés par le succès de Li Na (championne 2011 à Roland Garros), des clubs fleurissent partout, ainsi que 30.000 cours pour accueillir les 14 millions d’amateurs et de pros, générant 4 milliards de $ de revenus par an (source Tom Cannon, professeur à l’université de Liverpool). 

À la télévision, sur les différentes chaînes (dont CCTV-Sports), le tennis est le 3ème sport le plus suivi, après le football et le basketball. Sur ce phénomène social et cette véritable niche d’affaires, nous vous proposons ce petit dossier, réalisé en symbiose avec Marketing-Chine, site partenaire.

Zhang Ze, l’espoir au masculin 

2011 fut l’année de consécration pour Li Na, première Chinoise à avoir remporté un tournoi du Grand Chelem. L’enfant terrible du tennis chinois (cf portrait VdlC n°24-2011) avait choisi de s’affranchir de ses supérieurs, qui régentaient jalousement jusqu’alors la vie des athlètes (training, vie privée, cachets amassés en compétition ou en pub). Elle se mit à revendiquer ses valeurs et besoins propres : « pourquoi devrais-je porter sur mes épaules le pays entier ? Je ne suis qu’une joueuse de tennis ! » devait-elle s’exclamer à Wimbledon en juillet 2013. 

Mais si les tenniswomen chinoises se lancent à l’assaut du peloton mondial, leurs homologues masculins peinent encore à l’arrière. Peut-être est-ce le fruit d’une surcompensation féminine, pour rattraper la discrimination des genres. Pas seulement en sports mais aussi aux études, la chinoise « essaie plus fort » que le « petit dragon » gâté de naissance, et se montre plus accrocheuse et plus souple que lui. 

Ainsi, logiquement, l’autorité de tutelle, l’Association chinoise de Tennis s’est donnée pour objectif de produire des champions mondiaux mâles. Elle s’en est donnée les moyens en recrutant le Français Guillaume Peyre (ex-entraîneur de Richard Gasquet) pour chauffer l’équipe nationale, notamment pour la coupe Davis. Après quelques mois, Peyre se montre confiant quant au potentiel de percée de ses poulains. Surtout depuis l’arrivée de Zhang Ze (photo), un jeune de 23 ans, d’1m88, passé en mai, 148ème au classement ATP et champion de Chine. 

Un marché natif, démesuré, solvable et motivé

Comme en tous sports, la Chine applique sa stratégie systématique de montée en puissance en s’appuyant sur des entraîneurs et sur des groupes étrangers détenteurs de matériels d’avant-garde, attirés par la perspective d’un marché géant, natif, solvable et motivé. Telle la PME Tecnifibre, experte en sports de raquettes (tennis, squash, badminton), partenaire officiel de l’ATP World Tour qu’elle approvisionne en raquettes, cordages et accessoires. Depuis 2011, Tecnifibre est en Chine pour contribuer au développement local du tennis, en accompagnant les nouveaux professionnels. 

« Ici, tout est hors normes », évoque G. Ducruet, responsable marketing. « Dès mon premier voyage, j’ai été frappé par cette envie et cet engouement autour du tennis. On a vraiment l’impression que tout est possible, que construire de beaux clubs n’est pas un problème… Bref, que tous, autorités comme athlètes, veulent vraiment faire de leur pays un sanctuaire tennistique de niveau mondial ! ». 

Ainsi Tecnifibre est prête à s’impliquer, sans perdre de temps : « en féminin, on y est déjà, avec des étoiles confirmées telles Li Na ou Zheng Jie. Mais côté masculin, tout reste à faire. Pour nous, être présents maintenant, c’est un peu s’inscrire dans l’histoire du tennis ». L’atout majeur de Tecnifibre est l’entraineur G. Peyre, son ambassadeur. « Ma relation avec Tecnifibre dépasse aujour-d’hui l’affectif. D’abord car je crois en la qualité des produits. J’ai personnellement orienté Zhang Ze sur Tecnifibre. Il s’est converti à une raquette performante, la T-fight… »

L’esprit Roland Garros à Pékin & Chongqing 

En 2012, Pékin lança « Roland Garros à Beijing », son festival du tennis en simultané avec le tournoi parisien. Il attira plus de 100.000 visiteurs. En 2013, la seconde édition se tint (05-09/06) au cœur de la ville, au « Place » où un court en terre battue attendait les amateurs adultes et pour les enfants, un terrain de mini-tennis. Jamais à court d’idées, les promoteurs offraient des animations de « Jump Tennis », de « Longines Smash Corner » ou encore le « Winners podium » permettant aux fans de recevoir des simulacres de coupes, sur une estrade sosie de la remise des trophées à Roland Garros. Sans compter bien sûr la retransmission en direct, sur le second écran LED le plus long du monde (250m), des matches du tournoi parisien. 

Enfin, démontrant la passion de la Chine pour la petite balle jaune, en 2013, l’événement se déroulait aussi, copie conforme, à Chongqing

Un 5ème tournoi de Grand Chelem en Chine ? 

Cet automne, deux événements se disputeront les feux de la rampe : le China Open et le Masters 1000. 

Depuis 1993, puis 2004 en continu, l’Open masculin et féminin (ATP 500 et WTA 1er) se déroule à Pékin en septembre, à présent sur le site des JO (2008), un complexe à l’air libre et malgré tout à air filtré et climatisé (jusqu’à 5 degrés de moins que la température ambiante). Depuis 2011, il est complété d’un Diamond court de 15 000 places à toit rétractable (au coût de 80 millions de $). 

Dans la foulée, en octobre à Shanghai, suit le Masters 1000, masculin, depuis 2009, au Qizhong Stadium (célèbre pour son toit en fleur de magnolia). Avec 15 000 places et une 40aine de cours, c’est le plus grand complexe tennistique d’Asie.

Ce redoublement d’efforts pour disposer des meilleures infrastructures, ne traduit pas que la rivalité éternelle entre les 2 métropoles chinoises, mais aussi l’ambition de se doter d’un tournoi comptant pour le Grand Chelem, ce qui signifierait créer une 5ème étape, en plus de Paris, Londres, New York et Melbourne. Soit dit au passage, une rivalité sourde oppose la Chine à Melbourne, que Shanghai espérait un instant évincer. Melbourne elle, prétend bien conserver son exclusivité de ce côté du globe. 

Pour l’instant encore, la Chine reste loin du compte. Mais vu l’avancée du pays, son engagement passionné et ses moyens sans bornes, le succès ne devrait être qu’une question de temps. 

Article réalisé avec Marketing Chine, site partenaire


Petit Peuple : Guiyang (Guizhou) : Justicier et assassin, 16 ans de traque

En 1997 à Kunming, district de Panlong (Yunnan), Yang Shunming tenait une gargote pour le compte de l’amante de Ren Yuefeng tandis qu’il passait ses journées à y apporter des caisses, et les distribuaient aux clients du restaurant. Il fallut 5 mois au jeune gérant pour deviner qu’il s’agissait de cigarettes contrefaites. Les clients eux, venaient plus pour les fausses Marlboro que pour le bouiboui, plaque tournante d’un trafic de contrebande.

Shunming angoissait et s’en ouvrit à son frère aîné Yang Shunxiang, qui lui conseilla de déguerpir toute affaire cessante, et promit de venir avec lui négocier son départ avec Ren… 

C’était malheureusement oublier un incident fort dangereux. Deux mois plus tôt Ren, pour mettre à Shunming un fil à la patte, l’avait accusé d’avoir volé 6000¥ dans la caisse. Pour éviter la prison, Shunming devait le rembourser chaque mois par ponction sur son salaire. 
Aussi, quand les deux frères présentèrent à Ren la démission de Shunming, il les accusa de vol : s’il voulait partir, ce seraient 30.000¥ qu’il leur faudrait allonger, en préjudice. Et là, Shunxiang fit une erreur fatale : collant deux cartouches de « pagode rouge » sous le bras d’un Ren écumant de rage, il le planta là, emmenant son benjamin.

Deux heures après, un Ren tout miel appela l’aîné, proposant de clore le litige : contre leur silence sur le trafic, Ren verserait le salaire en retard et passerait l’éponge sur le trou de caisse. Soulagé, Shunxiang accepta. Mais arrivé au rendez-vous sur la colline voisine, il eut juste le temps de réaliser qu’il s’agissait d’un guet-apens, avant de mourir sous les gourdins de trois malandrins… 

Tout de suite, réalisant la gravité de son acte, Ren disparut. Fou de douleur, Shunming jura de le rattraper, dût-il consacrer sa vie à fouiller la meule de foin chinoise, en quête de l’aiguille qu’était l’assassin. Durant 10 ans, il arpenta le Yunnan, vivotant de petits boulots et enquêtant. Partout, il montrait les photos de son ex-patron, suivant des pistes qui invariablement se refroidissaient, mais qui enrichissaient son portrait de ce tueur amateur. Shunming devinait les raisons qui guidaient la fuite de Ren : la peur, le remords – mais aussi le mal du pays ! Il tenta Shanghai, pariant que Ren voudrait se fondre en ce creuset de 20 millions d’âmes déracinées. Echec. 

L’idée lui vint alors de tâter du Guizhou, province pauvre, planque idéale d’un homme voulant à se cacher. Il fit d’abord Guiyang : encore chou blanc… Mais à 30 ans, sa motivation était dure comme du diamant : détective à son propre compte, il n’avait qu’un seul fil à rembobiner, et toute sa vie pour le faire !

A Guiyang, au district de Nanming, le 15 mai 2013, ayant eu vent d’un dîner d’anciens du Yunnan, il était curieux de rencontrer une célébrité, un certain Ran Gengsheng. Le profil ne cadrait guère : c’était un intellectuel reconnu, Président d’un Institut de recherche en planification, juste promu de l’Académie nationale d’ingénierie. 

Pourtant à peine l’eut-il vu, Shunming sut que la traque s’achevait : c’était lui ! Par ironie du sort, il rattrapait le bourreau de son frère à 35 ans, âge qu’avait celui-ci lors de son forfait. Avec infinie prudence, il fit photographier le bandit avec son portable par un de ses amis. Puis il se précipita chez le commissaire, qu’il convainquit : sur le champ, une patrouille vint coffrer l’homme. 

La confrontation débuta. « Ran » commença par nier. Mais quand Yang dévoila son identité, puis distilla 100 faits accablants, Ren s’effondra. Durant sa cavale, par des in-termédiaires, il savait que Shunming était sur ses traces. C’est pourquoi il avait quitté le pays pour Canton, puis Shenzhen, puis Hong Kong, avant de retourner au Guizhou en 1999, par mal du pays. Shunming avait vu juste. En 16 ans, il avait voulu refaire sa vie, avait étudié, était devenu consultant pour l’Etat, prof de fac, orateur de renom. Mais plus jamais il n’avait osé appeler ses parents, ni leur envoyer de l’argent. Mauvais fils, il avait porté la honte sur les siens, pour un geste de folie incontrôlée. En sanglots en salle d’interrogatoire (cf photo), le meurtrier s’accusait devant les policiers et son justicier… 

Pour Yang et Ren, c’était la fin de la grande course. Ren peut préparer sa défense car il risque la peine de mort, même 16 ans après le crime. Shuming lui, peut faire le deuil de Shunxiang et cesser de ressasser sa vengeance, de « dormir sur un lit de branches et ravaler sa bile » 卧薪尝胆(wò xīn cháng dǎn).


Rendez-vous : Les rendez-vous de l’été 2013
Les rendez-vous de l’été 2013

23-26 juillet, Pékin : Conférence sur la protection de l’Environnement,

24-26 juillet, Xi’an : CNHC, Salon des équipements de chauffage et d’AC,

28 juillet – 1er août, Pékin : WCAP, Conférence mondiale production animale,

14-16 août, Urumqi : Salon de l’Agriculture,

15-17 août, Shanghai : ESBUILD, Salon sur les matériaux construction, décoration intérieure, économies d’énergie et matériaux avancés,

20-22 août, Shanghai : CIOOE, Salon du pétrole et gaz offshore,

27-29 août, Shenzhen : NEPCON, salon des semi-conducteurs,

29-31 août, Pékin : Salon de l’industrie nucléaire.