Le Vent de la Chine Numéro 17

du 11 au 17 mai 2013

Editorial : Diplomatie – Xi Jinping mise sur le Proche-Orient
Diplomatie – Xi Jinping mise sur le Proche-Orient

Traders Protest Against China In The Western Indian City Of Ahmedabad On May 3, 2013. They Were Demanding The Withdrawal Of Chinese Soldiers Who Set Up Camp In A Remote Territory In The Himalayas That Is ClaimedRemue-ménage diplomatique en Chine cette semaine, avec profusion de visites et de prises de position : Est-ce par hasard si Binyamin  Netanyahu, 1er ministre d’Israël, venait (5 mai) à Shanghai et Pékin, 24h après que son armée Tsahal ait tiré deux salves de missiles sur la Syrie ? 

Visite officielle mais aussi un moyen habile d’assourdir la critique chinoise qui devait suivre, inévitable. De fait, Pékin s’est contenté de « gronder » ce partenaire irremplaçable (8 milliards de $ d’échanges en 2012), fournisseur high-tech en technologies hydrauliques et militaires. 

Entre ces pays, les échanges vont bien : en 2011, pour 2,5 milliards $, Fosun (Shanghai) acquérait 60% du producteur d’engrais Makteshim Agan, et Netanyahu attend l’aide de Pékin dans son projet ferroviaire de « canal de Suez bis », Méditerranée-Eilat (Mer Rouge).
Pas par hasard en tout cas, arrive simultanément (04/05) M. Abbas, tête de l’autorité palestinienne

Reçu en chef d’Etat, il se voit offrir quelques chantiers d’équipement et surtout, un plan de paix en 4 points avec l’ennemi israélien :
1 –  un Etat palestinien dans les frontières de 1967 (capitale Jérusalem-Est) ; ‚
2 – la fin du blocus de Gaza ; ƒ
3 – celle des colonies en Cisjordanie ; „
4 – des garanties internationales. 

Discrètement, Pékin murmurait que si Abbas et Netanyahu voulaient se parler, sur son sol-terrain neutre, il serait ravi d’arranger la chose. Comme il fallait s’y attendre, l’entrevue n’a pas eu lieu. Mais Xi Jinping a jeté tout son poids dans la balance auprès de chaque leader, pour qu’ils reprennent les pourparlers « dans le respect mutuel, au plus vite ». Ainsi la Chine prétend s’ajouter à la liste des actuels parrains-courtiers de la paix future (USA, UE, Russie, ONU).

Entretemps, la relation avec l’Inde connaît un revers. Le 15/03 au Ladakh, région sous contrôle chinois revendiquée par l’ Inde, 30 soldats de l’APL se posent en hélicoptère 19 km derrière la « ligne de contrôle réel » (LAC) sur un no man’s land. L’incursion provoque un tollé à Delhi, dont le Ministre des Affaires Etrangères, S. Khurshid, menaçait de renoncer à sa visite du 09/05 à Pékin, conçue pour préparer celle du 1er ministre Li Keqiang à Delhi (20/05). 

Finalement les Chinois se retirent, après avoir obtenu le dynamitage de deux casemates indiennes – objectif atteint, côté chinois, qui voulait faire entendre à Delhi l’urgence de régler ce litige. Le souhait de Pékin, mais que les ultras conservateurs indiens rejettent encore, est l’octroi à chaque camp des arpents de neige déjà sous son contrôle, Ladakh pour Pékin, Arunachal Pradesh pour Delhi. 

En attendant, entre ces peuples séparés depuis toujours par la chaîne de l’Himalaya, subitement mis face-à-face au XXI. siècle par la mondialisation, le chemin de la normalisation est moins parsemé de pétales de roses que de méfiance et de préjugés ! 
Les difficultés ne se cantonnent pas qu’à l’Inde : l’Europe vient à son tour de sanctionner la trop vive pénétration de son marché par les panneaux solaires chinois, et Washington vient de décevoir l’espoir de Xi Jinping d’ouvrir des négociations d’approfondissement de la relation tous azimuts. 

La Chine devra d’abord freiner sa course aux armements, son expansion maritime au détriment de ses voisins, et son cyber espionnage des sites américains. De même, avec le Japon, Xi doit reporter à moyen terme, les espoirs qu’il avait placé en nommant deux bons connaisseurs du Japon (Wang Yi et Yang Jiechi) pour gérer cette relation, la plus importante pour lui. Xi se trouve face à un choix impossible : sa diplomatie ou ses militaires. 

Tout cela motive l’offre de paix au Proche-Orient. Face à l’Inde, aux USA, au Japon et à l’UE, Xi ne peut pas (à court terme) changer les relations héritées d’hier. Mais il peut ouvrir un nouveau front diplomatique. C’est un pari sur l’avenir. Avec ses bonnes relations dans chaque camp et sa puissance de feu commerciale et financière, Pékin pourrait à long terme espérer « acheter » de part et d’autre des concessions mutuelles, douloureuses mais obligatoires.

Légende : Manifestants indiens dans la ville d’Ahmedabad le 3 mai, demandant le retrait de l’armée chinoise.


Diplomatie : Pékin / Pyongyang – théâtre d’ombre bancaire

Le 7 mai 2013, loin de sa discrétion coutumière, la Banque de Chine (une des quatre grandes banques publiques), annonce la fermeture du compte de sa consœur, Foreign Trade Bank de Corée du Nord. Aucune raison donnée, mais l’objectif est clair : dire à Washington ET à Pyongyang que des sanctions de l’ONU sont appliquées en Chine. 

L’action semble de poids, s’agissant de la première banque nord coréenne à l’export. Mais, elle reste symbolique : le pays du Matin Calme peut toujours payer ou se faire payer via d’autres banques telles l’ICBC, la Banque de l’Agriculture, et bon nombre de maisons provinciales.

En outre, une des motivations de la Banque de Chine, en coupant ce lien, a pu être – si les politiques le lui permettent – de réduire son risque avec un client si fantasque et imprévisible… 

Pour évaluer ce que Pékin au juste, cherche à faire avec son embarrassant petit allié, il suffit de lire la statistique officielle des échanges : de janvier à mars, entre les deux bords de la rivière Yalu, hormis les fournitures d’aides alimentaires, en carburant et autres, le négoce à baissé de 7%, à 1,3 milliard $, et l’export chinois a chuté de presque 14%. 

Tout concourt à faire croire que Pékin essaie d’étrangler en douceur le petit voisin, pour l’induire courtoisement à retourner au tapis vert. Curieusement, presque de suite, la méthode porte ses fruits : le 07/05, l’armée nordiste retire du pas de tir deux missiles Musudan : pas de test balistique, du moins cette fois-ci. Mais à y réfléchir, pression chinoise et réponse coréenne semblent de même nature : psychologiques, théâtrales, et peu contraignantes pour l’avenir ! 


Sécurité Alimentaire : Nouveau scandale alimentaire : du vison et du rat pour du mouton

Ultime scandale alimentaire à Shanghai. Depuis 2010, un gang de Wuxi (Jiangsu) désossait visons, renards et rats : additionnée d’amarante, de gélatine et de nitrate, la viande était vendue congelée, passant pour du mouton. Depuis janvier 2013, la police a arrêté discrètement 902 de ces faussaires. Puis à Shanghai, l’affaire explose : 63 arrestations, 10 tonnes saisies, des dizaines d’étals fermés sur les marchés, plus d’1 million € de chiffre d’affaires. 

L’indignation bat son plein, parfois déguisée en boutade : « combien de rats, de visons faut-il pour faire un gigot ? », demande cet internaute mi-figue mi-raisin.
Déjà frappés par la vague de grippe aviaire qui a fait disparaître des menus la volaille, les restaurants, voient fuir le client : Yum (USA) communique que ses 45 restaurants « Petit mouton » spécialistes en menus de marmite mongole, s’approvisionnent en viande directement chez l’éleveur… 

L’explosion du scandale semble résulter du choix délibéré de Pékin, décidé à nettoyer les écuries d’Augias. Depuis janvier, 382 cas « majeurs » sont débusqués, 325 gangs, 3576 faussaires en prison et 1712 échoppes ou officines fermées. 

Depuis novembre, le Président Xi Jinping pratique la tolérance zéro, après des années d’inaction avant lui. Au Parlement en mars, l’administration de la sécurité alimentaire a été refondue : les 12 organes qui se partageaient la tâche, étaient plus rivaux et en querelle, que complémentaires. Aujourd’hui, on a une Commission sous le contrôle direct du Premier ministre, qui coordonne trois ministères : l’Agriculture pour les produits frais, le Commerce pour les produits transformés, la Santé pour les normes. De même, la Cour Suprême amende (03/05) son code pénal pour frapper plus durement les faussaires de la malbouffe, et précise que les cas de vivres empoisonnés poursuivis en 2012 ont décuplé depuis 2010, à 861 cas, montrant une détermination crédible. 

A vrai dire, loin de se limiter à la seule viande, les scandales alimentaires sont généralisés en Chine, et la confiance est au plus bas. Le meilleur cadeau du moment, est une boite de lait en poudre produite Out of China. Cette semaine, l’Etat fait rappeler à travers le pays 23 stocks différents d’aliments pour bébés : trop de mercure dans le poisson du Pacifique. 

Dans le Hunan, le 06/05, 73 enfants sont hospitalisés aux salmonelles par le repas du réfectoire, et à Ningbo (Zhejiang), 28 clients d’un bistro à nouilles souffrent du même sort – le patron est arrêté. Sur les causes du phénomène, un faisceau complexe de racines se conjugue. La demande a explosé trop vite, en aliments toujours plus variés et carnés (d’où une croissance trop rapide et hors contrôle de la production). La production est aux mains de millions de PME incapables d’investir dans l’hygiène et la recherche, mal formées. Enfin, cette société paie le prix de l’absence de justice et de presse indépendantes, de l’ignorance des lois. 

Enfin, si le tandem Xi Jinping—Li Keqiang semble déterminé à saisir le taureau par les cornes, c’est qu’il croit que les scandales alimentaires sont une des deux causes potentielle de la chute du Parti Communiste en Chine (l’autre étant la corruption). Ils en sont si convaincus que le 08/05, le Conseil d’Etat tenait un second (très peu usuel) Conseil des ministres, notamment pour augmenter les aides aux élevages de bœuf et de mouton ! 


Environnement : Kunming, Chengdu – la guerre du paraxylène

Kunming ParayleneLongtemps épargné par le développement sauvage de la côte, l’intérieur chinois est rattrapé : avides de salaires moins chers, les industries lourdes y délocalisent. La CNPC (le géant du pétrole) a lancé deux projets de raffineries à plus de 10 milliards de $ pièce, à Pengzhou (Chengdu, Sichuan) et Anning (Kunming, Yunnan). 

Or comme à Xiamen et à Ningbo depuis 2010, la population se mobilise, redoutant les 500.000 tonnes par an de paraxylène (PX) qu’elles produiront – substance qui, inhalée, provoque maux de tête et troubles respiratoires. A Chengdu, dès 2008, une série de marches avait réussi à retarder le projet. Les 4 et 5 mai, les riverains voulaient réitérer. 

A Kunming, 1000 personnes se rassemblèrent au centre-ville. Il y eut concertation : suite à des négociations « bon enfant » sur le contenu des banderoles, les manifestants purent faire leur parcours sans encombre. La mairie assure que le projet n’est pas adopté. Méfiants, les citadins veulent maintenir la pression et re-défiler le 16/05.

A Chengdu, par contre, les autorités optèrent pour l’épreuve de force – car là, le chantier est en phase finale, et la CNPC comme les pouvoirs publics ont tout à perdre à laisser les manifestants « bride au cou ». Aussi les fonctionnaires furent avertis qu’ils seraient licenciés s’ils défilaient. Une zone fut déclarée interdite, sous prétexte (fallacieux) d’« assister les secours au séisme » d’avril, des centaines de km plus loin. Des dissidents furent éloignés manu militari, « envoyés en vacances » . Les imprimeurs reçurent une prime pour rapporter quiconque déposerait un pamphlet à imprimer. Sur le parcours, à l’heure dite, se trouvaient des milliers de policiers et d’espions en civil, pour faire peur : les opposants en furent réduits à exprimer leur refus sur Weibo.

On entrevoit la faiblesse de la gestion de pouvoirs publics qui ne veulent rien discuter, pas même l’argument raisonnable, selon lequel une usine dangereuse n’a nulle vocation d’être construite en bordure de métropole. De même, en traitant a priori toute critique à la raffinerie comme « sédition », les apparatchiks de Chengdu ne peuvent que valider les critiques sur l’absence de transparence, la faiblesse des institutions et les coudées franches laissées aux consortia pour polluer. Sur le projet, la mairie n’a communiqué que tard, en avril, nourrissant ainsi les rumeurs et rancœurs. 

Bilan : le pouvoir local perd une bataille morale. Son action est l’inverse de ce que tente de faire la nouvelle équipe au pouvoir, avec ses slogans de « rêve de Chine » et d’« Etat de droit ». La CNPC se défend, promettant de n’utiliser que les meilleures technologies et de recycler « 70% » de l’eau utilisée. Mais avec les accidents écologiques graves à son actif ces dernières années, elle manque de crédibilité. 
Tout ceci mène à l’impression que les gens de ces deux villes, et en fait de Chine toute entière, s’en prennent au moins aux risques pris sur leur santé par une industrie d’Etat au-dessus des lois, qu’au modèle de développement de « la croissance à tout prix » imposé sans concertation. Aujourd’hui, auprès d’une société de plus en plus éduquée, une telle attitude passe de moins en moins.


Diplomatie : Bisbille euro chinoise sous le soleil

Ferme Solaire Hami XinjiangLancée en février, l’enquête de l’Union Européenne sur les panneaux solaires chinois doit aboutir en 2014. 

Toutefois, suivant l’avis du commissaire K. de Gucht, il y avait urgence et besoin d’action en référé : dès le 06/06, une taxe de 47% en moyenne, jusqu’à 68% (selon les firmes incriminées) s’appliquera aux exports chinois vers l’UE, qui rejoint les USA (déjà protégés des panneaux chinois depuis 2012).

Les arguments de l’accusation sont massifs : par des prix 45% moindres à ceux allemands ou italiens, les firmes chinoises ont quadruplé leur production en 3 ans, et créé une capacité supérieure à la demande mondiale (77MM$). Elles ont empoché 80% du marché européen (50% de cette demande), surtout en Allemagne (5,6 GW installés en 2012).

Arguments de la défense : plus de 100 000 emplois européens dépendent de cet import chinois, et la taxe protectionniste nuira au consommateur de l’UE. 

De plus, des pays tels France et Allemagne, en plein effort pour renforcer leurs exports vers la Chine, lui donnent des verges pour les battre : dès le 10/05, Pékin, tout en dénonçant l’action comme une « erreur »,lançait une enquête anti-dumping sur les tubes sans soudure venus des USA, d’Union Européenne et du Japon—officiellement « sans aucun lien », mais simultanément…

Le groupe expert franco-allemand Vallourec Mannesmann pourrait subir un (léger) préjudice… Une procédure de concertation est engagée. Bruxelles et Pékin ont six mois pour convenir de prix minimum. En cas d’échec, la taxe sera prorogée cinq ans. 

Légende : Ferme solaire à Hami (Xinjiang)


Economie : Toutes les réformes socio-économiques de l’année !

Banque Populaire De ChineLa pierre angulaire de la réforme financière de Xi Jinping a sans doute pour auteur Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la Banque Centrale depuis 12 ans, qui vient d’être reconduit par une promotion lui évitant la retraite. 

En effet, tout le train de mesures adoptées par le Conseil des ministres du 06/04, sous la présidence de Li Keqiang, reflète les idées défendues par Zhou depuis des années. Selon un leitmotiv, cher au 1er ministre, ces mesures doivent permettre, en temps de crise, de compenser le ralentissement des affaires par le ballon d’oxygène d’une dérégulation. 

Ainsi d’ici décembre 2013, devrait apparaître un plan de libre convertibilité des comptes capitaux sous cinq ans au plus tard. Il contiendra plusieurs actions préparatoires, parmi lesquelles : 

-Œ l’investissement direct en ¥uan du citoyen chinois à Hong Kong, qui avait déjà fait une apparition éphémère en 2007,
– l’élargissement de la bande de fluctuation du ¥ (aujourd’hui à 1% par jour),
–  de nouvelles tranches de dérégulation du taux d’intérêt. 

Un préparatif vital, est celui du crédit : la reprise du contrôle du marché « gris », qui de plus en plus, entremêle les obligations interbancaires (3700 milliards $) et les dettes des provinces (3200 milliards $). 

Pour refinancer leurs projets souvent d’une solvabilité douteuse, tout en contournant les interdictions de la China Banking Regulatory Commission (CBRC), les provinces ont émis des obligations par compagnies écrans interposées, très rentables pour les banques qui les vendent : malgré la crise et le taux de croissance national de 9,2% en 2012, elles affichent gaillardement 20,7%, voire 38% pour la China Development Bank (CDB). C’est l’argent du petit épargnant, qui se rue sur les rémunérations élevées promises, souvent de 10%, au risque de voir le fonds en question faire défaut, comme cela commence à se voir depuis début 2013. Aussi la National Development & Reform Commission (NDRC)  promet de surveiller tout projet où le « credit rating » est inférieur à AA+ et où l’endettement sur actifs dépasse 65%. L’effet visé, est de prévenir la faillite de provinces. 

L’Etat doit aussi prévenir une fraude inquiétante : celle des fausses exportations. Pariant sur la hausse du yuan, les firmes falsifient leurs comptes pour acheter du yuan et revendre du dollar. Sur les +14,7% d’export d’avril, deux économistes de RBS (HK) estiment 9% imaginaires et falsifiés. Face à cette attaque, la BPdC semble pour l’instant chercher la parade…

Parmi d’autres mesures annoncées, figure la réforme de la taxation : extension de la TVA qui remplace la taxe d’affaires, introduction d’un budget-type standardisé et hausse progressive du prix des services urbains pour couvrir le coût réel : déchets, eau, gaz, électricité. Li Keqiang promet aussi la dérégulation de bon nombre de licences d’Etat. 71 permis ont été dérégulés en avril : 62 suivront en mai 2013.

Le Conseil d’Etat veut aussi renforcer la gestion des fonds de sécurité sociale et les droits du paysan sur son utilisation de sa terre. Pour l’instant, Li Keqiang et Xi Jinping font donc l’impasse sur la privatisation foncière complète. 
Dernière réforme, non moins cruciale : avant décembre, le « hukou », ce permis de résidence arrimant le Chinois à son lieu de naissance, verra un début de démantèlement. Un projet en ce sens, du ministère de la Sécurité publique attend le feu vert du Conseil d’Etat.


Diplomatie : Nouvelles revendications chinoise sur l’île d’Okinawa

Au Quotidien du Peuple un éditorial du 08/05 émet l’hypothèse radicalement nouvelle d’une revendication chinoise sur l’île Okinawa, siège d’1,3 million d’insulaires nippons et de deux bases américaines! 

 L’organe officiel du PCC évoque des droits historiques chinois sur l’archipel de Ryukyu (auquel appartient Okinawa). Le Japon a protesté sans attendre—un porte-parole chinois refusant de confirmer la revendication, ce brûlot semble surtout avoir joué le rôle d’un ballon d’essai


Petit Peuple : Ningbo — mariage de fortune

Le village de Wang (Zhejiang) doit son nom au fait que presque tous ses habitants portent ce patronyme.

S’occupant de ses champs et de ses bêtes, sans penser à mal, ni rien demander à personne, tout ce petit monde vivait sa vie tranquille, jusqu’ au funeste jour d’été 2012, où Wang (le village) se retrouva intégré à la zone technologique de Ningbo, le port voisin. Dès lors, attirés comme des mouches par les privilèges fiscaux et tarifs commerciaux, les capitaux de Hong Kong et les usines de Taïwan affluèrent. La terre se mit à valoir beaucoup d’argent, et perdant leur sagesse ancestrale, aveuglés par la perspective de fortune rapide et facile, les Wang perdirent la tête.

Wang allait être collectivement exproprié, expliqua le maire, au meeting de mobilisation dans la salle des fêtes. Bouche bée, les paysans réa-lisèrent la bonne fortune qui passait par chez eux, le jackpot imminent. En plus du relogement pour chacun dans des HLM proprets avec eau courante, chauffage et ascenseurs, chacun palperait 1million de ¥ au bas mot, s’ajoutant aux 48.000 ¥ que touchait chaque année chaque sociétaire de la coopérative agricole – les terres de Wang étant exploitées en commun, et les profits subdivisés. 
Seulement voilà : pour toucher tout cela, il fallait être sociétaire, et pour être sociétaire, il fallait avoir le hukou (permis de résidence) de Wang. Lequel hukou, Chen (un des rares à porter un nom d’ailleurs) le possédait, mais pas Li, sa femme, pièce rapportée de Ningbo, ni son fils, ni sa belle-fille, ni sa petite-fille : à cinq, ils n’avaient droit qu’à une part – quelle injustice ! 30 ans plus tôt, ils avaient cru jouer fin en faisant naître l’héritier à Ningbo, afin d’avoir droit au lycée de la ville. Mais maintenant, ils s’en mordaient les doigts.

À moins que… s’isolant en conseil de famille – l’heure était grave – le clan au complet discuta, évalua les stratégies, adopta ses décisions. Le 21 septembre 2012, Chen et sa femme se présentèrent au bureau des unions, et divorcèrent proprement. Puis sans sourciller, Ils passèrent au bureau d’à côté, celui des mariages, où Chen-père épousa dare-dare sa belle-fille – sa femme et son fils servant de témoins. Ces derniers se seraient bien mariés aussi, pour la symétrie, mais là, c’était vraiment impossible – en Chine comme ailleurs, l’union œdipienne est interdite. Mais déjà comme ça, c’était très bien : ils ajoutaient 2 parts à l’escarcelle familiale, 3 au lieu d’une. Il n’y avait plus qu’à transférer de Ningbo à Wang, les hukou des bénéficiaires : la belle-fille et la petite-fille.

C’est là que les choses dérapèrent. Les Chen avaient été fort naïfs, de croire que Wang les laisserait faire. Plus l’un en a, moins l’autre en a, vous comprenez ? Au petit tour de passe-passe des Chen, tout le village allait y perdre. Aussi le transfert traîna, s’éternisa sous des prétextes dilatoires. Trois mois plus tard, la police ouvrit une enquête statutaire, qui pour le coup s’acheva en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, sur l’énoncé d’un principe jusqu’alors inédit. Pour transférer les papiers, il faudrait l’approbation écrite du conseil du village, lequel se réfugia derrière des arguties cauteleuses et traitres : il y avait mariage blanc (tout le monde était là pour en jurer, le vieux n’avait pas « consommé », déménagé pour la chambrette de la bru). Et puis il y avait le risque d’effet boule de neige, si tout le monde se mettait à divorcer comme ça…
Sûrs de leur bon droit, Chen, sa femme, sa bru et petite-fille attaquèrent alors la police pour “ inertie administrative ”, ce qui est une faute, car là, c’est à l’Etat qu’ils s’en prennent et à la société harmonieuse. Le Parti ne peut plus que s’en mêler, en coulisse – ils n’ont plus aucune chance, désormais ! Au tribunal intermédiaire de Ningbo, plein à craquer, il a fallu trouver une grande salle d’audience pour héberger ces dizaines de fermiers de Wang et d’autres villages : “si divorcer rapporte des millions (entend-on dans les travées), alors moi j’y vas tout de suite. Ce sera mêler l’utile à l’agréable ! « . 

Le verdict est tombé en février 2013. Le juge a débouté les Chen, invoquant le souci de prévenir une avalanche de récriminations et – sous entendu – une redistribution plus égalitaire des bienfaits du village. Flèche du Parthe, la cour a ressorti une pièce accablante, l’aveu du pauvre Chen-père (piégé par la police des mois plus tôt durant l’enquête) de la fausseté du mariage avec sa bru. Il a même aggravé son cas par ce commentaire, “c’est la politique qui m’y a forcé ”. Dès lors, les carottes sont cuites et Chen ne doit qu’à l’indulgence du jury de ne pas se retrouver condamné pour fraude sociale, pour tout potage.
C’est ainsi que le clan contemple son désastre, s’étant ruiné pour rien en conseils d’avocats, bakchichs et plaidoiries. Penaud, le vieux Chen qui a « raté le vol de la poule et perdu ses grains de riz » (偷鸡不成蚀把米 – tōu jī bù chéng shí bǎ mǐ) jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus !


Rendez-vous : Rendez-vous de la semaine du 13 au 19 mai 2013
Rendez-vous de la semaine du 13 au 19 mai 2013

Rdv15-17 mai, Nankin : CIMPS-Europort, Salon de l’industrie navale et du transport maritime et infrastructures portuaires

15-17 mai, Nankin : OTE, Salon de l’offshore, pétrole et gaz 

15-17 mai, Pékin : CIPATE, Salon et symposium sur les équipements de police et anti-terrorisme

15-17 mai, Pékin : CISILE, Salon des équipements scientifiques et labo

16-17 mai, Pékin : Payment China, Conférence sur les moyens de paiement