Le Vent de la Chine Numéro 16

du 27 avril au 10 mai 2013

Editorial : Une semaine riche en rebondissements

Cinq semaines après son intronisation, Xi Jinping accélère l’effort pour arracher la Chine à sa routine. Mais des imprévus s’accumulent, forçant le pays, une fois de plus, à réagir d’urgence. Vendredi 19/04, Xi Jinping rassemble le Politburo pour 5ème fois depuis le XVIII. Congrès, sur le thème de la corruption. La priorité à cette lutte est réaffirmée avec force. Les média ouvrent sur internet une page de délation anonyme. Et pour leur réinculquer la discipline et la vie simple, Xi ordonne aux généraux et autres haut gradés, de servir « au moins » 15 jours par an comme simples soldats.

Le grand nettoyage des Chemins de fer commence à Pékin, avec le procès des comparses de Liu Zhijun, l’ex-ministre. Ils risquent 3 à 15 ans, et Liu sa tête. Les limiers de la CCID font du zèle. Après Yu Qiyi, cadre soupçonné de malversations à Wenzhou (Zhejiang), c’est à Jia Jiuxiang de décéder en détention, à Sanmenxia (Henan) pendant son investigation. Manifestement durant cette campagne anticorruption, Xi va plus loin que ce que l’on attendait. 

Il y a une limite toutefois. Six militants citoyens viennent d’être embastillés pour avoir revendiqué dans la rue la publication des patrimoines des apparatchiks – c’est un clair avertissement du régime, qui craint moins la colère des cadres, que de celle de l’opinion, excédée de trop de gabegie. Ainsi le 19/04 à Taizhou (Jiangsu), un cadre surpris avec 30 hôtes à ripailler au restaurant se retrouve séquestré par la populace. Libéré par la police, il est licencié sous 48 heures. 

Autre imprévu, le séisme de Lushan (Sichuan, 20/04, force 7) fait au moins 193 morts, 12000 blessés, détruit 10.000 maisons. L’administration est mieux préparée qu’en 2008, où le séisme aux 88.000 vic-times avait révélé les nombreux dysfonctionnements des secours. Cette fois, en moins de 5h, le 1er ministre Li Keqiang est en route. En 2 jours, 30.000 tentes sont montées, les distributions d’eau, de riz s’organisent, financées par 1MM¥ du ministère des Finances. Une course contre la montre est engagée, poussée par les « tweets » des 500 millions de «weiboteurs» qui restent informés en temps réel. Un mode innovant de contrôle de l’Etat !

Seules ombres au tableau : les écoles bâties par Hong Kong ont tenu sous les secousses, d’autres se sont effondrées. De plus, approchés par la Croix Rouge de Chine, les donateurs institutionnels avancent peu, et demandent à voir. Notoirement, la moitié des 6 milliards € rassemblés en 2008, s’est évanouie dans la nature sans jamais atteindre ses destinataires… 

Parmi 31 pays, le Japon a offert ses condoléances, son aide. Pékin a refusé : «pas nécessaire pour l’instant». Quoiqu’au même moment, 200 pompiers russes arrivaient sur les lieux. Il faut dire que le Premier ministre japonais Sh. Abe venait d’envoyer 3 de ses ministres et 168 députés s’incliner à Yasukuni, un mémorial qui nie des massacres fascistes du Mikado dans les années ‘30. C’était le plus sûr moyen de déclencher la colère de la Chine – et de la Corée du Sud. Abe, par ailleurs, met de l’huile sur le feu du conflit des îles Diaoyu-Senkaku : il menace d’expulser tout Chinois posant pied sur ses îlots, et Pékin dépêche 8 garde-côtes dans les parages. La contradiction nippone, ici, est flagrante. En mars, l’investissement des firmes japonaises en Chine augmente de 43% à 1 milliards $. Et selon Jetro, l’agence nippone, « pour nos firmes, la Chine reste LE pays où investir dans les 5 prochaines années ». 

Hélas, Tokyo n’est pas la seule à protester. L’Inde déplore les incursions de l’APL au « no man’s land » frontalier – il est vrai que ce territoire intermédiaire n’a pas de frontières reconnues des deux parties… Mais ici aussi, les soupçons s’exacerbent, et l’armée chinoise semble disposer d’une grande autonomie. 

Tout cela aboutit à une autre contradiction, chinoise celle-là. Xi évoque, avec sincérité indiscutable, son espoir de « partager avec le monde son rêve de jouvence et d’énergie positive », et créer des relations plus confiantes avec Europe, USA, la Terre entière. Mais en attendant, d’autres forces en Chine ont d’autres croyances : pour que Xi parvienne à ses fins, il faudrait qu’il obtienne que les différentes sphères s’accordent, de préférence sur ses idées de coopération, plutôt que sur celles des autres, basées sur les intérêts corporatistes et la fierté nationaliste. 


Automobile : Salon de l’Auto de Shanghai – les tendances

Du 21 au 29 avril (en alternance biennale avec Pékin), le Salon de l’Auto de Shanghai, 15ème édition, semble se jouer de la crise. Avec ses 1 300 modèles, ses 2000 constructeurs de 18 pays et ses 800.000 visiteurs, il est devenu le premier mondial. C’est normal en un sens, le pays étant passé en 2011, premier producteur et premier acheteur. Avec 4,4 millions  (+17,9%) de modèles achetés de janvier à mars, l’usager chinois confirme son histoire d’amour avec la voiture. D’ici décembre 2013, les professionnels s’attendent à 21 millions, pour une croissance affaiblie à 11%, mais qui reste la plus endiablée des cinq continents. 

Parmi ces 1 300 modèles, comptent 111 sorties mondiales, dont 93 chinoises – les constructeurs étrangers ayant réservé la primeur de leurs sorties à leurs salons. Mais par leur créativité échevelée, leurs rivaux chinois font un effort désespéré pour les rattraper. Le seul argument du prix imbattable ne suffit plus au client chinois, qui ne rêve que d’importé. 

Si les ventes de mars peuvent faire illusion, plaçant la première firme locale en 7ème place (Greatwall, 56.800 unités), le palmarès des meilleures ventes est cruel pour les marques chinoises, qui ne figurent pas parmi les 14 « premiers de la classe », la n°1 VW Lavida (38.334,+89,2%) et la n°14, Hyundai Elantra (14.749, -4,1%). Dans ce palmarès, VW place six modèles et General Motors quatre : ce sont les deux supergéants du marché chinois, trustant entre eux près de la moitié des ventes. 

Idem, l’électrique peine à s’imposer. 91 modèles sont présentés, soit 7 % du salon, dont 56 étrangers. C’est peu. Ces voitures sont trop chères et pas assez autonomes (300 km max, pour BYD). Tout-électriques ou hybrides, elles n’ont inspiré que 12.791 ventes en 2012, malgré un lourd effort de subvention. On est loin des 500.000 planifiées par Pékin, qui a dû repousser à 2015 son objectif, et à 2020 pour les 5 millions. 

Vu l’infernale pollution aérienne en Chine cette année, l’Etat semble décidé à changer la donne. Rien qu’à Pékin, d’ ici 2015, 16 milliards de $ iront dans la lutte anti-pollution et 50.000 stations de charge de voitures électriques seront installées. Certaines firmes telles BMW (avec ses i3 et i8) et Daimler en JV avec BYD (avec sa Denza) se préparent avec grand soin à cette avancée de la voiture électrique. Par contre, Toyota et GM, en Chine, ont jeté l’éponge – pour l’instant ! 

Côté style, les firmes hyper segmentent, comme pour être sûres d’offrir le bon choix à tous : 7 berlines chez BYD, 10 chez Chery, 9 chez Geely, 11 chez VW… sans que la différenciation soit bien convaincante. Au demeurant, la préférence générale va à ces berlines (rassurantes et confortables) et aux SUV sportifs et imposants. Par leurs volumes, ces voitures sont sensées imposer au regard le statut social de l’acheteur. 

L’électronique s’invite dans l’habitacle : VW présente son iBeetle, offrant son aide à la navigation (GPS, avertisseur de danger, guide de marche arrière), ses jeux, kit mains libres… Le Qcloud en fait de même, première sortie de chez Qoros, la nouvelle et ambitieuse JV entre Chery et un groupe israélien. Qoros voit grand avec usine de 150.000 voitures, extensible à 450.000 unités – quand Renault ferraille toujours pour obtenir sa propre licence ! 

En photo, la Renault Twizy


Automobile : Salon de l’Auto de Shanghai – les marques

À Shanghai se livre une lutte entre constructeurs allemands dans le florissant marché du luxe. Après avoir été longtemps le must des cadres, Mercedes (45.000 ventes au premier trimestre) est supplanté par Audi (100.000 ventes) et BMW (80.000). Son diagnostic : c’est pour avoir négligé le réseau de vente, n’ayant que 260 concessionnaires contre 300 aux deux concurrents. Et Mercedes annonce 75 nouveaux « showrooms » en 2013…

Une marque tire son épingle du jeu : ayant mis 4,9 milliards $ dans sa JV avec Chang’ An (Chongqing), Ford vend ce trimestre 237.000 voitures, +92%, et vise 6% du marché d’ici 2015 ! 

Dans leurs petits souliers, les firmes japonaises ont perdu en 2012 de 5% (Toyota) à 20% de leurs ventes, suite au conflit des îles Diaoyu-Senkaku. Pour remonter la pente, les Japonaises doivent revoir toute leur stratégie. Toyota est venu avec 52 modèles, dont certains spécialement dessinés pour la Chine, comme son 4×4 léger RAV4. Pour baisser les prix, il commence à se fournir en pièces locales – violant un tabou, dénoncé au Japon, au risque de voir baisser la qualité. De même, Toyota dilue sa marque en Chine, en créant deux JV avec FAW et GAC, comme pour faire oublier sa nationalité… Tous les moyens sont bons pour franchir la barre qui lui résiste depuis 3 ans déjà, du million de ventes par an. Un résultat espéré désormais, au plus tôt pour 2015.

Côté France, PSA empoche le fruit d’années d’efforts pour remonter la pente. De janvier à mars, il a vendu 72.000 Peugeot et 141.000 véhicules en comptant les Citroën, soit+31%, bien supérieur à la moyenne. Cela s’est fait grâce à la « sinisation » de ses modèles, pour mieux adhérer au goût local, comme l’avait fait plus tôt le rival allemand. Des modèles tel la 3008 sont agrandis, mieux équipés, plus puissants, et tri-corps (la formule chinoise consacrée). 

Chez Citroën, la C4 s’est allongée. On prépare la C-Elysée. On présente le concept-car DSX, évoquant la possibilité d’en faire un modèle haut de gamme dans la catégorie 4×4, un des créneaux porteurs, dont la demande attendue devrait doubler à 4 millions d’ici 2015. Un effort est fait sur le réseau de showrooms, et 2 usines ouvrent à Wuhan (la 3ème) et Shenzhen, pour une capacité attendue de 750.000 unités en 2015. Par tous ces investissements, PSA espère atteindre 5% du marché d’ici 2015, contre 3,92% aujourd’hui. Les experts mettent ces chiffres en doute, mais il est vrai que le groupe, à l’avenir, place de grands espoirs dans sa nouvelle technologie propriétaire du Hybrid Air qui réduit la consommation à 2 litres/100km et la pollution à 69g de CO2 au km. Les premiers modèles équipés sont prévus pour 2016. 

Les marques chinoises elles, passent à la seconde génération de véhicules, celle des modèles non copiés, avec amélioration sensible de la qualité. Sous son nom propre, Dongfeng, a sorti 515.000 véhicules en 2012 (+27%). Chery, pour le design de ses propres modèles, a débauché le dessinateur turco-allemand H. Saracoglu et, en JV avec le groupe indien Tata, il monte la Land Rover. De la même manière, Geely, BAIC et GreatWall ont eux aussi recruté des dessinateurs internationaux. Pour tous, c’est la course contre la montre, pour devenir des groupes de renommée internationale, ou disparaître, rachetés ou en faillite… 

En photo, le concept car, Peugeot Onyx


Energie : La Chine bouillonne d’énergie marine

A Pékin le 13/04, John Kerry, secrétaire d’Etat américain, signait un Memorandum of Understanding (MoU) pour une centrale électrique par conversion thermale, première au monde, en mer de Chine du Sud : projet Lookheed Martin (cf photo), pour alimenter un complexe balnéaire du groupe Reignwood. 

Le système fonctionne tel un climatiseur inversé : entre eaux profondes et de surface, l’échange permet d’extraire la chaleur, la concentrer sur un fluide se vaporisant à basse température, qui fait tourner une turbine. L’élément nouveau est la capacité : 10MW. L’avantage est une production en continu, 100% renouvelable. Mais le prix est si élevé que l’armée américaine a renoncé à son propre projet à Makai (Hawaï). 

Seuls ces riches groupes chinois peuvent se permettre une telle « danseuse », aujourd’hui ruineuse, mais pouvant porter demain des marchés en milliards $, surtout une fois engagé en Chine, le mécanisme de taxation des crédits carbones. Une telle unité, à 100MW de capacité, vaudra à son propriétaire un droit d’émissions de 500.000 tonnes de CO2. 

Cette histoire n’est pas sans rappeller celle du Maglev : une technologie inventée par l’Allemagne que cette dernière n’avait pu lancer faute de moyens, laissant à Shanghai le privilège d’essuyer les plâtres. 

Au demeurant en Chine, en énergie marine, ce projet n’est pas le seul : avec le russe Rusatom, la CNNC discute aussi de production de mini-centrales atomiques flottantes à usage civil, dérivées des moteurs de brise-glace nucléaires d’une puissance de 70MW. Décidément en Chine, avec des moyens financiers tous neufs et illimités, les nouvelles 


Défense : Armée chinoise / US Army : « je t’aime, moi non plus »

Le 23/04 à Pékin, la visite du Général Martin Dempsey (patron interarmes de l’US Army) à Fang Fenghui, chef d’état-major de l’APL, répondait au vieux désir de l’ armée chinoise de liens plus étroits avec la plus moderne armée du monde, celle des drones pilotés au joystick. Aussi les deux hommes se penchèrent sur un projet d’interaction des forces respectives, face à des crises comme celle de Corée du Nord ou au piratage maritime. Ils se sont d’ailleurs promis de tenir des exercices conjoints anti-pirates au large de la Somalie. « L’océan Pacifique est assez grand pour nous contenir tous deux », plaidait Fang, avant de dévoiler une information confidentielle : Pyongyang préparerait un 4ème test nucléaire. Quand au problème du hackage de l’internet américain depuis la Chine, Fang suggérait que la Chine était aussi victime, et qu’il faudrait se protéger ensemble : « si la sécurité de l’internet ne peut être contrôlée, les effets équivaudront à ceux d’une bombe atomique ». 

De la sorte, Fang présentait une APL prête à aller plus loin dans la coopération. Martin Dempsey de son côté, s’efforçait de rassurer sur l’intention « inoffensive » envers la Chine, de la défense américaine de retour dans la région Pacifique. 

La fausse note vint le 25/04 de Washington : à tout dialogue économique futur, le conseiller de sécurité Thomas Donilon mit pour condition une entente préalable sur la cyber sécurité : que Pékin maîtrise d’abord ses hackers, le business viendra ensuite ! 


Diplomatie : Hollande en Chine : « remplir le partenariat »… de contrats !

Après avoir rencontré son homologue Xi Jinping (25/04), un François Hollande parfaitement à l’aise et plaisantant parfois, devant la communauté française pékinoise relata le but de sa visite—il était venu demander le « rééquilibrage par le haut » du déficit commercial « inacceptable » de 26 milliards d’€.

Bilan : quelques pistes ouvertes, mais peu de contrats fermes. 

60 Airbus sont commandés, dont 42 A320, la plupart made in Tianjin. 

Dans le nucléaire, Areva et EDF engrangent des lettres d’intention avec CGNPC (Canton) pour une centrale EPR de 1500 MW (en sus des deux en construction) à Taishan, avec CNNC (Pékin) pour la mise au point d’un réacteur francco-chinois, et pour un centre de retraitement des déchets, d’ici 2020 –peut-être. 

Suez Environnement signe avec Beijing Enterprises une JV pour obtenir les contrats de gestion des déchets des villes du pays. Selon la même technique de « chasse en meute », Keolis signe avec Shentong Metro Group une JV de gestion des transports en commun à travers la Chine et Asie. Colisée Patrimoine va élargir avec le groupe CITIC son réseau de maisons de retraite médicalisées – immense marché de 200 millions de sexagénaires…
Le lobbying pour ouvrir la Chine à la charcuterie française n’aboutit qu’à la promesse d’une mission chinoise en France, d’évaluation de la traçabilité des produits. La France paie pour le scandale européen du haché de cheval glissé dans celui du bœuf. Mais au moins, le dossier est ouvert !

Surtout, F. Hollande exprime ses espoirs d’une relation approfondie avec Xi Jinping, et de grands projets. Xi est là pour dix ans et Hollande pour quatre. Assez pour travailler à long terme. L’un et l’autre partagent la vieille vision gaullienne d’un monde multipolaire et sont convenus de se rencontrer chaque année – en 2014 à Paris. Hollande rattrape ainsi la chancelière Merkel, qui tient depuis des années de tels sommets germano-chinois. 

Xi et Hollande veulent renforcer les masses des étudiants en échange, la facilitation des visas, l’usage international du yuan, l’accès en Chine du cinéma français, et les investissements chinois en France, « pour peu qu’ils créent des emplois» dans l’Hexagone.

Quid des droits de l’Homme ? Hollande a abordé le sujet (Tibet, Liu Xiaobo) « dans le respect et la franchise » – pas comme priorité. Divers lobbies dénoncent ici un abandon. Mais à ce qui semble, on touche ici un très ancien paradigme hexagonal : faut-il stigmatiser la Chine (une action peu utile) ou bien s’allier à elle pour s’approprier une part de son dynamisme ? Veut-on punir la Chine, pour marquer son indignation face aux manquements aux droits de l’Homme (au demeurant réels), ou bien parce que ce pays, par sa « huoli » (活力,énergie vitale) commence à dépasser l’Europe et venir racheter ses trésors ?

Ce qui a le plus frappé Hollande en ce voyage éclair de 37h, est « la volonté chinoise de travailler avec la France », y compris en des régions telle l’Afrique, pour la former, avec l’aide de l’ONU, à se défendre seule contre des AQMI et autres Boko Haram. Que Hollande tente de canaliser ce désir chinois au bénéfice de l’emploi de la France, est de bonne guerre, et une chance d’avenir. Mais pour convaincre la France sceptique, que de vieux préjugés à dépasser ! 

Crédits photo Meng Meng


Défense : La guerre des Diaoyu n’aura pas lieu !

La guerre de l’archipel n’aura pas lieu !
Suite à l’aggravation du conflit autour de l’archipel Diaoyu-Senkaku, des négociateurs chinois et japonais discutaient en urgence, le 26/04 au soir, des moyens de s’arrêter à temps.


Petit Peuple : Shenyang – l’invention des noces croisées

A Shenyang (Liaoning), Xiaojiong passa toute sa jeunesse seule, faute de reconnaître sa différence. Matériellement, sa vie n’avait rien de désagréable, fille de bonne famille, dans un bon lycée de cette capitale du nord. Organisatrice née, un peu casse-cou, elle était plutôt brillante. Mais dès la puberté, cette fille, grande et mince, découvrait qu’elle ne s’intéressait qu’à son propre genre – les garçons la laissaient de marbre. Or les autres filles ne regardaient que les gars. Elle n’avait rien à dire ni au uns ni aux autres, et ses gestes maladroits de tendresse aux copines faisaient vite déplacés. Bref, elle s’était découverte une affectivité différente et qu’il fallait cacher. 

Plus tard, elle réalisa qu’ elle n’était pas la seule. Comme un secret sulfureux, une amie lui avait révélé qu’à Pékin, les filles comme elles se retrouvaient dans des bars spéciaux et s’amusaient ensemble. Mais quelques voyages lui avaient suffi pour voir les limites de cet Eden de pacotille. Furtive et superficielle, l’ambiance de ces bars était surfaite, échevelée et ne permettait en aucun cas d’espérer trouver l’âme sœur : Xiaojiong resta sur sa soif d’amour. 

Elle finit ses études, trouva un emploi, se dédia à fond à sa carrière – bon exutoire. Jusqu’à ses 25 ans où ses parents, n’ayant rien compris à ses penchants, vinrent la sommer de se marier, qu’elle ne devienne pas une « laissée pour compte », rejoignant les 249 millions de Chinois de plus de 20 ans, célibataires. C’était en 2007. 

L’appel indiscret la sauva en l’arrachant à son expectative : après ces années, Xiaojiong savait ce qu’elle voulait. Elle souhaitait éviter aux auteurs de ses jours de découvrir son penchant qui les aurait plongé dans le désespoir et déshonneur face aux voisins. Elle voulait bien se marier, mais pas sacrifier sa vie à ces convenances. Et surtout, il ne fallait pas que le conjoint se sente trahi par son refus de lui donner plus que ce qu’elle pouvait offrir. 

Xiaojiong eut une idée créative, d’aucuns diront géniale, d’inventer le « mariage communautaire» (混做婚姻, hùn zuò hūnyīn), où deux couples homosexuels, masculin et f-minin, dont les quatre êtres s’entendent bien, s’unissent au bureau des mariages en unions hétérosexuelles de convenance, tout en menant des vies de couples unisexes, homme avec homme et femme avec femme. Quitte à reconstituer le couple légal d’un coup de téléphone portable dès que la nécessité s’en ressent, par la visite inopinée d’un parent par exemple.

Mais il y a loin de la coupe au lèvres : pour y parvenir, il fallut tout inventer. Sur internet, à sa surprise, Xiaojiong découvrit que le forum qu’elle cherchait n’existait pas. Elle le créa donc, ouvrant listes et dossiers pour chaque candidat(e), afin d’assembler ces couples à double face. A toutes et à tous, elle posait les questions noir sur blanc pour prévenir les désillusions ultérieures et sentiments de trahison : « voulez-vous vivre avec votre conjoint ou séparé ? », « voulez-vous un enfant ? » ou bien « qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans le mariage : la cérémonie ou le papier » ?

Le succès du site dépassa toutes ses espérances. Par milliers, les laissé(e)s pour compte de l’ordre moral vinrent s’y inscrire. Les demandes de rencontres affluèrent, que Xiaojiong se mit à organiser, voyageant dans toutes les provinces pour aider les « frères » et « sœurs » à se rencontrer, discuter, trouver des solutions aux problèmes culturels et légaux. 

C’est d’ailleurs dans un tel groupe issu de son forum virtuel, qu’elle trouva ses trois êtres à elle, son amie de cœur, mariée à son conjoint légal, elle-même épouse du compagnon du conjoint. C’est un peu compliqué, mais cela fonctionne depuis 2010. On se retrouve même parfois à plus que cela – la coexistence vire à la communauté. 

Certes, Xiaojiong l’admet sans fard, l’arrangement n’ est pas une solution miracle, mais un pis-aller pour sauver les apparences, face à l’intolérance qui reste la règle. « Mais, ajoute Lucetta Kam, sociologue à l’Univ. Baptiste de Hong Kong, c’est aussi faire acte de résistance, de parodie burlesque. Et cela a pour effet d’encourager les homosexuels à se révèler, et les autres, à les accepter ». Quant à Xiaojiong, elle espère voir le jour où comme bientôt en France, elle pourra épouser son amie « pour de vrai » !


Rendez-vous : Rendez-vous de la semaine du 29 avril au 12 mai 2013
Rendez-vous de la semaine du 29 avril au 12 mai 2013

7-9 mai, Shanghai : SIAL, Salon de l’alimentation, boissons, vins et spiritueux

8-10 mai, Pékin : NGV China, Salon du gaz naturel et stations de stockage

9-12 mai, Shanghai : Salon mondial du voyage

10-12 mai, Canton : Salon international nautique

13-15 mai, Shanghai : IE Expo, Salon du traitement de l’eau, contrôle de la pollution

13-16, Pékin : ACHEMASIA, Salon et Congrès chimie et biotechnologies 

14-16 mai, Shanghai : SNEC PV Power, sur les énergies photovoltaïques