Le Vent de la Chine Numéro 39

du 9 au 15 décembre 2012

Editorial : Xi Jinping – le printemps en hiver

Depuis son adoubement le 14 novembre, pas un jour ne se passe sans un discours, une action de Xi Jinping (nouveau n°1), présent sur tous les fronts : un dossier par jour pour rebattre les cartes, imposer une rupture, un style martelé à coup d’images fortes. À propos de la mer de Chine (qui bouillonne de tension), il révèle le 5 décembre à 16 experts étrangers que son pays ne « menace en aucun cas » ses voisins. En marge de la conférence COP 18 de Doha contre le réchauffement climatique, il fait annoncer 56 milliards de $ de crédits d’ici 2015, pour dépolluer l’air des métropoles et atteindre dans Pékin, une réduction de 30%.

Surtout, il s’attaque au style de vie dissolue des cadres du Parti. Un meeting du Bureau Politique édicte une série d’interdictions : finis les tapis rouges déroulés aux cadres en mission, les fillettes à bouquets, les discours creux…

Le 4 décembre (30ème anniversaire de la Constitution), Xi affiche l’objectif : « qu’une immense majorité, désormais croie en la loi ». Et le 5 décembre (jour de l’Etat de Droit), il fait libérer (au moins) 1000 pétitionnaires enfermés à Pékin en centres de détention « au noir ».

Xi adjure ses concitoyens d’« éviter les conflits idéologiques ». Là, il pense à Bo Xilai, pour qui l’épilogue approche. D’ailleurs, comme une promesse de ne pas le couvrir davantage, la presse s’étend sur la tyrannie vestimentaire de Wang Lijun, son chef de police (qui se réservait le port d’un certain ton de gris, jugé plus élégant, et la bannissait chez ses hommes). C’est dans l’air du temps: de multiples affaires de corruption, de débauche éclatent, entraînant la chute d’un vice-maire de Shenzhen, d’un vice-Secrétaire du Sichuan, d’un haut cadre de Chongqing…

À présent, Xi veut tourner la page et convaincre l’opinion que les choses vont changer. Mais peut-il réussir ? Difficile, car la Chine n’a plus confiance. En 2002, parlant d’« investir moins dans le luxe, plus dans les masses », Hu Jintao lui-même avait prétendu interdire la construction du QG pékinois de prestige de la CCTV à 760 millions de $, et brider les TGV à 200km/h. Pour finalement, laisser la CCTV bâtir sa tour à 1,2 milliards de $, le ministère ferroviaire lancer ses TGV à 300km/h – et tous s’enrichir sur le dos du peuple !

Enfin, malgré tout, la base peut apprécier le changement de ton par rapport au règne de Hu (surnommé sur internet tête de bois -木面, mù miàn). À tout le moins, Xi apparaît prêt au changement.

Il ne perd pas non plus de temps pour se lancer à l’assaut du contrôle de l’APL (une des clés probables de la victoire sur la corruption, voire du règlement de la crise maritime internationale) : trois jours après son arrivée à la tête de la Commission Militaire Centrale, il nomme « son » premier général à 5 étoiles, Wei Fenghe, le commandant en chef des forces balistiques…tout en avertissant les forces de se tenir « prêtes au combat » !

Dans cette opération «sourires tous azimuts », les autres leaders ne sont pas en reste : Li Keqiang, 1er ministre, Wang Qishan, chef de la Commission de Discipline répètent inlassablement le mantra de la « réforme », exhortant à l’efficacité, à la transparence. Li Keqiang annonce une meilleure loi de compensation des expropriations (on parle de décupler le dédommagement à 1000¥ par m²). Il promet aussi, haut et fort, la modernisation du permis de résidence, un «serpent de mer » des dernières années – héritage maoïste qui génère deux classes de citoyens dans les grandes villes.

Notons, en ce concert de « printemps en hiver », la voix des futuribles, espoirs montés au Bureau Politique afin de diriger dès 2022, l’équipe de leaders de 6ème génération :
– À Canton, Hu Chunhua (pressenti n°1) s’apprête à imposer l’obligation de déclaration publique de revenus à tout cadre promu, à compter du 1er janvier 2013.
– À Chongqing, Sun Zhengcai (pressenti 1er ministre) démantèle, d’ici fin décembre, les fautes et abus de Bo Xilai.
A peine en place au sommet parmi leurs pairs, ces jeunes piaffent et hennissent, anxieux de faire leurs preuves et de prouver leur capacité à changer la Chine !


Economie : Le vent neuf de la réforme chinoise

Li Keqiang le dit, la réforme économique, c’est maintenant : « son dividende démographique s’estompant, la croissance chinoise doit désormais se caler sur un dividende de réforme». La CASS (Chinese Academy of Social Sciences) semble d’accord, prédisant pour 2013 un PIB de +8,2% contre +7,7% en 2012, suite à la réforme de la TVA et des prix des matières premières.
Par ailleurs, un vent neuf semble caresser d’autres voiles, comme celle de la monnaie.

❶ Fin novembre, Wenzhou (Zhejiang) adoptait un train de mesures-éprouvettes pour légaliser la banque clandestine.

❷ Puis le 03/12, la SAFE, tutelle des devises, lance un système pilote sur 4 provinces ou villes (Zhejiang, Shaanxi, Liaoning, Dalian) pour enregistrer les transactions durant trois mois, surtout avec Hong Kong. Suivront fin avril 2013, 15 jours d’audit, avant de passer à une autre étape d’ouverture des comptes capitaux, « inscrite au XII. Plan quinquennal », rappelle Zhao Xijun, vice- doyen de la faculté de finance de l’université Renmin. L’opération consiste à renforcer l’intranet et la base de données des opérations, afin de pouvoir passer à un flux financier en temps réel, et donc à la convertibilité.

❸ Un incident se produit dans le secteur de l’audit international. Le 03/12, cinq groupes dont les « quatre géants » (E&Y, KPMG, PwC et Deloitte) se laissent épingler par la Commission fédérale américaine (Securites and Exchange Commission) pour refus de coopération dans une enquête sur 9 groupes chinois en bourse de New York. Les quatre géants refusent au nom de la loi chinoise, qui traite les audits des conglomérats publics en «secret d’Etat». Cette loi vise à renationaliser un marché de l’audit largement aux mains de l’étranger (les auditeurs devraient désormais être titulaires du diplôme national, après études en Chine, en mandarin) et à protéger les conglomérats de l’action d’une tutelle étrangère. D’inspiration protectionniste et socialiste, elle impose ainsi la présence de l’Etat dans un secteur à rôle d’arbitre, censé être indépendant. La « frappe » de la SEC va donc forcer la Chine à clarifier sa position. En dépend, le maintien des quatre géants en Chine, et celui de dizaines de firmes chinoises en bourse américaine (50 ont déjà été délistées) !

Ces progrès (sur les comptes capitaux et sur les audits) interviennent au moment où la Chine se lance dans une ruée sur les investissements étrangers. Des groupes tels la CIC (China Investment Corporation) guignent une partie des 50 milliards de $ d’actifs bientôt privatisés par la Grèce. Hainan Airlines veut reprendre 35% du transporteur de fret Cargolux (17 Boeing 747). Aux USA, Wang Jianlin, patron de Wanda (3ème fortune nationale) veut placer 10 milliards de $ en 10 ans dans l’hôtellerie… Sous 5 ans, prédit Chen Deming, le ministre du Commerce, les investissements chinois et mondiaux se seront équilibrés.

Ceci explique cela : après avoir longtemps servi de rempart contre l’étranger, la monnaie (non convertible), et l’audit (verrouillé) deviennent à présent pour la Chine un handicap, protégeant l’étranger de ses appétits immenses en rachat de mines, de terres cultivables, en compagnies aériennes ou en grands crus classés. Mais très vite, la Chine mue pour faire face à ses nouveaux besoins !


Investissements : Un satellite mirage pour Lanzhou

Au Centre-Ouest, le Gansu est une province aride, peu peuplée et mal dotée, avec ses milliers de collines de terre jaune sous le soleil. Mais depuis octobre, Lanzhou, sa capitale de 3,6 millions habitants se lance dans un projet délirant. À 80 km au Nord-Est, des centaines de pelleteuses sont à l’œuvre pour araser 700 montagnes, pour obtenir 25 km² de plat, puis 140 km². Ce sera Xin-Lanzhou, ville de rêve qui espère attirer 500.000 habitants en 2020 (contre 110.000 à présent). Rien ne manquera : parcs-forêts vierges, gratte-ciel, aéroport, raffinerie, stade, métro léger, autoroutes… 

China Pacific Construction Group, le groupe constructeur (du milliardaire Yan Jiehe) veut y investir 3,5 milliards de $. La zone attire déjà de nombreux investissements (11 milliards de $ pour 90 projets), y compris Geely (automobile) et Sany (engins de chantiers) qui y construisent leurs usines. 

Mais c’est là où le bât blesse : poussés trop vite, de tels groupes végètent, en quête fiévreuse de marchés pour maintenir leur croissance, rééchelonner leurs dettes. Or cette ville-mirage n’a pas d’eau : les promoteurs pomperont celle du Fleuve Jaune – quoique son débit soit déjà réduit (un 30ème du Yangtzé), les industries locales sont les plus sales du pays (engrais, métaux non ferreux), et Lanzhou, la ville la plus polluée ! 

« Le pire, affirme le Professeur Wang Xiaowen (de Lanzhou), est l’absence de débat sur ce projet mené à la hussarde ». 
En somme, un projet à haut risque pour les financiers et les habitants. Mais la Chine en général, la plus démunie en particulier, n’a pas vraiment le choix, si elle veut s’en sortir !

Légende photo : la forêt de Pierres du fleuve Jaune – dans le district Jingtai de la ville Baiyin (Gansu)


Culture : À Stockholm, Mo Yan s’autocensure

Avec 57 titres brillants et « hallucinés » comme « Le Clan du sorgho », Mo Yan (莫言) meilleur romancier de Chine, était le choix du jury Nobel pour son Prix 2012 de littérature. 

Le 06/12, Mo Yan était à Stockholm pour recevoir son prix : grande affaire, qui le força à apprendre à valser et à emporter une garde-robe allant du frac au costume Mao. Pour la remise, c’est la tenue de la styliste Chen Bei qu’il arbora, avec chemise imprimée des idéogrammes de son nom de plume. 
Lors de la conférence de presse qui suivit, Mo Yan resta « politiquement correct » – discours digne d’un véritable porte-parole du régime. « Mo Yan », qui signifie « tenir sa langue », semblait alors trahir la promesse qu’il avait faite 30 ans plus tôt, de justement « ne jamais la tenir » !
En effet, à Stockholm, il déclarait que « la censure est un mal nécessaire, aussi utile que les contrôles de sécurité à l’aéroport ». De même, il refusa indirectement de soutenir l’appel de 134 autres Nobel pour la libération de Liu Xiaobo, son compatriote et autre Nobel, en prison depuis 2009 pour délit d’opinion. 

Mo Yan s’était sans doute engagé auprès des autorités. Mais peut-être doit-il encore, tout comme son gouvernement, apprendre à assumer les responsabilités de sa gloire nouvelle et les attentes que le monde porte désormais sur lui. Au final, il botta en touche, revendiquant son héritage, culture et gènes : « Mon père dit toujours que Mo Yan est fils de paysan – être prix Nobel n’y changera rien ! ». 


Diplomatie : En mer de Chine du Sud, rien de nouveau

À son lancement (15/06), le nouveau passeport chinois était passé inaperçu. Mais à l’arrivée de Xi Jinping, cinq pays ou régions protestent : USA, Inde, Vietnam, Taiwan et Philippines – les quatre derniers refusant de le tamponner. Motif : sa carte « de Chine » intègre deux territoires sous drapeau indien et la mer de Chine du Sud – niant ainsi tout droit aux Etats riverains. 

L’enjeu est lourd : selon les USA en 2008, la zone maritime pourrait recéler jusqu’à l’équivalent de 213 milliards de barils de pétrole. De plus, ces eaux à bas-fonds, autour de milliers d’îlots tropicaux, abritent d’importantes ressources halieutiques. Et qui tient ces eaux, tient les routes stratégiques d’un tiers du trafic maritime mondial !
Pour épurer leur contentieux, la Chine et ses voisins de l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) avaient bien convenu en 2002 d’un Code de conduite consistant à s’abstenir de toute expression de leurs revendications, dans l’attente d’une résolution. Mais le code avait été bientôt oublié par toutes les parties – le pétrole, la croissance n’attendent pas.
Pire, sur le principe-même des négociations, Chine et riverains s’affrontent: soutenue par les USA, la majorité de l’ASEAN veut un tapis vert multilatéral, sous l’égide de la Convention de l’ONU du Droit de la mer, tandis que Pékin s’enferre à exiger d’impossibles discussions entre elle et chaque autre… sous droit chinois. 

Sous cet aspect, elle vient de marquer un petit point au 21ème Sommet ASEAN (du 17 au 19/11), en faisant acter par son « vassal » cambodgien, Président de séance, que l’ASEAN ne voulait pas « internationaliser » le litige. Phnom-Penh (qui n’est pas partie prenante) venait de recevoir un chèque de 50 millions de $, et le règlement des funérailles de l’ex-roi Sihanouk (décédé le 15/10 à Pékin). 

Entre-temps, Pékin fait monter la pression. Fin novembre son porte-avion Liaoning réussissait le 1er décollage de son chasseur bombardier J-15. La province de Hainan annonçait qu’au 1er janvier 2013, elle arraisonnerait dans « ses eaux » tout navire à sa guise (elle semble en fait ne parler que de la bande des 12 milles autour des atolls sous pavillon chinois). Puis le 3 décembre, un « chalutier » chinois coupait le câble d’un navire cartographe vietnamien faisant un relevé sismique pour le compte de l’Inde, préalable à un forage pétrolier. Du coup, Vietnam et Inde annoncent patrouilles et protection militaire dans la zone. 

Et Xi Jinping ? Fin septembre 2012, au 9ème Sommet Chine-ASEAN de Nanning, il se disait engagé à résoudre les différends par des négociations « amicales mais fermes, dans la défense de la souveraineté nationale ». La croissance chinoise, rappelait-il, entraîne celle du monde, « ASEAN compris » -allusion aux 362 milliards de $ d’échanges bilatéraux en 2011 (+24%). 

La différence est que Xi est aujourd’hui le maître à bord: il peut désormais décider vers quelle direction orienter le cap dans ses relations avec les voisins. Il est temps : même l’Union Européenne s’alarme d’une mainmise sur la zone et les USA, décidés à ne pas laisser faire, y retournent, accueillis par les Etats riverains enthousiastes. 

Le problème est vieux, et complexe. Il n’y a pas que la mer de Chine du Sud que Pékin revendique, mais aussi celle du Nord, côté Japon. Elle le fait suivant le plan de l’amiral Liu Huaqing des années ‘90, pour faire sauter le verrou posé par les USA (selon elle) sur son expansion. Pour régler le problème, il faudra attendre que cette hantise d’être « encerclé » des derniers leaders ex-Gardes Rouges, soit dépassée, et que des jeunes plus sensibles au monde et à la négociation prennent le relais.


Environnement : COP 18, à Doha : l’engagement tacite de la Chine

À l’issue de la conférence COP 18 contre le dérèglement climatique de Doha, (Qatar, 25/11-08/12), l’obstination courageuse du Président Qatari à arrêter la pendule plus de 24heures, permit aux 190 pays d’obtenir un accord à l’arrachée, surmontant la dernière opposition rageuse de la Russie.
Cet accord est loin du compte, au vu de l’objectif visé -éviter d’ici 2100 un réchauffement de 4° et un mètre de montée des mers. Et pourtant, philosophe, le ministre chinois de l’environnement Xie Zhenhua y vit « la preuve d’un progrès dans le processus multilatéral d’action climatique ». 

Quoique son pays n’ait cessé durant la COP 18 de soutenir qu’au nom d’une « responsabilité morale », les pays « riches » devaient payer pour les « pauvres » : couper le plus leurs émissions de CO2 -nonobstant le fait que la Chine elle-même soit entretemps devenue 1er pollueur mondial, avec 28% des émissions en 2011. Ils devaient aussi payer 60 milliards de $ au Fonds Vert d’ici 2015, en soutien aux actions environnementales des pays en développement.  

De l’avis de tous, l’accord est une coquille vide : le Protocole de Kyoto (qui impose aux pays signataires des coupes contraignantes de leurs émissions, et qui expirait au 31/12), est prorogé jusqu’en 2020. 

Mais ses pays ne reçoivent aucun objectif nouveau. Et surtout, trois grands pollueurs (Canada, Russie, Japon) s’en sont retirés, excédés de voir les deux plus gros, Chine et USA s’auto-exempter. De la sorte, « Kyoto-II » n’associe à son effort de réduction que l’Union Européenne, l’Australie, la Suisse et quelques autres, comptant pour 14% des émissions. 
Pour le reste de l’accord, le Fonds vert a été très faiblement alimenté : 6,8 milliards de $, engagés par l’Europe : ici, les pays pauvres, éternels déçus, font les frais de la récession. 

Par contre, trois bonnes nouvelles apparaissent, ou se confirment : 
[1] d’ici 2015, un nouveau traité sera négocié, à pied d’égalité : plus d’exceptions aux émergents, ni aux ex-pays de l’Est.
[2] En 2020, tous les pays auront des quotas d’émission -même la Chine.
[3] Enfin, un droit à «compensation» pour des «dommages» est reconnu aux pays pauvres et spécialement vulnérables, tels les Philippines et le Bengladesh, même si aucun fonds n’est encore prévu. 

Le fait que le négociateur chinois Su Wei ait accepté l’entrée dans un système de quotas, est remarquable. Jusqu’alors, il prétendait n’accepter ceci, qu’une fois quadruplé le revenu national par habitant (à 20.000$, d’ici 2020), mais les experts calculaient que Pékin voulait « tenir » jusqu’à 2030, date à laquelle la population chinoise commencerait à refluer. Tandis qu’ainsi, Pékin se résout à des quotas, dix ans avant ce passage du cap démographique. C’est aussi peut-être une première fois que la Chine promet de s’engager dans un plan supranational, y compris en payant ! 

Que la Chine, comme Russie et USA acceptent cet accord, est la vraie victoire de cette COP 18 : face à des régions telle l’Union Européenne réellement engagées dans la décarbonisation de la planète, et face aux 0,8° de réchauffement déjà constaté (face à la recrudescence des typhons et tsunamis meurtriers), ils craignent d’apparaître comme «celui par qui l’échec arrive». 

Enfin, le fait que la France, un des pays le plus actif dans ce marathon vert, s’apprête à héberger la COP 19 en 2015, est d’excellente augure pour la signature du prochain traité ! 


Petit Peuple : Chengdu – Feng Li mannequin, bâton de circulation en main

À 29 ans, Feng Li est « la plus belle du monde » (juédài jiārén—绝代佳人), jalousée des filles, faisant chavirer les regards des garçons.

À Chengdu (Sichuan), en 1995, elle monte dès l’âge de 12 ans sur le catwalk. Dans le taxi du retour, sa mère éberluée recompte les billets du cachet – une à deux semaines de son propre salaire. Puis s’empilent les autres invitations. Désormais au centre de l’attention, Feng Li vit sa vie comme un conte de fée – et s’y habitue.

A 18 ans en fac, elle suit une formation de présentatrice télé – le métier dont elle rêve. En seconde année, une publicité lui rapporte pas moins de 20.000 ¥. Avec quand même un peu honte face aux copines, elle s’offre des nippes qui engloutiraient chacune leur budget d’un mois.

En 2004, son diplôme en poche, elle passe mannequin. Régulièrement appelée à Pékin et Shanghai, elle est membre du jury national du concours du New Silk Model Contest. En 2008, à 25 ans, elle gagne 50.000¥ par mois (20 fois la moyenne du pays). Et c’est à ce moment là qu’elle choisit de s’arracher à ce monde de paillettes, et de disparaître.

En effet, 15 jours après le terrible séisme du 12 mai 2008, elle se rendit avec d’autres célébrités et la télé à Dujiangyan, en bus climatisé. D’abord choquée par le désastre, les réfugiés qui campent hors de leurs murs lézardés, Feng Li vit un policier hirsute, puiser l’eau du ruisseau pour se shampooiner d’un bout de savon. Quand il s’est vu observé par tout ce beau linge, il exprima son embarras.

Mais il n’était pas le seul ! La mannequin sentait la honte lui monter aux joues… Tout à coup, son monde s’écroulait, vaniteux et superficiel. Cet homme-là, c’en était un vrai, qui au lieu de se sauver, était resté là à sauver les autres, sans pleurnicher sur son petit confort… Et soudain atterrit en elle l’idée rédemptrice sans objection possible : le seul costume qui la ferait belle dorénavant – de la seule beauté dont elle veuille encore – ce serait celui-là – l’uniforme de policière.

Fengli NouvelleEt elle n’en démordit pas. Même son mariage, 6 mois plus tard, ne la guérit pas de sa lubie. Feng Li s’est inscrite au concours national de la sécurité publique. Après un mois de bachotage fiévreux, elle passe l’écrit, l’oral, et arrive 58ème pour 75 places, sur 4000 candidats : résultat formidable, pour un des jobs les plus prestigieux et courus du pays. Et voilà comment quatre ans après, à 29 ans, notre belle, entre temps mère d’une fillette de 2 ans, fait la circulation sur Chengdu pour 4000¥ par mois.

Fait bizarre : portant à peine l’uniforme, quittant ses manières charmeuses, notre héroïne s’est mise à « mordre » tous contrevenants et collègues – méritant même, par revanche, le sobriquet de Feng-petite féroce ( 冯小猛 Féng Xiǎoměng).

Il y a donc en fait deux Feng Li : la souriante fleur coupée d’avant, et l’impitoyable flic d’après. C’est là son secret : de femme-objet, qui dépendait de son statut de sex-symbol pour vivre, elle se fit femme-sujet, actrice de sa vie, se réappropriant son corps et son image. Et comme chez les ex-alcooliques, sa vulnérabilité est dans son passé. Pour ne pas rechuter, Feng Li doit couper court, rejeter la complicité cachée dans l’hommage du regard mâle. Avec son 1m78 et ses 55kg, elle est sacrée par les internautes, photos à l’appui, « plus belle policière de l’empire du milieu ». Elle a donc résolu, suivant le Tao, d’« étouffer le désir pour réaliser son karma» (摈欲绝缘- bìnyù juéyuán).

A vrai dire, Feng Li n’a pas le choix : sa dureté est l’instrument de sa refondation, lui permettant de faire sauter les barreaux de la prison où l’enfermaient les regards des hommes. Jusqu’à ce que s’estompe sa beauté avec sa jeunesse, lui permettant enfin d’arborer à nouveau sa gentillesse foncière, au soulagement général !


Rendez-vous : Les rendez-vous de la semaine du 10 au 16 décembre 2012
Les rendez-vous de la semaine du 10 au 16 décembre 2012

9-11 décembre : Nanchang : Pharmchina, Salon de l’industrie pharmaceutique

10-12 décembre : Canton : Salon de l’hôtellerie

11-14 dec. Pékin : Intersolar China, Salon sur les technologies solaires

11-14 déc. Shanghai : Automechanika, Salon sur les équipements de voitures, pièces détachées, stations-services, garages