Le Vent de la Chine Numéro 36

du 4 au 10 novembre 2012

Editorial : XVIII. Congrès – Les anciens refont surface !

Un détail marque ces derniers jours de l’avant-Congrès : la remontée des anciens, s’arrachant à l’oubli des années, pour exercer l’influence qui leur reste. Et elle n’est pas faible, surtout chez Jiang Zemin, 86 ans, retiré des affaires depuis 2004, mais toujours immensément influent. En 15 jours, il est cité cinq fois, dont la dernière au Quotidien du Peuple, par l’ex-vice-1er Li Lanqing qui s’y extasie sur le talent de Jiang à se remémorer les chansons de leur enfance. Certes, ces messages servent à autre chose – à signaler qui tient la barre ! Ainsi en septembre, Jiang a accepté de lâcher Bo Xilai, qu’il protégeait depuis toujours, et de le livrer à la justice pour délits criminels.

Par contre, comme monnaie d’échange, jusqu’à quatre lieutenants de Hu Jintao, viendraient successivement de perdre leur place acquise à l’instance exécutive suprême du Comité Permanent : Wang Yang (la star réformiste de Canton), Ling Jihua (le « secrétaire » de Hu, éclaboussé par le scandale de la « Ferrari noire »), Yu Zhengsheng (que l’on dit en difficulté), et à présent Li Yuanchao, pressenti comme vice-président de la RPC (sabré par Jiang pour avoir manipulé en mai un sondage interne de popularité des futuribles – complot ourdi avec Ling Jihua).

D’autres anciens montent aussi en lice : les réformateurs Zhu Rongji, Li Ruihuan, et l’ultraconservateur Li Peng (deux fois en deux jours). Li Peng aurait joué un rôle moteur dans les évictions de Wang Yang et de Li Yuanchao, et on lui prête à présent une démarche pour protéger ses deux enfants, à la tête de groupes publics d’électricité, contre une réforme des droits des firmes d’Etat.

Entre-temps au sein du régime, la confusion gagne, la division aussi. Wen Jiabao voit son image ternie par le papier du NYT sur sa fortune familiale de 2,7 milliards de $. L’accusation vient s’ajouter aux enquêtes de Bloomberg sur les biens de Bo, de Xi Jinping, voire sur l’estimation d’Hurun, de 89,8 milliards de $ détenus par 70 édiles de l’ANP. Le tout diffuse la réputation réductrice d’une oligarchie âpre au gain, ayant oublié ses idéaux d’origine…

C’est le 01/11, à l’hôtel Jingxi (Pékin), que le 7ème et dernier plenum du Comité Central du XVII. Congrès se réunissait à 370 membres et suppléants, pour poursuivre les dernières palabres de promotions, et régler des détails, comme l’expulsion formelle de Bo Xilai, dont le procès semble ajourné à plus tard, selon son avocat. Les maîtres du pays doivent encore établir les chefs d’inculpation sur lesquels sera basé le verdict. Pour l’heure, on parle de « corruption, abus de pouvoir, débauche ».

D’autre part, pour sauver l’apparence de sérénité et de justice autonome, il faut laisser quelques jours entre inculpation, procès et verdict. Or, le temps fait défaut. Aussi pour connaître son sort dans sa « cellule » de Qingsheng (avec bureau, bain, TV et machine à laver), Bo Xilai devrait attendre l’installation de l’équipe Xi Jinping, dont il eût dû faire partie – sic transit gloria mundi.

Conclusion : à l’aube du « shibada » (XVIII Congrès), dans la capitale verrouillée de police et de 1,4 million de « volontaires », le processus de succession n’a jamais été si désordonné et le Parti si divisé. Hu Jintao semble avoir gagné la CMC, la direction de l’armée, en y plaçant divers alliés dont le nouveau chef d’Etat-major, Fang Fenghui. Ce qui devrait lui permettre de rempiler pour deux ans à la tête de l’APL. Mais il perdrait la bataille des organes exécutifs, sous le rouleau compresseur de son rival du 3ème âge. Quand à Xi Jinping, le prochain n°1, comment pourrait-il s’imposer, dans ces organes noyautés par ces géants?

Or, dans ce magma, quelle réforme possible ? Le professeur R. MacFarquhar par exemple, ne croit pas que la « pensée de Mao » puisse être gommée de la Constitution interne du Parti. Et quelle majorité pourrait appliquer la refonte du Conseil d’Etat préparée par Xi Jinping, pour le rendre plus opérationnel ? Enfin et surtout, face à l’incapacité de cet appareil à se renouveler, combien de temps peut-il durer ?


Portrait : Portrait : Xi Jinping, l’apprenti empereur

Derrière son impassible moue souriante, Xi Jinping reste une énigme, tantôt étiqueté « conservateur » ou « réformiste éclairé ». Avant tout, il vient du plus haut cercle du pouvoir, des familles des leaders historiques. Son père, Xi Zhongxun (1913-2002), était des « 8 immortels », compagnons de Deng Xiaoping – une aristocratie très fermée, et à qui tout revient.

C’est derrière les murs du privilégié compound de Zhongnanhai, siège du pouvoir à Pékin, que Xi Jinping, né en 1953, passe les premières années de sa vie, jusqu’à la destitution de son père (1962). Durant la Révolution culturelle, Xi Jinping est envoyé au Shaanxi (1969-1975), à la ferme. C’est alors qu’il adhère au Parti (1974) : par pragmatisme, selon une note de l’ambassade américaine dévoilée par Wikileaks, optant « pour survivre, de devenir plus rouge que rouge ». Puis à la mort de Mao (1976) suivent la réhabilitation, le retour de l’âge d’or : à l’Université Tsinghua (parmi les premiers réadmis à cette pépinière du pouvoir), il décroche un diplôme d’ingénieur chimiste (1979), puis passe assistant de Geng Biao, le ministre de la Défense (1979-1982), travaillant ainsi son guanxi auprès de l’APL .

Il suit alors une carrière politique classique, (1982-1985), à Zhengding (Hebei), puis dans la riche province côtière du Fujian où il finira gouverneur (1999-2002), et fervent soutien des hommes d’affaires, proche de Jiang Zemin, l’homme fort de la région. En 2002, il entre au Comité Central, et occupe le poste de n°1 du Parti au Zhejiang (2002-2007). L’année 2007 est charnière : il passe successivement Secrétaire du Parti à Shanghai, directeur de l’Ecole Centrale du PCC et surtout, passe presque directement au Comité Permanent, l’instance suprême – ascension éclair et inouïe. Dès lors, il est adoubé prochain homme à la tête du Parti et de l’Etat, grillant le dauphin de Hu Jintao, Li Keqiang qui n’obtient que le prix de consolation de futur Premier ministre. Hu parvient encore à faire retarder sa promotion comme n°2 de la CMC – mais seulement jusqu’en 2010. Ce poste une fois engrangé, fait de lui le prochain chef militaire suprême.

Ceux qui l’ont approché le disent « confiant, aimable et affirmé ». Il aime le basket, le cinéma (Jia Zhangke, Steven Spielberg), et admire fort les « States » – il rêve d’une alliance avec Washington, qui lui permettrait de s’imposer à l’avenir contre les vieux conservateurs majoritaires au Comité Permanent.

Sur son tapis rouge vers le poste suprême, une « peau de banane » fut glissée en juin (peut-être depuis la LJC, du camp de Hu) : la publication par Bloomberg des + de 290 millions € de sa fortune familiale alléguée, bâtie « à mesure de son ascension ». Mais la fuite n’est pas mortelle : aucun des actifs n’est « directement relié » à Xi, ni à sa femme Peng Liyuan (star militaire de la chanson), ni à sa fille Xi Mingze (étudiante à Harvard). Au contraire, Xi a notoirement averti ses proches de ne pas s’enrichir en se prévalant de la relation familiale. Un autre souci récent, fut l’affaire Bo Xilai, dont Xi Jinping était forcément proche, venant du même cercle. Mais Xi démentait cet été : « ce n’est pas un allié ».

Son programme futur n’est pas tranché. Mais convenant que les « problèmes accumulés … sont sans précédent », il est dit favorable à une « libéralisation économique plus rapide », et même à une « réforme du système politique ». Mais aura-t-il les moyens d’une telle ambition ? Aujourd’hui, rien ne permet de l’affirmer.


Environnement : Ningbo : Décès d’un projet public et d’un modèle de gouvernance sociale

Le 29/10, la population de Ningbo (Zhejiang) exultait après un week-end ayant réuni 10.000 protestataires. Sans doute sur ordre de Pékin et sous la pression de l’approche du XVIII. Congrès, la mairie venait de rejeter le projet d’extension de l’usine Sinopec de paraxylène (PX) au budget de 6,9 milliards d’€uros. Le complexe de Zhenhai produit déjà 500.000 tonnes par an de ce composant d’emballages plastiques, dont les fumées de fabrication agressent l’air et l’eau, tuent les poissons (selon un internaute) et irritent les yeux, la gorge, et peuvent provoquer des lésions aux reins, au foie et au système nerveux.

Cette manif verte et ce recul des autorités sont le énième cas en 5 ans, tel les abandons à Xiamen (2007) et à Dalian (août 2011) d’autres usines de PX. Aussi le scenario de la manif avait un goût de déjà-vu, avec déploiement de forces anti-émeutes et violences (briques contre matraques, gaz lacrymogènes et dizaines d’arrestations). Autre détail familier, la méfiance totale de la rue après l’annonce du retrait. Et pour cause : à Dalian à l’automne 2011, une fois le contrôle repris, la mairie avait tranquillement relancé le chantier de l’usine de PX…Aussi le vice-maire de Ningbo, Chen Zhongchao, revenait le lundi après les manifs, réitérer et valider la promesse officielle.

Ici, la nouveauté est la réflexion publique sur la gouvernance locale et la péremption du modèle universel en ce pays, de décisions prises en secret et sans concertation. La Chine voit 100.000 et 150.000 manifs/an (+29% /an, sur l’environnement), car les implantations d’industries lourdes se font suivant le strict critère du profit, sans prendre en compte les besoins des populations. Malades, lésées, celles-ci ripostent, et disposent désormais d’un outil surpuissant avec Weibo, le Twitter local. Ainsi, les conditions sont réunies pour un « clash » massif ! Tang Hao, assistant à l’université normale de Chine du Sud (Canton) remarque que « par chance, jusqu’à présent, les protestations ont été pacifiques, mais qu’on a aucune garantie que cela reste le cas demain ».

Aussi, conclut Ma Jun, directeur de l’Institut des affaires publiques d’environnement, « il est urgent de trouver un nouveau mécanisme, permettant aux voix de la base d’être entendues avant toute décision ». Ainsi, le cadre intermédiaire vit désormais une pression insupportable, entre le sommet exigeant des emplois et du PIB, et la base interdisant leurs méthodes autoritaires – alors qu’il n’en connaît point d’autre !

Conscient du problème, le ministère de la protection de l’Environnement vient timidement d’appeler (01/11) les provinces à « plus de transparence » pour les projets « potentiellement dangereux ». Une consigne qui semble être écoutée. L’indice de qualité de l’air pékinois prend ainsi désormais en compte les « PM 2.5 », ces particules fines qui se logent dans les poumons. Conséquence : les chiffres officiels, désormais, sont parfois plus alarmistes que ceux mesurés par l’ambassade américaine. Impensable il y a quelques mois encore.


Diplomatie : Syrie – Pékin se jette à l’eau

Le 30/10, le professeur Pan Zhongying (Renmin Daxue), expert du Proche-Orient, croyait que la Chine « n’abandonnerait ni son principe de non-interférence, ni son front uni avec la Russie, pour la visite d’un émissaire de l’ONU ».

Pourtant, ce même jour, face au négociateur L. Brahimi, le MAE chinois Yang Jiechi a issu des « recommandations » de paix, sortant ainsi son pays de son obstruction aux tentatives du Conseil de Sécurité d’en finir avec ces 20 mois de guerre civile, ayant coûté 36.000 vies humaines.

Au nom de la RPC, Yang se rallie à l’objectif général – faire partir le dictateur B. el-Assad, et offre un plan en quatre étapes associant des cessez-le-feu sectoriels et temporels, et une transition politique à définir et exécuter par « les diverses forces en Syrie », selon le « principe de l’équité ».

Publiant ce plan, Pékin précisait qu’il « pouvait être fait sien » par l’émissaire. Il suggérait ainsi qu’il serait d’abord soutenu par la Russie, et que les Occidentaux pourraient s’y rallier – à condition bien sûr qu’il signifie le départ de la famille régnante aux mains tachées de sang.

Pourquoi cette initiative ? Car la guerre civile ne profite pas à la Chine, vue comme coresponsable avec Moscou. Pire, elle-même le reconnaît, la guerre s’internationalise, avec l’intervention des Palestiniens (poussés par l’Iran) côté el-Assad, et côté insurgés, d’« enfants perdus » de tous pays comme la France (!) ou la Chine (Ouighours). Pour Pékin, il est grand temps d’arrêter les frais ! 


Société : Une Chine en état de siège

En des décennies, la Chine n’avait connu une telle fièvre sécuritaire. Chaque jour, des précautions sont prises pour assurer la tenue du XVIIIème Congrès (十八大), libre d’incidents, et déjouer ainsi les plans de tout protestataire. 

Au pays noir (Shaanxi, Shanxi, Mongolie), des limiers courent faire fermer les mines (privées) dangereuses. 30 à 40% de la production locale disparaîtra durant un mois, au bonheur des grandes mines d’Etat. A Pékin, les taxis ont bloqué les fenêtres, pour éviter tracts ou jets de balles de pingpong taguées de slogans ! Les acheteurs de jouets volants télécommandés voient leur identité relevée. Dans les trains, les contrôles se multiplient. Sur la rue, les guinguettes à crêpes ont fermé. Les clubs de gym qui diffusaient des chaînes de TV étrangères, ont dû y renoncer. Dans les commerces, finie la vente de couteaux de cuisine. Et la plupart des séminaires et autres rendez-vous internationaux, tels le marathon de Pékin, ont été (plusieurs fois) reportés sine die. Sur internet, inévitablement, la censure fait rage, même si les 530 millions d’usagers en rient, incontrôlables. 

Afin de quadriller la capitale, des dizaines de milliers de policiers provinciaux sont montés en renfort, secondés par 1,4 millions de « volontaires ». Et pour bien montrer qu’ici et maintenant, on ne plaisante pas, Cao Haibo, patron de café de 27 ans, ayant tenté de fonder un parti d’opposition et ayant critiqué le PCC sur la toile, en a pris pour huit ans fermes par un tribunal de Kunming.


Société : Tibet, Xinjiang – bouffées de nervosité !

Jusqu’à la veille du XVIII. Congrès, le turbulent « grand Ouest » fait reparler de lui. Au Tibet, en sept jours, sept Tibétains se sont immolés par le feu (dont six morts). Depuis mars 2011, début de la vague suicidaire, 60 hommes ou femmes, moines ou laïcs, du Tibet ou des provinces voisines, se sont immolés. L’Etat central chinois et le gouvernement tibétain en exil se rejettent la responsabilité. Le Dalai Lama refuse de condamner ces suicides, qu’il « désapprouve, mais comprend ». G. Locke, ambassadeur des USA, qui revient d’un voyage privé au Tibet, a pu visiter plusieurs des sites de ces drames humains, et vient d’« implorer » la Chine de réévaluer sa politique tibétaine pour en finir avec ces « incidents déplorables ».

La Chine pourtant, ne manque pas d’initiatives pour tenter d’enrayer cette série fatale. Elle offre 7700 $ de prime à qui dénoncera anticipativement un de ces suicides, et le quadruple, si la délation permet de démanteler le réseau de soutien. Une autre action est ce bizarre parc à thèmes à 4,7 milliards de $ près de Lhassa, dans le but de relancer le tourisme, les affaires, le PIB : showroom de la culture du toit du monde et de son appartenance immémoriale à la Chine…

Depuis août pourtant, une nouvelle prête à plus d’optimisme. Le Dalai Lama reçoit des signes encourageants de l’entourage de Xi Jinping. Sur son ex-royaume, la Chine serait prête à changer : « si Pékin veut discuter, nous sommes prêts à une coopération à 100%». Souhaitons-lui le succès !

Venant du Xinjiang, le son n’est pas plus rassurant. Le 30/10, le ministère des Affaires étrangères avertit que depuis mai, des Ouighours se battent en Syrie aux côtés de la résistance à B. el-Assad. Entraînés hors du pays par l’ETIM séparatiste, ils seraient financés par « trafic d’armes et de drogue, enlèvements, cambriolages ». Et ils prendraient leurs ordres d’Al Qaeda…

Il faut ajouter que le Xinjiang, sous administration chinoise depuis 60 ans, n’est toujours pas pacifié. En juin, police et « comités de quartier » fouillaient à Hotan, au sud, en porte-à- porte, en quête d’écoles coraniques clandestines réputées « foyer de rébellion ». Le 06/08, un raid contre une d’elles s’était soldé par un incendie aux explosifs, causant quinze blessés. Manifestement, le Xinjiang se radicalise et sa lutte s’étend hors frontière, là où il trouve des alliés !

Ce qui, au passage, permet à la Chine de légitimer ses trois vetos successifs à l’ONU à des condamnations du dictateur syrien : comme la Russie, elle redoute que n’émerge, après la chute d’el-Assad, un « Qalifa», panislamique comme celui qui tente de s’instaurer au Nord-Mali, en soutien de tous les terrorismes musulmans. Aussi la Chine fait un appel inattendu, le 30/10, à plus de coopération internationale contre ces groupuscules menaçant « la paix et la stabilité chinoise, mais aussi d’autres pays ». Les 27-28/10, le gouvernement accueillait l’émissaire de l’ONU, l’Algérien L. Brahimi, pour discuter d’une relance des discussions permettant un départ d’el-Assad dans le calme.

Finalement, les immolations tibétaines et les mercenaires du Xinjiang sont des réactions récentes à une politique chinoise ancienne, durcie depuis 10 ans sous Hu Jintao. Toujours mal vécue par les ethnies minoritaires, la stratégie centralisatrice « jacobine » de l’Etat, voit se durcir la résistance, avec des moyens nouveaux et radicaux, forçant la Chine à aller de l’avant.


Diplomatie : Double initiative chinoise envers l’UE

Double initiative chinoise, contradictoire, (02/11) envers l’Union Européenne

❶ Une action anti-dumping et anti-subsides est dirigée contre la polysilicone européen (dont la Chine fait des panneaux solaires), pour punir l’action préparée par Bruxelles contre les cellules photovoltaïques chinoises en Europe, qui est son principal marché.

❷ En même temps, Pékin et la Commission annoncent pour 2013 la signature d’un traité de protection des investissements. La Chine s’y intéresse à présent, pour sécuriser ses futurs actifs en Europe, tels les 10% de Heathrow repris par le China Investment Corporation (CIC) le 30/10. 

Mais avant de donner le mandat, les 27 exigeront l’accès au marché chinois des services, et les deux parties souhaitent aussi conclure leur prochain traité de coopération intégrale. 


Petit Peuple : Ningbo : un mangata dans l’usine de lumière

Wang Gaojie, 26 ans, travaille comme magasinier dans une usine d’ampoules électriques à Ningbo (Zhejiang). Natif de Shangqiu (Henan, à 800km), il est un de ces 100 millions de míngōng (民 工) migrés de Chine jaune (celle du loess paysan, de l’intérieur) vers la bleue (celle des lumières de la côte). Un de ces damnés de la Terre voué aux tâches humbles dont les citadins ne veulent plus, mais dont l’usine a besoin pour tourner, transporter des caisses de lampes, de palettes de pièces, nettoyer les machines, puis jusque tard le soir, balayer les ateliers.

Wang n’oubliera jamais le départ de Shangqiu en 2005, le jour de ses 18 ans (âge légal du travail) : avec une bande d’autres migrants de la ville, ils partaient se vendre pour renvoyer aux parents des mandats chaque mois. Depuis, ils ne se sont pas quittés et ont toujours fait corps, se protégeant les uns les autres des coups durs, licenciements ou maladie sans assurance sociale. Plutôt que par le train, ils partaient en bus pour économiser. Gaojie avait sa valise de faux cuir et le sac de provisions de sa mère. Quelques semaines plus tôt, avec mélancolie, il avait abandonné le lycée technique, non diplômé : il lui fallait bosser tout de suite, pour nourrir ses deux sœurs…

A l’usine, rien ne distingue Gaojie de ses camarades, quand il mange avec eux la gamelle du soir, ou fume une cigarette durant la pause. Sauf que le soir dans leur chambrée, au lieu de perdre son temps à s’extasier sur les revues de pin-up, lui travaille sur son PC (acheté 600 yuans d’occasion en 2010). Sauf qu’il affiche aussi des images dans son placard : non pas les filles en maillots de bain comme les copains, mais des mangas – ceux qu’il dessine lui-même, aux personnages autobiographiques, sa série à lui, « les affaires du petit mingong ».

Depuis quand dessine-t-il ? « Depuis que je sais tenir un stylo », sourit-il modestement. Mais sérieusement, et avec talent reconnu. Au collège chaque mois, il rapportait à ses parents 100 à 200¥ de piges publiées au journal local. A présent, il s’attèle à ce continent encore inconnu du monde littéraire, sa vie d’immigré, et celle de tous ces déracinés. Son dessin est très simple, d’un petit bonhomme à grosse tête et cheveux plaqués sur le crâne. Gaojie travaille dans tous les styles – croquis, portrait, aquarelle. S’il a choisi de se faire mangata (dessinateur de mangas) , c’est qu’il a été séduit, ainsi dit-il, par l’expression directe et puissante du genre, permettant de fixer le décor froid et impitoyable, comme les émotions simples du mingong.

Ce qu’il décrit, surtout, est l’aliénation du travail à la pièce, la vie morne et épuisante et la joie qu’il peut ressentir à raconter ses copains et leur vie, dont il se découvre à la fois en dedans et en dehors, acteur et auteur. Les copains rêvent d’un poste plus trépidant et mieux payé, d’une autre place, d’une fille à épouser (rêve inaccessible à la plupart, faute de moyens).

Lui, se contente de ce poste moins stressant et moins payé, mais qui lui économise une partie de sa force pour son art. En 7 ans, il n’a changé que 5 fois de place, ce qui est peu, face aux amis qui changent quatre fois l’an de job – leur seul moyen de lutter contre la dépression…

En Chine comme ailleurs, l’édition est un monde dur d’accès. Mais Gaojie a bon espoir de voir bientôt tomber la muraille. Il a posté sur internet ses mangas, et jour après jour, il voit gonfler et dévaler la boule de neige de ses fans. Les journalistes viennent le voir, tel celui de la revue économique chinataiwan.org, qui vient de lui consacrer un reportage.

Et puis enfin, même dans ces conditions précaires, notre jeune artiste-ouvrier est serein et sûr de lui : il a trouvé le sens de son existence, par sa manière propre et naïve de « convertir la souffrance en joie » (苦中作乐, kǔ zhōng zuò lè) !


Rendez-vous : Rendez-vous de la semaine du 5 au 11 novembre 2012
Rendez-vous de la semaine du 5 au 11 novembre 2012

5-6 nov. Ventiane (Laos) : 9ème Sommet de l’ ASEM, des chefs d’Etat et de gouvernement d’Asie et d’Europe

6-10 novembre, Shanghai : Salon de la machine outil 

6-10 nov. Shanghai : Energy Show Asia

6-10 nov. Shanghai : CIIF, Foire industrielle de Shanghai

6-10 nov. Shanghai : IAS, Salon de l’automatisation des procédés

7-9 nov. Xiamen : API / Interphex : Salons de l’industrie pharmaceutique, fabricants et distributeurs